L’ONU et le Droit des gens

André PERTUZIO

Novembre 2006

Le Droit des gens, plus généralement dénommé de nos jours « droit international public », se définit comme l’ensemble des règles et conventions qui régissent les rapports entre les États. La nature ambivalente de l’Homme a fait que son histoire, riche, diverse et complexe, a été depuis les temps les plus reculés, et continue malheureusement de l’être de nos jours, jalonnée de guerres, massacres et autres affrontements sanglants. Des efforts ont donc été exercés, au fur et à mesure de l’évolution de l’histoire, en vue de limiter la violence ou, tout au moins, d’en réglementer l’exercice si l’on ne pouvait l’empêcher. C’est ainsi qu’au cours des temps s’est développée la notion puis l’élaboration du droit des gens.

Le droit des gens dans l’histoire

Cette lente élaboration d’un droit des gens est inséparable de l’évolution de la cité chrétienne du Moyen Age où, contre l’autorité temporelle de l’Empereur, le Pape imposait souvent son autorité, ainsi la soumission d’Henri IV à Canossa en 1077, son arbitrage dans les innombrables guerres entre les princes et des tentatives de restriction du droit de guerre telle la « Trêve de Dieu » qui interdisait toute hostilité entre l’Avent et le Carême et du samedi au lundi ainsi que lors des principales fêtes religieuses. Selon cet universalisme chrétien, les princes ne sont pas souverains car seul Dieu l’est et ils ne tiennent leur autorité que de lui. C’est selon ces normes transcendantes qu’au seizième siècle Francisco de Vitoria à l’université de Salamanque fut un précurseur soutenant une conception universelle de la société internationale. Dans la même veine et à la même époque le théologien Francisco Suarez affirme l’unicité du genre humain et l’obligation pour les princes, soumis aux normes édictées par Dieu, de poursuivre le bien commun universel dans tous rapports internationaux. Cet édifice chrétien va cependant s’éroder et commencera alors le règne des États souverains qui dure encore de nos jours malgré, nous le verrons, les organisations internationales et inter-étatiques.

Compte tenu des nouvelles réalités de la société internationale, Hugo de Groot dit Grotius affirme au dix-septième siècle, par delà la fragmentation en États de cette société, l’existence d’une communauté humaine et du droit naturel et combat l’esclavage. Son traité De jure belli ac pacis constitue une sorte de code de droit positif formé par la coutume et les traités et lui vaut d’être considéré comme « le père du droit des gens ». Les Traités de Westphalie devaient établir un jus europoeum en 1648 lequel reconnaissait non seulement la souveraineté des États mais également l’égalité de la dignité et la légitimité des États belligérants, principes du « droit de la guerre » qui devait, jusqu’à une époque récente, constituer le cœur du droit des gens. C’est ainsi qu’au dix-huitième siècle, Emmerich de Vattel, juriste suisse auteur du Droit des Gens en 1758, fondateur du droit international moderne, affirmait la pleine souveraineté de l’État à la fois source et sujet de ce droit des gens ;

en découlait un droit à la guerre considérée comme une solution normale et un droit de la guerre qui la réglementait. Il s’ensuivit un système de politique internationale fondé sur l’équilibre des puissances, en sorte d’éviter une domination trop grande de l’une d’entre elles ce qui n’empêchait aucunement d’autres guerres interétatiques essentiellement de conquêtes territoriales, les traités s’efforçant de limiter ou d’amoindrir les effets de ces dernières. Il en fut ainsi jusqu’à la Révolution française qui modifia les données du problème en substituant la nation au prince et faisant des peuples des participants actifs à la guerre avec une connotation idéologique bien que les guerres napoléoniennes furent des guerres de conquête en vue de substituer à l’équilibre européen un nouvel ordre fondé sur la domination d’une seule puissance.

