Géostratégie et autres concepts stratégiques … une opposition ?

Par le Général (cr) Henri PARIS Président de DÉMOCRATIES

Juin 2001

La chute du pacte de Varsovie et de l’URSS a eu comme conséquences immédiates toute une série de bouleversements. L’établissement des Etats-Unis au rang de seule hyper-puissance dans l’arène mondiale et la création d’une kyrielle d’Etats indépendants issus de la désagrégation de l’Union soviétique et de la Yougoslavie, avec leur cortège de déstabilisations et de conflits, ne sont pas les moindres de ces bouleversements.

Cependant, la disparition du système soviétique ne peut se résumer uniquement en termes de rapports de force au plan des relations internationales. Elle concerne également le domaine de la pensée, de la réflexion, notamment en matière stratégique. Avec l’Union soviétique et le pacte de Varsovie, qui se voulait la traduction institutionnelle du marxisme, disparaît une école de pensée qui puisait ses fondements dans l’héritage marxiste.

Très naturellement, la géostratégie, dont les Américains se sont faits de toujours les plus ardents défenseurs, tend à se répandre universellement, au point de dominer la pensée militaire de par le monde.

La question qui se pose est de clairement percevoir si cet engouement pour la géostratégie n’est pas circonstanciel, dû à l’influence universelle de l’hyper-puissance américaine. Or, rien n’est plus pernicieux qu’une école unique de pensée, parce qu’elle occulte radicalement toute réflexion qui n’entre pas dans le cadre de sa méthodologie.

A cet effet, l’examen porte de prime abord sur une analyse plus ou moins succincte des deux stratégies puis sur le champ de leurs divergences et de leurs convergences éventuelles. La conclusion est consacrée aux conséquences qu’il est possible d’en tirer.

La géostratégie

En premier lieu, il s’agit de définir se que l’on entend par le terme de stratégie et le concept qu’il recouvre. D’une manière à peu près unanime, on comprend par stratégie la couverture de la détermination et de la conduite de l’ensemble des actions des forces militaires qui concourent à l’obtention d’un résultat voulu par les buts de guerre, eux mêmes dictés par une politique. Il est également entendu que la stratégie peut très bien s’affranchir d’une ouverture du conflit, de l’action militaire proprement dite, pour se cantonner à la menace. Bien plus, la meilleure des stratégies est celle qui n’est pas appliquée dans son ultime aboutissement qu’est le choc des forces antagonistes. Le futur vaincu, évaluant correctement la situation, reconnaît son échec ou sa défaite inéluctable, capitule à temps pour ouvrir une négociation. Le vainqueur putatif accepte de négocier, puisqu’il a la certitude d’obtenir, sans combat inutile, le résultat politique, au moins en partie, auquel tendait sa stratégie.

Sous cet angle, la géostratégie ne se distingue pas des autres écoles de pensée. En revanche, la géostratégie concerne un domaine particulier en ce sens que, fille de la géopolitique, elle place en tout premier plan les facteurs géographiques, notamment les mers et les océans opposés aux continents. Dans ce cadre, les peuples de la mer, les insulaires par définition, en s’affrontant aux continentaux, ont pour premier objectif, la domination maritime. Par la suite, ce sera la mer qui sera victorieuse de la terre. Les espaces endo et exo-atmosphériques ont la même valeur que les espaces océaniques et leur maîtrise concourt au même but.

Point n’est besoin de s’étendre plus sur l’analyse du même sujet, il est bien connu. Il suffit simplement de souligner que la géostratégie est née pratiquement avec le XXème siècle, qu’elle est d’essence anglo-saxonne, élaborée conjointement par des penseurs, des stratèges, d’origine britannique et américaine et plus spécifiquement des marins. Elle a eu, un temps, un regain d’influence chez les Allemands du 3ème Reich, ce qui a nuit à son expansion dans les écoles de pensée américaines qui ont fini, cependant, par s’en pénétrer. Très logiquement, la géostratégie est considérée comme un art, sans dogmatisme, profondément pragmatique.

L’appropriation, un temps, de la géostratégie par les Allemands mérite d’être signalée. En effet, s’il est bien un peuple continental, c’est le peuple allemand. Il est donc curieux que la géostratégie ait eu un tel succès en Allemagne. Le fait est dû à l’action de Karl Haushoffer, fondateur d’une revue de géopolitique, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Après avoir été le conseillé écouté des dirigeants nazis, Karl Haushoffer tomba en disgrâce, fut déporté en 1938, se disculpa face au tribunal de Nuremberg, mais finit par se suicider en 1946. L’école de pensée géostratégique allemande peut ainsi être considérée comme un épiphénomène. Elle n’en conforta pas moins, cependant, le concept national-socialiste de l’espace vital.

