Première table ronde – La géopolitique de l'islam

Modérateur : Docteur Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris
Colloque; La géopolitique de l’islam
Académie de Géopolitique de Paris
Actes du colloque
Conference proceedings
Lundi 09 février 2015
Assemblée Nationale

L’évolution géopolitique de l’Islam, par Ali Rastbeen

ordre religieux est le plus ancien et le plus solide fondement sur lequel se bâtissent les sociétés à travers l’histoire. Le domaine de la religion est celui de la foi individuelle et sociale qui oblige l’individu à accepter un certain nombre de devoirs et d’obligations face à la collectivité et à l’existence même. C’est l’ensemble de ces obligations qui est qualifié de foi et qui joue le rôle du contrôleur dans l’inconscient du croyant.

La religion possède un caractère politique pouvant orienter le destin d’une ou des plusieurs sociétés et même régions. Certaines religions ont influé sur un ou plusieurs continents, dépassant les clivages ethniques et autres ; à l’instar du christianisme, du bouddhisme et plus particulièrement de l’Islam, sont aujourd’hui encore capables d’agir en matière de politique internationale.

L’islam qui, six siècles après le christianisme, a été à l’origine de nouveaux bouleversements, a été intimement lié à la politique. C’est en partant de ce même point de vue qu’il a visé le reste du monde et a gagné très rapidement l’Asie, l’Afrique et l’Europe. L’islam est né dans un territoire désertique, passage des caravanes qui reliaient les deux empires de l’époque, Rome et la Perse. À l’âge de 40 ans le prophète de l’Islam, fut chargé d’une mission divine de caractère politique car dès le départ, l’islam avait pour but d’unir et de mobiliser les tribus arabes. Après la mort du Prophète, les tribus arabes, à la recherche de nouveaux espaces, menaient des incursions dans les territoires des empires voisins, la Perse ou Rome, là où vivaient des tribus d’origine arabe avec des peuplades placés sous l’autorité de l’une ou de l’autre puissance.

Après la domination arabe qui permit l’installation de ses tribus en Perse, d’autres conquérants firent leur apparition. Tout le territoire Est de l’Islam fut dévasté par les troupes turques et mongoles en provenance du nord. Or, ces tribus ont fini par se soumettre à la force potentielle de l’Islam qui étendit alors son territoire, des frontières de Chine jusqu’à l’Est de l’Europe. Une lutte permanente opposait l’Islam à ses voisins chrétiens, jusqu’au XXe siècle.

Il est intéressant, dans cette évolution historique et géographique, de relever les effets de l’Islam sur les territoires qu’il a occupés, très différents des invasions antérieures et postérieures.

Dans la période pré-islamique, les conquêtes d’Alexandre pour instaurer la civilisation grecque dans les territoires conquis jusqu’à l’est de l’Inde ont laissé sur place des colonies grecques. Or, les conséquences de l’islam dans ces régions asiatiques, européennes et africaines, étaient d’un ordre tout à fait différent. En fait l’Islam a emporté tout sur son passage : les langues, les histoires, les traditions et les identités. L’Islam a tout absorbé dans le Proche et le Moyen Orient, en y instaurant la domination par la civilisation arabe. Le territoire ayant le moins subi les conséquences de la conquête arabe a été la Perse où, pourtant, on constate à ce jour les effets.

L’empire ottoman est l’aboutissement de la période des guerres tribales et religieuses dans l’histoire moderne. La pérennité de cet empire s’assurait à travers le califat islamique, dont le premier calife fut Abou Bakr, successeur du Prophète.

Les opposants de cette succession se sont réunis autour d’Ali et de la famille du Prophète, c’était la première division dans l’Islam. Ceux qui étaient réunis autour d’Ali furent nommés « chiites ».

Cette première division n’empêchait pas Ali et ses chiites, de se rallier à l’axe Abou-Bakr et Omar ( premier et deuxième califes ), pour défendre l’Islam face aux soulèvements dans l’ensemble de la péninsule arabique.

Après l’assassinat du troisième Calife Ottman, Ali a été désigné quatrième Calife. Les guerres menées par Ali, contre l’armée de Muawiya furent à l’origine d’une nouvelle division qui donna naissance au Khawarej, et dont la première action fut l’assassinat du quatrième calife.

