Mutations géopolitiques et socio-économiques au Liban Une instabilité chronique ?

Emmanuel DUPUY

Juillet 2006

Le Levant est un carrefour où tout passe: religions, armées, empires, marchandises, sans que rien ne bouge. Voilà dix ans que nous y sommes. Mon impression est que nous n’y pénétrons guère et que les gens nous sont aussi étrangers et réciproquement qu’ils ne le furent jamais. Il est vrai que pour agir nous avons adopté le pire système dans ce pays, à savoir d’inviter les gens à se lever d’eux-mêmes quitte à les encourager, alors qu’on a jamais rien réalisé ici, ni les canaux du Nil, ni l’aqueduc de Palmyre, ni une route romaine, ni une oliveraie, sans la contrainte. Pour moi, notre destin sera d’en arriver là ou bien de partir d’ici. Les sceptiques ajouteraient une troisième solution, à savoir que durent les tâtonnements d’aujourd’hui, puisque ici le temps ne compte pas et que les systèmes comme les ponts et les maisons trouvent facilement moyen de rester debout en porte à faux.  »

Charles de Gaulle. 1930

Le Liban, petit pays de 4 millions d’âmes, longtemps occupé (par la Syrie dès 1976, par Israël en 1982), coincé entre des voisins aux appétits politiques et militaires voraces, connaît-il – ces derniers mois – les réminiscences hélas ! meurtrières de la guerre civile qui l’avait ensanglanté à partir d’avril 1975 jusqu’en 1991 et vidé de 5% de sa population, avec ce terrible bilan de 200 000 morts ?

Les combats entre Israël et le Hezbollah, qui ont ensanglanté le Liban durant les premiers jours du mois de juillet, provoquant des destructions massives d’infrastructures, pourtant vitales à la reconstruction effective du pays, et occasionnant de nombreuses victimes collatérales parmi la popula­tion libanaise, marquent un tournant d’une importance considérable pour la stabilité pérenne de la région. La première conséquence est d’enterrer définitivement le processus de paix israélo-palestinien, en même temps que s’éloigne la normalisation diplomatique attendue entre le Liban et Israël.

Par ailleurs, la communauté internationale, spectatrice désarmée des bombardements sur les principales villes libanaises, aura également per­due une occasion rêvée d’exprimer son autonomie et sa pleine « souve­raineté » de pensée en matière de régulation du système internationale.

Il aura fallu un échec du G8, marqué par autant de dissensions natio­nales flagrantes, la fermeté fidèle des Etats-Unis – brandissant la menace d’un veto devant le Conseil de sécurité de l’Onu et agissant pour qu’Israël mène son action de démantèlement du Hezbollah, voire du Hamas, jus­qu’au bout (en jouant assez cyniquement sur la résolution 1559) pour que l’on prenne conscience in finede l’absence suicidaire de solution et d’ex­pression concertée de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Cet acte manqué risque ainsi de coûter très cher, au moment où la Francophonie reprenait sens au Liban et dans le cadre d’un réinvestissement français dopé par le choc de l’assassinat de Rafic Hariri.

La disproportion de l’attaque massive, tant terrestre qu’aérienne, menée par Tsahal, en représailles de l’enlèvement de deux soldats tombés entre les mains du « Parti de Dieu » est, par ailleurs, un puissant révélateur de l’Etat de dépendance dans lequel se trouve le Liban. Déjà par le passé, en 1982, puis en 1996 et ces derniers jours, le pays et sa population sont pris en tenaille eu égard à la justification des invasions successivement menées par ses puissants voisins – syriens et israéliens -, considérant que leur sécurité intérieure en dépendait…

La « Suisse de la Méditerranée orientale », comme elle aimait se qua­lifier avant la guerre civile va-t-elle ainsi se voir, comme par le passé, utilisée par les puissances régionales comme un pion ou un cheval de Troie, selon où l’on se place.

L’assassinat le 14 février 2005 du Premier ministre en exercice, Rafic Hariri et ceux tout aussi symboliques du journaliste co-fondateur du parti de la Gauche démocratique Samir Kassir, du leader communiste Georges Haoui, et du député chrétien Gebrane Tuéni, rédacteur en chef du quotidien d’op­position An-Nahar, tué en décembre dernier, (sans oublier Bassel Fleyhane et les tentatives d’assassinats contre Marwan Hamadé, Élias Murr et May Chidiac) tous résolument anti-syriens, résonnent en effet comme les derniers relents de la lutte fratricide que se livrent les divers clans au pouvoir. Ces évé­nements tragiques, liés voire provoqués par les puissances limitrophes, au pre­mier lieu desquelles la Syrie, ainsi que l’indique le rapport de l’ONU diligenté par le chef de la commission d’enquête internationale sur l’attentat de Rafic Hariri, le procureur allemand Detlev Melhis1. mettent à mal la renaissance du Liban, qui semblait pourtant acquise depuis la fin de la guerre en 1991.

Par ailleurs, l’influence d’Israël, qui n’entretient toujours pas de rela­tions diplomatiques ni avec Beyrouth ni avec Damas, et qui ne s’est retiré du sud du pays qu’en 2000 est encore non négligeable. Le différend au sujet des fermes de Chebaa et du plateau du Golan, limitrophe du Liban annexé par Israël en 1981 peut ainsi expliquer que le Liban soit pour Israël et la Syrie un moyen de pression tendant à servir de véritable hinterland ou de cordon de protection pour l’un et l’autre2.

