Vers quelle réforme de l’ONU ?

Avec Son Excellence
Monsieur Boutros Boutros GHALI

Novembre 2006

Entretien conduit par Ali RASTBEEN & Yacine Hichem TEKFA

Géostratégiques : La gouvernance mondiale issue de la multiplication des acteurs internationaux et représentant l’aboutissement de plusieurs changements internationaux, notamment la mondialisation de la sécurité, la codification d’un nouveau droit d’ingérence intra-étatique, et l’influence d’une société civile globale, elle devient complexe et lourde, l’Onu incarne-t­elle toujours cette gouvernance mondiale en profonde mutation ?

B.B. GHALI : Non, malheureusement l’ONU n’est pas en mesure d’incarner cette nouvelle gouvernance mondiale du fait qu’elle est toujours fondée sur le principe qui prévalait en 1945, celui de l’État souverain. Or, l’État souverain a aujourd’hui perdu une partie de son indépendance sous l’impact de la mondialisation, dans la mesure où les principaux problèmes internationaux et nationaux ne peuvent plus se résoudre à l’échelle nationale et doivent être résolus à l’échelle internationale, que ce soit l’environnement, les pandémies, le terrorisme, le commerce, les finances, etc. Si bien que le pouvoir de l’État-nation a diminué et que la souveraineté tout en étant un élément essentiel a perdu de son importance. J’ajoute un autre phénomène : l’intervention de certains États dans d’autres États, au nom des droits de l’homme, dans le cas de génocides, ou dans le cas d’États défaillants, par exemple. Dans ce contexte, si l’organisation mondiale veut continuer à jouer un rôle, il faudra concevoir une Troisième Génération des organisations internationales, la première génération ayant été incarnée par la SDN, et la deuxième par l’ONU. Cette organisation de la troisième génération devra être plus démocratique et étroitement associer les acteurs non étatiques, concept que j’ai développé dans l’Agenda pour la Démocratisation, publié par les Nations unies en Décembre 1996. La démocratisation de l’ONU passe aussi, en effet, par la participation des acteurs non étatiques, qu’il s’agisse des parlementaires, des représentants des partis politiques ou des syndicats, des organisations régionales, des organisations non gouvernementales, etc. Evidemment, l’État continuera à jouer un rôle primordial, mais il faudra rééquilibrer le pouvoir de l’État au sein de l’Organisation par la présence d’acteurs non étatiques.

Géostratégiques : Vous avez défini l’Onu dans l’un de vous ouvrages comme suit : je cite « L’ONU est un miroir grossissant de l’opinion internationale. S’y reflètent, jusqu’à l’excès, les espoirs et les angoisses des États et des peuples ». Aujourd’hui, maintenez-vous cette même définition ? Où vous préférez la définir autrement ?

B.B. GHALI : Oui, je dirais que l’Onu fait aujourd’hui encore fonction de miroir grossissant de l’opinion internationale, et qu’elle continue de refléter les espoirs et les angoisses des États. Mais a-t-elle les moyens de trouver une solution à ces angoisses et de concrétiser ces espoirs ? J’en doute, dans la mesure, notamment, où elle continue d’être utilisée à la carte par les superpuissances.

Géostratégiques : En 1996, vous avez présenté à l’Assemblé générale des Nations unies, « l’Agenda pour la Démocratisation », mais cela n’a pas eu un impact malgré la pertinence du projet, notamment dans la réforme des structures des Nations unies. Quels étaient les éléments de cet échec ? Et en quoi consistait votre projet de réforme de l’ONU ?

