LES ACTEURS DU BOOM ECONOMIQUE DE LA TELEVISION CHINOISE : LE CABLE ET LA PUBLICITE

Charlotte XIAOTAO WANG

Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université de Panthéon-Assas (Paris II), elle est chercheuse à l’Institut de Préparation à l’Administration et à la Gestion (IPAG).

4eme semestre 2011

  • La télévision chinoise renaît de ses cendres dès l’ouverture et la réforme économique de 1978. D’abord objets de luxe convoités, les téléviseurs allaient très rapidement décorer le plus grand nombre des foyers chinois dès le milieu des années 1980′. Néanmoins, la pénurie continuait d’exister en matière de programmes qui allaient rester rares et de qualité médiocre pendant en­core une dizaine d’années. C’est l’essor de la publicité à partir de 1992 qui allait profondément changer le paysage télévisuel. En plus d’un contenu plus varié grâce à une importation plus nombreuse de programmes « étrangers », en particulier via Hongkong et de Taiwan, les revenus publicitaires ont contribué à l’installation des réseaux câblés. On assista alors à une multiplication exponentielle du nombre de chaînes. De plus, la télévision ne reçut dès lors plus de subventions d’Etat, mais lui procura même ses bénéfices. Enfin, à partir de 1998, la formation de groupes au­diovisuels régionaux a permis aux autorités régionales d’augmentant la compétitivité des chaînes provinciales et municipales à l’encontre de la CCTV, unique organe télévisuel de propagande du gouvernement central.
  • Chinese télévision arises from its own ashes at the beginning of the économie reform in 1978. Coveted luxury items, televisions were going to decorate soon the majority of Chinese households in the mid-1980s. However, shortages continued to exist forprograms, which went on being rare, andpoor quality ones for another ten years. It is the growth of advertising in 1992 which wouldprofoundly change the televisions landscape. In addition to a more varied content with a larger import of foreign programs, especially from Hong Kong and Taiwan, advertising revenues have contributed to the installation of cable networks. There is then an exponential increase of the number of channels. This is why Chinese television did not receive any further state subsidies, but let the government get its own profits. Finally, since 1998, the formation of regional media groups has permitted regional authorities increasing the competitiveness of provincial and municipal TVagainst the CCTV, the only TV propaganda organ of the central government.

La télévision chinoise d’aujourd’hui, censure et propagande mises à part, ressemble aux autres télévisions du monde développé ou émergent. Les techno­logies employées y sont semblables. Les conceptions des programmes, tant qu’ils ne gênent pas le PCC, obéissent aux mêmes modes, aux mêmes engouements et s’abandonnent aux mêmes dérives qu’en Occident.

Ces caractéristiques assez nouvelles de la télévision chinoise ont été en réalité façonnées lors de l’extraordinaire croissance qu’elle a connue de 1992 à 2004. Ce véritable boom, dû pour l’essentiel à l’introduction du câble et de la publicité, a alors profondément marqué le paysage audiovisuel chinois, et ce, sans doute pour encore de longues années. De fait, la télévision chinoise de 2011 est née entre 1992

et 2004.

Pour toutes ces raisons, la télévision de « l’Empire du milieu » semble être un bon miroir de la société actuelle et de ses évolutions récentes. Elle illustre fort bien

 

les contradictions de ce pays capitaliste dirigé par un parti communiste dont le slogan parle de lui-même : « Il est glorieux de s’enrichir ». Mais la télévision chinoise est aussi un outil : un outil de modernisation et partant, d’occidentalisation, d’une société qui s’est ouverte il y a peu à la mondialisation. Toutefois, il parait utile d’insister sur le fait que ce catalyseur de l’ouverture des esprits n’a pas pu pour autant jusqu’à aujourd’hui jouer un rôle important en matière de changement de la politique politicienne sauf à continuer d’être un bon relais de l’idéologie gouver­nementale. Contrôlée à tous les niveaux, la télévision paraît de ce fait devoir laisser à ce nouveau média qu’est l’Internet, le privilège de pouvoir aider à faire surgir une prise de conscience démocratique au sein de 1,4 milliards environ de chinois d’aujourd’hui. En Chine, les réseaux sociaux font peur au PCC. La télévision ab­solument pas.

 

L’essor de la télévision par câble et la promotion d’une industrie de haute technologie

Malgré les événements de Tiananmen du 4 juin 1989, la Chine n’a pas en réa­lité renoncé à l’ouverture et à la réforme économique. De 1990 à 1992, lorsque le socialisme s’effondra dans l’ex-URSS en décembre 1991, le PCC connut à nouveau des rivalités intestines avant que le pouvoir ne passe vraiment des mains de Deng Xiaoping dans celles d’une nouvelle génération de dirigeants. Cela se fit en octobre 1992 lors du XIVe Plénum du PCC pendant lequel Jiang Zemin fut élu Secrétaire général du Parti et de l’Armée. En mars 1993, il obtint le titre de Président de l’Etat chinois lors du VIIIe Congrès national. Ce diplômé de mécanique de l’Université Jiaotong de Shanghai appartenait à la caste des technocrates qui avaient décidé de faire entrer la Chine dans la mondialisation et de faire des technologies les plus pointues le moteur principal de l’économie nationale.

Grâce à la volonté réelle du régime de moderniser le secteur des télécommuni­cations, la télévision câblée fut la technologie choisie en 1992 pour remplacer la télévision hertzienne dont la réception était souvent perturbée par les gratte-ciel qui poussaient ça et là dans la plupart des villes chinoises. La tâche de construire un réseau câblé national fut alors confiée au MRTC (ministère de la Radio et de la Télévision chinoise) qui a installé la première station de télévision par câble à Pékin, en 1992. Une société sino-américaine CATV Services Corp., se créa dans la capitale dès 1993. Elle était le fruit d’une alliance entre une firme américaine fabriquant des câbles à Los Angeles, Coast CATV Supply et plusieurs opérateurs chinois dont la CCTV. Par la suite, une multitude de stations de télévision câblée allait se créer un peu partout en Chine : la shandong Taian Cable TV station en mai 1993, la Wuzhou Cable TV Station en octobre 1993, la Xinjiang Cable TV Station en mars 1994, etc.). Ces créations furent accompagnées d’une pénétration progressive d’investisseurs étrangers spécialisés dans les télécommunications tels qui American Scientific Atlanta, General Instrument, Magnavox, Nexus et Echosphere qui avaient su, en multipliant leurs pressions de plus en plus insistantes, s’attirer les faveurs des gouvernements locaux.

L’agence Xin Hua (Chine nouvelle) pouvait annoncer en 1993 l’existence de près de 200 à 300 stations de télévision câblée dont certaines, qui avaient été créées avant 1992 par les entreprises d’Etat, étaient en train de connaître des difficultés financières, puisque la publicité était interdite sur toutes les chaînes câblées par le règlement de février 1992. Le pouvoir politique avait par ailleurs décidé, au niveau de chaque ville, d’intégrer dans le réseau câblé municipal les petits circuits fermés de télévision par câble qui avaient été créés par des entreprises d’Etat.

Afin de rentabiliser les investissements nécessaires à l’installation et au maintien du réseau, on autorisa les opérateurs locaux à mettre en place un système d’abon­nement à coût relativement faible (par exemple, 72 yuans par an à Pékin en 1992). Destinées uniquement à la rediffusion, dans les premiers temps de leur création, ces chaînes programmaient des fictions qui avaient déjà obtenu une bonne au­dience, ce qui leur permit d’attirer de nombreux téléspectateurs chinois dont on sait qu’ils étaient de gros consommateurs de téléfilms, de feuilletons, de séries, etc. De surcroît, la présence sur le réseau câblé des anciennes chaînes hertziennes déjà existantes et l’amélioration significative de leur réception constituaient un atout supplémentaire pour inciter le public à s’abonner. Dans le sud du pays, les té­léspectateurs pouvaient même recevoir sur le réseau câblé des chaînes étrangères (en provenance de Hongkong) auparavant indisponibles sans l’installation d’une petite parabole. En fait, ce système d’abonnement eut un tel succès que les chaînes câblées comptaient plus de 40 millions d’abonnés, soit à peu près 200 millions de téléspectateurs dans 30 provinces chinoises et ce, dès la fin de 1995. Deux ans après, le nombre d’abonnés grimpa jusqu’à 70 millions pour plus de 700 stations de télévision par câble réparties dans tout le pays. Ainsi, c’est le câble qui aida à la massification de la télévision en ville. En 1997, le taux de couverture était déjà près de 88% de la population totale et on pouvait dénombrer 320 millions de téléviseurs pour près d’un milliard de téléspectateurs potentiels.