Les événements des dix derniers mois ont ré-ouvert des plaies mal fer­mées depuis la guerre civile, qui a ensanglanté le pays entre 1975 et 1991. Si l’on peut désormais évoquer une réelle volonté de sortir de la tutelle syrienne, force est de constater que de nombreux indices d’inféodation à la Syrie sont toujours visibles. Les dernières élections législatives en mai-juin dernier n’ont pas réussi à éliminer de la vie politique libanaise les tenants d’une alliance avec la Syrie. Emile Lahoud, le premier d’entre eux, président de la République, – dont le mandat arrivera cependant à échéance fin 2007 – est toujours aussi décrié.

Ainsi, faut-il considérer que la prolongation du mandat d’Emile Lahoud3 aura été la première étincelle ayant coûté la vie à Rafic Harriri, Samir Kassir et Gébrane Tueni. La crise institutionnelle, politique et sociale qui en découle, ne venant que l’aggraver.

Une atomisation de la représentation nationale

La multiplicité des acteurs en présence, à commencer par les milices druzes, les factions chrétiennes dont les phalanges (parti des Kataeb, prési­dé par Amine Gemayel, fils de l’ancien président Pierre Gemayel), le camp des partisans du général Michel Aoun – revenu en mai dernier de quinze ans d’exil -, les défenseurs de Samir Geagea (FL, Forces libanaises) embas­tillé depuis 1994, la communauté musulmane divisée entre chiites (Hezbollah dirigé par Hassan Nasrallah et mouvement Amal) et sunnites, soutenues par l’Iran et la Syrie, sans oublier les Palestiniens, qui représen­tent encore aujourd’hui près de 10% de la population totale du pays (400000 personnes dont la moitié réside dans les 12 camps palestiniens, sans qu’ils aient tous la nationalité libanaise), compliquent encore davanta­ge le jeu politique, militaire et institutionnel.

Les Chiites, qu’ils appartiennent au Hezbollah ou soient membres du parti Amal de Nabih Berri, demeurent omniprésents au sud-liban et dans la région de la plaine de Baalbeck. C’est cet état de fait nouveau qui a justifié la nouvelle orientation politique du parti de dieu et sa participation au « gouvernement d’unité nationale ». Fort de ses 14 députés (sur les 128 que compte le Parlement), le Hezbollah a ainsi rejoint pour la première fois le gouvernement le 19 juillet 2005, puis après quelques mois de boycott, y est retourné en février dernier4.

Ce dernier a confirmé sa puissance dans les régions en question – d’où les difficultés qu’on soupçonne pour le désarmement futur de ces milices chiites, pourtant évoqué à travers la résolution 1559 de l’ONU. La récente déclaration du Premier ministre qualifiant le Hezbollah de « résistant » est, de ce point de vue, ambivalente. Certains y voient, en effet, la reconnais­sance implicite de l’organisation terroriste ; d’autres la considèrent au contraire comme un élément positif permettant d’éviter « l’internationalisa­tion » du phénomène, en circonvenant le Hezbollah au seul territoire natio­nal. L’autre enjeu réside, bien évidement, dans l’intégration du Hezbollah dans l’armée régulière, comme ne cesse de le répéter l’envoyé spécial des Nations unies, le diplomate norvégien Roed-Larsen, soucieux de remettre son rapport mi avril.

A cet égard, le « Dialogue national » réunissant depuis début 2006, pour la première fois, depuis Taëf, l’ensemble des acteurs politiques libanais a déjà abouti à la promesse de désarmement des groupes palestiniens non libanais.

En septembre 2004, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution exigeant, entre autres, le désarmement de l’ensemble des forces non gouvernementales au Liban5. Le Hezbollah fut ainsi très clairement désigné par les diplomates comme étant concerné, au premier chef, par cette résolution. Une partie des forces de l’opposition libanaise anti-syrien­ne favorables à l’exécution pleine et entière de cette résolution propose un plan de désarmement, que le Hezbollah refuse toujours, soutenu tant par Téhéran que bien évidemment par Damas.

En outre, le « tsunami » Michel Aoun, (selon le mot du chef druze Walid Joumblatt, lui-même désormais dans le collimateur des Syriens, si on en croit ses craintes et la diffusion d’une liste noire où figureraient les prin­cipales cibles d’attentats, parmi lesquels des journalistes, des parlemen­taires, des animateurs de télévision ainsi que plusieurs ministres.) ayant fait un retour triomphal au Liban après 15 ans d’exil a réussi à s’imposer, à tra­vers son Mouvement Patriotique Libre (MPL) dans les régions chrétiennes au détriment des forces chrétiennes traditionnelles et en s’alliant, contre toute attente, avec des symboles de la vieille tutelle syrienne (Michel Murr, Sleiman Frangié et l’ancien Premier ministre Omar Karamé…).

