L’Ukraine face à la guerre et la géopolitique des populations

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Gérard-François Dumont

Ancien recteur, Professeur à Sorbonne Université, Président de la revue Population & Avenir


Résumé : Comprendre la situation de guerre en Ukraine depuis 2014 suppose d’abord de préciser sept paramètres géopolitiques essentiels des populations de ce pays. Les facteurs explicatifs du passage d’un conflit sécessionniste à l’élargissement de la guerre à la suite de l’invasion de la Russie sont ensuite étudiés. Les composantes démographiques, élément essentiel du conflit et de son évolution, concourent à éclairer des analyses prospectives.

Mots clefs : Ukraine ; Russie ; Crimée ; guerre ; géopolitique ; population ; géopolitique des populations ; indépendance ; Seconde Guerre mondiale ; diasporas ; frontières ; religion ; langue.

Abstract: Understanding the war situation in Ukraine since 2014 involves first clarifying seven key geopolitical parameters of the people of Ukraine. The explanatory factors of the transition from a secessionist conflict to the expansion of the war following the invasion of Russia are then studied. The demographic components, an essential element of the conflict and its evolution, help to clarify prospective analyses.

Keywords: Ukraine; Russia; Crimea; war; geopolitics; population; geopolitics of populations; independence; World War II; diasporas; borders; religion; language.


Dans le cadre du processus d’implosion de l’Union soviétique acté en 1991, la séparation étatique entre la Russie et l’Ukraine équivalait à un divorce par consentement mutuel compte tenu de différents accords alors passés entre la Russie et l’Ukraine. Ensuite, tout particulièrement à compter de la révolution orange de 2004 puis du sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, sommet au cours duquel les demandes d’adhésions de l’Ukraine et de la Géorgie sont considérées comme essentielles bien que reportées à la demande de la France et de l’Allemagne, il a pris nettement un caractère très conflictuel.

Cela a débouché sur un conflit militaire dans l’est de l’Ukraine en 2014, puis sur l’agression militaire russe du 24 février 2022, donc une situation de guerre ouverte entre deux pays qu’il appartient d’analyser en termes géopolitiques. Ce n’est pas aisé car, depuis cette date, dans les pays européens et singulièrement en France, domine ce que nous pouvons appeler une « étrange géopolitique » pour utiliser l’adjectif du livre de Marc Bloch expliquant les raisons de la défaite française de 1940. Nombre de personnes présentées dans les médias comme des experts en géopolitique, au lieu d’analyser finement les causes du conflit, les rapports de force et les évolutions possibles, multiplient des jugements de valeur selon une approche morale et une rhétorique unilatérale qui risque de participer à l’aggravation des tensions et de concourir à des risques d’élargissement du conflit.

Lorsque Clausewitz parlait de la « montée aux extrêmes », il l’associait à la « guerre absolue », à un emploi illimité de la force, donc à la guerre dans sa théorie. Mais il considérait que la « guerre réelle » ne peut pas monter aux extrêmes, qu’elle est nécessairement limitée. Dans la première année qui a suivi l’agression russe de février 2022, il n’y a pas eu de montée aux extrêmes au plan de la guerre, puisque de nombreuses armes n’ont pas été utilisées, d’un côté comme de l’autre. En revanche, il y a eu de nombreuses montées aux extrêmes dans les discours des protagonistes, ce qui n’est guère étonnant pour des responsables politiques voulant motiver leurs troupes, leurs peuples et leurs soutiens. Le plus surprenant a été la « montée aux extrêmes » de nombre de commentateurs, certains allant jusqu’à considérer qu’il fallait faire disparaître la Russie, donc rayer de la carte le pays le plus vaste du monde et sa population.

Pourtant, la géopolitique n’est pas une discipline dont l’objet est de donner des bons ou des mauvais points, de désigner des bons – totalement bons – et des méchants – totalement méchants, alors que la réalité est toujours complexe. Ce n’est pas parce que Hitler était un dictateur sanguinaire et assoiffé de victoires que tous les militaires allemands étaient des méchants. N’est-ce pas le général Von Choltitz, dernier gouverneur militaire du Paris occupé, qui, en août 1944, épargna Paris en désobéissant à l’ordre de Hitler d’en faire un « morceau de ruines » ?

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