La pensée militaire marxiste et sa stratégie

La pensée militaire marxiste et la stratégie soviétique n’ont été que peu étudiées par les Occidentaux. Et encore, quand elles l’étaient, cela restait l’apanage de quelques rares spécialistes. La raison en était simple : pour percevoir exactement la stratégie soviétique, il s’agissait, au préalable, d’analyser sa base, le marxisme, qui se voulait une science et une méthodologie. Il est nécessaire de souligner avec force que le marxisme offrait une explication totale, universelle et détaillée de la marche du monde. L’Histoire ne connaît qu’un seul autre système de pensée aussi complet et global : « La somme » de Saint-Thomas d’Aquin, élaborée au XIIIème siècle. Il est donc normal, semble-t-il, qu’une stratégie proprement d’essence marxiste ait vu le jour et ait été conçue par les Sovietiques.

En effet, selon les marxistes, la guerre est un phénomène social, reflet, voire traduction pure et simple, dans l’arène internationale, de la lutte des classes elle-même moteur de la marche de l’humanité, ainsi que l’a démontré Marx dans son système doctrinal, le matérialisme historique.

L’URSS et le camp représenté par les pays du pacte de Varsovie, statement étatique et institutionnelle du prolétariat, étaient confrontés par nature et par définition au camp capitaliste que figurait durant la guerre froide, l’Alliance atlantique conduite par les Américains. Mais bien avant 1945, en fait dès leur prise de pouvoir, les Sovietiques, selon la même logique marxiste, étaient face à une lutte armée inexpiable menée par les puissances capitalistes.

Dans cette perspective, la patrie de la Révolution prolétarienne se devait absolument de développer une pensée militaire, un corpus soigneusement élaboré. L’exemple venait de très haut et de très loin, puisque Friedrich Engels, l’un des fondateurs du marxisme, avait été surnommé en son temps « camarade maréchal » par ses disciples, pour ses travaux en matière de stratégie militaire, puisque Lénine était renommé pour ses travaux et ses commentaires sur le « De la guerre » de Clausewitz. C’est donc très normalement que le premier Etat prolétarien, né au son du canon qui plus est, fit poursuivre l’étude des questions militaires, dans l’optique qui était la sienne, le marxisme. Cette pensée militaire est ainsi consubstantielle, tant au marxisme que par voie de conséquence directe à l’URSS.

Conformément à la logique marxiste, une très étroite méthodologie préside à l’organisation et à l’ordonnancement de la réflexion, en vue d’aboutir à un système applicable. La place offerte à la prospective est très large, car il s’agit pour le camp prolétarien d’être apte en permanence à soutenir victorieusement une guerre par ailleurs inéluctable avec le camp capitaliste. Il en découle que la réflexion est permanente, appelée à fluctuer tant en fonction du rapport des forces sur l’échiquier international qu’en fonction du progrès technologique qui rejaillit sur les armements quand ces derniers ne l’initient pas.

Le corpus conceptuel soviétique en matière militaire, comprend des subdivisions très nettement délimitées, non sans rigidité d’ailleurs. Ces subdivisions ne s’emboîtent pas les unes dans les autres, mais sont très étroitement dépendantes les unes des autres, selon la méthodologie marxiste opérant par thèse, antithèse et synthèse.

En substance, ce corps de doctrine se subdivise en deux sous-ensembles.

Le premier sous-ensemble, la doctrine militaire, a trait au but et au caractère d’une guerre potentielle, sur sa préparation par le pays et les forces armées. La doctrine militaire comprend deux groupes de questions, politiques et militaires, liées réciproquement, en constante interaction, formant les domaines socio-politiques et militaro-techniques.

Par doctrine militaire, les Soviétiques entendaient un concept qui se rapproche de ce que les Occidentaux définissent comme la politique de défense. Cependant, différence important, la doctrine militaire accorde une place prépondérante à la polémologie donc à la prospective, car il s’agit de déterminer en prévision le déclenchement du conflit et la définition des futurs adversaires.