La chute de l’Empire français en 1815 inaugura un retour à la politique d’équilibre et Talleyrand insista pour que le Congrès de Vienne fût établi « conformément aux principes du droit public » ce qui, en l’espèce, signifiait conformément à la légitimité dynastique. Le dix-neuvième siècle devait vivre, d’une part sur ce principe d’équilibre des forces, d’autre part l’élaboration continue d’un droit de la guerre en vue de contenir les hostilités dans certaines limites d’autre part. On peut ainsi citer la Déclaration de Paris en 1856 sur la guerre maritime, la Convention de Genève sur la Croix Rouge en 1864, la Déclaration de Saint Pétersbourg de 1868 interdisant certains projectiles, les Conventions à la suite des conférences de La Haye de 1899 et 1907 réglementant le droit de la guerre ainsi que les procédures de règlement pacifique des conflits avec la Cour permanente d’arbitrage. L’ensemble de ces principes, coutumes et traités constituait ainsi un corpus juris d’ordre essentiellement relationnel et consensuel fondé sur le principe de la souveraineté des États. Ce droit des gens avait une existence indiscutable même si les guerres en révélaient les limites et si les intérêts politiques avaient généralement le dernier mot. Telle était la situation lorsqu’éclata la Grande Guerre en 1914 appelée aujourd’hui Première Guerre mondiale bien qu’elle fut en fait une guerre européenne dans laquelle intervint, fait capital, le « cousin » américain. On aura en effet constaté que le droit des gens ainsi élaboré au cours de quatre siècles était strictement européen tant dans les principes que dans la pratique, les puissances européennes dominant le monde scientifiquement, économiquement et militairement.

La transition entre les deux guerres et la SDN

La guerre de 1914-1918 par son ampleur et les pertes humaines qu’elle entraîna allait modifier les mentalités : « plus jamais ça » disait-on alors. Le pacifisme ambiant et, comme nous allons le voir, la survenance des États-Unis dans le concert international, allait faire passer d’un droit des gens volontariste, ayant pour objet principal de limiter et réglementer les guerres, à une conception de type institutionnel confiant à la communauté internationale la sauvegarde de la paix, la guerre devant même être mise « hors la loi ». De fait, non seulement le Traité de Versailles tournait le dos au jus europoeum car il répudiait le principe traditionnel de l’équilibre européen, mais influencée par le Président Wilson, une Société des Nations était conçue conformément aux idéaux américains, mélange ambivalent de puissance et de morale avec lequel la conscience américaine tente de concilier ses principes et ses besoins. Le résultat fut la SDN, instrument de la Sécurité collective laquelle reposait sur le postulat que toutes les nations verraient d’un même œil toute menace contre la sécurité et seraient prêtes à courir les mêmes risques en s’y opposant. Ainsi, alors que le droit des gens classique avait pour objet de prévenir si possible et de limiter l’excès de la violence guerrière, la SDN se situait en amont car son objet désormais était d’éviter toute guerre au moyen de la sécurité collective.

Le 25 Janvier 1919, la Conférence de la Paix décida que « le Pacte de la SDN serait partie intégrante des traités de paix », mais si le pacte impliquait nécessairement d’éventuelles mesures de coercition, non seulement rien n’était prévu à cet effet mais, de plus, la plupart des décisions de la SDN devaient être prises à l’unanimité. En outre, répudiant le principe d’égalité des belligérants puisque si la SDN était ouverte aux Alliés et certains autres adhérents au Pacte admis à la majorité des deux tiers, elle était fermée aux vaincus et comprenait un Conseil de cinq membres permanents : France, Grande Bretagne, Italie, Japon, États-Unis, ces derniers devant se retirer lorsque le sénat américain refusa de suivre le Président Wilson. C’était déjà une préfiguration de l’ONU mais dans une ambiance de pacifisme que cette dernière ne devait pas connaître et qui fut marquée par le Pacte Briand-Kellog de renonciation à la guerre en 1928, mettant ainsi la guerre « hors la loi ». Les adhésions à ce pacte n’empêcheront aucunement cet instrument juridique d’être sans effet pratique car d’une part la SDN démontra son impuissance à résoudre les crises et, d’autre part, les États poursuivaient leur pratique d’accords bilatéraux. Le droit des gens était évidemment en crise, oscillant entre la sécurité collective inopérante et un système juridique d’appréciation autonome et souveraine. Les formes continuèrent à être observées conformément aux Conventions de La Haye au point que, hommage rendu par le vice à la vertu, Hitler affubla en Septembre 1938 une section de SS d’uniformes polonais afin de prétexter une violation de frontière et justifier ainsi l’invasion de la Pologne ! il faut reconnaître que depuis lors et en fait depuis toujours, les faux prétextes juridiques ne manquent jamais lorsqu’il s’agit de justifier une action guerrière…

L’Organisation des Nations unies

L’Organisation des Nations unies – ONU – a été fondée le 24 Octobre 1945 par 51 pays en vue de préserver la paix grâce à la coopération internationale et à la sécurité collective. Elle compte aujourd’hui 191 membres soit la quasi-totalité des nations du monde. La Charte des Nations unies est un traité international qui énonce les principes de base des relations entre les pays. Suivant cette Charte, les objectifs de l’ONU sont les suivants : maintenir la paix et la sécurité internationales, développer les relations amicales avec les nations, coopérer à la recherche d’une solution aux problèmes internationaux dans le respect des droits de l’homme, et être un centre harmonisant les efforts des nations.