Sur un plan intérieur, comme au niveau international, les cartes sont donc brouillées. La base de son idéologie politique repose ainsi sur une rup­ture nette avec le système communautaire et confessionnel de Taëf, vecteur de l’ingérence étrangère, qu’elle se soit inscrite dans la confrontation est-ouest ou désormais entre islamisme radical et sociétés arabes tendant à la laïcisation de leurs institutions…

Pire, la situation née de l’assassinat de Rafic Hariri accompagné par le départ « officiel » précipité des soldats syriens, consécutivement à une mobilisation exemplaire de la communauté internationale, caractérisée par la résolution 1559 de l’ONU (qui réclame à la fois la vérité sur la mort de Rafic Hariri, le désengagement syrien ainsi que des garanties sur le retour des disparus libanais en Syrie et le désarmement du Hezbollah), est-elle de nature à remettre en cause la fragile concorde entre Libanais et la paix entre les deux voisins, si imbriqués l’un dans l’autre ?

Ainsi, est-il légitime d’aller chercher, à la source, les raisons des maux qui grèvent l’avenir du Liban qui – legs franco-britannique au sortir de la première guerre mondiale, puisque c’est sur la base du protectorat français en 1920 sur la Syrie et le Liban que sera conditionné le « Pacte national » (à l’exception notables des druzes) en 1943 puis l’indépendance effective du pays le 5 avril 1946 -, a tous les atouts pour rester le carrefour entre l’Orient « compliqué » comme aimait à le répéter le Général De Gaulle et l’Occident.

Un système institutionnel et politique anachronique

Le confessionnalisme institutionnel imposé par les Accords de Taëf d’octobre 1989 qui octroie à chacune des 18 communautés une partie des rouages du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire a-t-il ainsi encore sa rai­son d’être au moment où les élections législatives du 29 mai et du 19 juin démontrent la volonté de changement du peuple libanais, sachant que le confessionnalisme demeure le vecteur unanimement reconnu de l’ingéren­ce étrangère6 ?

De ce point de vue, nombreux sont les observateurs à rappeler com­bien une révision de la Constitution et de la loi électorale, en vigueur depuis les dernières élections en 2000, doit être la prochaine étape politique.

Le « Printemps des Cèdres », comme on a pu l’entendre, répondait en effet à cette double inspiration. Cette formidable contagion démocratique, à l’instar des rassemblements spontanés de milliers de jeunes Libanais dans les premiers jours de mars, aura ainsi indéniablement marqué une volonté de rup­ture vis-à-vis de la mainmise des grandes familles libanaises sur la vie politique.

Force est de constater également que le « tsunami politique »que devait représenter le retour tonitruant du général Michel Aoun sur la scène politique aura fait long feu. La volonté de laïciser la vie politique libanaise n’a pu faire face à l’ancrage au féodalisme politique et la métamorphose réussie du Hezbollah d’Hassan Nasrallah en parti politique, qui ressort grand vainqueur des élections législatives dans le sud du pays à majorité chiite, légitimée par une participation gouvernementale, devenue caduque le temps de dénoncer l’extension du champs de la mission d’enquête suite aux crimes à répétition à Beyrouth.

Ces élections ont valeur de test quant à l’élan réformiste et anti-syrien, né du retrait d’avril dernier. Ainsi, le fils de l’ancien Premier ministre, Saad Hariri a remporté – dans la capitale à majorité sunnite – une partie des 128 sièges de l’Assemblée à travers son « Courant pour le futur ». En même temps, Michel Aoun est assuré, d’une large victoire dans la région du Mont Liban et la plaine de la Bekaa, limitrophe de la Syrie, faisant de lui le leader de la communauté chrétienne, sans que cela soit suffisant pour incarner l’alternance.

Le gouvernement, déjà contesté pour les liens entretenus avec Damas par les deux derniers premier ministres Nagib Miqati et son successeur Fouad Siniora, ainsi que par le président Emile Lahoud, dont beaucoup souhaitent la démission avant la fin de son mandat, eu égard à son amitié ostentatoire avec le gouvernement syrien, se retrouve ainsi dans une situation inextricable, coin­cé entre l’obligation de réussir face à la pression de l’opinion publique libanai­se et internationale et la peur du retour de la violence dans Beyrouth.

Le rôle de la France, de la francophonie, horizon quotidien de bon nombre de Libanais et de l’Europe, témoigne ainsi de la volonté d’éviter de revenir à un passé pas si lointain, où la ville exprimait toute la complexité des relations internationales – rivalités entre puissances régionales militaires (Israël et Syrie, en guerre depuis 1967), soutien ostensible de l’Iran au Hezbollah, sta­tut des réfugiés palestiniens qui avaient fait de Beyrouth le siège de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), implication internationale tragique, marquée par les attentats de 1983 contre les bases américaines et françaises, sans oublier le lourd tribut payé par les contingents étrangers au sein de la FINUL (Force Intérimaire des Nations Unies au Liban créée en 1978), sur la « ligne bleu », dans le Sud du pays.7

Le Gouvernement ne pourra ainsi s’émanciper si facilement de la tutel­le syrienne, qui s’exprime encore à travers des liens inextricables via le systè­me financier et bancaire syrien, sans même évoquer la présence des services de renseignement syrien, dont le départ est invérifiable, comme le soulignent les observateurs des Nations Unies, ne serait-ce que parce que le chiffre de soldats présents au Liban a varié au fil des années (certains avancent le chiffre de 40 000 soldats et membres des forces de sécurité au plus fort de la pré­sence syrienne).

