Comprendre le processus de Prise de décision nucléaire de l’Iran : des leçons pour l’Administration Obama

Nader ENTESSAR

Professeur et Président du Département de Sciences politiques & de Justice criminelle à l’Université de South Alabama-États-Unis.

Mai 2009

Le programme nucléaire de téhéran est devenu l’une des sources les plus significatives de friction entre la République islamique d’Iran, et l’Occident, surtout les Etats-Unis, au vingt-et-unième siècle. Le Président Barack Obama, pas comme son prédécesseur, a offert de négocier avec l’Iran sans conditions préalables au sujet de l’ambition nucléaire de celui-ci. Le succès, ou même un progrès minimal, à cet égard requiert une compréhension de la dynamique interne de la politique de prise de décision nucléaire de l’Iran. Ce rapport tente d’illuminer davantage la polé­mique concernant le calcul nucléaire de l’Iran.

Les perspectives nationales iraniennes en matière de politique nucléaire sont formées par une multiplicité d’enjeux régionaux et globaux. Depuis l’année 2002, lorsque le sujet nucléaire de l’Iran a été soulevé dans l’Occident en tant que menace croissante à la stabilité régionale et au régime de non-prolifération, la direction prise par la République Islamique a couvert l’affaire en termes d’une part de ses droits absolus au terme du Traité de non-prolifération (TNP), d’autre part du droit de l’Iran d’engager des recherches et viser le développement dans toutes les étapes de l’énergie nucléaire pacifique. La motivation du rapport ci-présent est de discuter de quelques-uns des éléments principaux qui ont formé l’évolution de la pensée nationale iranienne sur l’énergie nucléaire et d’examiner les débats contemporains dans le pays sur la logique de cette même politique nucléaire iranienne.

La genèse du programme nucléaire iranien date de 1956 lorsque le gouver­nement de Mohamad Reza Chah initia une série d’entretiens avec le gouverne­ment des Etats-Unis, culminant par la signature en 1957 du premier accord entre les deux pays à propos de l’utilisation pacifique d’énergie nucléaire par l’Iran.1 La même année, l’Institut des sciences nucléaires, affilié à l’OTC (Organisation cen­trale du Traité) a été transféré de Baghdad à l’Université de Téhéran. L’institut est devenu un centre de formation d’étudiants iraniens, pakistanais et turcs. Par consé­quent, en 1959 le Chah a ordonné l’établissement à l’Université de Téhéran du premier centre de recherche atomique. Les Etats-Unis ont fourni une centrale de recherche de 5 mégawats qui est pleinement opérationnelle dès 1967. Les Etats-Unis ont entrepris un pas majeur grâce à leur assistance au programme nucléaire du Chah en livrant en septembre de la même année, un conteneur rempli de 554 kilos d’uranium hautement enrichi et de 112 grammes de plutonium, au Centre de recherche atomique de l’Université de Téhéran.2 De surcroît, le gouvernement du Chah a signé un accord de coopération nucléaire avec le Canada en vue de faciliter les activités de formation et de recherche de scientifiques iraniens.3

En 1972, le gouvernement du Chah a complété une étude majeure sur les be­soins énergétiques futurs de l’Iran. Une trouvaille majeure du rapport fut que l’Iran aurait besoin de sources d’énergie alternatives afin de combler ses besoins durant les deux décades suivantes. Le quadruplement des prix pétroliers dans l’après-guerre arabo-israélien en 1973 permit au Chah de commander la construction de vingt usines à puissance nucléaire de 300 mégawats, d’autre part de prévoir $60 milliards en revenus pétroliers, afin de financer cet ambitieux projet. Bien que celui-ci devait être un projet contrôlé par le gouvernement, le Chah utilisa un nombre sélectionné de ses partenaires de confiance, afin de le lancer. Abolfath Mahvi, confident des Pahlavi et à la tête du groupe de conglomérations Mahvi, est devenu une person­nalité clé pour sécuriser les contrats nécessaires auprès les compagnies étrangères visant à construire les usines de puissance nucléaire iraniennes.

Grâce à ses contacts avec les compagnies allemandes Kraftwerk Union (KWU) et Siemens, Mahvi s’est arrangé pour que ces entrepreneurs deviennent les four­nisseurs d’usines nucléaires principaux en Iran. Mahvi a par la suite fondé la Compagnie d’énergie nucléaire d’Iran (CENI) ainsi la Compagnie de consultations techniques de gestion d’Iran (CCTGI) qui devaient agir en qualité de collabo­rateurs des Allemands. Dans l’analyse finale, Mahvi est devenu l’individu le plus important pour la réalisation du programme nucléaire ambitieux du Chah. 4 Selon Mahvi, c’est lui-même qui a abordé en premier avec le Chah l’éventualité pour l’Iran d’acquérir des armes nucléaires, c’était lors d’un voyage officiel aux Etats-Unis pendant la présidence de Lyndon B. Johnson. Pendant un vol vers le Chicago, Mahvi a demandé permission d’aborder un sujet d’actualité avec le Chah. Lorsque celui-ci lui demanda ce qu’il avait en tête, Mahvi répondit : « Puisque le président des Etats-Unis n’avancera pas votre proposition que l’Amérique achète davantage de pétrole iranien, ce qui Vous aurait permis d’acheter davantage d’armes, pourquoi ne pas étudier l’élaboration d’armes nucléaires? Cela réduira le besoin d’acheter des armes et d’autres matériels militaires plus sophistiqués et rajoutera au prestige de l’Iran dans la communauté internationale. » Ce n’était pas avant 1970 que le Chah a repris le sujet avec Mahvi lors d’un voyagé à Mashhad ; le Chah avait alors confié à Mahvi que sa propre et véritable intention en commandant le réacteur de recherche nucléaire à 5 mégawat pour l’Université de Téhéran, était pour rapprocher l’Iran de la capacité de produire des armes nucléaires.5

