Le patrimoine comme ciment de l’identité algérienne

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Frédéric Martorello et Farés Khima

Frédéric Martorello est Architecte du Patrimoine (DHEC 2003), Enseignant à l’École de Chaillot depuis 2003, Associé de l’agence d’architecture COVALENCE, Expert associé à la maîtrise d’œuvre de la reconstruction des charpentes de Notre-Dame de Paris. Il exerce une activité d’architecte restaurateur depuis 2003 et a été charpentier monuments historique et cadre technique de l’entreprise Asselin entre 1996 et 2002

Farés Khima est Ingénieur d’État en Architecture (École Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger – 2002), Architecte du Patrimoine (DHEC 2011), Expert Senior auprès de l’Unité d’appui au Patrimoine, Programme d’appui à la protection et à la valorisation du patrimoine culturel algérien, (Algérie / UE) 2018 et Enseignant à l’École de Chaillot depuis 2019. Directeur Général de la société d’ingénierie BK-Tech-Expert, il est expert membre du conseil scientifique pour le Programme de Recherche, Etudes et Travaux sur le tombeau d’Imedghacen (PRETI) 2021


À l’orée du 60e anniversaire de son indépendance, l’Algérie vit au rythme d’une quête continue de repère et de stabilité. Ce géant africain et méditerranéen possède un formidable potentiel culturel et patrimonial. Liant sociétal par excellence, ce gisement inépuisable de richesse, pose la question des mémoires et des identités qu’il représente et de leur reconnaissance dans le « roman national », mémoires qui s’enracinent dans les premières manifestations de la culture Humaine.

On the eve of the 60th anniversary of its independence, Algeria lives a continuous quest for reference and stability. This African and Mediterranean giant has a great cultural and heritage potential. Although under-exploited, this excellent societal binder, could be an inexhaustible source of wealth, if its management and handling put it back at the center of the “national novel”. A novel whose beginnings go back to the first manifestations of Human culture.


l’idée du patrimoine, telle qu’elle est communément admise depuis son émergence en Europe au début du 19e siècle, est considérée comme la condition de la constitution des identités individuelles et collectives des sociétés contemporaines. Le travail du philosophe Paul-Henry Frangne, auquel nous faisons de larges emprunts, nous dit à son propos, qu’il permet de passer d’une identité à une autre identité, dans un mouvement agissant comme une sorte de gage à une appartenance à la modernité. Sans aller trop loin dans le détail de cette pensée très riche, il s’agirait de passer d’une identité pensée comme une proximité avec soi (le strict repérage de ce qui nous est propre, la tradition, la religion), à une autre pensée augmentée par la distance que les notions de patrimoine et de culture supposent.

La notion de patrimoine met au centre de sa condition le rôle d’institutions capables de le conserver en tant que bien commun d’un état ou d’une nation, de l’étudier, de le transmettre et de le faire connaître. La mesure de cet écart entre ces différents types d’identité, est particulièrement intéressante dans le cas de l’Algérie, territoire riche d’une immense diversité, profondément ancré dans un temps très long et état institutionnellement et identitairement jeune. Pour l’Algérie, la problématique est celle de son aptitude à penser sa communauté nationale, à permettre à la conscience de chaque citoyen algérien de se relier avec celle de l’autre sous la forme d’une identité collective et partagée, inaliénable, garantie et protégée par une institution. C’est un des enjeux politique de la crise actuelle du pays, puisqu’au travers de ces questions, on touche une des formes modernes de la souveraineté des nations, celle de leur identité.

En France, la crise de la Révolution française a constitué le moyen de l’écriture d’une autre histoire. Cependant l’ampleur du vandalisme a fait émerger un risque, celui pour la culture du pays de devenir inintelligible et inidentifiable. Cette prise de conscience a permis l’émergence de l’idée d’un bien, commun à tous, et inaliénable, c’est-à-dire l’idée de patrimoine. C’est également à ce moment qu’est établi le principe de la nécessité de l’inventaire comme préalable à la sélection, c’est-à-dire au choix de ce qui est reconnu comme constituant le bien commun de la nation.

L’Algérie Moderne reconnait la guerre d’indépendance comme la fondation de son histoire. Une conséquence parmi d’autres concerne l’éventuelle disparition du corpus des constructions de l’époque coloniale qui n’est pas comprise, par les institutions, comme un risque d’aliénation de ce qui pourrait constituer l’identité de la culture algérienne dont le roman national ne couvre que l’extrême fin de cette période

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