Le Liban, laboratoire du « Grand Moyen-Orient »

Les Américains, qui souhaitent voir le Liban jouer un rôle pivot dans leur projet de « Grand Moyen-Orient », ont bien compris l’enjeu de stabili­sation du Liban. Ils semblent ainsi particulièrement soucieux d’y garantir la paix, au point d’évoquer l’envoi d’une nouvelle force multinationale sous mandat de l’ONU.

Cependant, quel prix faudrait-il mettre pour obtenir l’indépendance effective du Liban ?

En outre, le « plan Marshall », accompagnant le projet de paix global, lié à la « Feuille de route » entre les mains de Sharon et impliquant la recon­naissance mutuelle d’Israël et de la Syrie, souhaité par quelques « think tanks » outre-atlantique, n’a guère de chance de s’ancrer durablement dans le contexte stratégique régional, notamment compte tenu de l’instabilité chronique des régimes de la région. En effet, le sort du Liban ne lui appar­tient presque déjà plus, comme par le passé.

Tout dépendra de la réussite ou du degré de réussite de la normalisa­tion en Irak voulue par les Américains à tout prix. Car ces derniers ne seront prêts à s’investir ponctuellement et sérieusement dans la région qu’au prix d’une stabilisation à leur manière sur la totalité de la région. Si l’on consi­dère, par ailleurs, que Damas continue à jouer un rôle de soutien à certains mouvements terroristes, comme le laissent soupçonner les conclusions par­tielles de l’attentat de Madrid, l’on comprend mieux la tactique de « prise en tenaille » du régime de Damas et le nouvel agenda de Washington et de la Communauté internationale dans la région.

C’est en cela que Damas peut apparaître aussi vital à circonvenir que Téhéran, du moins la pression diplomatique ira sans doute grandissante dans ce sens, liant davantage les deux régimes, qui sur le papier auraient tout pour s’opposer entre un régime alaouite baasiste et laïc et une « Mollahcratie » composée de fondamentalistes chiites. Sauf que déjà depuis la première guerre d’Irak, la Syrie a toujours joué la carte de Téhéran plutôt que celle de Bagdad.

Rappelons à cet effet que l’accusation des services de renseignement américains visant à désigner le frère du président Assad, Maher Al Assad, chef des services secrets syriens, comme le principal soutien aux terroristes en Irak n’est pas anecdotique. Ainsi s’interroge-t-on à Washington pour savoir si Damas et Téhéran peuvent en effet être « qualifiés d’architectes essentiels de la domination de la Syrie au Liban (…) et de la politique suivie par la Syrie pour fomenter le terrorisme contre Israël ».

Or, cette nouvelle légitimité institutionnelle – quasiment impossible à obtenir par la manière « forte » instillée par Washington – semble éloigner tout espoir de changement démocratique tant les systèmes politiques actuels tant au Liban, en Syrie, en Arabie Saoudite, en Egypte, voire en Jordanie, s’accrochent à leur pouvoir le plus souvent en contradiction avec la rue.

On évoque même, dans certains milieux autorisés, un plan américain visant à délégitimer davantage la Syrie, encore sur la liste des pays terroristes (Roguesstates), pour renverser le régime syrien, qui passe, comme pour le cas irakien, par la création de structures politiques ex-nihilo.

Sur un plan international, le risque principal serait que la tutelle amé­ricaine succède à celle des Syriens, comme semble l’orienter le projet du Grand Moyen Orient (GMO). Le pays des Cédres serait ainsi en passe de devenir un laboratoire sur l’échiquier du Grand Moyen-Orient. Quelle atti­tude adopteront-ils à l’égard de la Syrie qu’ils accusent toujours d’aider la guérilla en Irak ? Jusqu’où sont-ils prêts à aller dans leur réclamation de l’ap­plication de la résolution 1559 ? Ce sont là des questions essentielles sur lesquelles se joue l’avenir du Liban.

Le GMO place indiscutablement le Liban comme pivot dans la région.

2006 n’est certes pas 1976, mais de nombreuses similitudes existent pouvant accréditer la thèse d’une logique de segmentation des plus périlleuses de la société libanaise. Les attentats se poursuivront-ils en toute impunité, comme le craignent Walid Joumblatt, réfugié dans son fief de Moukhtara dans la montagne druze, et le fils du président Hariri, qui peuvent apparaître, en effet, dans le collimateur direct de Damas ? Ces derniers récla­ment ainsi la création d’un Tribunal International sur les attentats politiques.

Bref, tout est réuni pour que le Liban doive encore dépendre du bon vouloir de la communauté internationale comme de Damas. C’est en cela, que les pressions venues de l’extérieur ont mis en avant la complexité et en même temps la faiblesse du régime de Damas8.

L’avenir du Liban se joue t-il encore à Damas ou ailleurs ?

La reprise ponctuelle des attentats, les accusations relayées par les obser­vateurs de l’ONU quant au maintien de soldats et d’hommes des renseigne­ments syriens au Liban du général Rostom Ghazalé, la rénovation de façade du parti Baas à Damas à l’occasion de son dixième Congrès et les signes timorés de changement évoqué par le président Bachar el-Assad font, hélas ! craindre le pire

La Syrie connaît une zone de turbulence largement conditionnée par une pression internationale qui se fait de plus en plus convergente pour fustiger le rôle que Damas entend jouer tant à Beyrouth que vis-à-vis de l’Irak. Il est vrai que cela n’a pas toujours été le cas.