L’on pourrait débattre de la véritable intention nucléaire du Chah à ce moment-là, mais il existait tout de même quelques Etats étrangers qui se méfiaient déjà des éventuelles motivations du Chah. Par exemple, lorsque Arya Abbas Amirie, direc­teur administratif de l’Institut d’études politiques et économiques internationales (IEPEI), le premier centre de recherches stratégiques d’Iran, a visité l’Australie pour le compte du gouvernement du Chah au Printemps de 1977, le président de la commission australienne d’uranium a demandé pourquoi l’Iran voulait construire des usines de puissance nucléaire « risquées » alors qu’il possédait déjà des réserves pétrolières et de gaz naturel majeures. Similairement, Gorgi Arbatov, directeur influent de l’Institut soviétique d’études des USA et du Canada (ISEUSAC) et conseiller renommé en politique étrangère à Moscou, a exprimé son scepticisme à propos des intentions nucléaires du Chah, lorsqu’il rencontra Amirie en octobre 1978. Arbatov avait franchement affirmé que les services de renseignement sovié­tiques avaient conclu que le Chah visait à faire de l’Iran un membre du club nu­cléaire, et à fabriquer des bombes nucléaires puisqu’il ne souhaitait pas être devancé par des pays tel Israël.6 Par ailleurs Arbatov a affirmé que le Chah n’hésiterait pas à utiliser son statut nucléaire pour « influer sur » les Etats avoisinant l’Iran, et que dans le cas d’une guerre conventionnelle majeure entre l’Union soviétique et l’Occident, Washington exploiterait un Iran nucléaire pour fixer un grand secteur de l’armée soviétique à la frontière iranienne, en vue d’empêcher ou d’en retarder le déploiement sur le théâtre européen. Le désir prétendu du Chah, de conver­tir l’Iran en Etat à armes nucléaires, pourrait avoir eu sa genèse dans la crainte du monarque de l’impact déstabilisant des Etats soutenus par l’Union soviétique dans la région : « Selon le Chah, l’Iran ne craignait pas d’attaque soviétique, mais plutôt afghane ou irakienne représentant l’agression soviétique. Et afin de contrer cette menace, le Chah a dit au président Dwight D. Eisenhower que l’Iran avait besoin d’un programme incorporant éventuellement des forces hautement mobiles avec armes nucléaires [italiques rajoutées] ».7 Bien sûr, la révolution iranienne de 1978-79 a reporté les programmes nucléaires du Chah, alors que la guerre Iran-Iraq de 1980-88 a mené à la destruction de l’usine nucléaire à Bushehr qui était alors en voie de construction par les firmes allemandes. Cependant, le soutien au programme nucléaire courant d’Iran est resté étonnamment fort parmi beaucoup de hauts fonctionnaires de la monarchie Pahlavi. Par exemple, Akbar Etemad, pre­mier et seul directeur de l’Organisation d’énergie nucléaire d’Iran sous le Chah, et Ardeshir Zahedi, ministre des relations extérieures du pays qui a signé le TNP en sa qualité de représentant du Chah, ont exprimé un fort soutien pour le droit de l’Iran de s’engager dans la recherche nucléaire et d’avoir accès à la technologie nucléaire la plus avancée même sous un régime détesté.8 Ironiquement, des documents améri­cains, nouvellement déclassifiés, révèlent une continuité remarquable de la logique nucléaire du Chah à travers la confrontation actuelle USA-Iran en ce qui concerne le programme nucléaire iranien.9 À la lumière de l’historique de l’ambition nu­cléaire de l’Iran, il est peu probable qu’un gouvernement différent abandonnerait le désir du pays de développer une industrie nucléaire robuste.

Le Défi des armes nucléaires

Est-ce que la République islamique d’Iran cherche à contrer sa pauvreté en armes conventionnelles, par le développement d’une capacité nucléaire dissuasive ? Les armes nucléaires sont-elles utiles pour embellir la posture militaire de l’Iran, en dissuadant une menace éventuelle par un adversaire régional tel que Israël ? Nous ne pouvons répondre de manière définitive à cette question et à d’autres similaires. Néanmoins, nous pouvons obtenir une meilleure image de la question pourquoi l’Iran cherche à conserver sa position nucléaire actuelle face à la pression énorme de l’Occident, en examinant la perspective nationale du pays quant à sa perception des menaces ainsi que sa prise de position partisane, et son impact sur le débat nucléaire.

Bien que les Etats-Unis et Israël aient depuis longtemps accusé l’Iran d’être à la recherche d’armes nucléaires, des ambiguïtés persistent en ce qui concerne d’une part les intentions, de l’autre les capacités de l’Iran en tant que détenteur potentiel d’armes nucléaires. Dans ses rapports nombreux sur l’Iran, l’Agence internationale d’énergie atomique (AIEA) n’a toujours pu conclure que les programmes nucléaires iraniens aient violé les obligations du pays aux termes du TNP.10 Bien qu’il soit vrai que l’AIEA ait rapporté qu’elle ne peut affirmer catégoriquement que l’Iran n’ait pas d’intention de développer d’armes nucléaires, de telles déclarations ne sauraient viser que l’Iran. Premièrement, l’AIEA a incorporé des déclarations similaires dans ses rapports sur 46 autres Etats signataires du TNP. Deuxièmement, aucune agence ne peut prouver une négation : il s’agirait d’impossibilité logique, à savoir : ni l’Iran ni aucun autre Etat ne peut être soumis à une obligation de prouver ce qu’il na pas l’intention de faire.

Par ailleurs, l’Iran est entouré d’un bouillonnement d’Etats instables, possesseurs ou non d’armes nucléaires, et a été longuement victime d’agressions régionales dont les conséquences restent catastrophiques pour son peuple et pour sa sécurité. L’Iran est toujours vulnérable à l’instabilité régionale et par l’insécurité sur ses frontières de l’Est et de l’Ouest, dont les débordements des guerres incessantes en Afghanistan et en Iraq, ce qui sollicite à outrance les hauts fonctionnaires iraniens. Donc, contrai­rement à la dénonciation par Shahrâm Chubin, que : « … les relations régionales iraniennes sont sinon sans commentaire, ne présentant aucune menace à l’Iran ».11 En fait, les responsables iraniens jaugent sérieusement les défis qui représentent de sérieuses menaces contre la sécurité nationale et l’intégrité territoriale du pays, d’autre part ont adopté un arsenal de remèdes. Israël en particulier est devenu un souci majeur pour les preneurs de décisions au plus haut niveau de l’Iran. Mis à part les déclarations incendiaires du président Mahmoud Ahmadinejad contre Israël, qui visaient surtout à réunir les masses arabes, d’autre part de promouvoir sa base radicale, il s’avère que l’Israël présente un défi singulier à la sécurité de l’Iran. Etant donné le fait que Israël est un Etat nucléaire et non signataire des traités de non-prolifération des armes nucléaires, et compte tenu des menaces maintenues par Israël de frapper militairement des cibles en Iran, alors la République islamique dispose théoriquement au moins, de bonnes raisons de développer une capacité dissuasive nucléaire contre les menaces israéliennes. En somme, toute discussion des intentions nucléaires de l’Iran, sans prendre en compte les relations persistantes avec l’Israël, serait au mieux inutile, et au pire contreproductive.