Hassan, fils aîné d’Ali et commandant de ses troupes se trouva face à face avec Muawiyah, fondateur de la dynastie des Omeyyaddes. Il préféra la paix à la guerre, laissa le pouvoir à Muawiyah et considéra cette paix nécessaire pour préserver la domination de l’Islam sur les territoires conquis.

Muawiyah, fils d’Abou Sofian était un des chefs de quraïches qui avait livré la Mecque au Prophète. La politique d’expansion territoriale de l’Islam, d’une part exigeait que les différends internes des Qoraïche ne se propagent point, d’autre part était basée sur l’idéologie « fondamentaliste » des Ommeyyades qui, depuis Muawiyah, avaient établi leur capitale à Cham (la Syrie d’aujourd’hui) et dont le territoire s’était étendu jusqu’au sud-ouest de l’Europe, dans la péninsule ibérique.

Aujourd’hui, les pays musulmans tentent de jouer un rôle important dans la géopolitique mondiale et pour ce faire ils se sont réunis dans la Conférence des pays islamiques. Leur objectif consiste à établir un lien entre le nationalisme et la religion.

Cette démarche difficile n’a pas abouti par le passé car l’élément national et l’élément religieux constituent deux identités séparées, et comme par le passé, aujourd’hui encore ne peuvent se substituer. Le nationalisme est une force de résistance à l’agression par l’élément étranger qui, à son tour, prend un caractère agressif. La religion est elle-même un gouvernement, un pouvoir, une identité et une volonté qui tente de se mondialiser.

Aujourd’hui, l’islam radical prend de l’ampleur. L’attaque récente contre Charlie Hebdo et contre des policiers et civils est une attaque commise « au nom de l’islamisme radical ».

L’islamisme radical ne serait donc qu’une idéologie politique meurtrière dont le but est de soumettre le monde par la violence et par la terreur tandis que le mot Islam vient de salam qui signifie la Paix.

En fait tout acte terroriste contre des innocents contrarie la pensée et la base de l’Islam : Aujourd’hui la France se trouve en guerre contre le terrorisme, non contre l’Islam. Le terrorisme n’a ni religion ni foi ni conscience et constitue un danger pour tous, c’est pourquoi la France n’est pas seule dans ce combat.

Les idées préconisées par les formations du type Daech sont très populaires dans les sociétés déchirées par des conflits interconfessionnels et interethniques, en proie à la misère, au chômage, à l’inégalité sociale et des citoyens devant la loi, à la corruption, à la drogue et à d’autres maux. Daech a un attrait particulier pour les jeunes. Ces jeunes sont persuadés qu’ils combattent au nom de l’unique religion authentique : l’islam. Dans leur interprétation, on doit décapiter quiconque est selon eux renégat par rapport à leur Islam authentique. Ils sont absolument convaincus de leur justesse. Encore, les renégats passibles inconditionnellement d’exécution sont les chrétiens, les yézidies, les juifs les chiites et même les sunnites qui ne partagent pas la conception du monde salafiste.

L’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003 constitue l’acte de naissance de l’Etat islamique : les Américains prétendaient « démocratiser » l’Irak, mais cette démocratisation a donné naissance à Daech qui est exploité par la politique saoudo-qatarie et leurs alliés. Chaos, massacres, réfugiés et crise économique sont les seuls fruits de la politique et de la rivalité de l’Arabie Saoudite et du Qatar et leurs alliés pétromonarchies dans les pays tels l’Afghanistan, l’Irak, la Lybie et la Syrie, d’où sont originaires les Talibans, Al-Qaïda, le Printemps arabe et l’État islamique, entre autres.

Actuellement la charte des Nations unies reste le premier document crédible à l’échelle internationale : rédigée il y a plus de soixante ans au nom des peuples des Nations unies, elle tire sa légitimité des peuples du monde.

Sur la base de cette charte, une organisation est née qui doit régir non seulement les relations entre les États mais également les relations entre les États et leurs peuples afin qu’une ère nouvelle puisse venir et faire disparaître les guerres et les destructions et permettre une mondialisation du dialogue et des échanges interculturels, interreligieux et entre les civilisations, qui reconnaît les valeurs en commun, et respecte avec loyauté les différences.

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