Voit-on ainsi surgir depuis quelques temps, la Syrian Democratic Coalition (SDC), créée à Washington en novembre 2003, sur le modèle du CNI irakien d’Ahmed Chalabi qui, accompagnée par l’action de Nizzar Nayyouf, opposant historique au régime des Assad, père et fils, pourrait changer la donne plus vite que l’on ne le pense, comme en témoigne le recours aux élec­tions anticipées. Certes, tout dépendra largement de la volonté européenne d’agir comme levier face au jusqu’au-boutisme des Faucons du Pentagone. Les intentions de ces derniers sont quasi messianiques. Ils s’inscrivent dans la volon­té de faire chuter le régime baasiste, au pouvoir depuis 1963, et perçu comme le vestige gênant du panarabisme, eu égard au dessein de redécoupage du « Grand Moyen-Orient », décidemment en décalage avec la juste perception du vœu des peuples pour un changement démocratique pérenne.

De même que les récentes accusations de l’ancien vice-président syrien, désormais réfugié à Paris, Abdel Halim Khaddam, contre le régime du prési­dent Bachar el-Assad sont un coup dur, d’autant qu’elles interviennent quelques mois après le « suicide » du ministre syrien de l’Intérieur Ghazi Kanaan. Depuis lors, la tenue de réunions de l’opposition (notamment la der­nière à Bruxelles, début mars 2006), qui cherche à présenter désormais un front uni, au moins pour réclamer la démission de Lahoud est un élément déstabilisant de plus pour le fils Assad.

  1. Khaddam avait affirmé que le président syrien ne pouvait ignorer le projet d’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, car « aucun ser­vice de sécurité syrien ne peut prendre une telle décision unilatéralement ». L’influence que Damas maintient à l’égard du principal accusé pour la ges­tion opérationnelle de l’attentat, en l’occurrence la secte Ahbach dirigée par Abd Allah al-Habachi accrédite largement cette thèse.

La visite de Nabih Berri, président en exercice de l’Assemblée nationa­le du Liban, à Damas à l’occasion de la première visite à l’étranger du chef d’Etat iranien Ahmadinejad, a aussi de quoi laisser dubitatif quant au degré d’indépendance réelle des principaux rouages de l’Etat.

Cette visite s’inscrit, en effet, dans la cadre d’un renforcement mani­feste des relations bilatérales entre les deux pays – qui remontent à la guer­re Iran-Irak -, face aux « menaces qui nous rapprochent », comme l’ont souligné à cette occasion, les présidents syrien et iranien. D’ailleurs, les échanges entre la Syrie et l’Iran atteignent environ 100 millions de dollars par an et ceux des investissements iraniens en Syrie sont en constante aug­mentation et atteignent quelque 750 millions de dollars.

Il faut aussi peut-être y voir la tentation iranienne de profiter du rela­tif affaiblissement de Damas sur la scène internationale pour se reposition­ner en vue de briguer le « leadership » au sein de la communauté arabo-musulmane.

La confirmation par M. Khaddam des menaces proférées par le prési­dent Assad contre Rafic Hariri quelques semaines avant son assassinat, pourraient venir conforter les soupçons contre Damas. Bachar el-Assad aurait ainsi menacé « d’anéantir tous ceux qui enfreindraient sa décision » de reconduire le président Emile Lahoud à la tête du Liban, contre l’avis de Hariri et de la plupart des responsables libanais, avait affirmé M. Khaddam.

Déjà, en octobre 2005, le régime syrien avait été durement ébranlé par le suicide du ministre de l’Intérieur, Ghazi Kanaan, prédécesseur de Rustom Ghazalé. MM. Kanaan et Khaddam s’étaient opposés à la recon­duction du président Lahoud, qui avait été soutenue par le ministre des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, accusé par certains d’être un des principaux rouages syriens au Liban.

Ainsi, le destin des Libanais se joue, encore une fois, en dehors de leur capacité d’action propre. L’enjeu réside désormais, comme le rappelle avec justesse l’ancien ministre libanais de la culture, Ghassan Salamé9, dans la capacité à transformer le mai 68 libanais, « intifada de l’indépendance » avortée, en « printemps arabe » en faveur de la construction d’un Liban déconfessionnalisé nouveau qui ouvre les portes de l’Orient à l’Occident. Ainsi ce dernier appelle-t-il de ces vœux la construction d’un Liban nouveau, déconfessionnalisé à défaut d’être complètement laïque.

Vers une crise économique et sociale inéluctable ?10

Au-delà de cette crise institutionnelle qui évoluera au fur et à mesure de l’intérêt de la communauté internationale à régler la situation, il est un événe­ment qui semble devoir fragiliser davantage la société libanaise dans ces fon­dements identitaires. La future crise sera ainsi en partie économique et sociale.