 

Chiffres clés concernant la TV en 1976, 1983 et 1997

 

1976 1983 1997
Postes de télévision 6 millions 30 millions 320 millions
Abonnés à la TV câblée 0 De 200 à 900 milles 70 millions
Réseaux d’ondes hertziennes 300 km 2 000 km 72 000 km
Transponders satellitaires 0 0 22
Stations de TV pour la retransmission sans fil 600 2 000 60 000

Source : tableau réalisé par l’auteure à partir de données fournies par « China TV Rating Yearbook », 2007

Cependant, la coexistence de réseaux de câble coaxial et de fibre optique posait un problème d’homogénéisation technique à l’échelle nationale, du fait de l’expan­sion trop rapide de la télévision câblée au niveau régional. C’est pourquoi le minis­tère de la Radio, de la Télévision et du Cinéma (le MRTC) promulgua en 1995 « La planification d’un réseau audiovisuel national par câble » et « le projet général » dans lequel il était spécifié que construire des canaux de fibre optique (trunk lines) pour relier les réseaux existants au sein des localités, était la première tâche du MRTC dans le cadre du « Neuvième plan Quinquennal ». Jusqu’en 1997, on construisait cinq réseaux en cercle et cinq autres en ligne pour relier les provinces entre elles.

 

Nom du réseau Réseaux circulaires Longueur en Km Nombre de points de relais Nombre de stations de retransmission
Le cercle Huabei Station de transmission générale (STG Pékin)-Tianjin-Jinan-Xuzhou-Zhengzhou-Shijiazhuang-STG Pékin 2260 km 6 21
Le cercle du nord STG Pékin- Tianjing-Jinan-Xuzhou-Hefei-Wuhan-Zhengzhou-Shijiazhuang-STG Pékin 3580 km 4 37
Le cercle du sud Wuhan-Guangzhou-Fuzhou-

Hangzhou-Shanghai-Nanjing-Hefei-

Wuhan

5191 km 8 49

 

L’explosion de la télévision par câble en Chine fut également liée au développe­ment du satellite. La mise en service de l’Asiasat 2 en 1995 et la numérisation des signaux retransmis par satellite en 1996 ont enfin offert les conditions techniques nécessaires au développement massif d’une télévision par satellite.

Dans un premier temps, la CCTV était l’unique chaîne nationale à tenter l’ex­périence d’avant-garde de la télévision par satellite. En novembre 1995, elle mon­ta quatre chaînes satellitaires (dont seulement deux sur quatre étaient recevables sur le réseau câblé) dont trois étaient des chaînes thématiques codées (CCTV5-sport, CCTV6-cinéma, CCTV8-divertissement) et une chaîne généraliste gratuite (CCTV7). Cette dernière regroupait les programmes qui avaient pour thèmes la jeunesse, le monde militaire, les sciences et l’agriculture, etc.

En 1997, soit deux ans après leur création, ces quatre chaînes affichaient 18 millions d’abonnés dans le pays. Il faut toutefois noter que l’interactivité n’existait pas encore entre les abonnés et les opérateurs du fait de contraintes techniques. La circulation des données ne pouvait donc se faire qu’à sens unique. En même temps, la décision de diffuser ou non une chaîne satellitaire payante restait entre les mains des opérateurs locaux. C’est ainsi qu’en 1997, un Chinois abonné au câble dans un bourg ou un district recevait en moyenne 8 chaînes alors qu’un citadin avait au moins 15 chaînes à sa disposition. Dans la deuxième moitié des années 1990, le re­nouvellement technique et la massification de la télévision par satellite entraînèrent une augmentation significative du coût d’abonnement au câble. En 2000, les frais d’installation du câble chez un particulier variaient de 200 à 300 yuans selon les ré­gions, sans compter le coût de l’abonnement mensuel qui lui, allait de 12 à 27 yuans.

L’économie de marché appliquée à la télévision et la prise en compte de son importance économique

Après le voyage symbolique de Deng Xiaoping dans le sud de la Chine, le PCC se donna comme objectif d’« Etablir en Chine l’économie socialiste de marché » lors du XIVe Congrès national en 1992. La croissance économique chinoise fut d’envi­ron 12,8% cette même année puis allait dépasser 14% en 1993. Dans le domaine médiatique, la « Décision d’accélérer le développement du secteur tertiaire » publiée le 16 juin 1992 par le comité central du Bureau politique et le Bureau des Affaires gouvernementales, constitua le document stratégique sur lequel devait désormais s’appuyer le développement économique chinois. La presse écrite, la radio, le ci­néma et la télévision étaient considérés comme figurant parmi « les unités de travail d’intérêt public, les services du bien-être et les instances publiques » qui étaient classés dans le secteur tertiaire. Ils « durent spontanément emprunter le système de gestion aux entreprises afin de pouvoir s’autofinancer ». En d’autres termes, en restant offi­ciellement des organismes d’Etat, les médias furent obligés de se plier aux règles de l’économie de marché. Mais ils continuèrent de posséder l’exclusivité du droit d’exploitation dans le domaine de la communication puisque l’Etat protégeait leur marché contre tout capital étranger – et même contre les capitaux chinois en pro­venance d’autres secteurs. A l’inverse, ces mêmes médias furent autorisés à investir dans d’autres domaines.

Ainsi placée dans un environnement politique et économique devenu favorable à partir de 1992 à l’essor du secteur tertiaire, la télévision chinoise allait entamer un processus de modernisation et de privatisation.

La modernisation du secteur de la télévision se manifesta d’abord par la vulgarisa­tion des téléviseurs en couleur dotés de télécommandes, les chaînes étant simultanément mises en situation de pouvoir renouveler leurs équipements techniques. Mais ce sont surtout les changements en matière de gestion du système audiovisuel qui marquèrent profondément l’histoire de la télévision chinoise pendant cette période.

La CCTV créa en premier lieu le « Département d’exploitation des affaires », en septembre 1992, puis appliqua peu après le « contrat forfaitaire » au Département de la production des feuilletons, à celui de la publicité et à celui des programmes économiques. Ils obtinrent tous le droit de conserver leurs bénéfices spécifiques à condition de laisser une somme forfaitaire à la disposition du financement général de la chaîne. Ces réformes eurent un succès immédiat, et suffisamment important pour que l’année même de l’application du contrat forfaitaire (1991), le chiffre d’af­faires de la CCTV atteigne 570 millions de yuans, ce qui était largement supérieur aux 108 millions de yuans de l’année précédente.

L’augmentation sensible des revenus de la CCTV poussa le MRTC à modifier sa gestion financière. Selon le plan financier étatique du MRTC fixé depuis 1991, la CCTV avait droit à une subvention annuelle de 4.5 millions de yuans pendant trois ans (de 1991 à 1993) avec l’obligation de remettre chaque année 100 millions de yuans au MRTC, somme équivalant à ses revenus de 1990. Dès 1993, l’Etat avait augmenté la somme due à 750 millions de yuans en réduisant, en revanche, la sub­vention annuelle à 3.4 millions de yuans pour les trois ans à venir (de 1994 à 1996).