Nonobstant la rhétorique populaire à propos de l’incapacité d’Israël de me­nacer l’Iran, l’on peut constater que les preneurs de décisions stratégiques de la République islamique d’Iran sont bien conscients du potentiel militaire significatif d’Israël et de sa capacité de semer le désarroi en Iran. Par exemple, l’élite militaire et politique iranienne est consciente qu’Israël dispose d’une gamme de lanceurs pour orienter ses ogives nucléaires contre n’importe quel adversaire régional. Les escadrons F-16 d’Israël sont « les avions de guerre les plus probables pour porter des ogives nucléaires, et . un petit groupe de pilotes a été formés pour des frappes nucléaires. Les F-4 et F-5 sont aussi capables de missions nucléaires. »12 En plus, les missiles sol-air Jéricho I et II ainsi Shavit d’Israël peuvent être équipés d’ogives nucléaires. Les Jericho I et II ont respectivement une portée de 500 et de 1.500 km, alors que le Shavit est un missile balistique intercontinental de 8.000 km de portée. Israël a aussi développé une capacité nucléaire maritime, avec son acquisition de sous-marins diesel de la classe Dauphin : ce développement donne au pays « une triade d’armes nucléaires terrestres, maritimes et aériennes pour la première fois » de son histoire.13

En contrastant avec la capacité nucléaire d’Israël, l’Iran ne possède aucune arme nucléaire – effectivement les accusations de menaces nucléaires par l’Iran sont ba­sées sur les intentions nucléaires présumées de Téhéran, et non sur des moyens exis­tants. Voilà pourquoi les dirigeants iraniens ont argumenté avec force que ce n’est pas la République islamique qui présente une menace nucléaire contre la région, c’est plutôt les armes nucléaires d’Israël qui sont le danger le plus grave à la sécurité et à la stabilité du Moyen Orient. Mais l’Iran a-t-il besoin de développer une capa­cité d’armes nucléaires afin de dissuader une agression venant d’Israël, ou même à titre de contrepoids contre des assauts conventionnels ou tactiques éventuels par les Etats-Unis contre des cibles en Iran ?

Le débat en ce sens est intense parmi les cercles gouvernants et les décideurs stratégiques en Iran, quoiqu’il n’y en ait même pas écho en public. Le Général Yahya Rahim Safavi, commandant du Corps des gardiens de la révolution d’Iran (CGRI), a effectué l’appui le plus rapide et le plus significatif du besoin d’Iran pour développer une capacité nucléaire, c’était à l’occasion où il avait effectué un discours à huis clos en avril 1988, à un groupe d’officiers iraniens du CGRI.14 Cependant, aucun autre fonctionnaire iranien n’a appuyé les propos de monsieur Safavi, d’ailleurs tout fonctionnaire iranien de niveau, donc y inclus l’Ayatollah Khamenei, a toujours répété que les armes nucléaires n’ont aucune place dans la doctrine stratégique de l’Iran.

La nucléarisation du sous-continent indien a aussi ajouté du piment aux soucis sécuritaires de l’Iran. En particulier, le soutien du Pakistan en faveur du mouvement taliban afghan profondément anti-chiite a stressé les relations Téhéran-Islamabad. Tout comme je l’ai déjà affirmé, nonobstant la chute des Talibans en Afghanistan, associée à la transformation apparente du Pakistan en Etat du front contre ce mou­

vement, Téhéran reste méfiant des buts à long-terme éventuels d’Islamabad dans la région.15 Par ailleurs, des attaques récentes par des terroristes baluches de Jond al-Islam soutenus par al-Quaïda et qui ont exploité le territoire pakistanais à titre de sanctuaire pour lancer des assauts en Iran, ont rajouté à la tension entre les deux pays.

Pervez Musharraf, président du Pakistan, a augmenté l’appréhension de l’Iran quant aux buts régionaux d’Islamabad, lorsqu’il critiqua le programme d’enrichis­sement nucléaire de l’Iran comme étant une menace aux pays arabes du Golfe et qui a besoin d’être stoppée. Ceci a provoqué nombre d’Iraniens influents, à ques­tionner le ministère des affaires étrangères du pays, sur son silence face aux « propos provocateurs » de Musharraf. Par exemple, Seyyed Ahmad Khatami qui a dirigé la prière hebdomadaire du Vendredi 2 mars 2007, a averti que le Pakistan doit être tenu responsable pour ses propos menaçants contre l’Iran.16 Dans un esprit sem­blable, baztab, un site web reflétant les prises de position de Mohsen Rezai, ancien commandant du Corps des gardiens de la Révolution islamique, secrétaire actuel et assez influent du Conseil expéditif actuel, a mis en garde contre les dangers pour la sécurité de l’Iran, d’un « dictateur pakistanais créé par un coup d’état » et disposant d’armes nucléaires.17

Malgré la tension occasionnelle entre l’Iran et le Pakistan, ces deux pays restent des partenaires pour bon nombre d’entreprises internationales, et l’Iran n’envisage pas de scénario par lequel il aurait à faire face aux armes nucléaires du Pakistan, tout en développant sa propre capacité nucléaire militaire.

