Les religions, sources de discordes et de paix ?

Michel Lelong
Colloque; La géopolitique de l’islam
Académie de Géopolitique de Paris
Actes du colloque
Conference proceedings
Lundi 09 février 2015
Assemblée Nationale
Le père Michel Lelong, Membre de la Société des pères blancs, Docteur ès-lettres, Enseignant à l’Institut de sciences et théologie des religions, Fondateur associé du groupe Amitié Islamo-Chrétienne et spécialiste du dialogue islamo-chrétien.

En ce début du XXIe siècle les relations entre les croyants des diverses religions – et aussi entre croyants et incroyants- sont d’une importance majeure. Elles furent souvent dans le passé, et elles demeurent parfois de nos jours, une cause de discorde.
En face des réveils religieux qui se manifestent de nos jours, en de nombreuses régions du monde, des voix s’élèvent pour dénoncer les périls que comporteraient ces réveils religieux, et ce retour au sacré.

Il est vrai que la façon dont les religions, toutes les religions, dans toutes les religions, des croyants interprètent les livres saints, utilisent le nom de Dieu pour en venir à l’intolérance, au fanatisme, et même à la violence. Mais la question est de savoir si ces excès inacceptables viennent des religions elles-mêmes, de leur message, ou de la façon dont certains membres de ces religions, interprètent et vivent ces références à leur foi, y compris dans le domaine politique.

Pour savoir si les religions sont causes de discordes ou sources de paix, il faut donc bien voir les deux aspects du problème. Quel est, d’abord, le véritable enseignement des grandes religions, et ensuite, comment cet enseignement est vécu et compris par ceux qui s’y réfèrent, et s’en réclame ? Le sujet est évidemment très vaste, et je me limiterai à parler des trois grandes religions monothéistes : le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam.

Quand on lit dans la Bible les livres que nous Chrétiens appelons l’Ancien testament, on est frappé par le contraste qui existe entre certains récits où on parle de violences, de conflit, de guerre, et le message sans cesse rappelé par les prophètes bibliques : – Esaïe, Jérémie, Amos, José, ne cessent de dire, avec vigueur, que pour être vraiment fidèle au message de Dieu, il ne suffit pas d’aller prier au temple, de se réclamer de l’alliance, ni de remporter des victoires sur l’ennemi … pour être vraiment fidèle au message de Dieu, disaient les prophètes de la Bible, il faut chercher la justice, pratiquer la miséricorde, être attentif et accueillant à ceux qui sont rejetés, faibles et opprimés : la veuve, l’orphelin, l’étranger. C’est cela le message des prophètes de la Bible, message rappelé par les grands penseurs juifs d’hier et d’aujourd’hui, tels André Neher, Emmanuel Lévinas.., mais selon ces messages de la Bible, Dieu nous appelle à la justice, est oublié et je peux même dire trahi de nos jours par certains Juifs extrémistes, colons extrémistes qui se comportent comme on le sait vis-à-vis du peuple palestinien, mais même par des raisons apolitiques, qui se réclament malheureusement du Judaïsme, mais le trahissent dans la façon dont ils se comportent vis-à-vis du peuple palestinien depuis tant d’années.

Et nous Chrétiens ? Sommes-nous fidèles vraiment au message du Christ ? Quand on lit l’Evangile, on voit bien que ce message est un appel à être assoiffé de justice, partisan de paix, attentif à nos frères humains quels qu’ils soient, en particulier à ceux qui souffrent, à ceux qui sont rejetés, oubliés, opprimés…. Mais il faut bien reconnaître qu’au cours des siècles, les Chrétiens, l’Eglise – les églises, n’ont pas toujours été fidèles au message du Christ. Après avoir été persécutés par certains empereurs romains, les disciples de Jésus, parvenus au pouvoir au 4e Siècle avec l’empereur Constantin, devinrent à leur tour persécuteur, … et en Occident, dans la chrétienneté occidentale, tout en propulsant des œuvres de charité remarquables, tout en construisant nos belles cathédrales, la chrétienneté du Moyen Âge fut intolérante et injuste envers les Juifs, envers les Musulmans. Même à notre époque, certains groupes authentiques qui se disent évangélistes, et qui donc se réfèrent au message de Jésus, soutiennent une politique impérialiste qui a fait des milliers de victimes innocentes au Moyen Orient. Et ce n’était pas le message du Christ.