Au niveau régional, la rapidité de la privatisation du système télévisuel chinois varia d’un endroit à un autre selon le degré local d’ouverture économique et politique. Par rapport aux chaînes provinciales, les chaînes municipales furent généralement plus vite privatisées du fait que les villes étaient économiquement plus prospères et que les gouvernements municipaux avaient souvent plus d’autonomie politique que ceux des provinces. D’ailleurs, les chaînes câblées et les nouvelles chaînes créées pour promouvoir les informations économiques après la mise en place de la politique de 1992 possédaient dès leur naissance un système de fonctionnement à caractère commercial. A ce niveau, les exemples de Shanghai et de Canton étaient particulièrement révélateurs.

A Shanghai, Le BRTS (Bureau de la Radio et de la Télévision de Shanghai), sous la direction du gouvernement municipal, créa en 1992 la première entreprise audio­visuelle cotée en bourse, la Shanghai OrientalPearl Corp. Ltd., qui réussit à collecter 574 millions de yuans sur le marché boursier. Neuf succursales furent ensuite créées pour investir dans de multiples domaines en particulier dans la construction de la plus haute tour de communication audiovisuelle « Perle Orientale » (450 m) (qui fut concrètement installée en 1994) et dans l’établissement en 1993 de la Télévision orientale, qui était la seconde station de télévision municipale. La création de cette chaîne introduisit la concurrence dans le marché télévisuel local. Du recrutement des personnels à la gestion financière en passant par la production des programmes, la Télévision Orientale était en effet une copie conforme des télévisions commer­ciales occidentales. Avec une programmation plus adaptée au goût du public, elle attira une audience comparable à celle de la Shanghai TV, soit plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs. L’année même de sa naissance, elle réussit à réaliser un chiffre d’affaires de 123 millions de yuans. En 1994, ses revenus annuels dépassè­rent les 200 millions de yuans.

En comparaison avec Shanghai, Canton était tout de même plus novatrice. La création du Canton Cable TV le 1er juin 1994 ne bénéficia d’aucune subvention gouvernementale. Elle adopta dès sa naissance un système privé de gestion com­merciale et récupéra tous les droits que pouvait lui procurer la « Loi sur les entre­prises ». Le 22 décembre 1994 était créée la Canton Economic TV qui n’avait pas de statut administratif. Son mode de fonctionnement était entièrement similaire à une entreprise commerciale, sous la seule contrainte de respecter les règlementations concernant les médias. En d’autres mots, l’Etat, tout en conservant son droit de censure, n’intervenait que dans les domaines qui relevaient du politique.

De fait, la politique d’accélération du développement du secteur tertiaire fut une réussite immédiate, y compris dans le domaine médiatique. L’année même de la mise en place (1992) de cette politique, les médias purent procurer à l’Etat des revenus annuels équivalant à au moins 85% des subventions qu’ils avaient reçues l’année précédente. Dès 1994, la contribution financière des médias à destination du Trésor chinois dépassa largement le montant des subventions étatiques qu’ils continuaient de recevoir. En 2001, l’aide financière de l’Etat put être complètement supprimée.

Le rôle fondamental de la publicité

Depuis le passage du secteur médiatique à la concurrence en 1992, les différents médias chinois n’ont pas évolué de la même manière. Mais pour chacun d’entre eux, la publicité joua un rôle d’autant plus fondamental qu’elle allait constituer la source essentielle de leurs revenus.

La presse écrite continua d’être le support publicitaire majeur. Par ailleurs, on assista à une explosion des tabloïds régionaux du fait de la limitation des espaces publicitaires dans les grands journaux nationaux. Les magazines et journaux allaient également se développer grâce à l’introduction de la publicité.

Mais, contrairement à la presse écrite, le cinéma avait beaucoup de difficul­tés à intégrer l’économie du marché puisque sa faible audience n’attirait pas assez les annonceurs publicitaires. L’économie du secteur cinématographique ne s’amé­liora en fait qu’à partir de 1996 avec l’introduction des péplums hollywoodiens. Parallèlement à l’augmentation des revenus des salles de cinéma, les producteurs de cinéma chinois essayèrent de trouver de nouveaux investisseurs publicitaires par le biais d’insertions dans leurs films de publicités implicites plus ou moins visibles. Mais le cinéma restait un média d’élite et peu important en matière économique.

La radio, elle, fut gênée dans son essor par la concurrence tyrannique de la té­lévision. Une sorte de complémentarité d’audiences entre ces deux médias s’établit seulement à partir de la deuxième moitié des années 1990. Mais la part de marché publicitaire de la radio est restée encore aujourd’hui minoritaire.

La télévision, quant à elle, allait connaître après 1992 un essor immédiat et fort de la publicité sur ses écrans avant que le taux de croissance de cette dernière ne ralentisse à partir de 2001. Dès 1992, les recettes publicitaires de la télévision dépassèrent celles de la presse écrite, atteignant le chiffre de quelque 2.05 milliards de yuans. En 1996, la télévision devenait le premier support publicitaire en Chine. Elle est demeurée aujourd’hui le média roi dans ce pays.

L’évolution différente des médias chinois a été dépendante en effet dans une grande mesure du choix des annonceurs publicitaires. Faute d’agences spécialisées dans ce secteur, la sélection des supports publicitaires se fit souvent en fonction de la taille du média jusqu’au milieu des années 1990. C’est pourquoi la télévision et la presse écrite s’en sortirent mieux que le cinéma et la radio. Dans la même logique, la CCTV possédait une position très avantageuse au sein du marché publicitaire télévisé. Malgré les contraintes auxquelles elle devait obéir et qui limitaient le temps consacré à la publicité, son chiffre d’affaires publicitaire alla jusqu’à représenter entre un quart et un tiers de son chiffre d’affaires global, toutes chaînes chinoises confondues. En effet, la CCTV avait commencé à vendre aux enchères ses espaces publicitaires à partir de 1994, tant ils étaient convoités par les annonceurs. Une seule minute de publicité, placée entre « le Journal de 19h » et la météo se vendait déjà 360 millions de yuans en 1994. Cette minute magique représentait à elle seule un tiers des revenus publicitaires annuels de la Chaîne. En 1995, la CCTV vendit même cette minute d’or à 1.06 milliard de yuans, soit la moitié de ses revenus publi­citaires. Derrière la CCTV, la Shanghai TV occupa la deuxième place dès 1993 avec 180 millions de yuans de chiffre d’affaires publicitaires.

Si la CCTV, en tant qu’unique chaîne nationale, eut pratiquement le monopole du marché publicitaire télévisé à l’échelle du pays, ce marché publicitaire pouvait être réparti également à l’échelle des provinces du fait de l’existence d’un véritable protectionnisme régional. Les annonceurs dont la production provenait de pro­vinces limitrophes se voyaient souvent refuser la diffusion de publicités dans les médias locaux. En bref, la concurrence publicitaire n’existait pas vraiment entre les chaînes provinciales (comme entre les chaînes municipales) à l’échelle d’une localité. Toutefois, dans les campagnes, le faible pouvoir d’achat des habitants ne pouvait laisser poindre qu’un début de concurrence entre la chaîne provinciale et les chaînes municipales de chaque province. Il est vrai que les télévisions régionales faisaient tout pour convaincre les annonceurs de ne pas s’adresser à la CCTV.

Concernant le temps de diffusion des publicités à la télévision, le quota de 10% maximum du temps d’émission fut rarement respecté. La CCTV, par exemple, consacrait 18% de son temps de programmation à la publicité en 1992 alors que la chaîne économique à Wuhan Jianghai TV dépassait plus encore le quota avec 4h30 de diffusion publicitaire quotidienne. Le plus souvent, c’étaient les nouvelles chaînes d’informations économiques et les chaînes câblées qui respectaient le moins les quotas en matière de temps alloué à la publicité.