La posture nucléaire actuelle de l’Iran a été développée en vue d’atteindre nombre de buts immédiats ainsi que maints objectifs à long-terme. Ces buts et objectifs ont été formulés par le Centre de recherches stratégiques du Conseil expé-ditif, et ont servi de repère pour orienter les négociations de l’Iran avec les soi-disant UE-3 durant 2003-2005. Bien que ces négociations Iran-UE-3 se soient effondrées en 2005, les spécificités des objectifs iraniens peuvent nous donner un indice de ce à quoi l’on peut s’attendre dans d’éventuelles négociations avec l’Iran, en ce qui concerne sa politique nucléaire. Effectivement, ces buts ont été :

  • maintenir le dossier nucléaire iranien dans les confins de l’AIEA en l’empê­chant de s’adresser au Conseil de sécurité de l’ONU ;
  • contrôler les répercussions domestiques et internationales de tensions nu­cléaires avec l’Occident ;
  • expliquer au monde pourquoi l’Iran a besoin de développer une capacité nucléaire indépendante mais paisible ;
  • démontrer au Monde que les Etats-Unis ne se soucient pas autant que l’Iran développe des armes nucléaires, que d’empêcher l’Iran de progresser notamment du point de vue technologique ;
  • démontrer que les modèles iraquiens, nord-coréens et libyens ne sont pas les seuls à viser dans la tentative d’empêcher la prolifération d’armes nucléaires tout en protégeant nos droits aux traités ;
  • faire preuve de la maturité politique et de l’habilité diplomatique de l’Iran dans ses relations avec l’Occident ;
  • affaiblir l’unilatéralisme américain en démontrant l’avantage de négociations multilatérales, pour les Européens et le reste du monde ;
  • démontrer que seules des négociations dans un cadre d’égalité et de respect pour les points de vue des deux parties pourraient aboutir en accords durables et significatives ;
  • poser un fondement pour la suppression progressive de sanctions écono­miques et des obstacles qui nous ont empêchés de développer une économie plus robuste ;
  • démontrer à l’intention des Etats régionaux, la nature paisible du programme nucléaire iranien ;
  • démontrer que la suspension du cycle nucléaire complet ne peut être discutée qu’en un cadre politique et non par des menaces et l’intimidation ;
  • faire preuve de nos bonnes intentions en consentant de signer le Protocole supplémentaire et en entreprenant des mesures supplémentaires de promotion de confiance ;
  • exécuter dans les faits tous les accords que nous avons signés, sans tenir compte de la nature des menaces extérieures ;
  • augmenter les investissements européens en Iran, et ainsi affaiblir les sanc­tions américaines contre la République islamique ;
  • poser la fondation de la création d’une zone sans projet nucléaire au Moyen Orient ;
  • intégrer la sécurité européenne avec celle du Moyen Orient.18

Le profil des objectifs de l’Iran en négociant avec l’UE-3 peut être utilisé comme modèle pour les négociations futures avec soit l’UE-3 ou d’autres parties concernées s’il y a volonté de résoudre la crise nucléaire iranienne par voie diplomatique ou par des négociations ardues. Bien qu’il y ait certainement des positions fixes dans les exigences iraniennes, il existe aussi une zone d’ombre (marge de négociation) qui permet d’une part aux négociateurs iraniens d’être flexibles, d’autre part des com­promis. Cependant, pour que les négociations prennent lieu, aucune partie ne peut imposer des conditions préalables rigides. Par exemple, l’exigence que l’Iran cède son atout principal (c’est-à-dire : la suspension complète du cycle nucléaire) avant que les négociations puissent démarrer n’est pas réaliste et constitue un affront aux plus élémentaires règles de négociation.

 

La Structure de la Prise de Décision Nucléaire

On a tendance à entendre fréquemment que toute décision stratégique en Iran est faite soit par l’Ayatollah Khamenei ou est par lui approuvée. Dans un sens assez large, cette affirmation pourrait s’avérer correcte. Mais elle verse peu de lumière sur la norme de la prise de décision en Iran et ne nous en dit point long à propos des diverses tendances et les preneurs clés de décision qui peuvent intervenir sur la décision finale. Eu égard à la situation nucléaire, il existe trois cercles qui se chevau­chent et qui influent sur le résultat final d’élaboration d’une décision appropriée. Le premier cercle de preneurs de décision est composé de l’Ayatollah Khamenei (en sa qualité de Chef Suprême), l’Hojatoleslam Ali Akbar Hashemi Rafsanjani (chef du Conseil expéditif), Mohammad Najjar (ministre de la Défense), Ali Shamkhani (ancien ministre de la défense et chef actuel du Centre de recherche stratégique), Mohammad Ali Jafari, chef du CGRI, et le président Mahmoud Ahmadinejad. Hassan Rohani, négociateur nucléaire en chef d’Iran de 2003 à 2005, est parfois invité à se rallier à ce cercle de prise de décision au plus haut niveau, à cause de son ancienneté en qualité de Chef du conseil national suprême, et de sa connaissance intime des enjeux nucléaires du pays.

Le deuxième cercle de preneurs de décisions comprend le ministre des Renseignements Mohsen Ejei, Gholamreza Aghazadeh (directeur de l’Organisation d’énergie atomique d’Iran), Ali Akbar Velayati (conseiller principal en politique étrangère du Chef suprême), Manochehr Mottaki (ministre des Affaires étrangères), et Saeed Jalili (secrétaire du Conseil suprême de Sécurité nationale et négociateur nucléaire principal actuel). Le troisième cercle de preneurs de décision consiste en représentants appropriés du parlement (majles) ainsi que divers experts tech­niques, tels le représentant iranien auprès l’AIEA, et certains députés de l’OEAI. Ali Larijani, président du Parlement iranien et Alaeddin Borujerdi (président du Comité parlementaire des affaires étrangères et de défense) jouent un rôle crucial dans le troisième cercle, parce qu’ils sont ultimement responsables d’harmoniser les décisions de l’exécutif et du législatif en ce qui concerne le nucléaire.