B.B. GHALI : Il ne s’agissait pas à proprement parler de réforme, car on sait qu’il faut bien 10 à 15 ans avant qu’un concept nouveau trouve sa traduction dans la réalité. J’ai plutôt tenté de défendre l’idée selon laquelle les acteurs majeurs de la politique internationale, comme les multinationales par exemple, tirent profit des relations internationales et essayent de tourner à leur avantage les principes mêmes des Nations unies. Dans ces conditions, autant les faire participer à l’élaboration des normes internationales, et obtenir un soutien de leur part. C’est pourquoi, lorsque j’étais Secrétaire général des Nations unies, j’ai tenu à réunir à plusieurs reprises les représentants de partis politiques à l’Assemblée générale, j’ai également tenu des réunions avec les organisations non gouvernementales, et avec les organisations régionales. L’objectif était de favoriser une forme de représentation des acteurs non étatiques. Quelle forme cette représentation doit-elle prendre ? Il s’agit là d’un problème technique qui mérite réflexion. Cela étant, je vous signale que cette idée n’a rien de révolutionnaire. Il y a un précédent que tout le monde oublie : l’Organisation Internationale du Travail qui offre une représentation tripartite puisqu’on y trouve, outre les représentants de l’État, les représentant des ouvriers et ceux du patronat, donc deux acteurs non étatiques qui jouent un rôle extrêmement important dans l’élaboration des normes internationales de travail.

Géostratégiques : Vous évoquez souvent la mondialisation de la démocratie, c’est-à-dire la démocratie de la mondialisation. Serait-elle un processus onusien ? Et comment l’ONU pourrait-elle démocratiser la mondialisation, si elle-même souffre de manque de démocratie ?

B.B. GHALI : Je vous rappelle tout d’abord que dans toutes les conférences internationales, il y a en fait deux conférences : la conférence gouvernementale et une conférence tenue parallèlement à un niveau non-gouvernementale. Lors des Sommet de Rio de Janeiro sur l’environnement et de Copenhague sur le développement social, je suis même parvenu à établir des passerelles entre les deux conférences si bien que les acteurs étatique et non étatiques ont collaboré dans d’adoption des résolutions.

Plus largement, je pense que le multilatéralisme est une forme de démocratisation, mais la démocratisation de la mondialisation ne saurait se réduire à une transposition de la démocratie nationale. La démocratie en dernière analyse est un processus. Et les Nations unies ne sauraient être le seul cadre de la mondialisation. D’ailleurs, vous avez plusieurs mondialisations ou plutôt la mondialisation génère toutes sortes de globalisations : globalisation de la culture, des télécommunications, de l’environnement, du terrorisme. Vous pouvez donc imaginer la démocratisation dans le cadre de plusieurs organisations internationales, comme vous pouvez l’imaginer dans le cadre d’un parlement mondial.

L’ONU serait un instrument de la démocratisation de la mondialisation, mais il peut y en avoir d’autres comme l’Unesco, l’OIT. Il faut donc d’abord définir les différentes globalisations et déterminer quels seront leurs effets sur l’État-nation, sur les autres acteurs non étatiques. Autant de projets utopiques qui ne se concrétiseront que dans les 20 voire 40 prochaines années. Il n’en demeure pas moins qu’il faut s’y préparer dès maintenant. L’effort d’aujourd’hui consiste à préparer l’opinion publique à accepter de nouvelles idées qui ne verront le jour que dans les prochaines décennies.

Géostratégiques : Pouvez-vous expliquer les difficultés rencontrées durant votre mandat onusien ? La période de l’après-Guerre froide était-elle propice à vos multiples projets pour l’Onu ?

  1. B. GHALI : Je puis dire que je me suis trompé dans la mesure où un mois après mon arrivée à l’ONU, le 31 janvier 1992, a eu lieu le premier Sommet du Conseil de sécurité, et il m’a été confié le soin de préparer un document sur la réforme. Dans mon discours d’investiture, j’ai donc défendu trois idées : 1- l’action préventive avant l’éclatement des conflits, 2- la démocratie à l’intérieur des États et entre les États (within membre states and among membre states) et 3- la réduction de la fracture entre le Sud et le Nord. Plus tard, j’ai développé une quatrième idée concernant le Peace Building, qui consiste à s’occuper du conflit une fois que la paix a été rétablie. La signature d’un accord de paix ne garantit pas la paix, il faut la construire, l’institutionnaliser sous peine de connaître une rechute.