En effet, peut-être sommes-nous aussi entrés dans un contexte social, qui ressemble à s’y méprendre à celui qui avait préfiguré la guerre civile dans les années 70, à savoir la lente désagrégation des services publics, situation particulièrement criante dans les camps palestiniens, héritage du départ forcé des Palestiniens de Jordanie et s’inscrivant dans le cadre des Accord du Caïre de 1969 qui leur accordaient une pleine souveraineté dans les camps du Liban. Ainsi, ces camps sont en quelque sorte le laboratoire dont pourrait sortir l’avenir du Liban, pris en « tenaille » entre tutelle syrienne, islamisme politique et absence de débouchés économiques11.

Sorte d’Etat dans l’Etat, où le concept de nationalité est vain (puisque beaucoup de ses habitants ne sont pas libanais et se considèrent en exil) et le désoeuvrement une réalité quotidienne pour une grande partie de ses habitants. Ces camps, au nombre d’une douzaine, sont ainsi le théâtre du retour de la privatisation de la violence, avec tout ce que cela implique en terme de mélange entre sphère publique et intérêts privés. Cette privatisa­tion de la gestion des affaires publiques risque d’accompagner une certai­ne « sanctuarisation » des milices, comme certains le craignent, imitant un processus qui débuta à la fin des années 197012.

Par ailleurs, le milieu universitaire n’est pas resté sans rien faire politi­quement parlant depuis le printemps libanais. Les universités sont ainsi redevenues très vite politisées et par voie de conséquence poreuses à toute revendication identitaire et sensible à la volonté ostentatoire de l’identifica­tion sur la base de sa communauté, qu’elle soit religieuse ou d’essence identitaire.

Ainsi, le risque d’un démantèlement comme pendant la guerre civile n’est pas à exclure. Phénomène qui verrait l’effacement symbolique de la mémoire de la coexistence entre les 18 communautés qui composent le pays (dont 40% de chrétiens, majoritairement maronites – 600 000 en tenant compte également de près de 500 000 grecs catholiques et ortho­doxes- et 60 % de musulmans – composé pour quasiment part égale entre 800 000 chiites, 720 000 sunnites et 350 000 druzes).

Sur le plan social, le changement hérité de la guerre est la disparition de la classe moyenne et d’une certaine culture académique au profit – de plus en plus – des nouveaux riches, moins enclins à l’enseignement de type francophone traditionnel (comme en témoigne la concurrence entre univer­sité de Saint-Joseph et écoles de commerces anglophones) et enrichis grâce à la reconstruction et l’ouverture « relative mais certaine » du marché immobilier et de l’image internationale que Beyrouth reconstruite se don­nait d’elle, notamment en direction des investissements étrangers, en par­ticulier ceux venus du Golfe persique.

Aussi voit-on les chrétiens, après avoir défendu un discours nationalis­te avec les chiites, s’être rapprochés des druzes lors du printemps de Beyrouth, ce qui peut sembler quelque peu incongru, eu égard aux aigreurs héritées de la guerre et du combat fratricide au sujet de la région des mon­tagnes du Chouf, au Sud-Est de Beyrouth en 1983 (relent de celles ayant déjà opposé les maronites aux druzes en 1842-1843 et en 1860).

C’est dans ce contexte évolutif que les mots prophétiques de Gébrane Tuéni, assassiné le 12 décembre dernier, résonnent ainsi en écho à cette absurde réalité de la vie politique libanaise « entre l’ombre et la lumière, il y a les mots». La politique a ainsi une logique interne parfois incohérente…

Le sentiment d’appartenance nationale, quelque peu exacerbé par les années de guerre civile, semble pour l’instant l’emporter sur la tendance au repli communautaire. Le relatif consensus pour appeler à la modération dans l’affaire des caricatures de Mahomet et les appels au calme intra-com­munautaires pour juguler les tentatives « extérieures » de manipulation de la rue devant le consulat danois à Beyrouth en témoignent.

Les germes de la guerre existaient bien avant son déclenchement; ainsi peut-être sommes-nous dans cette période de calme avant la tempête. La mobilisation politique en cours dans chaque clan pourrait dès lors agir comme le révélateur, à la manière d’un Max Weber qui voyait dans l’émo-tivité des communautés le ressort nécessaire pour inventer sa propre tradi­tion. Ainsi les communautés ont-elles tout intérêt – pour bâtir ses mythes fondateurs -, à en créer les conditions émotionnelles pour légitimer cette position de « politisation de l’identité collective »13.

C’est d’ailleurs exactement ce que cherche à faire le fils de l’ancien ministre assassiné quand il vient se réfugier en France ou encore Walid Joumblatt qui se retranche dans sa forteresse du Chouf. C’est deux événe­ments ayant été le début pour l’un comme l’autre de leur campagne de pression pour faire chuter le président Lahoud. Dans ce cadre, le fait que Walid Joumblatt en ait profité pour aller chercher conseil à Washington lors des deux dernières rencontres semble brouiller les cartes, puisque ce dernier s’est fait le pourfendeur de l’indépendance nationale…

L’évolution sociale du pays dépend également très largement de la pres­sion économique qui viendra très vraisemblablement asseoir ou pas le nou­veau pouvoir, qui légitimé par les urnes en 2007 ou avant, compte tenu de la capacité à mobiliser de l’opposition, devrait voir encore plus que maintenant le capital financier et banquier syrien quitter progressivement le territoire national, au profit des pays du Golfe persique et de la péninsule arabique.