Les points de vue détenus par ces individus sont certainement disparates, et parfois ils se critiquent en public. Par exemple, lorsque le président Ahmadinejad s’est engagé récemment dans une vive et virulente « confrontation nucléaire », en prétextant que le programme nucléaire iranien ressemble à un train sans freins, il a été pris à part par « un expert » (probablement Rafsandjani), l’accusant d’avoir mis en péril la prise de position du pays dans les négociations.19 Similairement, Rafsandjani a à de multiples reprises, mis en garde contre les déclarations extré­mistes : il s’agit d’une référence voilée aux discours provocateurs de Ahmadinejad qui sapent la sécurité du pays.20 Lors d’un entretien avec l’Agence de presse Mehr News, l’ancien ministre de la Défense Ali Shamkhani a critiqué les tactiques de diversion d’Ahmadinejad comme étant préjudiciables à la situation et à la sécurité globales de l’Iran. Spécifiquement, Shamkhani a soulevé une objection contre la te­nue d’une conférence sur l’Holocauste, estimant que cela « affaiblirait notre grande stratégie ».21

Des groupes sociétaux et politiques qui sont devenus à présent plus verbaux dans l’affirmation de leurs points de vue sur l’échec nucléaire du pays par rapport à l’Occident, influent aussi sur les cercles de prise de décision. Bien que presque toutes les factions en Iran soutiennent le droit du pays à l’énergie nucléaire paci­fique, elles divergent dans leur estimation de la posture courante prise par le gou­vernement iranien. Du côté ultraconservateur, le quotidien Kayhan et son éditeur influent Hossein Shariatmadari militent pour une position plus ferme relative à l’Occident, que celle suivie jusqu’à lors par les négociateurs gouvernementaux : l’on considère que les Etats-Unis sont piégés dans le bourbier en Iraq et ailleurs. Autrement dit, l’on perçoit la crise comme étant un problème de l’Amérique et non de l’Iran.22 Similairement, Hossein Allahkaram, théoricien de l’Ansar-e Hizbollâh, s’est permis d’estimer que la meilleure stratégie à suivre pour l’Iran c’est d’ignorer « la Résolution [illégale] n°1737 du Conseil de sécurité de l’ONU, et toute résolu­tion éventuelle qui pourrait être adoptée contre l’Iran », parce que cela prendra plus d’un an avant que les Etats-Unis puissent envisager de sérieuses attaques militaires contre l’Iran.

Cependant, Allahkaram argumente que si l’Iran poursuit son chemin actuel,

il aura traversé le seuil de la maîtrise nucléaire militaire, alors que les Etats-Unis
ne peuvent s’attaquer sans conséquences très préjudiciables, à un pays qui possède
des moyens nucléaires dissuasifs.23 Du côté réformateur, les voix de la dissension
se sont élevées contre la posture nucléaire courante prise par le gouvernement de
l’Iran. Une des critiques les plus fortes est venue des Mojahedin de la Révolution
Islamique. La déclaration de cette organisation notait en partie « Notre monde n’est
pas juste, et tous n’obtiennent pas leur dû. Ce qui est important pour notre pays,
c’est de réaliser une analyse bénéfices-coûts de nos décisions, et de décider ainsi
de la meilleure démarche qui ne nous expose pas à des peines et destructions..
L’approche par le président Khâtami, du sujet nucléaire reflète en même temps son
réalisme et sa défense adroite de nos droits. »24 De semblables sentiments ont aussi
été exprimés par Mohammad Atrianfar, allié de Rafsandjani et théoricien du camp
« réformiste », durant un débat public animé avec Amir Mohebian, commentateur
conservateur pragmatique influent.25 En général, une masse critique de ceux du
camp « réformiste » croient que, étant donné l’ambiance mondiale actuelle, cela
pourrait être dans l’intérêt national de l’Iran, que de suspendre provisoirement son
programme nucléaire. Comme exprimé par Fatemeh Haghighatjoo, ancienne par-
lementaire réformiste féministe assez loquace, « l’insistance [par l’Iran] en faveur
de son programme [d’enrichissement nucléaire] provoquera des réactions interna-
tionales qui à long terme provoqueront la méfiance de la communauté interna-
tionale, et mettra en péril les fondations du régime et sapera sa légitimité.

Le gouvernement devrait plutôt baser sa légitimité sur le vote du peuple, et faire tous les efforts pour gagner la confiance de la communauté internationale. [Les réfor­mateurs] croient en outre que la meilleure stratégie dissuasive favorisant l’intérêt national iranien, c’est la confiance amplifiée entre Etat et Peuple, d’autre part le renforcement des institutions démocratiques et civiles. »26

Les sentiments des réformistes, néanmoins, ne sont peut-être pas en harmo­nie avec ceux de l’opinion public. Selon un sondage de WorldPublicOpinion.org en association avec Search for Common Ground, la plupart des Iraniens « désirent que leur pays dispose de la capacité d’enrichir l’uranium pour l’énergie, mais une majorité estime aussi que l’Iran devrait se conformer au Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNPN) qui interdit aux signataires de développer des armes nu­cléaires. »27 Peut-être la trouvaille la plus importante de ce sondage était que « neuf Iraniens sur dix disent que c’est important pour l’Iran d’avoir le moyen d’enrichir l’uranium. La majorité cite à titre de raison clé, le besoin de sécuriser les besoins énergétiques de leur pays, de mettre en valeur sa compétence technique et de souli­gner son statut de grande puissance. »28 Compte tenu du soutien public débordant en faveur du développement d’une capacité nucléaire pacifique voir civile, alors les preneurs de décisions nucléaires iraniens ne peuvent ignorer une opinion pu­blique, même contradictoire, en formulant le programme nucléaire du pays. De surcroît, les arguments avancés par certains chercheurs et élaborateurs de politique contre l’économie d’indépendance énergétique nucléaire pour l’Iran29 ne semblent pas avoir été d’importance pour les preneurs de décisions nucléaires du pays. Plus que toute autre chose, la force motrice la plus importante dans le calcul nucléaire d’Iran, est sa perception de menace ou, comme l’a dit Nasser Hadian : sa « solitude stratégique ».30

 

Dissipation de la confiance : défis pour l’administration Obama

La solitude stratégique de l’Iran est un sous-produit des relations tortueuses avec l’Occident depuis la victoire de la Révolution Islamique de 1979. Le sens d’être encerclé, qui existe chez les leaders du pays évolue depuis le début de la Révolution, surtout durant la guerre Iraq-Iran lorsque l’Iran devait défendre son existence même contre ce qui paraissait être des adversaires de taille. Pendant les années récentes, l’expérience de l’Iran avec les négociateurs européens a dissout la confiance des leaders dans la sincérité des Occidentaux. Pendant les innombrables tournées de négociations avec les ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne et de la Grande Bretagne, les soi-disant UE-3, et par la suite entre le directeur de la politique étrangère des Etats-Unis, Javier Solana et le négociateur nucléaire principal de l’Iran, l’Occident a cherché à convaincre l’Iran de suspendre son enrichissement nucléaire et programmes affiliés, en échange d’un paquet de motivations économiques. La présomption sous-jacente de cette démarche, est que la formule « bâton et carotte » pourra enfin convaincre l’Iran de renoncer définiti­vement à ses droits définis dans le TNP en rapport à des activités d’enrichissement. Cet argument se fonde sur les faiblesses économiques et politiques présumées de l’Iran. C’est ce qui explique la première offre par les Etats-Unis à l’Iran : le « paquet généreux » de récompenses qui correspondait essentiellement en une offre indi­recte américaine de revendre des pièces détachées à l’Iran pour sa flotte usée d’avi­ons civils, d’autre part de ne pas s’opposer à la candidature de l’Iran pour devenir membre de l’Organisation du commerce mondial (OCM). Or, plutôt que d’être une « carotte », cette offre avait été perçue par l’Iran comme étant insultante, et a dissipé encore plus la confiance de la République Islamique dans la sincérité des négociateurs occidentaux.