L’ONU n’est pas un gouvernement mondial et donc ne légifère pas.

Cependant les dispositions de sa Charte s’imposent aux États Membres. Ses organes essentiels sont l’Assemblée générale, le Secrétariat et, surtout, le Conseil de sécurité qui détient le véritable pouvoir. Le Conseil est composé de 15 membres dont 5 permanents : Chine, États-Unis, France, Royaume Uni, Russie, les autres étant élus par l’Assemblée générale pour 2 ans. Ses décisions prises à la majorité de 9 membres, les membres permanents disposant d’un droit de veto, s’imposent de plein droit aux États membres. La Charte des Nations unies préconise enfin expressément le développement du droit international dont elle est en fait le garant. Les instruments juridiques composant ce droit sont plus de 500 et ils ont un caractère obligatoire pour les États qui les ratifient.

De nos jours, l’ONU est au cœur de toutes les activités internationales tendant à instituer un cadre juridique pour lutter contre le terrorisme. Voilà donc exposé le système institutionnel qui constitue aujourd’hui le droit des gens. Il convient maintenant d’examiner le contexte politique dans lequel l’ONU et ses principes ont été conçus ainsi que l’exécution pratique de sa mission dans ce domaine. Sur le premier point, il faut relever que comme la SDN, l’ONU trouve son origine dans la victoire militaire d’une coalition mais, cette fois, sous leadership américain et ce sont les États-Unis qui imprimeront leur marque sur ce nouveau corpus juris dont l’ONU devait être l’instrument.

Cette circonstance qui se matérialisera par la fixation du siège de l’Organisation à New York, est essentielle pour comprendre l’idéologie et les principes qui détermineront sa politique et son fonctionnement.

Les États-Unis, c’est-à-dire à l’époque le président Roosevelt, n’avaient aucunement dans l’idée de rétablir l’équilibre des forces européen mais, au contraire, une fois l’Allemagne hitlérienne éliminée, de fonder un nouvel ordre international comprenant, entre autres, la fin des empires coloniaux et proposa même à Moscou un système où seules les trois grandes puissances alliées auraient le droit d’être armées et constitueraient une sorte de police en vue du maintien de la paix ! Ces vues générales étaient confirmées par le secrétaire d’État Cordell Hull disant « …on n’aura plus besoin de sphères d’influence,

d’alliances, d’équilibre des forces ni aucun des mécanismes par lesquels, dans un passé fâcheux, les nations s’efforçaient de préserver leur sécurité ou de favoriser leurs intérêts », ainsi que le sous-secrétaire d’État Summer Welles selon lequel « cette guerre est une guerre pour la libération des peuples qui doit assurer leur égalité souveraine dans le monde entier. L’ère de l’impérialisme est révolue ».

Ce mélange, ou plutôt cette juxtaposition de volonté politique avec une idéologie de type égalitaire allait constituer les principes fondateurs de l’ONU. De la sorte, cette organisation qui devra dire le droit des gens et, en somme, le représenter pour le monde entier, a été conçue par les vainqueurs de la guerre mondiale comme un système destiné à pérenniser leur hégémonie et dominé par un Conseil de Sécurité dont ils seraient les membres permanents et sans l’accord desquels rien ne saurait vraiment être fait.

Mieux encore, lorsque inévitablement se firent jour des désaccords essentiels avec l’Union Soviétique promue par la guerre au rang de « pays démocratique », les États-Unis exprimèrent par la voix d’un de leurs dirigeants que « la Charte des Nations unies offre le dispositif le plus satisfaisant à travers lequel les États-Unis peuvent s’opposer à l’expansion territoriale soviétique ».