Pour revenir aux premiers moments de mon mandat, j’ai cru donc que j’étais chargé – et j’avais cette ambition personnelle – de gérer l’après-guerre froide. Mais je me trompais. Ce sont les États-Unis qui ont gagné la Guerre froide, du moins est-ce leur vision des choses, et ils pensent qu’il leur revient de droit de gérer l’après-guerre froide. Leur idée est très simple et s’est développée avec le président Bush fils, c’est l’idée de la paix démocratique d’Emmanuel Kant selon laquelle, si l’on parvient à instaurer la démocratie dans tous les pays du monde, on parviendra à une paix démocratique, au motif qu’une démocratie ne fait pas la guerre à une autre démocratie. C’est totalement faux et très utopique parce que les armées démocratiques peuvent faire la guerre aux armées démocratiques.

Géostratégiques : La crédibilité de l’Onu dans le Monde constitue un obstacle majeur à sa capacité d’influence et à ses principes fondateurs, depuis l’intervention américaine en Irak sans l’aval du Conseil de sécurité ? Comment expliquez-vous les raisons de cette déconsidération de l’Onu dans le Monde ?

B.B. GHALI : La déconsidération de l’Onu vient surtout de son incapacité à résoudre tous les conflits. La Yougoslavie, le génocide au Rwanda, etc. Pourquoi chercher plus loin, prenez à ce qui se passe actuellement au Darfour, au scandale du Liban. Pendant un mois, on a bombardé et ravagé un État membre des Nations unies dans l’indifférence totale de la Communauté internationale. Les Nations unies ont été incapables d’adopter une résolution du Conseil de sécurité demandant un arrêt des hostilités. Nous sommes donc devant une crise très grave des Nations unies, sans parler de la crise du droit international et du droit humanitaire. Installer un centre pénitentiaire à Gwantanamo, c’est une violation du droit humanitaire et des Conventions de Genève.

Géostratégiques : Votre mandat onusien a été marqué par deux éléments majeurs qui sont intrinsèques l’un à l’autre mais qui se sont avérés discordants. Tout d’abord votre contribution magistrale à la doctrine de la diplomatie préventive à travers l’Agenda pour la Paix. Et ensuite l’échec de la force onusienne en ex-Yougoslavie, les massacres du Rwanda et la non résolution du Conflit du Sahara occidentale. Pourriez-vous expliquer les facteurs de cet échec ?

B.B. GHALI : Concernant l’ex-Yougoslavie, il faut savoir que les États membres n’ont pas voulu s’impliquer dans ces opérations. On aurait eu besoin de 30.000 hommes dans les zones de sécurité en Yougoslavie, on n’en a obtenu que 5000. Au Rwanda, j’ai très tôt demandé l’arrêt de la radio Mille Collines qui appelait au génocide, mais on m’a répondu que cela coûterait trop cher. Il est clair que les Nations unies étaient dans l’incapacité de résoudre tous ces conflits. Mais cette incapacité est avant tout due au manque de volonté politique des États membres qui refusent de s’impliquer dans ces conflits.

Géostratégiques : Comment observez-vous une modification de la dialectique actuelle la superpuissance des uns et le manque de volonté politique des autres, se résumant a poursuivre le leadership de la puissance ? Qui pourrait modifier la voie de l’unilatéralisme et lancer le multilatéralisme ?

B.B. GHALI : Je vous accorde qu’il faudra bien admettre tôt au tard, que les États-Unis n’ont ni les moyens, ni la volonté de prendre en charge et de résoudre l’ensemble des problèmes de la planète. Ils doivent donc faire appel aux alliés et plus largement aux autres grands États, comme la Chine, l’Inde, l’Union européenne… Par ailleurs, l’unilatéralisme américain, conforté par sa puissance militaire, a tendance à favoriser la politique coercitive, à un moment où les problèmes majeurs auxquels doit répondre la communauté internationale, sont, avant tout, des problèmes du développement et de la globalisation. Il est clair, dans ces conditions, qu’une politique menée dans un cadre multilatéral et fondée sur le dialogue, la diplomatie, la négociation, mais aussi sur la promotion de la solidarité, constitue une démarche plus appropriée.

Géostratégiques : Comment voyez-vous l’avenir de l’ONU, si l’unilatéralisme américain se poursuit ?