Depuis l’échec de cette première démarche, l’Occident a suspendu sa « poli­tique de la carotte », en se focalisant davantage sur le composant « bâton » de la démarche : trois résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU ont été ra­tifiées contre l’Iran, en renforçant les sanctions économiques contre la République islamique.

Jusqu’à lors, les menaces et sanctions contre l’Iran n’ont abouti à aucun change­ment de position nucléaire iranien. Au contraire, les sanctions par l’ONU ont for­tifié la détermination des dirigeants d’accélérer les plans d’enrichissement nucléaire du pays. Par ailleurs, les retards russes incessants pour compléter les installations nucléaires à Bushehr, associés aux manœuvres exigeantes actuelles de Moscou afin d’extorquer davantage d’argent de l’Iran a renforcé les arguments de ceux qui ont avancé dans un premier temps que l’Iran ne peut hypothéquer son avenir énergé­tique auprès de fournisseurs étrangers imprévisibles. En d’autres termes, l’Iran ne peut que garantir un accès non interrompu au combustible nucléaire, que s’il peut lui-même contrôler sa production. L’enrichissement sur le sol iranien par voie d’un organisme de contrôle multilatéral a été à ce jour une solution de prédilection des négociateurs iraniens, et représente toujours une alternative viable à la suspension inconditionnelle et absolue de toutes les activités d’enrichissement sur le sol ira­nien. Tout comme l’ont observé Martin Jakobsen et Nicolas Bowen, permettre à l’Iran une garantie de combustible nucléaire pertinent pourrait mener à un traité entre l’Iran et l’UE-3 prévoyant la construction d’installations d’enrichissement multilatérales en Iran, avec les gouvernements des pays concernés en qualité de détenteurs de parts.

D’autres gouvernements peuvent aussi être invites pour rejoindre ultérieure­ment ce partenariat commercial, en qualité de détenteurs de parts. L’Iran sera alors obligé de n’entreprendre que des activités d’enrichissement et de retraitement à tra­vers ce partenariat.31 Bien que les détails d’un tel partenariat d’actionnaires devront être élaborés pendant des négociations entre les civilisations impliquées, ce plan a la meilleure chance d’être accepté par les décideurs nucléaires iraniens. Il devra aussi s’adresser bien sûr aux soucis de l’Occident à propos de la déviation éventuelle de combustible nucléaire vers un programme d’armements futurs. En même temps, cette étape apparaît comme un pas correct vers l’établissement de mesures qui ins­pirent la confiance entre l’Iran et l’Occident. Enfin, pour que ce plan réussisse, les Etats-Unis « doivent être inclus dans toute négociation multilatérale. Ceci est d’autant plus important lorsque l’on reconnaît le souci du gouvernement iranien de sa propre sécurité. Certes des assurances sécuritaires négatives par les Etats-Unis feraient du chemin vers la diminution de la menace perçue à Téhéran. »32

Bref, il existe des perspectives nationales et internationales contrastées qui peu­vent former le cours ultime de la stratégie nucléaire de l’Iran. Le dilemme nucléaire de l’Iran est complexe et ne se prête pas à des solutions simplistes. Des menaces politiques et/ou militaires extérieures provoqueront le plus probablement un ren­forcement des forces intransigeantes en Iran. Ce qu’il faut c’est une formule réaliste de marchandage qui rejette la mentalité prédominante de jeu à somme nulle pour traiter le défi nucléaire par l’Iran.

Le président Barack Obama a entrepris quelques mesures qui pourraient aider à soutenir l’installation de la confiance entre la République islamique d’Iran et les Etats-Unis, ainsi qu’à inverser une partie conséquente de la mauvaise volonté géné­rée entre ces deux parties pendant la présidence de George W. Bush. Le candidat Obama s’est distingué aussi bien de sa rivale démocrate principale, Hillary Clinton, et de son opposant républicain John McCain pendant la campagne présidentielle de 2008, en faisant appel à des négociations inconditionnelles et directes avec l’Iran. En sa qualité de président, Barack Obama a réitéré cette position à plusieurs reprises. Néanmoins, le vrai engagement avec l’Iran sera le défi de politique étran­gère le plus exigeant du président Obama. Le 27 janvier 2009, Obama a accordé son premier entretien complet, depuis sa prise d’office, devant la station télévisée panarabe Al-Arabiya. Lors de cet entretien, le président Obama a eu recours à un langage respectueux et mesuré en s’adressant au monde arabe et musulman. En répondant à la question de son interlocuteur sur l’Iran, Obama affirma :

Maintenant, le peuple iranien est un grand peuple, et la civilisation persane est une grande civilisation. L’Iran a agi de manières non favorables à la paix et à la pros­périté dans la région : ses menaces contre Israël ; ses poursuites non déclarées vers l’obtention d’arme nucléaire qui pourrait éventuellement déclencher une course aux armes de destruction massive dans la région, rendraient tous moins sécurisés ; …Mais je pense véritablement que c’est important pour nous d’être disposés de parler à l’Iran, d’exprimer très clairement là où se trouvent nos différences, mais aussi là où il existe des voies éventuelles menant au progrès. Et au cours des mois prochains nous établirons notre cadre de travail éventuel et notre démarche. Et tout comme je l’ai dit dans mon discours inaugural, si les pays comme l’Iran veulent cesser de tenir le poing serré, ils trouveront notre main tendue.33