Comme le Christianisme et comme le Judaïsme, il existait et existe encore aujourd’hui dans l’Islam, des individus et des groupes qui utilisent abusivement le nom de Dieu et le message du Coran, pour tenter de justifier la violence, l’injustice et la haine. Nous le voyons dans certaines régions du monde, nous l’avons vu en France récemment, mais comme l’ont clairement et unanimement rappelé tous les responsables et porte-paroles de l’Islam au Maghreb, au Moyen Orient, ici en France, les Musulmans qui se réclament d’une religion ou texte coranique pour tuer des innocents et imposer leur fanatisme, leur fanatique vision du monde, trahissent en réalité le message de Dieu, tel qu’il fut transmis dans le Coran par le Prophète Mohamet. Car dans le Coran, comme dans l’ancien testament, comme dans l’Evangile, il est clairement affirmé qu’il faut promouvoir la justice, pratiquer la miséricorde, respecter la foi des gens du livre (« ah al-kitâb ») c’est-à-dire les Juifs et les Chrétiens, être attentifs à ceux qui sont faibles, rejetés, opprimés (« el-moustadafine » dit le Coran).

Ainsi donc, tout en sachant qu’il existe des profondeurs voir une profonde différence doctrinale, théologique, entre notre foi chrétienne, la foi des juifs et la foi des musulmans, il existe des valeurs éthiques, spirituelles, religieuses communes aux trois grandes religions monothéistes. Et à cet égard il est très important et heureux, qu’entre le début du 20e Siècle, en France et dans le monde entier, les autorités religieuses du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam, se rencontrent, parlent de plus en plus d’une seule voix, et agissent ensemble pour promouvoir des valeurs communes aux trois grandes religions monothéistes. À cet égard, il me semble qu’il serait très souhaitable et nécessaire que tout en continuant à appeler au vivre ensemble ici en France et dans le respect mutuel, les autorités religieuses de notre pays, les autorités chrétiennes, juives et musulmanes, parlent aussi d’une seule voix unissent leurs efforts pour la justice et la paix en terre sainte : ils ne le font pas assez ensemble, ils devraient le faire ensemble en rappelant qu’en terre sainte aussi il faut que règne la justice condition de la paix, et que pour cela faire soit respecter le droit international y compris en ce qui concerne le salut de Jérusalem, la ville sainte et le Quds. J’attends que les responsables des trois grandes religions monothéistes le disent ensemble pour qu’enfin soit respecté le droit international concernant Jérusalem. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Un mot pour conclure. Si le dialogue entre Chrétiens, Juifs et Musulmans est aujourd’hui très important, il est très important aussi qu’il y ait le dialogue entre croyants et non croyants. Il existe en effet des incroyants malheureusement sectaires et intolérants, il existe un intégrisme antireligieux qui est aussi inacceptable et dangereux que les intégrismes religieux. Cette semaine dans l’Express il y a un très bon article de Jean-Paul Perrot qui dénonce précisément la conception de la laïcité qui est finalement … qui refuse les religions, y compris à l’école, et qui est particulièrement sectaire vis-à-vis de l’Islam. Alors la laïcité bien sûr, oui, mais la laïcité qui est un cadre pour le respect des religions, non pas un cadre qui prétend les remplacer, ce qui est le cas parfois, même en France, il faut bien le reconnaître. Donc il faut que les croyants et les incroyants, qui ont des valeurs auxquelles ils croient, non seulement se respectent mutuellement, mais travaillent ensemble pour promouvoir des valeurs humaines fondamentales auxquelles aussi bien les croyants que les incroyants adhèrent … ces valeurs qui sont la dignité de toute personne humaine, la justice, la liberté, la fraternité … croyants et incroyants nous sommes ensemble pour reconnaître ces valeurs, même si nous ne leur donnons pas le même sens ultime. Pour les humanistes non croyants, le fondement de ces valeurs c’est la conscience humaine qui exige ces valeurs. Pour nous les, croyants, ces valeurs sont un don de Dieu, et un appel de Dieu, donc nous leur donnons un sens ultime et un sens interne différents. Mais nous pouvons et devons unir nos efforts, croyants et non croyants, pour que ici, dans notre pays, en France, en Europe, et dans le monde, particulièrement au Moyen orient, et en Terre Sainte, que tous ceux qui croient à la dignité de toute personne humaine et la justice, unissent leurs efforts pour cette justice qui est la condition de la paix. Beaucoup y travaillent, il faut que nous soyons de plus en plus nombreux à soutenir ceux qui sont engagés dans cette voie, qu’ils soient croyants ou non.

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