En plus d’une diffusion trop importante de publicités explicites, l’arrivée de la publicité implicite dans les émissions fut un phénomène assez courant, plus parti­culièrement dans les chaînes qui avaient officiellement reçu pour mission de « déve­lopper l’information économique pour les entreprises et les consommateurs ». On appe­lait « informations payantes » ces annonces intégrées dans les programmes informa-tifs sans mention explicite de leur nature publicitaire. Le mélange des informations payantes et des informations gratuites encouragea la corruption des journalistes qui pouvaient facilement faire passer une annonce publicitaire comme une information gratuite. Ce fut la raison pour laquelle le ministère de la Propagande et le Bureau d’Administration de la Presse promulguèrent, le 31 juillet 1993, la « Circulaire d’interdiction des ‘informations payantes’ afin de renforcer la construction de la morale professionnelle des journalistes», selon laquelle les journalistes et les éditeurs étaient interdits d’activités publicitaires. Mais il fallait attendre la mise en application de la « Loi sur la publicité », le 1er février 1995, pour que soit réellement codifiée la production de la publicité à la télévision, du moins sur le plan du droit. Le MRTC déclara formellement le 11 mai l’illégalité des informations payantes.

Dans ce contexte déontologique et de réglementation de la publicité, le marché publicitaire se structura en réalité peu à peu avec la multiplication et la spécialisa­tion des agences. Grâce au dynamisme économique des joint-ventures en Chine, qui confièrent souvent la promotion publicitaire de leurs produits aux agences de communication étrangères ou mixtes, ces dernières se développèrent rapidement et améliorèrent globalement le niveau professionnel du secteur. L’introduction de l’audimat en 1997 par l’agence publicitaire mixte SOFRES-CCTV fut de facto une révolution de type scientifique en matière d’analyse des audiences télévisuelles. Aujourd’hui, le marché publicitaire en Chine compte un grand nombre d’agences de communication chinoises et étrangères qui continuent d’emprunter le savoir-faire occidental.

La transformation des programmes

La publicité étant devenue la principale ressource financière de la télévision, l’augmentation et la modification de l’audience qui s’en suivit provoqua parallè­lement une modification du langage télévisé qui avait été profondément marqué jusqu’alors par la seule idéologie. Les téléspectateurs chinois, anciens récepteurs pas­sifs de masse se dotèrent désormais d’une nouvelle identité en qualité de consomma­teurspublicitaires. Leurs choix de programmes jouèrent un rôle prépondérant dans les nouvelles programmations des chaînes de télévision. Motiver les journalistes à construire des programmes commerciaux capables de satisfaire le goût du public devint alors l’enjeu principal pour la survie d’une chaîne dont l’organisation interne séparait souvent la diffusion, la production et la gestion. Mettre en commun la production et les services de diffusion et de gestion parut bon sinon nécessaire pour initier la réforme du management du système de production. Un exemple typique de cette réforme fut l’application du « contrat forfaitaire » de sorte de pouvoir créer le premier journal télévisé matinal en Chine « Une émission bien de chez nous » (« Dongfang Shikong »). Ce programme apparut en 1993 à l’issue d’un contrat signé par la CCTV et un employé M. Sun Yusheng, En effet, soigneusement choisi par le directeur général de la CCTV, le producteur d’« une émission bien de chez nous », avait été lui-même fonctionnaire cadre de la CCTV. Selon ce contrat, le producteur de l’émission devait recevoir en début d’année un budget forfaitaire avec obliga­tion de rendre à la chaîne en fin d’année une somme fixe de ses bénéfices, le reste lui revenant de droit. M. Sun Yusheng avait également en théorie la liberté totale dans la gestion de la production. Sauf cas exceptionnel ou à l’occasion de grands évènements politiques et sociaux, le programme n’avait pas besoin d’être examiné avant l’émission par des personnes autres que le producteur lui-même. En revanche, il était le seul responsable du contenu de son programme et devait s’autocensurer pour éviter tout sujet sensible. Bref, l’information restait sous contrôle du PCC malgré la décentralisation du processus de censure.

Grâce au contrat forfaitaire, « une émission bien de chez nous » attira rapide­ment de nombreux annonceurs publicitaires attirés par l’audience considérable de ce programme, et ce malgré sa diffusion le matin en heure creuse. Avec quatre sous-rubriques (« Interviews de personnes célèbres », « Investigation à la une », « l’his-toires de nos vies » « Focus »), ce programme était émis dans un style tout à fait inhabituel. Les voix in, les interviews sur place, les commentaires des journalistes étaient des moyens rarement utilisés au sein des autres programmes d’information marqués, eux, le plus souvent par la langue de bois et le ton détaché du présenta­teur. Les thèmes couverts par l’émission traitaient des problèmes sociaux à travers la vie de personnes sans grande importance. Cela attira plus les téléspectateurs que les reportages des visites officielles et les comptes-rendus des réunions politiques. La meilleure sous-rubrique de cette émission « Focus » dont la diffusion passa auprime-time en 1994 devint peu à peu une émission aussi importante que le « Journal de 19h » de la CCTV. Cette émission était en réalité une telle réussite que les chaînes régionales se dépêchèrent de créer des magazines d’information semblables recou­rant le plus souvent à l’émotivité et aux effets sensationnels.

« Focus » montre, s’il en était besoin, la volonté du gouvernement chinois de promouvoir le rôle des média dans la vie politique et sociale des Chinois. De hauts dirigeants, tels Li Peng, Zhu Rongji (anciens Premiers ministres), Wei Jianxing, Ding Guangen, avouaient en public leur attirance pour ce programme et l’intérêt qu’ils manifestaient pour les problèmes traités. Certains d’entre eux avaient pu être réglés grâce à cette médiatisation. La CCTV, entièrement au service du gouverne­ment central, put court-circuiter, grâce à cette émission, les pouvoirs locaux en bas de l’échelle politique. Néanmoins, la télévision chinoise dans son ensemble conti­nua d’être politiquement aux ordres malgré les possibilités d’investigation qu’elle avait su s’approprier.

Plus encore, l’application du contrat forfaitaire à une plus grande échelle entraî­na un renouvellement massif des programmes qui changèrent de nom et de forme. Les programmes éducatifs résistèrent mal à l’arrivée d’une multitude d’émission de variétés plutôt ludiques et peu porteuses de valeurs éducatives ou culturelles. Le public se mit également à beaucoup apprécier les différentes formes de jeux, qui faisaient appel au sensationnel ou à l’humour. Ces jeux étaient par ailleurs peu chers à produire.

Concernant la fiction qui occupait la plus grande place à la télévision chinoise, on notait à la fois la réduction progressive des séries télévisées étrangères dans les grandes chaînes nationales et régionales et le maintien de l’abondance des films pi­ratés dans les petites chaînes de district. Lorsque les programmes étrangers se bana­lisaient au fur et à mesure que le pays s’ouvrait, la production chinoise en la matière augmentait sensiblement. Il est vrai que l’entrée de la télévision dans l’économie de marché avait fait naître de petites entreprises privées de production audiovisuelle – malgré leur statut officiellement illégal1. Ces sociétés, créées dans la plupart des cas par des employés de chaînes ou de studios cinématographiques, parce qu’ils réalisaient des coproductions pour un organisme officiel, obtenaient de ce fait plus facilement le Certificat provisoire de Production des Œuvres Audiovisuelles. Ces organismes, en tant que coproducteurs, leur avaient fourni des minutes publici­taires en échange du droit de diffusion. Cette habitude datait de l’époque d’ouver­ture de 1978, lorsque survinrent les premières publicités d’origine étrangère. Avec le développement rapide de la publicité télévisuelle, le prix du temps publicitaire s’envola, offrant aux producteurs la possibilité de faire d’énormes bénéfices. Mais, en tant que seuls investisseurs, ils devaient néanmoins prendre tous les risques fi­nanciers. Enfin, pour que le produit puisse passer à la télévision, il fallait subir la double censure du PCC qui examinait d’abord le scénario avant le tournage puis la version finale avant la distribution. Afin d’éviter tout genre de risques, les produc­teurs pratiquaient volontairement une autocensure assez sévère. Etre politiquement correct et satisfaire les goûts du public étaient les premières préoccupations des producteurs qui, il faut le dire, étaient bien moins intéressés par la qualité artistique et la valeur culturelle des oeuvres. La superficialité caractérisait alors globalement la production chinoise. Si la télévision avait été l’intermédiaire obligé pour l’ouverture du pays au monde de 1978 à 1992, sa fonction culturelle était réduite au cours du processus de privatisation du système de production.