Selon des rapports de presse occidentaux, certains fonctionnaires de l’admi­nistration Obama auraient expédié une lettre en Iran, de la part du président des Etats-Unis, visant à « dégeler les relations Etats-Unis-Iran et à ouvrir la voie pour des pourparlers face-à-face. »34 Similairement, le site web iranien Yari News affilié à l’ancien président iranien Mohammad Khatami, a rapporté que des discussions secrètes entre le conseiller cadre du Président Ahmadinejad, Motjtaba Samareh Hachemi, et l’ancien secrétaire de la défense des Etats-Unis, William Perry re­présentant M. Obama, auront bientôt lieu dans une capitale européenne. Hamid Mowlana, professeur de longue date d’une université américaine et qui en pre­nant sa retraite récemment s’est installé en Iran et sert actuellement, entre autres, de conseiller clé en politique étrangère à Ahmadinejad, accompagnera – selon ses dires – Samareh Hashemi, parce que Mowlana, contrairement à celui-ci, est tout à fait familier avec la politique et la culture américaines.35 L’Iran et les Etats-Unis ont tous les deux nié ces rapports. Néanmoins, la source « The Cable » du magazine connu Foreign policy, a confirmé que « le dialogue informel entre des fonctionnaires américains et les Iraniens a été beaucoup plus conséquent depuis quelques mois, que ce qui vient d’être rapporté.36 Ces réunions de haut niveau entre les Iraniens et les Américains ont été tenues dans de divers centres européens sous les auspices du groupe Pugwash. Ali Asghar Soltanieh, représentant permanent de la République islamique auprès de l’AIEA, figuraient parmi les fonctionnaires iraniens qui assis­taient aux réunions. Ces rapports sont actuellement expédiés vers les medias ira­niens, par des « joueurs de pouvoir politique iraniens qui se concurrencent pour manœuvrer vers un avantage dans les dynamiques instables Washington-Téhéran, à l’approche de leurs propres élections au mois de juin. »37

Nonobstant ces développements, l’historique des relations Etats-Unis-Iran de­puis 1979 nous apprend que le chemin de la normalisation des relations entre les deux pays est semé de dangers et d’obstacles des deux côtés, mais peut encore gêner les espoirs de rapprochement entre Washington et Téhéran. Par exemple, si Obama choisit Dennis Ross – dont les liens avec les centres des « faucons » de recherche aux Etats-Unis, doublés par ses points de vue anti-iraniens sont bien établis – en qualité de son représentant vers l’Iran, alors les perspectives de mesures tant nécessaires de promotion de confiance entre les deux antagonistes diminueront significativement.

 

La démarche de Ross envers l’Iran devient « de plus en plus belliqueux

Pendant le deuxième tour des élections présidentielles de 2008, Ross a participé à deux groupes de recherches visant à influer sur la politique du président américain imminent envers l’Iran, à savoir ces deux groupes ont tous les deux recommandé des attitudes extrêmement agressives. » 38 Ross a aussi milité pour le renforcement de la coopération Etats-Unis-Israël visant à faire démonter le programme nucléaire de l’Iran. Et le Secrétaire d’état des Etats-Unis, Hillary Clinton, aussi bien mais en moindre mesure que l’ambassadrice des Etats-Unis auprès l’ONU, Susan Rice, ont parfois réclamé une attitude agressive envers l’Iran, quoique ces deux aient amélioré leur posture fâcheuse depuis s’être ralliées à l’Administration Obama. Toutefois, pendant la campagne présidentielle de 2008, Hillary Clinton avait franchement affirmé que si elle était élue Présidente, et si l’Iran s’attaque à Israël, elle « anéantirait totalement l’Iran ». 39 Dans sa réplique aiguisée à sa rivale démocrate principale, le candidat Obama avait critiquée Hillary Clinton pour avoir utilisé un langage « qui rappelle George Bush » et avait souligné le besoin de se distancer de la politique Bush en faisant « le fanfaron et frimer et abuser du langage fort ».40 Similairement, lorsque John McCain, l’opposant républicain du candidat Obama, avait fait cam­pagne en chantant grossièrement « bombardons, bombardons, bombardons l’Iran » devant une foule de partisans à South Carolina, Monsieur Obama s’est opposé for­tement à la conduite insensée de ce rival républicain.41 Par la même, force est d’ob­server qu’il existe des éléments du côté iranien, qui s’opposent idéologiquement aux Etats-Unis et peuvent saper les tentatives de normaliser les relations de Téhéran avec Washington. Trente ans après le renversement de la monarchie Pahlavi, la Révolution islamique d’Iran se trouve toujours dans des outrances à se définir et à redéfinir sa place dans le monde.

Notes

  1. Compte-rendu d’initialisation du programme nucléaire du Chah, voir Gholam Reza Afkhami, éd.: Barnameye Enerjiy-e Atomy-e Iran: Talashha va Taneshha, Mosahebe ba Akbar Etemad, Nokhosteen Raiis-e Sazman-e Enerjiy-e Atmomiye Iran [Irans Atomic Energy Program: Efforts and Tensions], Bethesda, MD: Foundation for Iranian Studies, 1997
  2. Chef adjoint des Recherches en relations internationales, Centre d’études stratégiques, Diplomasiy-e Hasteii: 678 Rooz Modiriyat-e Bohran [Nuclear Diplomacy: 678 Days of Crisis Management], Téhéran: Center for Strategic Studies, 2006, p. 304
  3. Pour les détails, voir Abolfath Mahvi, « Majeraye Shegeft Angiz-e Enerjiy-e Atomy-e Iran: Shah, Doktor Etemad va Man » [Le récit étrange de l’énergie atomique de l’Iran : le Chah, le Dr. Etemad et Moi], Nimrooz, 15 juillet 2005 [http://www.nimrooz.com/html/842/ htm#s155919]

 

 