On ne saurait mieux souligner la filiation essentiellement politique et idéologique de l’ONU car le droit international qui devait en émaner ne pouvait être que l’expression des lignes de forces politiques et des idéologies dominantes de l’époque. Cela est si vrai que, tout naturellement, l’ONU incorporera dans son système juridique la jurisprudence de Nuremberg C’est-à-dire du tribunal constitué par les puissances alliées pour juger et surtout pour punir les dirigeants de l’Allemagne national-socialiste responsables de crimes de guerre. Or, ce tribunal n’était pas une juridiction internationale régulière jugeant sur la base d’un droit positif existant mais, comme l’indiquait clairement le procureur américain Jackson « le dernier acte de guerre contre l’Allemagne nazie ». Il s’agissait en fait d’un tribunal ad hoc créé pour la circonstance dans le climat de l’époque pour punir les crimes abominables imputables aux dirigeants nazis, les seuls vainqueurs jugeant ainsi les vaincus en imposant des normes juridiques nouvelles avec effet rétroactif.

Si l’ampleur des crimes le justifiait au regard de la morale et de l’opinion publique, adopter cette jurisprudence pour l’élaboration d’un droit positif revenait inévitablement à introduire dans le droit des gens des présupposés d’ordre politique et idéologique. Cela traduisait une conception nouvelle des rapports humains et des valeurs morales : ainsi, au rebours du jus europoeum, les belligérants ne sont plus désormais égaux en dignité et légitimité mais certains, peut-être d’ailleurs à juste titre, qualifiés de délinquants donc devant être punis.

D’autre part, non seulement la volonté évidente des États-Unis et de l’Union Soviétique mais surtout la faiblesse militaire et économique des nations coloniales allaient entraîner l’émergence de nombreux nouveaux États appartenant à d’autres civilisations ou cultures, beaucoup d’entre eux artificiels et sans histoire politique ou juridique, ce qui ne pouvait que susciter des tensions et une situation nouvelle au sein de l’ONU. Il faut ajouter à cela qu’en raison des progrès extraordinaires dans le domaine des communications, le monde s’est en quelque sorte rétréci et tous les continents cohabitent aujourd’hui dans un espace ainsi réduit alors qu’autrefois chacun vivait sa propre civilisation et sa propre culture indépendamment. Le droit des gens qui était européen est nécessairement affecté par cette mutation de la société internationale dans ses structures mêmes. Désormais le monde est un mais les États et les peuples qui le composent sont multiples et divers et l’universalité des normes juridiques nécessairement contestée. Il est en effet évident que les États, soit issus de la décolonisation, soit autrefois en dehors du concert international, acceptent difficilement un droit d’inspiration européenne et chrétienne qu’ils estiment leur avoir été imposé.

De la sorte, comme déjà exposé, les notions juridiques sont de plus en plus altérées par des considérations politiques et civilisationnelles. L’ensemble L’ONU et le Droit des gens 127 des éléments ci-dessus explique les difficultés rencontrées par l’ONU non pas pour l’élaboration de normes juridiques internationales mais bien pour leur application pratique.

En fait, pendant une longue période qui va jusqu’à la disparition de l’Union soviétique, l’ONU a été le champ clos où s’affrontaient juridiquement cette dernière et les États-Unis, c’est-à-dire les deux puissances les plus fortes et l’ONU a été quelque peu paralysée par cette situation en dépit des

nombreux domaines où elle est intervenue. L’ONU a démontré à cette occasion qu’elle ne pouvait valablement agir que lorsque le Conseil de sécurité était unanime pour prendre une décision ou, plus exactement, les membres permanents de ce dernier. Si l’ONU intervint en Corée ce fut grâce à un tour de passe-passe où l’Assemblée générale se substitua au Conseil de Sécurité et, en fait, ce fut une guerre américaine au secours de la Corée du Sud bien que certains contingents d’autres pays y furent engagés.

Ainsi, la plupart des difficultés que l’ONU a rencontrées dans sa mission de sauvegarde de la paix tiennent aux limites inhérentes à la structure même de l’organisation. Elle a généralement réussi dans les cas où il lui a été possible d’obtenir un cessez-le-feu dans un délai réduit et a été plus performante quand des « forces de paix » ont pu s’interposer entre des forces armées antagonistes. En revanche, l’ONU a été moins heureuse dans les cas où elle a dû engager une opération de police. Ce fut le cas de la FINUL ou UNIFIL (United Nations Interim Force in Lebanon) dont l’expérience a montré le peu de succès, mais qui vient d’être renforcée à la suite des engagements entre Israël et le Hezbollah, sans que l’on puisse prédire l’évolution de la situation.