B.B. GHALI : Il y a deux solutions. La première consiste à prendre le pari que vous aurez dans un proche avenir – dans la mesure où les États-Unis changent de président tous les quatre ans, ou tous les huit ans – un président conscient que les États-Unis ont tout intérêt à recourir au multilatéralisme. N’oubliez pas que le président Wilson est à l’origine de la création de la Société des Nations et que c’est le président Roosevelt qui a contribué à la création des Nations unies. La seconde est d’imaginer qu’un jour de grands États comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Union européene décideront de s’intéresser activement aux affaires internationales, et à ce moment-là nous reviendrons au multilatéralisme.

Géostratégiques : Que penser du droit de veto à l’ONU, qui permet de retourner une majorité ? Cela ne semble pas remettre en cause le principe démocratique de l’ONU ?

B.B. GHALI : Dans toutes les réformes qui ont été faites, on n’a jamais abordé le droit de veto, parce qu’on sait qu’on ne peut faire la réforme qu’avec l’accord des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Si on ajoute de nouveaux membres permanents, ils n’auront pas le droit de veto. Ce que je propose, c’est de limiter l’utilisation du droit de veto. Vous pouvez l’utilisez dans certains cas. Au moment de mon élection, 14 États étaient favorables et un État, les États-Unis, a utilisé son droit de veto. Il est facile d’établir une liste restrictive de situations pour lesquelles vous pouvez utiliser le veto.

Géostratégiques : Que pensez-vous des projets de refonte de la structure de l’ONU et d’élargissement du Conseil de sécurité ?

B.B. GHALI : Il existe une centaine de projets, mais pour moi nous sommes encore au stade où rien ne se fera dans les prochaines années.

Géostratégiques : L’Allemagne demande à avoir un siège permanent, mais il semble que les États-Unis soutiendraient la demande d’un nouveau siège pour le Japon, leur principal allié en Asie-Pacifique. La Chine s’y oppose avec vigueur. Et la situation est encore compliquée par les aspirations de plusieurs puissances régionales, comme l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil, ainsi que par les divisions qui traversent leurs groupes régionaux respectifs, Comment voyez-vous la future structure du Conseil de sécurité ?

B.B. GHALI : Je ne veux pas sous-estimer la réforme du Conseil de sécurité mais il y a, à mes yeux, d’autres réformes beaucoup plus importantes. Celle, par exemple, qui permettrait de se doter d’une « armée » permanente de casques bleus, car il est inconcevable, quand il y a urgence, de devoir attendre trois mois avant de pouvoir dépêcher des forces onusiennes. Je pense à d’autres réformes telle que la possibilité pour l’ONU d’emprunter de l’argent auprès des banques, ou la possibilité pour le Secrétaire général de demander un avis consultatif de la Cour Internationale de justice.

Géostratégiques : Si la responsabilité primordiale de l’ONU est la protection des civils dans les conflits armés, qui constituent aujourd’hui 90 % des guerres. Ne pensez-vous pas que le moment soit venu de repenser le concept de l’ingérence humanitaire et politique, de la souveraineté nationale en sachant que la tâche de l’humanitaire a des conséquences politiques lorsque la souffrance allégée a des causes politiques ?

B.B. GHALI : Le droit humanitaire passe par une crise profonde, d’autant plus que les guerres sont aujourd’hui civiles et qu’elles ont souvent lieu avec la participation des civils. Les conventions de Genève qui faisaient la différence entre civils et militaires ont malheureusement perdu de leur importance.

Géostratégiques : Pourquoi les États-Unis refusent-ils d’accorder un rôle majeur à l’ONU en Irak ? Ne croyez-vous pas que l’échec de la guerre en Afghanistan et en Irak va rendre les relations monde Islamique/Occident plus conflictuelles et augmenter le danger du terrorisme ?

B.B. GHALI : La guerre favorise le terrorisme. Pour former un terroriste, il faut savoir utiliser les bombes, manier les armes. La formation des terroristes se fait durant les guerres. Un pays en paix ne peut que difficilement former des terroristes. En ce sens, la guerre en Afghanistan et en Irak favorise incontestablement le terrorisme. Autre exemple, celui du Hamas qui s’est formé pendant les 22 ans de l’occupation israélienne du Sud Liban. On ne s’improvise pas terroriste, on va à l’école du terrorisme.