Dans le nouveau contexte privé de la production télévisuelle, l’Etat transforma sa stratégie communicationnelle, en faisant davantage appel aux techniques de per­suasion douce. Un Pékinois à New York fut en effet un bon exemple illustrant la soft-propagande. Coproduit par la CCTV, la BTV (Beijing Television) et le Centre d’Art de Productions Télévisuelles de Pékin, ce feuilleton fut la plus importante production de l’époque, avec un budget de USD 1.5 millions obtenu grâce à l’em­prunt bancaire. Diffusé depuis novembre 1993, il aurait pu être censuré du fait de son thème d’autant plus sensible qu’il traitait de la vie des intellectuels chinois à l’étranger. La réalité était que le PCC, qui savait le désir de la plupart des Chinois de sortir du pays, avait à cœur de briser la fascination qu’exerçait l’Occident sur les esprits en montrant les désillusions de ceux qui s’étaient laissés aller à trop idéaliser l’Amérique.

En un mot, les nouvelles structures des programmes de la télévision chinoise, au moment où elle intégrait l’économie de marché, laissaient coexister deux modèles télévisuels contradictoires : une paléo-télévision qui maintenait la volonté de partici­per à la formation de la société chinoise à travers des programmes contrôlés et une néo-télévision qui fonctionnait selon la seule logique marchande.

Enfin, depuis le début des années 1990, la modification du langage télévisé en Chine s’est accompagnée d’un processus de multiplication des chaînes et des horaires de diffusion, ce qui a d’ailleurs incité les Chinois à regarder davantage la télévision. Ainsi, le petit écran a consolidé sa place vespérale dans la vie nocturne du peuple, qui s’est laissé de plus en plus séduire par cette nouvelle culture du consu-mérisme, véhiculée par les médias.

La naissance et le renforcement de grands groupes audiovisuels

Une multitude d’entreprises audiovisuelles ont été créées au cours du long pro­cessus d’entrée de la télévision dans l’économie de marché. Ce phénomène s’était accéléré dès la mise en place de la politique de la télévision à quatre niveaux en 1983. Toutes ces entreprises et organismes, officiellement rattachés aux bureaux de l’audiovisuel de leur région, ont bénéficié en réalité d’une gestion assez libre où les impératifs commerciaux étaient respectés. L’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 a fait craindre au gouvernement chinois de perdre le contrôle des média si l’approfondissement de l’économie de marché s’accentuait trop dans ce secteur.

Il est vrai que les capitaux étrangers avaient depuis longtemps cherché à le pénétrer. C’est pourquoi le gouvernement crut bon, à l’appui de mesures politiques de toute sorte, de regrouper les organismes et entreprises audiovisuels par région en les met­tant sous la tutelle d’un seul groupe dont les dirigeants les plus élevés seraient des membres militants du PCC.

En 1998, le gouvernement central choisit Wuxi, une ville moyenne de la province du Jiangsu pour tester la valeur du regroupement des organismes audio­visuels par région. Le Bureau de la Radiodiffusion de Wuxi fusionna d’abord avec la Télévision de Wuxi et la Radio de Wuxi pour constituer le Groupe audiovisuel de Wuxi. Les anciennes chaînes câblées et hertziennes, concurrentes entre elles à cause de la similitude de leurs programmes se rassemblèrent puis se regroupèrent selon une nouvelle thématique des programmes. Ainsi se constituèrent 6 nouvelles chaînes de télévision et 4 nouvelles chaînes de radio thématiques. Ces dernières partageaient un service commun pour tout ce qui concernait la gestion administra­tive, financière, technique et la programmation. Ainsi, huit nouveaux centres furent créés sous la tutelle du Groupe Audiovisuel de Wuxi, par nature un organisme d’Etat. En revanche, le groupe pouvait bénéficier également d’un fonctionnement à caractère commercial car il dirigeait aussi huit entreprises dont l’activité allait de la publicité à la production de films en passant par l’exploitation des réseaux et des équipements de télécommunication. C’est pourquoi le Groupe Audiovisuel de Wuxi connut 32 % d’augmentation de son chiffre d’affaires, d’un montant exacte­ment de 185.8 millions de yuans pour le premier exercice consécutif à sa constitu­tion en 1999.

 

Cette première expérience de regroupement à Wuxi fut une telle réussite que le gouvernement central décida d’imposer ce type de réforme dans toutes les régions. Le 17 septembre 1999, le Gouvernement, le ministère de l’industrie des Informations et le Bureau Général de la Radio, de la Télévision et du Cinéma signèrent ensemble une circulaire dans laquelle l’idée de constituer des groupes audiovisuels régionaux était officiellement inscrite. Par la suite, le document N° 82, promulgué par le gouverne­ment, devait préciser les trois réformes essentielles à entreprendre par les organismes audiovisuels régionaux. D’abord, cesser toute nouvelle construction de stations de télévision. Ensuite, pour ce qui concerne les chaînes, ne plus se mêler de l’exploitation des réseaux de transmission télévisuelle. De même, contenu et contenant devaient être séparés. Enfin, fusionner les chaînes de radio, les chaînes de télévision hertziennes et les câblées au nom du principe de l’unité provinciale.

Le document N° 82 démontra que la constitution de ces grands groupes média­tiques régionaux n’était pas une opération commerciale spontanée mais une décision politique pour planifier le développement audiovisuel. Le Groupe Audiovisuel du Hunan en fut un très bon exemple. On y notait la forte concentration des pouvoirs au sein du groupe dans la mesure où les chefs du bureau de la direction générale étaient en même temps des dirigeants du gouvernement local. Leur intervention directe dans les activités commerciales des entreprises succursales du groupe empêchait la libre concurrence entre les différents opérateurs des média locaux. C’est pourquoi les opé­rateurs de l’Internet du Hunan qui offraient la télévision à bas prix sur l’Internet se trouvèrent obligés de cesser soudainement cette activité sous la pression du Groupe Audiovisuel de la province. Ce dernier envisagea en effet d’y étendre davantage le réseau de la télévision câblée. Le conflit généra une lutte très violente entre les deux camps. Tout cela finit par une répression armée et le gouvernement local en fut obligé de faire une déclaration officielle en faveur du monopole des opérateurs de câble dans le domaine de la télévision. De même, pour tout ce qui concernait l’Internet, les opérateurs de ce secteur allaient, sur décision gouvernementale, être privilégiés par rapport aux opérateurs de la télévision câblée.

Malgré les inconvénients économiques de ce monopole provincial, la télévision provinciale du Hunan réussit néanmoins à s’élargir au niveau national avec l’appui financier du Groupe Audiovisuel du Hunan. Grâce au financement facilement alloué par le groupe, la Télévision satellitaire du Hunan arrivait à fabriquer des programmes et des feuilletons populaires appréciés par un public très large, en particulier, les jeunes. « Le quartier général des joies », « Rendez-vous en rose » firent la bonne répu­tation de la chaîne en matière de divertissement, et cela dans le pays tout entier. Par la suite, le feuilleton « Princesse Huanzhu » dont la scénariste était Mme Qiong Yao, écrivaine taiwanaise connue en Chine continentale et dans la diaspora chinoise du monde entier, battait tous les records d’audience en 2000. Ce feuilleton était rediffusé à de très nombreuses reprises par beaucoup d’autres chaînes dans les années qui suivi­rent. Ainsi l’audience à l’échelle nationale des programmes produits par la télévision par satellite du Hunan lui avait permis de sortir du cadre provincial. La chaîne devint ainsi un concurrent direct de la CCTV, y compris dans le domaine de la publicité.