Le Liban est encore une fois perçu comme acteur autant que specta­teur de son propre destin. Le réinvestissement de la Russie au Moyen-Orient, l’accord association euro-méditerranéen conclu avec le Liban dès juin 2002 et entré en application en février 2003, tout comme la pression constante des Américains sur la zone, caractérisée par le projet du Grand Moyen Orient, ou encore l’arme politico-militaire que constitue l’éventuel élargissement au Liban du dialogue méditerranéen – extension du Partenariat pour la Paix – PpP (lancé en 1995 entre l’Algérie, Israël, l’Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie), tendaient à confirmer une convergence d’intérêts pour le Liban14.

On voit ce qu’il en advint, même si après les combats, il faudra bien songer à reconstruire le pays et apaiser peu ou prou les rancoeurs tenaces tant en interne qu’au niveau des relations de voisinage.

Les ambitions du Liban de l’ère post-Hariri n’auront donc été suffi­santes pour éviter le retour des vieux démons, qui concourre au contraire à aggraver cet état de dépendance. Tout dépendra in fine de la capacité des Libanais à raisonner en nation unitaire et non en un amalgame de commu­nautés liées seulement ponctuellement par des intérêts convergents. Unis dans le malheur qui les frappe durement, les Libanais doivent savoir rester une nation solidaire et bannir les réflexes de solidarités transnationales, par qui le malheur est arrivé !

L’avenir de la paix et de la stabilité au Proche-Orient se joue donc encore une fois au Liban, sans que les Libanais n’en aient complètement la maîtrise, comme ce fut si souvent le cas par le passé…

C’est ainsi que les propos de Georges Corm résonne avec une acuité toute particulière et offre une conclusion idéale : « les Libanais sont un bon exemple de ce que d’autres peuples ont souffert ou souffrent encore, lors­qu’ils ont le malheur d’être pris dans les tourbillons de la géopolitique ou de la déstabilisation que peuvent provoquer des changements dans l’envi­ronnement international »15.

* Secrétaire général de l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe (IPSE). Il est éga­lement responsable du Pôle Relations Internationales du CI2S – Cabinet d’Ingénierie Stratégique pour la Sécurité (www.ci2s.org). Il est chercheur associé au sein du Centre d’Analyse des Conflits et de Droit Pénal International de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse I ainsi qu’enseignant invité à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr. Il appartient au Réseau Francophone de Recherche sur les Opérations de Paix (ROP) de l’Université de Montréal. Il collabore aussi régulièrement au men­suel francophone Arabies.

Notes

  1. Rapport publié le 20 octobre 2005 et qui a abouti à la résolution 1644 met­tant directement en cause l’entourage immédiat du président syrien, notamment son beau-frère, le tout puissant chef du renseignement militai­re, Assef Chaoukat. Le successeur du procureur allemand, le belge Serge

Bramertz aura ainsi à mener dans les mois à venir, fort de cette géopolitique nouvelle, une tâche surhumaine.

  1. La volonté de fixer « définitivement » les frontières d’Israël, tel que l’a rap­pelé Ehud Omert, Premier ministre, sorti grand vainqueur des élections législatives du 28 mars, sera aussi un facteur supplémentaire de pression. Par ailleurs, la communauté internationale appelle de ses vœux par la même occasion la fixation définitive des frontières libanaises, au-delà de la «Ligne bleue » liée au retrait israélien, d’où l’urgente nécessité d’engager des discussions bilatérales entre Beyrouth et Tel-Aviv, rendues impossibles eu égard à l’inexistence de relations diplomatiques entre les deux Etats.
  2. Le général Emile Lahoud, qui fut commandant en chef de l’armée libanaise de 1989 à 1998, élu président de la République libanaise en 1998 pour six ans, puis pour trois ans supplémentaire en septembre 2004, suite à l’appro­bation par la majorité pro-syrienne du Parlement d’un amendement à la Constitution est le fils du général Jamel Lahoud, une des figures de l’indé­pendance du Liban.
  3. Les cinq ministres issus du Hezbollah et du mouvement Amal avaient quitté fin 2005 le gouvernement de Fouad Siniora, pour protester contre les accu­sations adressées à la Syrie et la volonté des opposants de vouloir créer un tribunal pénal international pour juger les responsables des attentats poli­tiques ayant coûté la vie, entre autre au premier ministre Rafic Hariri. Ils y sont revenus en février dernier après que le Premier ministre ait qualifié devant le Parlement leur action de « résistance »à Israël, allant ainsi l’en-contre de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’Onu, adoptée en septembre 2004 et qui exige le désarmement de toutes les milices.
  4. Résolution adoptée en septembre 2004 par 9 voix pour (Angola, Bénin, Chili, France, Allemagne, Roumanie, Espagne, Royaume-Uni et les Etats-Unis) et 6 abstentions (Algérie, Brésil, Chine, Pakistan, Philippines et la Russie, signant là un retour croissant dans la zone).
  5. Dix huit communautés sont reconnues en droit public (système éducatif, partis politiques). Par ailleurs, les accords de Taëf, en octobre 1989 sont venus confirmés le « Pacte national » qui – depuis 1943 – garantit que le Président de la République soit chrétien maronite, celui de la Chambre des députés est chiite, tandis que le président du Conseil des ministres est d’ori­gine sunnite. Ce dernier voyant ses pouvoirs renforcés à Taëf au détriment du président de la République traditionnellement maronite.
  1. Pour évaluer le rôle déterminant que devrait jouer la francophonie au Liban et au Moyen-Orient, l’abondante littérature d’Alexandre Najjar, avocat, auteur entre autres du «Roman de Beyrouth » (Plon, 2004) est une excel­lente entrée en la matiè Consulter pour ce faire son site (www.najjar.org).
  2. Pour mieux apprécier les conditions de ce printemps arabe, lire l’ouvrage de