Géostratégiques : L’un des plus grands triomphes de l’Onu aura été la création à Rome, en juin 1998, de la Cour criminelle internationale (CCI). Comment à votre avis cette Cour fonctionnera ? Et pourrait elle avancer la cause des droits de l’homme à travers le monde ?

B.B.GHALI : J’ai créé le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et celui pour le Rwanda, qui sont des instruments qui prennent place après le conflit dans le cadre de la construction de la paix. Cela étant, si la création de la Cour criminelle internationale constitue une avancée importante, elle n’en est pas pour autant le plus grand triomphe de l’ONU. Ce qui serait pour moi un grand triomphe de l’ONU, je le répète, ce serait la constitution d’une armée permanente de casques bleus avant l’éclatement des conflits ou l’imposition d’une taxe internationale afin que l’ONU dispose d’un revenu propre et ne dépende plus des contributions aléatoires des États.

Géostratégiques : La sécurité collective constitue un défi international majeur, que représente ce défi devant ceux de la pauvreté, des maladies et de la violence dans toutes ses formes auxquels les sociétés sont confrontées ?

BB GHALI : Ce sont des problèmes interdépendants, il est certain que le sous-développement encourage des régimes autoritaires et facilite les conflits, comme il est facile de dire que le développement permet la démocratisation. La fracture de demain sera entre le monde riche et le monde pauvre, et la mondialisation risque d’aggraver cette fracture.

Géostratégiques : Quels résultats peut-on tirer des grandes conférences et traités de l’ONU sur des thèmes aussi variés que l’habitat, le développement social, les femmes, l’enfant, la torture, etc. ? Quand il en va des droits économiques, sociaux et culturels des individus, ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux privilégier les initiatives plus informelles, les micro-projets ?

B.B. GHALI : Ces grandes conférences aident à mobiliser l’opinion publique, aident à préparer l’élaboration des normes qui vont gérer dans l’avenir ces problèmes. Nous sommes encore au stade de la préparation des normes de demain.

Géostratégiques : L’Organisation internationale de la francophonie, dont le secrétaire général Abdou Diouf, qui vous a succédé tente de conduire une stratégie de développement de la langue française où son usage est presque inexistant comme à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Conférence des Nations unies pour le développement (Cnuced) ou encore le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), comment voyez-vous d’une part le multilinguisme au sein des institutions internationales et quel avenir pour le français ?

B.B GHALI : Ce n’est pas le français pour le français qui m’intéresse. C’est plus largement la diversité linguistique et culturelle, le français, l’arabe, l’espagnol, le chinois. La diversité culturelle est au fondement de la démocratie mondiale, de la même manière que le multipartisme est au fondement de la démocratie nationale. Le fait que vous ayez différentes cultures, différentes langues, différentes idéologies, aide à promouvoir la diversité et aide à promouvoir la démocratie.

Géostratégiques : quel regard portez-vous sur la crise nucléaire iranienne ?

  1. B. GHALI : Comment justifier que l’on interdise à certains ce que l’on permet à d’autres ? Il faut sortir de cette vision à la carte et inscrire la réflexion à l’échelle mondiale. Il faut relancer la concertation et la négociation avec l’objectif de diminuer et d’abolir à terme l’armement nucléaire partout pour tous.

Géostratégiques : Comment voyez- vous l’avenir de l’Onu ?

B.B. GHALI : L’avenir de l’Onu, c’est de préparer la troisième génération des organisations internationales.

* Ancien Secrétaire général de l’Onu, diplomate, juriste, universitaire et auteur de nombreux ouvrages dont le dernier avec Shimon PERES, Soixante ans de conflits israélo-arabe, Témoignages pour l’Histoire, Complexe, Ed, 2006. Boutros Boutros-Ghali a une longue expérience des affaires internationales. Né en Égypte en 1922, il a reçu un doctorat en droit international de l’Université de Paris en 1949. La même année, il est nommé professeur à l’Université du Caire; il occupera cette fonction jusqu’en 1977, date à laquelle il se consacre exclusivement à la politique. De 1977 à 1991, il occupera les fonctions de ministre d’État aux Affaires étrangères, puis de vice-premier ministre égyptien chargé des Affaires étrangères. Il a été nommé Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies en 1992 jusqu’en 1996, puis de la Francophonie de 1997 à 2002.