Le deuxième sous-ensemble, la science militaire, est une application de la doctrine militaire, et se partage en deux grandes branches. La première concerne l’organisation du pays en vue de la guerre sous tous ses aspects, tant au niveau politique qu’économique, que très concrètement, la mobilisation, les transports, la défense civile,… La deuxième branche, l’art militaire, a trait à la théorie et à l’exécution de la conduite de la guerre et des opérations militaires. Cet art militaire se subdivise à son tour en trois disciplines, découlant l’une de l’autre.

La stratégie est le domaine supérieur de l’art militaire. Elle concerne le théâtre de guerre et les forces qui y sont adaptées.

La tactique s’attache aux unités jusqu’à l’échelon de la division, c’est-à-dire jusqu’à un niveau quantitatif de force n’excédant pas quelque 15 000 hommes, en y comprenant les appuis et les soutiens.

L’art opératif englobe un niveau intermédiaire entre la stratégie et la tactique. Il correspond notamment à ce qu’il est convenu d’appeler un théâtre d’opérations, une entité géographiquement limitée où concourent plusieurs groupements de forces. Le théâtre d’opérations peut se confondre avec le théâtre de guerre au cas d’un conflit, généralement de faible envergure. Les limites géographiques des deux théâtres, celui de la guerre et celui d’opérations, sont alors identiques. Plusieurs théâtres d’opérations sont regroupés au sein du théâtre de guerre, lorsqu’ils sont en convergence, visant le même but stratégique très clairement déterminé. Par exemple, dans le but d’anéantir les forces de l’OTAN, en Europe occidentale, les Soviétiques avaient créé un théâtre de guerre « Europe » auquel était subordonnés les 3 théâtres d’opérations, « Nord-Ouest », « Centre », et « Sud-Ouest », avec chacun des moyens. Le théâtre d’opérations « Nord-Ouest » était chargé de l’effort principal.

Les théâtres de guerre et d’opérations ont donc des délimitations géographiques extrêmement précises. Y sont affectées des forces sous un commandement distinct qui possède les moyens d’assumer sa responsabilité.

Un théâtre peut être à prédominance navale ou terrestre, en fonction de la géographie, mais a toujours une composante aérienne avec des forces affectées. La coopération interarmes et interarmées est de règle.

C’est au niveau du théâtre de guerre que l’on trouve la dimension spatiale, avec des moyens correspondants mis éventuellement plus spécifiquement à la disposition d’un théâtre d’opérations.

L’analyse de la stratégie soviétique exigerait de plus longs développements. Cependant, telle que synthétisée, elle conduit à dégager des caractéristiques essentielles. Ce sont ces caractéristiques qui permettent des comparaisons intéressantes avec celles qui ressortent de la géostratégie.

En premier lieu, la stratégie soviétique se veut une science, et surtout s’affirme comme telle. C’est une science expérimentale, au sens que Claude Bernard donnait au terme, avec donc des lois, les lois de la guerre qui s’exercent à tous les niveaux. La recherche intellectuelle vise ainsi à dégager ces lois et le stratège, comme le chef militaire à son échelon, a pour charge d’appliquer ces lois dans son domaine d’action.

L’une des plus célèbres de ces lois, est celle de la négation de la négation. Elle conduit impérativement la recherche scientifique en matière d’équipement militaire. En substance, tout système d’armes est nié par un système antagoniste conçu spécifiquement à cet effet. Ce deuxième système est à son tour nié par un perfectionnement du premier ou par un autre systèmes visant à surmonter l’antagonisme et à emporter la suprématie. En d’autres termes, il s’agit de l’éternelle dialectique du glaive et du bouclier, du projectile et de la cuirasse. Il en découle que dès que les Soviétiques se dotent d’un système d’armes ou qu’ils apprennent l’existence d’un système d’arme adverse, ils se lancent dans la recherche de l’antidote du système apte à contrer le précédent. Ils procèdent même à l’anticipation avec des études prospectives. A titre d’exemple, selon cette méthodologie, l’arme nucléaire devait être contrée. Conformément à la loi de la négation de la négation, le défi – trouver un système annihilant ou amenuisant les capacités nucléaires adverses – sera inéluctablement relevé avec succès et ce, inévitablement dans les deux camps. Il ne peut y avoir d’arme absolue. C’est pourquoi les Soviétiques mettent sur pied une puissante défense passive antinucléaire qui consiste à enterrer et à disperser les installations de toutes sortes intéressant l’effort de guerre ainsi que la population des conurbations. Parallèlement, la recherche technologique s’oriente vers une défense active visant l’interception des missiles et des aéronefs assaillants par des missiles antimissiles et par une puissante aviation spécialement affectée à ce but. En dehors des missiles antimissiles chargés de l’interception, la recherche technologique est axée sur l’utilisation de l’impulsion électromagnétique générée par une explosion nucléaire à une altitude donnée et d’une puissance déterminée.