 

 

 

 

 

 

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Par comparaison avec cette expérience menée dans la province du Hunan, la constitution du Groupe audiovisuel de Shanghai (SMG : Shanghai Media Group) présente des caractéristiques assez différentes, car il s’agit plus d’une réorganisation structurelle que d’une réelle fusion économique. Le groupe fournissait un service commun à ses entreprises pour ce qui concernait le droit des média, la déontologie, la censure et les affaires sociales, etc. A l’inverse, étant donné l’état de dévelop­pement avancé de l’audiovisuel à Shanghai, le groupe n’avait pas besoin d’entre­prendre de gros projets de construction. La stratégie de la direction générale du groupe s’inscrivait ainsi dans une logique de favoriser la synergie entre les différents acteurs et d’empêcher la baisse des prix qu’aurait pu provoquer la libre concur­rence dans ce secteur. Ceci dit, le monopole du secteur audiovisuel fut renforcé à Shanghai comme dans le Hunan malgré un environnement régional différent. En effet, peu après la constitution du Shanghai Media Group (SMG), on constata une augmentation de près de 25 % des tarifs publicitaires dans les chaînes de télévision de Shanghai. La réaction des agences de publicité fut immédiate. Loin de mon­trer leur mécontentement, elles se dépêchèrent de modifier leurs propres tarifs à la hausse. En revanche, les annonceurs n’hésitèrent pas à montrer leur inquiétude devant la menace d’une éventuelle baisse de leurs profits, la publicité devenant réel­lement trop chère. Pour ce qui concerne les entreprises de production audiovisuelle, elles furent placées dans une situation encore pire puisque le groupe leur achetait des programmes en contrepartie du temps de publicité. Or les prix qu’elles étaient obligées de pratiquer avec les annonceurs les mettaient en situation de ne plus pou­voir en trouver. Dans le même temps, les agences publicitaires du groupe pouvaient ainsi se rendre totalement maîtres du marché publicitaire shanghaien. De manière contradictoire, dans cette ouverture à l’économie de marché, le renforcement de ce groupe étatique amoindrissait en définitive les chances de survie des entreprises privées. Aujourd’hui, SMG emploie 17 000 personnes et son capital fixe atteint pratiquement 15 milliards de yuans.

Jusqu’à la fin de l’année 2003, on assista à la formation de 19 groupes audio­visuels. Un seul se situait au niveau administratif central, 12 au niveau provincial, 7 au niveau municipal. Par ailleurs, on créa 6 groupes cinématographiques avec le droit de produire des programmes de télévision.

 

Niveaux administratifs Nom du groupe Date d’autorisation de constitution du groupe Date d’inscription du groupe au bureau d’Industrie et de Commerce
Niveau central China Radio, Television & Movie Group Le décembre 2001
Hunan Radio, Television & Movie Group Le 7 novembre 2000 Le 27 décembre 2000
Beijing Radio, Television & Movie Group Le 8 janvier 2001 Le 28 mai 2001
Shandong Radio, Television & Movie Group Le 15 janvier 2001 Le 19 janvier 2001
Shanghai Media Group Le 22 février 2001 Le 19 avril 2001
Jiangsu Radio, Television & Movie Group Le 12 avril 2001 Le 28 septembre 2001
Sichuan Radio, Television & Movie Group Le 23 août 2001 Le 26 décembre 2003
Niveau provincial Zhejiang Radio, Television & Movie Group Le 8 novembre 2001 Le 26 décembre 2001
Chongqing Radio, Television & Movie Group Le 10 février 2002
Fujian Radio, Television & Movie Group Le 30 octobre 2002 Le 8 février 2004
Tianjin Radio, Television & Movie Group Le 27 mai 2002 Le 28 octobre 2002
Guangdong South Radio, Television & Movie Media Group Le 28 novembre 2002 Le 18 janvier 2004
La station générale de la radio et de la television de Shanxi Le 24 mars 2004

Ainsi, l’année 2004 peut à juste titre être considérée comme celle qui a marqué l’achèvement sinon la maturité de la télévision chinoise. Cette maturité a été acquise grâce d’abord à l’introduction d’une technologie nouvelle, celle du câble, à laquelle est venue s’ajouter un phénomène plus révolutionnaire, celui de l’autorisation de la publicité. La formation consécutive de grands groupes audiovisuels comparables en tous points à ceux des pays capitalistes libéraux, illustre parfaitement la réussite de « l’économie socialiste de marché » en matière audiovisuelle. Dans ce domaine comme dans d’autres, elle a généré des taux de croissance tout compte fait assez hallucinants.

En 2004, la télévision chinoise était donc une réussite économique réelle. Mais il reste que politiquement, cette même télévision est encore de nos jours totalement contrôlée par le PCC. Toutefois, trois nouveautés sont apparues dans le paysage télévisuel depuis 2004 : l’achèvement du processus de numérisation des chaînes câblées dans les grandes métropoles et les villes moyennes ; la multiplication ou le renouvellement des chaines municipales ; la plus grande accessibilité aux chaines étrangères des classes moyennes même si ces chaînes sont cantonnées pour l’essen­tiel aux variétés, aux sports et à la bourse. Il en résulte que jusqu’à aujourd’hui, la télévision chinoise n’a pas pu jouer un rôle véritable dans le processus de démocra­tisation du pays. En effet, les classes moyennes qui sont en train de se créer ou de se reconstituer en Chine semblent avoir abandonné l’espoir de voir la télévision se libéraliser d’autant que les élites du pays la regardent parfois très peu. A l’avenir, le seul média susceptible d’aider à créer une opinion publique capable de critiquer les autorités et de s’opposer valablement à la politique gouvernementale est incon­testablement l’Internet. L’importance des moyens mis en œuvre par le PCC pour contrer ce nouvel ennemi potentiel permet d’en mesurer le degré de dangerosité aux yeux des dirigeants actuels de la Chine.

1. Selon la loi chinoise de l’époque, seules les entreprises d’Etat avaient le droit de produire pour l’audiovisuel. Le gouvernement chinois n’autorisa qu’en 2001 l’investissement privé (chinois) en la matière.

 

 

Note

Charlotte XIAOTAO WANG

Approche géopolitique de l’Internet en Chine

  • Avec près de 500 millions d’internautes en 2011, l’internet a encore un taux d’accessibilité relativement peu élevé (30%) en Chine par rapport à celui des pays occidentaux. Les usagers de ce nouveau média sont essentiellement jeunes, citadins et aisés, malgré une massification progres­sive qui atténue peu à peu ces caractéristiques. Le développement de l’Internet est linéaire sauf la connexion sur les téléphones portables qui connaît une croissance exponentielle. L’E-commerce, les jeux en ligne et la publicité sont les sources principales de revenus sur la Toile. Face à cette nouvelle technologie qui représente un enjeu économique fondamental, les Autorités de Pékin sont prêtes à tout pour garder leur contrôle, tant sur le plan économique que sur le plan poli­tique et culturel. Non seulement, le gouvernement protège les entreprises chinoises contre leurs concurrents étrangers, mais encore, il emploie d’importants moyens pour surveiller la Toile. Il va jusqu’à tenter de siniser les noms de domaines en idéogrammes. En effet, une opinion publique est en train de naître en Chine et c’est l’Internet qui donne aux Chinois la possibilité de s’ex­ Enfin, l’apparition d’une nouvelle catégorie de jeunes qui n’existent que virtuellement, facilement mobilisable et qui n’ont pas connu le maoïsme rend l’Internet encore plus dangereux que jamais aux yeux du PCC.
  • With nearly 500 million Internet users in 2011, Internet still has access rates relatively low (30%) in China compared with Western countries. Users of this new medium are mainlyyoung, urban, affluent, despite a progressive massification that reduces gradually these characteristics. The development of the Internet is linear unless the connection on mobile phones which is growing exponentially in China. E-commerce, online gaming and advertising are the main sources of income on the web. Facing to this new technology, which represents a fundamental economic issue, the authorities of Beijing try despe-rately to keep their control both economical and political. Not only the government protects Chinese companies against foreign competitors, but still, it uses significant resources in monitoring the Web. He even tries to transform existing domain names in Chinese ideograms. Indeed, a public opinion is arising in China and Internet gives a significant weight to the Chinese citizens. Finally, the emergence of a new category of youngpeople who exist only virtually, who are easily mobilized and never knew Maoism makes Internet more dangerous than ever to the CCP opinion.