  1. Voir, Arya Abbas Amirie, Unparalleled Journey: From Raising Lambs to Advising World Leaders, Irvine, CA: Academy Press of America, 2007, pp. 168-170.
  2. Cité dans Foreign Relations ofthe United States, 1958-1960, XIII, Near East Region; Iraq; Iran; Arabian Peninsula, Washington, DC: United States Government Printing Office, 1993, fn 2, p. 659.
  3. L’entretien d’Ardeshir Zahedi avec Radio France International, 1er mai, 2006.
  4. Pour une collection des documents déclassifiés à propos des négociations nucléaires USA-Iran à la fin des années ’70, conférer le National Security Archive Electronic Briefing Book 268 [http://www.gwu.edu/~nsarchiv/nukevault/ebb268/index.htm]. Pour une analyse succincte de l’histoire des négociations nucléaires USA-Iran durant l’ère du Chah, voir William Burr, « A Brief History of U.S.-Iranian Nuclear Negotiations, » Bulletin ofthe Atomic Scientists, vol. 65, no. 1, janvier/février 2009, pp. 21-34.
  5. Voir la Section Iran du site web de l’AIEA : http://www.iaea.org, pour tous les rapports de l’agence sur l’Iran.
  6. Shahram Chubin, Irans Nuclear Ambitions, Washington, DC: Carnegie Endowment for International Peace, 2006, p. 1
  7. Pour une analyse succincte des capacités des armes nucléaires de l’Israël, voir Natural Resources Defense Council’s Nuclear Notebook, « Israeli Nuclear Forces, 2002, » Bulletin ofthe Atomic Scientists, 58, no. 5, septembre/octobre 2002, pp. 73-75.
  8. Walter Pincus, « Israel Has Sub-Based Atomic Arms Capability » Washington Post, 15 juin 2002.
  1. Nader Entessar, « Irans Security Challenges » The Muslim World, 94, no. 4, octobre 2004,
  2. 543.
  3. Ibid, p. 544
  4. Fars News Agency, mars 2, 2007.
  5. http://www.baztab.ir, mars 22, 2007.
  6. Diplomasiye Hasteii: 678 Rooz Modiriyat-e Bohran, 12-18. Voir aussi : Mohammad Ali Basri et Mostafa Ghasemi, « Barresiye Mavaze-e Etehadiyeh Oroopa va Amrika dar Qebal-e Parvandeh-e Hasteii Iran [A Study ofthe EU and American Positions on Irans Nuclear File], Journal of Defense Policy (Tehran), vol. 14, no. 2, Printemps 2006, pp. 25-64, ainsi Seyyed Hamid Mowlana et Manouchehr Mohammadi, Siyast-e Khareji Jomhoori-e Eslami Iran dar Dolat-e Ahmadinejad [Foreign Policy ofthe Islamic Republic of Iran During Ahmadinejad’s Administration], Téhéran : Dadgostar Publisher, 2008, pp. 194-200.
  7. Baztab, February 25, 2007 [http://www.baztab.ir/news/61576.php].
  8. Voir, par exemple, Iran Times, février 2, 2007, pp. 1 et 10.
  9. Agence Mehr News, Mars 3, 2007 [http://www.mehrnews.com/fa/NewsDetail. aspx?NewsID=455662].
  10. Voir, par exemple, Hossein Shariatmadari, « Il y a crise, mais de Quel Côté? », Kayhan, février 19, 2007 [http://www.kayhannews.ir/851130/2.htm].

 

  1. Voir l’article de Allahkaram’s posté à http://www.ansarnews.com/?usr=news/ detail&nid=602 [nd].
  2. Kargozaran, février 25, 2007.
  3. Fatemeh Haghighatjoo, « Factional Positions on the Nuclear Issue in the Context of Iranian Domestic Politics », Iran Analysis Quarterly, 3, no. 1, janvier-mars 2006, pp. 1-2.
  4. Voir,, Thomas par exemple, Wood, Matthew D. Milazzo, Barbara A. Reichmuth, et Jeffrey Bedell, « The Economics of Energy Independence for Iran, » Nonproliferation Review,

vol. 14, no. 1, mars 2007, pp. 89-112.

  1. Nasser Hadian, « Iran’s Nuclear Program: Contexts and Debates » de Geoffrey Kemp, éd., Irans Bomb: American andIranian Perspectives, Washington, DC: The Nixon Center, 2004,
  2. 55.
  3. Martin Jakobsen et Nicholas Bowen, « Resolving the Iranian Nuclear Crisis: A review of Policies and Proposals 2006, » Danish Institute for International Studies, avril 2007,
  4. 1-5.
  5. , p. 4.
  6. Pour le texte complet de l’entretien du Président Obama avec Al-Arabiya, conférer : http:// alarabiya.net/save_print.php?print=1&cont_id=65087&lang=en.
  7. Robert Tait et Ewen MacAskill, « Revealed: The Letter Obama Team Hope Will Heal Iran Rift, » Guardian, 29 janvier 2009 [http://www.guardian.co.uk/world/2009/jan/28/barack-obama-letter-to-iran]
  8. Yari News, 27 janvier 2009 [http://www.yaarinews.com/default.aspx/n/3265]
  9. Laura Rozen, ‘ »Revealed: Recent U.S.-Iran Nuclear Talks Involved Key Officials », Foreign Policy (The Cable), 29 janvier 2009 [http://thecable.foreignpolicy.com/posts/2009/01/29/ americas_secret_back_channel_diplomacy_with_iran].
  10. Hillary Clinton avait émis son commentaire de « oblitérer totalement l’Iran », d’abord sur le programme « Good Morning America » de la station télévisée ABC le 29 avril 2008, et a ensuite pris la défense de son commentaire dans d’ultérieures comparutions télévisées.
  11. Ed Pilkington, « Obama Accuses Clinton of Using the Language of Bush on Iran » Guardian, 5 mai 2008 [http://wwww.guardian.co.uk/world/2008/may/05/barackobama. hillaryclinton].
  12. Le programme « Day to Day » de la National Public Radio, 20 avril 2007.
  13. Cité en : Political Research Associates, The Right Web[http://rightweb.irc-online.org/ profile/4786.html].
  14. Hillary Clinton avait émis son commentaire de « oblitérer totalement l’Iran », d’abord sur le programme « Good Morning America » de la station télévisée ABC le 29 avril 2008, et a ensuite pris la défense de son commentaire dans d’ultérieures comparutions télévisées.
  15. Ed Pilkington, « Obama Accuses Clinton of Using the Language of Bush on Iran » Guardian, 5 mai 2008 [http://wwww.guardian.co.uk/world/2008/may/05/barackobama. hillaryclinton].
  16. Le programme « Day to Day » de la National Public Radio, 20 avril 2007.
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