Pour les Soviétiques, l’existence de lois à la guerre ne souffre aucune discussion. Pourtant, leur science militaire comprend comme composante, entre stratégie et tactique, l’art opératif, de même qu’existe un art militaire. Or, le terme « art » sous-entend une action contingente, humaine, donc, ne relevant pas d’une science. Il y aurait contradiction. Or les Soviétiques estiment qu’il n’y en a pas, car si la guerre obéit à des lois, d’une part, ces lois sont découvertes par l’homme, d’autre part, c’est encore l’homme qui mène l’action de guerre. Là se trouve la contingence, finalement comme en médecine et en chirurgie, par exemple. A l’homme, au stratège, de découvrir la loi. Au chef militaire d’analyser correctement une situation donnée et d’appliquer scientifiquement et judicieusement la loi adéquate. Alors, la victoire découle mécaniquement et immanquablement.

Le déterminisme en matière stratégique

La chute de l’URSS et l’abandon du marxisme comme fondement idéologique de l’Etat n’ont pas foncièrement modifié la structure méthodologique de la pensée militaire russe. Au niveau organisationnel, il n’en est pas autrement. Les régions militaires sont restées la base de l’administration et de la gestion des troupes, y compris en ce qui concerne le recrutement. Au niveau opérationnel, a été entièrement conservé le concept de théâtre de guerre et de théâtre d’opérations, appliqué entre autres, en Tchétchénie, à l’aube du troisième millénaire. Que l’armée russe soit en déliquescence n’entame pas le concept ! L’armée russe s’effondre en conséquence de la décomposition de l’Etat. Le chiffre des déserteurs et des insoumis au sein d’un contingent annuel d’appelés atteint de l’ordre de 80% en 2000. Cependant, les régions militaires maintiennent leur système de fonctionnement comme du temps de la toute-puissante URSS.

A bien analyser le contenu et surtout la formation du concept stratégique militaire russe découlant directement de celui des Soviétiques, on s’aperçoit que l’armée impériale russe disposait, en fait, d’un concept semblable, avant donc l’instauration du pouvoir soviétique.

En effet, ce concept dans sa globalité a été élaboré dans le cadre des réformes militaires qu’a fait engager l’empereur Alexandre II au lendemain de la défaite de Crimée, en 1856. Déjà fortement influencés par Hegel, les Russes en appliquent, alors, aux affaires stratégiques, la méthodologie inscrite dans la trilogie thèse, antithèse, synthèse. Parallèlement, ils découvrent Clausewitz qui avait intégré et codifié les enseignements issus des guerres de la Révolution et de l’Empire français. A travers ces recherches, les Russes remontent jusqu’à « L’essai de tactique générale » et à la « Défense du système de guerre moderne » de Guibert, ouvrages qui avaient fortement inspiré la pensée napoléonienne. C’est ainsi que l’organisation administrative impériale russe, mise, sur pied dans la deuxième partie du XIXème siècle et conservée jusqu’au XXIème siècle, est la copie exacte du système conçu par l’Empire français à l’orée du XIXème siècle. C’est ainsi que les Russes adoptent une organisation opérationnelle faisant une place prépondérante au concept de corps d’armée, défini par Bonaparte comme un groupement autonome de forces, d’où provient en corollaire le second concept de théâtre d’opérations. Le dogme de l’offensive, d’emblée ou après une phase défensive, recueillie tant auprès de Bonaparte que de Clausewitz, est érigé en principe intangible.

La transmission et la continuité de la pensée militaire russe, à travers l’ère soviétique, sont frappantes. S’explique donc facilement l’assimilation presque totale par les Soviétiques des concepts de l’époque impériale et la présence de leur héritage dans le système de pensée en vigueur au début du XXIème siècle.

La guerre obéit-elle à des lois ? La question est controversée depuis des siècles. Pour Napoléon, s’il n’y a pas de lois à la guerre, il y a au moins de grands principes qu’il est impératif de ne pas transgresser. Par exemple, l’un de ces grands principes est celui de l’impératif de l’économie des forces permettant d’obtenir la suprématie sur un axe principal d’attaque. Pour de Gaulle, l’art militaire relève de l’imagination, de l’intuition. Il est donc contingent. De Gaulle est adepte de Bergson et est donc logique avec lui-même, en donnant une place prépondérante au génie humain, celui du chef. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de déterminer que Bonaparte a ainsi moins le culte du chef que de Gaulle.