 

 

Il est devenu une évidence que l’Internet a envahi aujourd’hui la totalité du champ d’action des hommes. La Chine, malgré sa tradition de fermeture men­tale et la censure qu’exerce encore le Parti communiste sur la circulation des idées, n’échappe pas à la contagion occidentale en la matière. Bien plus, l’exemplarité du printemps arabe dans ce domaine a fait trembler les autorités de Pékin qui ont réagi assez brutalement contre les dangers que constituent les réseaux sociaux. Cette brutalité semble avoir remporté les succès escomptés, même si, ici et là, s’expriment des formes de mécontentement plus nombreuses et d’une plus grande intensité qu’auparavant. Il n’empêche que l’internet qui constitue indéniablement un retour

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vers l’image et le son dans le pays des idéogrammes n’est pas pour les jeunes chinois, confucianisme oblige, le même outil de liberté que pour les jeunes occidentaux.

En même temps et de manière contradictoire, la Chine a un avenir qui dé­pend peut-être plus de l’utilisation de l’Internet que d’autres pays car son décollage économique est directement lié à l’utilisation de plus en plus poussée des NTIC. La preuve en est dans les encouragements multiples prodigués ces cinq dernières années par les autorités chinoises pour leur vulgarisation rapide. Le revers de la mé­daille est la réactivité de l’Internet, sa rapidité, sa capacité de mobiliser un nombre important de personnes. Jusqu’alors, les autorités chinoises, grâce à des policiers internautes ont réussi à contrôler la Toile et tentent de la siniser de sorte d’éviter de livrer le flanc à la cyber-diplomatie américaine dont on a vu les conséquences dans bien des parties du monde. Certes, une opinion publique est en train d’émerger en Chine à l’échelle nationale. Mais elle n’est pas pour l’instant capable de canali­ser, à la même échelle, des formes de contestation trop embryonnaires, très spéci­fiques ou encore très localisées. Plus encore, la sinisation de l’Internet et le retour au Confucianisme semblent des moyens efficaces d’abaisser la dangerosité politique de ce moyen révolutionnaire de communication.

 

450 millions d’internautes chinois !

Il semblerait tout d’abord qu’il y ait aujourd’hui environ 450 millions d’inter­nautes en Chine, car selon un rapport récent du CNNIC (China Internet Network Information Center), association étatique sous la tutelle du ministère de l’Indus­trie d’Information (MII), leur nombre atteignait déjà 420 millions en juin 2010. C’est-à-dire que plus du tiers des ménages chinois ont accès à la Toile contre 83 % en Suède, 70 % en France et 50 % en Italie. Si le taux d’accessibilité est encore bas, près de 98 % des internautes chinois bénéficient néanmoins d’une connexion « à haut débit ». Mais dans la pratique, le débit moyen de connexion en Chine n’est que 0,86 mbp/s, ce qui est largement inférieur à la moyenne de la France (17,6 mbs) ou celle des Etats-Unis (4,8 mbs). Faut-il rappeler qu’en cette matière, la première place est occupée par le Japon (60 mbs), suivi par la Corée du sud (46mbs), la Finlande (22 mbs) et la Suède (18,2 mbs).

Ensuite, comme partout ailleurs, l’internet est le média favori des jeunes. En juin 2010, 59 % d’internautes chinois avaient moins de 30 ans, près de 85 % moins de 40 ans. De plus, les internautes chinois étaient plus souvent des hommes (55 %) et citadins (73 %). Néanmoins, le nombre d’internautes chinois ayant plus de 30 ans étaient proportionnellement plus important (41 %) qu’avant. Cela a fait légèrement grimper leur âge moyen. Parallèlement, le pourcentage des internautes ayant le niveau d’éducation supérieur à Bac+3 a baissé. De même, c’étaient chez les personnes assez pauvres (dont le revenu moyen est inférieur à 2000 yuans/mois) que le taux de connexion s’est accu le plus rapidement en 2010. Les indicateurs de ces dernières évolutions prouvent que l’Internet est en train de se massifier en pro­fondeur en atteignant de plus en plus de personnes moins jeunes, moins éduquées et moins riches.

En revanche, l’internet mobile a enregistré une très forte croissance depuis trois ans, grâce, en particulier, aux usagers citadins. En 2010, 277 millions de personnes avaient l’accès à l’internet sur leur téléphone portable, alors qu’ils n’étaient que 155 millions en 2009. Selon certaine estimation, la croissance du nombre d’abon­nés à l’internet mobile continuerait d’être très forte dans les quelques années à venir. D’ici 2012, le nombre de personnes qui utilisent l’internet mobile serait même plus important que celui d’internautes via l’ordinateur. Pour l’instant, 44 % des internautes chinois se connectent uniquement avec un ordinateur contre 9 % qui surfent exclusivement sur la Toile avec un téléphone mobile. 48 % utilisent les deux supports de connexion.

Pour ce qui concerne la durée d’utilisation de l’internet en Chine, elle était de 19,8 heures par semaine en juin 2010 contre 18,7h en décembre 2009. Mais, le temps que les internautes chinois1 avaient passé sur la Toile montrait aussi qu’ils étaient plus oisifs qu’en Occident. Car seulement 33 % des internautes étaient en ligne lorsqu’ils étaient au bureau. Près de 70 % d’entre eux n’utilisaient en effet l’internet que pendant leurs heures de liberté (hors travail). Avec l’augmentation de l’accessibilité de l’internet, de plus en plus d’internautes se branchent désor­mais chez eux (88 %), alors qu’il y a toujours 34 % des internautes qui continuent d’aller dans les cybercafés malgré la diminution du nombre de ces derniers. Selon certains sondages, les activités auxquelles les internautes chinois consacraient le plus de temps étaient respectivement : écouter de la musique, regarder des vidéos, jouer en ligne, se livrer au chat, consulter des sites d’actualité, utiliser des moteurs de recherche et vérifier des emails. Par rapport aux internautes des pays européens, les Chinois cherchent encore plus le divertissement sur la Toile que l’information. La réalité est que l’image et le son sont plus prisés que la lecture. Néanmoins, ce comportement s’est peu ou prou modifié depuis le début de l’année 2010, car l’utilisation du courriel et l’achat en ligne sont devenus des activités presqu’aussi fréquentes qu’en Occident.

L’essor économique du secteur de l’Internet en 2010

A en croire les derniers statistiques du CNNIC, le secteur de l’Internet a atteint une croissance de 54 % alors que celle du PIB chinois se situait autour de 10 % en 2010

Par rapport aux années précédentes, la grande nouveauté du secteur est que l’e­commerce est devenu en 2010 le secteur le plus important en dépassant les jeux en ligne qui, eux, continueraient de voir leur part de marché se rétrécir. 148 millions de personnes, soit 30,8 % des internautes chinois (contre 28,4 % en 2009) ont aussi expérimenté l’achat en ligne en 2010.

Quant au chiffre d’affaires de l’e-commerce chinois (B2C + C2C), il a enregis­tré un taux de croissance de 89,4 %. Le montant total s’élevait à 500 milliards de yuans, ce qui représentait environ 3,2 % la vente au détail des biens de consomma­tion fin 2010 sur le marché chinois. Ce chiffre devrait atteindre les 5 % en 2012.

