La stratégie du dialogue, plus sage que la confrontation

Le sénateur Aymeri de Montequiou

Président du groupe interparlementaire France-Iran

3eme trimestre 2013

C’est une introduction de courtoisie plus qu’une approche exhaustive de ce sujet extrêmement important que je ne peux qu’effleurer. En tant que laïc, le sys­tème qui s’appuie sur la théocratie m’est étranger, mais je garde beaucoup de consi­dération pour la Perse et pour le peuple iranien, ses deux mille ans de culture et de civilisation. Cela génère obligatoirement une grande fierté.

J’ai une opinion très personnelle, différente de l’opinion officielle, quant aux résultats que l’on peut attendre d’un embargo et de sanctions éventuelles. Vu de l’extérieur, si le système financier iranien souffre, si la population iranienne souffre, le résultat final ne parviendra certainement pas à faire plier ce pays. Je ne sais pas si, en tant que laïc, on peut prendre en considération la fatwa du Guide Khamenei, qui interdit le nucléaire en tant qu’arme de destruction. Pourtant on ne peut pas totalement l’ignorer.

Il semble que ce projet nucléaire soit d’abord civil et ensuite éventuellement pour la recherche d’un statut. Il est évident que la possession de l’arme nucléaire donne un statut particulier et il est concevable qu’un grand pays rêve à un moment donné dans l’histoire de la posséder, même si cela implique des conséquences néga­tives. Bien évidemment personne n’est favorable à la prolifération nucléaire, parce que plus il y aura de bombes, plus il y aura risque d’utilisation.

Au départ le contexte était faussé. Car, à des degrés divers, les cinq grandes puissances nucléaires ont hérité de ce statut en tant que vainqueurs de la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, il est difficile d’expliquer à des puissances qui de­viennent de plus en plus importantes, que c’est comme cela, que c’est cet héritage qui confère le droit de détenir l’arme nucléaire.

De plus, on a atteint en quelque sorte des dérogations. Des pays comme l’Inde, le Pakistan, après avoir été sanctionnés, ont réintégré le concert des Nations. Même sanctionnés par un embargo, ces pays peuvent acheter des armes à toutes les puis­sances qui en exportent… Donc on constate l’existence d’une anomalie.

De même, une autre anomalie majeure qui n’a jamais provoqué de débat : le fait qu’Israël a par lui-même déclaré être possesseur de 200 têtes nucléaires.

Ainsi, à partir du moment où la règle n’est pas la même pour tout le monde, il est évident qu’il est très difficile de s’appuyer sur un raisonnement en disant « c’est comme cela parce que… », car le « parce que » est extrêmement fragilisé par la réalité des faits.

Aujourd’hui l’Iran souffre, surtout financièrement, mais il est évident qu’il faut replacer ce pays dans un contexte international. L’Iran est un allié majeur de la Russie, non seulement en tant que partenaire économique mais également dans ce monde extrêmement complexe du Moyen-Orient, où l’on voit aujourd’hui comme hier s’opposer les deux Islams sunnites et chiites, et c’est un élément sérieux de la politique russe, dans son axe Iran-Syrie-Hezbollah.

D’autres parts, il y a la Chine qui est un très grand consommateur de matières premières, et pour laquelle l’accès au pétrole est un élément vital de son dévelop­pement. En conséquence de quoi, il semble inconcevable d’imaginer que ce pays renonce à acheter du pétrole iranien.

Ainsi, l’Iran est un pays à la grande fierté, et aujourd’hui on trouve chez lui plus que de patriotisme. Parlons du nationalisme iranien qui fait que l’on rassemble la majorité et l’opposition intérieure vis-à-vis de l’extérieur. Rappelons les déclara­tions des Etats-Unis, durant l’abominable guerre Iran-Irak qui a causé plus d’un million de morts en Iran. « Ce sera une guerre extrêmement brève », parce que « l’armée iranienne est totalement désorganisée », les Etats-Unis qui incitaient l’Irak à attaquer l’Iran, ne supportant pas cette révolution islamique et ressentant cruel­lement l’humiliation des otages de l’ambassade américaine en Iran. On voit là les effets de ce nationalisme, durant la guerre la plus longue du XXe siècle, quand de très nombreux pilotes iraniens formés sur les avions fantôme, et qui s’étaient réfugié aux Etats-Unis, sont rentrés en Iran alors qu’ils abominaient le régime de Khomeiny, pour se battre contre l’Irak.

Ainsi le sentiment de nationalisme chez les iraniens est plus fort que les sanc­tions appliquées à leur pays. Il semble que le dialogue soit beaucoup plus sage, plus positif que la confrontation. Il faut parler, se parler et encore se parler. Si on ne peut pas se parler en face à face, il y aura toujours des intermédiaires responsables qui permettront de trouver des points de dialogue.

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