l’éditorialiste du quotidien An-Nahar, Samir Kassir, « Liban, un printemps inachevé » paru aux éditions Actes Sud-Sindbad en février 2003. Le fonda­teur du Mouvement de la gauche démocratique (avec son collègue, Gébrane Tuéni – fils de Nadia Tuéni, une des plus grande poète libanaise et Ghassan Tuéni, propriétaire du journal arabophone d’opposition An-Nahar, également tué dans un attentat quelques temps après son ami), livre à tra­vers cette oeuvre posthume, un remarquable et émouvant témoignage sur l’interdépendance du processus démocratique en Syrie et d’affirmation de la souveraineté libanaise. L’auteur de « Considérations sur le malheur arabe » (Actes Sud-Sindbad, 2004) vient ainsi nous rappeler que l’espoir lié à la « Révolution des Cèdres » ne pouvait aboutir que si ce dernier s’était muté en printemps arabe, permettant en premier lieu de démocratiser le régime de Damas

  1. Ghassan Salamé est conseiller spécial auprès de Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies. Il fut ministre de la Culture et de la Francophonie au Liban, au moment où s’est tenu le 9ème sommet de la francophonie à Beyrouth en 2002. Il connaît particulièrement bien la France pour avoir été membre du Haut Conseil pour la francophonie, ainsi que de la Commission régionale pour la Méditerranée au Commissariat du Plan. Il enseigne à l’IEP de Paris.
  1. Le quotidien Le Monde a consacré un numéro spécial «Le réveil des Libanais » dans son édition du jeudi 31 mars 2005 particulièrement bien documenté sur les évolutions politiques, financières, stratégiques et sociales du pays.
  2. Pour mieux appréhender cette réalité, lire le numéro 13 de la revue Outre Terre – revue française de géopolitique, intitulé«Arabies malheureuses -vol. 1 », qui consacre un dossier spécial «Liban dans ses frontières », remarquablement claire des enjeux géopolitiques libanais. A lire, notam­ment, les articles de Michael Davie, «De l’utilité géopolitique des espaces

libanais », pp. 355-371, et de Gérard-François Dumont, « Les populations du Liban », pp.419-445.

  1. Lire à ce sujet, l’article de Marc Goulpie, «Brazzaville, Beyrouth africaine. Approche comparée de l’itinéraire de deux guerres inciviles », in Politique et Sécurité Internationales, Toulouse, n°2, septembre 2000, pp.16-28. Par ailleurs, la dernière livraison de la revue Transcontinentales, consacréà la réforme et au GMO, consacre plusieurs articles sur la sociologie des camps palestiniens au Liban, notamment celui de Bernard Rougier de l’Institut français pour le Proche-Orient (IFPO), «Les camps palestiniens du Liban, la Syrie, le Hezbollah et le nouveau pouvoir libanais face aux attentes interna­tionales ». Un éclairage nouveau sur la diaspora palestinienne au Liban est à consulter dans le dernier ouvrage de Mohamed Kamel Doraï, Les réfugiés palestiniens du Liban. Une géographie de l’exil, CNRS éditions, 252 pages.
  2. Le fait religieux dans le jeu politique, institutionnel et économique a été parfaitement bien analysé par l’ancien ministre des finances libanais Georges Corm à travers sa riche et passionnante production é Il connaît particulièrement bien les ressorts liant la France au Liban et décryp­te la sociologie du Liban actuel à travers de nombreux ouvrages, dont «Le Proche-Orient éclaté» en 1983, «L’Europe et l’Orient » en 1989, «Liban: les guerres de l’Europe et de l’Orient » en 1992, «Le Liban contemporain – Histoire et Société»en 2003 et tout récemment «La question religieuse auXXFme siècle – Géopolitique et crise de la postmodernité » paru en 2006 aux éditions La Découverte, dans lequel il décrit parfaitement le mythe de la post-modernité et du retour du religieux. Son site est consultable à l’adresse suivante : www.georgescorm.com.
  3. Lire à ce sujet, Emmanuel Dupuy, «Liban, quelle politique de défense et de sécurité pour le XXre siècle ? » in Défense et Sécurité Internatationale, n° 6, juillet 2005, pp. 34-37.
  4. Georges Corm, «Le Liban contemporain, histoire et société», éditions La Découverte, 2003. Pour compléter cette vision de la réalité complexe sociale du Liban, lire Denise Ammoun, «Histoire du Liban contemporain », Fayard, janvier 2005. A noter également la dernière livraison de la revue Confluences Méditerranée qui consacre un numéro spécial au Liban (hiver

2006, n° 56).

Article précédentLa Syrie : un pays mûr pour l’islamisme
Article suivantAl-Jazeera, une chaîne pas comme les autres ! Une géopolitique de l’informatiOn au Moyen-Orient

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.