D’autres interventions de l’ONU furent encore plus controversées telle autrefois l’ONUC (Opération des Nations unies au Congo). Comme le disait à cette époque le Secrétaire général U-Thant « ces opérations ont été engagées dans l’espoir qu’elles seraient de courte durée mais les dures réalités des conflits font qu’elles durent être prolongées plus ou moins indéfiniment ». Cette situation existe toujours bien que la fin de la « guerre froide » ait mis l’ONU en mesure de recueillir quelques fruits des efforts déployés depuis des années pour mettre un terme aux guerres qui, notamment, n’avaient cessé de ravager l’Afrique.

Portons aussi au crédit de l’ONU le droit humanitaire international qui recouvre un ensemble de principes et de règles restreignant le droit des parties d’utiliser des moyens de guerre de leur choix de manière à protéger les populations civiles, les combattants blessés et les prisonniers de guerre. Ce droit a fait l’objet de quatre Conventions de Genève en 1949 sous l’égide du Comité International de la Croix Rouge, reprenant ainsi des notions en usage dans le droit des gens.

Mais, dans les crises internationales où sont impliquées les grandes puissances dont elle dépend, l’ONU se révèle impuissante à infléchir le cours des événements. Lors de l’invasion en 1990 du Koweït, membre de l’Organisation, par l’Irak, autre membre de cette dernière, l’ONU a pu lancer

une opération militaire contre ce dernier pays car le bras séculier en était les États-Unis, intéressés au premier chef par cette guerre conte l’Irak qui était la leur.

En revanche, quand les États-Unis décideront en 2003 une expédition militaire contre l’Irak, le Conseil de sécurité refusera son aval et les États-Unis envahiront l’Irak de leur propre chef au mépris de la Charte des Nations unies.

L’ONU ne put qu’assister impuissante et dut en prendre son parti. C’est donc, non plus moyennant l’accord du Conseil de sécurité que se prennent les décisions mais évidemment celui des États-Unis demeurés seule super puissance mondiale.

Faire la liste de toutes les interventions de l’ONU de même que les résolutions du Conseil de sécurité qui n’ont jamais été suivies d’effet serait fastidieux mais elles démontrent toutes que le droit des gens ne sert pratiquement plus de référence sauf de façon formelle.

De nouvelles formes de guerre comme le terrorisme se développent contre lesquelles l’ONU est mal armée et au sujet desquelles il est vain d’invoquer des principes juridiques.

En définitive, ce grand sujet des relations internationales a requis l’attention des juristes et des hommes d’État depuis des millénaires, mais force est de constater la crise du droit des gens que l’ONU, malgré d’excellentes intentions, n’est pas en mesure de dénouer car elle ne peut être que le reflet de l’affrontement permanent non seulement, comme autrefois, entre les États mais entre des forces idéologiques et des passions, souvent alimentées par ces derniers, qui soulèvent les peuples lesquels ont aujourd’hui remplacé les princes et leurs armées et donnent aux conflits une dimension et une dangerosité inconnues jusqu’alors.

On a vu, en effet, que dès le départ, l’ONU était affligée de tares originelles accentuées par l’évolution du monde dont c’est un truisme de dire qu’il est loin d’être en 2006 ce qu’il était en 1946 : organisme essentiellement politique, elle est une preuve vivante que les relations entre les États et entre les peuples sont d’ordre politique dans le sens le plus large et non pas juridique. Si le droit des gens a pu se développer en Europe jusqu’au début du XXème siècle, c’est parce que les valeurs communes qu’il reflétait postulaient une harmonie sous-jacente en dépit de laquelle deux conflagrations mondiales majeures eurent cependant lieu.

Dans le monde multiple et divers qui est le nôtre aujourd’hui, il est évident que la construction mise en place an 1945 sous l’empire de circonstances et dans un environnement international qui n’existent plus aujourd’hui, peut difficilement rendre les services attendus et maintenir un droit des gens que beaucoup récusent. L’ONU est cependant un forum qui permet le dialogue et peut amortir les heurts inévitables de la vie internationale. Il semble toutefois que, moins ambitieusement, il soit nécessaire d’en revoir certains aspects et revenir d’un ordre institutionnel imposé à un ordre relationnel consensuel plus proche des réalités. Mais il ne faut pas oublier que si les hommes désirent la paix, Platon disait déjà « la guerre existe et existera toujours car elle naît des passions humaines ».

* Consultant pétrolier et ancien Conseiller juridique pour l’Energie à la Banque Mondiale.

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