La stratégie soviétique, voulue comme une science à part entière, est profondément déterministe. Cependant, en conclusion des comparaisons précédentes, point n’est besoin d’être marxiste pour être déterministe, pour rejeter le pragmatisme en tant que mode de raisonnement.

Examiner toutes les opportunités, sans plan préétabli, dans le but de créer l’événement qui déséquilibre le dispositif adverse et s’engouffrer dans la brèche avec pour objectif l’anéantissement des forces principales ennemies, est tout aussi déterministe qu’une idée de manœuvre semblable issue de la science stratégique soviétique.

Les convergences

C’est sur le principe des lois de la guerre que la géostratégie et la stratégie de type déterministe, adoptée par les Russes, se livrent à une opposition fondamentale.

Ceci demande cependant de très fortes nuances. En effet, sur un problème aussi crucial que l’arme nucléaire, le géostratège, en n’étant pas opposé par principe à la théorie d’une arme absolue, n’entame pas moins la recherche d’une contre-mesure. La recherche américaine, dès qu’est connue l’existence d’une arme nucléaire soviétique, dès 1949 donc, porte sur les mêmes axes que les Soviétiques : une défense passive et active. Les Américains adeptes de la géostratégie estiment valable de pouvoir contrer l’arme nucléaire par des systèmes défensifs actifs qui deviendront efficaces. Ce n’est qu’une question de temps et de moyens consacrés à la recherche. En cela, il y a jonction avec une pensée stratégique déterministe, illustrée en son temps par les marxistes.

Toute une série d’autres jonctions surgissent. L’école américaine a mis en exergue dans le courant des années 70 du XXème siècle, le concept de théâtre d’opérations, en tant qu’entité stratégique autonome et en a tiré une subdivision subordonnée à la stratégie. Assez étonnant, la dénomination donnée à cette subdivision est proche de celle des Russes : il s’agit de tactique opérative. En somme, il s’agit de l’art opératif défini par les Soviétiques à cette époque et ce que Guibert appelait au XVIIIème siècle, « la Grande tactique ». Redécouverte, assimilation, emprunt ? Pas nécessairement ! Simplement évolution de la pensée et démonstration que la césure entre les différents modes de réflexion n’a pas une profondeur telle qu’elle interdit à ces modes d’entrer en convergence. Le facteur commun qui les réunit est la rationalité.

Finalement, la géopolitique est aussi déterministe que n’importe quelle autre stratégie, en visant le même résultat : le succès de l’entreprise politique. En ce sens, elle relève de Clausewitz. La différence se retrouve parce qu’elle privilégie l’espace maritime dans son application comme dans son mode de réflexion et se base sur le pragmatisme.

La géostratégie établit une opposition de principe entre les peuples de la mer et les continentaux. Elle établit la prédominance du contrôle des théâtres maritimes pour user l’adversaire par des actions indirectes avant d’en arriver à l’estocade finale. La domination de l’espace exo et extra-athmosphérique participe du mode opératoire. Il est logique, historiquement que la stratégie ait joui d’une très forte faveur auprès des Britanniques, peuple insulaire par définition. Il en est de même des Américains dans leur île-continent que les espaces maritimes environnant ont érigé en forteresse.

Les continentaux, Russes et Chinois entre autres, ont nécessairement plus tendance à privilégier l’action directe, au service d’une stratégie déterministe, parce que leur adversaire s’est trouvé plus souvent dans une continuité terrestre. Il s’ensuit que les continentaux vont rechercher au plus vite l’anéantissement des forces adverses par un choc frontal.

La convergence entre les diverses écoles tient au fait que la décision finale est à terre. Pour une raison évidente et factuelle : l’homme vit sur terre.

Ultime conclusion, ne pas se tromper de stratégie des moyens. Le concept de forces entièrement projetables à longue distance appartient à la géostratégie, donc à un Etat insulaire qui adapte les uns aux autres, les forces et les transports de ces forces. Cela n’est pas vrai d’une Etat continental, moins influencé par la géostratégie et qui ne peut avoir la projection de forces à longue distance comme seule et unique préoccupation.

Article précédentLe pétrole définit la lutte pour le pouvoir en Iran Le rôle de l’Italie dans le secteur de l’énergie iranienne
Article suivantStratégie : La rupture

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.