Spécialiste de la coopération afro-arabe, des droits de l’Homme et de ceux des minorités, il est sollicité par de nombreuses organisations. On lui doit également la création de deux publications : « Alahram Iqtisadi » et « Al-Siassa Dawlia, Politique Internationale ». Sa brillante carrière s’accompagne d’un engagement politique fort en faveur de la démocratisation de la mondialisation et de l’ONU.

Les grandes étapes des débats sur la réforme des Nations unies 14 juillet 1997 : Kofi Annan présente son rapport « Rénover les Nations unies : Le programme pour la réforme » (A/51/950). Ce rapport contient 29 mesures que le Secrétaire général peut prendre de sa propre initiative mais sur lesquelles il consulte les États membres, et 15 recommandations sur lesquelles l’Assemblée générale doit se prononcer.

3 avril 2000 : il présente son rapport pour le sommet du Millénaire intitulé « Nous les peuples, le rôle des Nations unies au XXIème siècle » 23 août 2000 : publication du rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix des Nations unies « Rapport Brahimi » qui recommande des changements radicaux dans la stratégie, la doctrine et les opérations de paix.

Du 6 au 8 septembre 2000, se déroule le Sommet du Millénaire au siège des Nations unies où 147 chefs d’État et de gouvernement et 191 nations au total, adoptent la Déclaration du Millénaire des Nations unies, document donnant des directions pour adapter l’organisation au nouveau siècle.

31 juillet 2002 : publication du rapport annuel sur les suites à donner au Sommet du Millénaire – Application de la Déclaration du Millénaire adopté par l’Organisation des Nations unies.

9 septembre 2002 : rapport du Secrétaire général « Renforcer l’ONU : un programme pour aller plus loin dans le changement ».

5 septembre 2003 : État d’avancement des mesures proposées par le Secrétaire général dans le rapport « Renforcer l’ONU : un programme pour aller plus loin dans le changement »

2 décembre 2004 : rapport du Groupe de personnalités de haut niveau « Un monde plus sûr : notre affaire à tous ».

21 mars 2005 : Kofi Annan présente son rapport sur le projet de réforme de l’ONU « Dans une liberté plus grande : vers le développement, la sécurité et les droits de l’homme pour tous ». Dans ce rapport, le Secrétaire général propose notamment l’élargissement du Conseil de sécurité à 24 membres contre 15 actuellement, l’adoption d’un code définissant dans quelles conditions les nations peuvent légalement entrer en guerre, d’une définition universelle du terrorisme et la création d’une « Commission d’édification de la paix » pour aider les pays sortant d’un conflit.

14-16 septembre 2005 : Sommet mondial de l’ONU à New York. Les États membres décident d’instituer une Commission de consolidation de la paix, en tant qu’organe intergouvernemental consultatif, qui sera chargée d’aider les pays sortant d’un conflit armée. Dans le cadre du renforcement de l’ONU, les États membres souhaitent que « le Conseil de sécurité soit réformé sans tarder, afin de le rendre plus largement représentatif » et s’engagent à « s’efforcer de faire aboutir d’ici à la fin 2005 les progrès accomplis sur cette voie ». Enfin, décision est prise de créer un Conseil des droits de l’homme qui remplacera la Commission des droits de l’homme et de supprimer le Conseil de tutelle 20 décembre 2005 : Création de la Commission de consolidation de la paix de l’ONU. Par la résolution 1645 adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité et simultanément par consensus à l’Assemblée générale, est créée une Commission de consolidation de la paix, premier organe subsidiaire à la fois de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. La Commission est chargée d’aider les pays sortant d’un conflit à gérer leur transition. Elle doit être dotée d’un « Comité d’organisation permanent » composé de 31 membres élus pour deux ans renouvelables, dont les 5 membres permanents du Conseil de sécurité. Dans le cadre de cette Commission, qui représente le premier résultat concret des réformes décidées au sommet mondial de septembre 2005, est décidé également l’établissement d’une force de police permanente pour les opérations de maintien de la paix de l’ONU.

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