En revanche, les jeux en ligne auraient connu une baisse continuelle pour ce qui concerne les parts de marché après 2010. Cela prouve que le marché des jeux en ligne, après une dizaine d’années de développement, est aujourd’hui le premier secteur arrivé à maturité et qu’il serait près de son point de saturation. Pour ce qui concerne le marché publicitaire sur Internet, il est en train de se stabiliser, avec de légères augmentations au niveau du chiffre d’affaires. Sa part de marché, quant à elle, demeurerait autour de 10 % dans les trois ans à venir. Il n’empêche qu’en ce début d’année 2011, l’internet a dépassé la presse écrite pour devenir en Chine le deuxième support publicitaire derrière la télévision.

Mais c’est sans aucun doute l’internet mobile qui aura l’essor le plus rapide d’ici 2014. Il atteindrait en trois ans, selon certaines estimations, 25 % des parts de mar­ché. En effet, après quelques années de préparation, tous les acteurs du secteur que ce soit les fabricants de téléphones portables, les opérateurs de télécommunication ou encore les fournisseurs de services sont prêts à réaliser une économie d’échelle en offrant divers produits à des prix abordables aux consommateurs chinois. Les ventes en ligne, les jeux portables et la publicité connaîtront les croissances les plus fortes.

 

Les parts de marché internet par secteur en Chine (2008-2014)

 

 

2008 2009

2010      2011 (est.)  2012 (est.)   2013 (est.)   2014 (est.)

 

 

 

] E-commerce                          □ Jeux en ligne                          □ Publicité

] Moteurs de recherche □ Paiement en ligne     □ Autres

□ Internet mobile

 

Source : www.iResearch.com.cn

 

En quelques mots, l’E-commerce et l’internet mobile seront les vraies niches du marché avec les plus fortes croissances du secteur dans les trois années à venir. La baisse des parts de marché des jeux en ligne témoigne de la fin d’une époque où la Toile chinoise n’était jusqu’alors un océan de distractions pour des centaines de mil­lions d’internautes. La multiplication des services et leurs décollages récents prou­vent que l’internet joue un rôle de plus en plus complexe qui touche aujourd’hui tous les aspects de la vie courante des habitants du pays.

 

L’e-commerce chinois est en expansion rapide

Quand les média du monde entier nous répètent encore tous les jours que la Chine est l’usine du monde à bas prix pour des produits de basse qualité, cela est en réalité de plus en plus faux car la situation avait d’ores et déjà commencé à changer il y a juste quelques années. La crise mondiale de 2008, la réévaluation du Yuan, l’inflation, l’augmentation des salaires des ouvriers migrants, etc. constituent un ensemble d’éléments qui avait rendu la Chine de moins en moins compétitive à l’exportation. C’est alors que les entreprises chinoises ont pris conscience que les nouvelles technologies, une meilleure qualité de produits et le marché intérieur seraient désormais les éléments clés de leur survie. Conscient de l’énorme enjeu des nouvelles technologies dans l’économie nationale, le gouvernement chinois ren­force sa politique d’encouragement à l’industrie des NTIC qu’il avait mise en place dès les années 1990. Il incite désormais les PME chinoises à se mettre en ligne. Dans ce contexte, l’économie du secteur d’internet a pu s’accroître fortement, en particulier pour ce qui concerne l’e-commerce, et ce, depuis le milieu des années 2000. Dès lors, l’e-commerce chinois enregistre des taux de croissance de 20 % au minimum chaque année. En 2010, elle s’élevait même à plus de 89 % pour ce qui concernait le B2C et le C2C. Malgré cette croissance fulgurante, le chiffre d’affaires global de l’e-commerce chinois (36,6 milliards de dollars en 2009) reste nettement inférieur à celui des Etats-Unis (128,8 milliards de dollars en 2009) et représente à peine plus que celui de la France (33 milliards de dollars en 2009).

Le groupe Alibaba constitue le véritable géant du marché B2B. Créé Par Jack Ma il y a une dizaine d’années, le site emploie 4400 salariés, avec 25 millions de membres inscrits dans près de 200 pays du monde. De l’automobile à l’agriculture, le site présente de nombreux produits selon leurs catégories et fournit gratuitement une liste de fabricants des produits recherchés. L’acheteur peut envoyer ensuite via le site des messages à des fournisseurs. Sur chaque transaction réalisée, le site prend une commission. Depuis que la Chine est devenue « l’Atelier du monde », le B2B en ligne est aujourd’hui un intermédiaire quasi incontournable des imports-exports. De plus, le gouvernement chinois a mis en place, depuis 2008, une série d’aides pour inciter les PME à se lancer dans l’e-commerce B2B sur internet. Le chiffre d’affaires du B2B des PME chinoises a connu ainsi une augmentation plus forte en 2010 que dans les années précédentes, même si son chiffre d’affaires reste encore faible (253 millions de yuans en 2010). Néanmoins, le potentiel pourrait être grand et certains parlent de plus de 1,2 milliards de yuans de chiffre d’affaires en 2014.

Pour l’instant, le site Alibaba continue de monopoliser le marché B2B en oc­cupant plus de 57 % des parts de marché. Il est suivi par global sources (10 %), hc360 (4%) et made-in-china.com (3 %) et Globalmarket (3 %). En 2010, le groupe Alibaba a racheté deux sites américains d’e-commerces B2C et a développé sur sa plateforme un système de paiement international. Ces deux rachats ont permis donc au géant chinois de l’e-commerce d’établir une chaîne de fonctionnement B2B2C qui s’étend jusqu’à des consommateurs américains.

Néanmoins, le B2B se limite jusqu’aujourd’hui à des ventes d’un montant res­treint. La réalisation de grosses ventes se fait toujours de manière plus traditionnelle. La faible sécurité du paiement en ligne demeure un obstacle difficile à surmonter, du moins pour l’instant.

Quant aux ventes B2C, elles sont en pleine expansion, et ce, en ce début 2011. La concurrence la plus rude se fera désormais dans le domaine B2C, compte tenu du grand nombre d’entreprises qui continuent d’y investir. On peut également no­ter des améliorations des services, de même qu’une meilleure sécurité du paiement en ligne, un plus grand confort visuel lors des achats, un meilleur suivi des ventes, etc. Parmi les innombrables produits vendus en ligne, les produits touristiques (ré­servation de chambres d’hôtel et de billets d’avion, etc.) sont les premiers à cumuler une taille suffisante pour que cette niche du marché soit déjà arrivée à maturité.

Pour ce qui concerne le C2C, Taobao est le principal site des ventes en ligne. Mis en service en 2003, il est utilisé par plus de sept millions de Chinois et fait partie du groupe Aligroup qui possède le fameux site Alibaba. Taobao est classé 18ème mondial. Les transactions avoisinent un volume de 9,7 milliards de Yuan (1,22 mil­liard d’USD). Les utilisateurs peuvent passer par le système de paiement AliPay, similaire au système PayPal utilisable sur eBay. 59% des achats entre particuliers en Chine se font au travers de Taobao.

Enfin, il semble bon de rappeler que la sécurité en ligne reste encore assez pré­occupante dans son ensemble en Chine, d’autant que le piratage de toutes sortes de

 

logiciels est très courant. Pendant les 6 premiers mois de l’année 2010, plus de 60 % des internautes ont été attaqués par des virus. Pire encore, 30 % des e-consomma-teurs ont eu leurs comptes en ligne piratés. Selon un sondage récent, près de 90 % des consommateurs de l’e-commerce ont avoué d’être inquiets de l’insécurité du paiement en ligne. Cela gênera sans aucun doute le développement de l’e-com­merce qui possède pourtant un potentiel très prometteur.

 

L’internet : un média sous le contrôle étroit du Parti

Il existe en Chine comme ailleurs différents types de sites web. Mais, en tant que nouveau média, les informations circulent principalement au travers de quatre genres de sites : les portails, les moteurs de recherche, les blogs et le micro-blogging.

Les portails sont les sites d’actualité les plus lus en Chine. Ils sont entièrement sous le contrôle étroit du Parti et se contentent de reprendre des informations telles qu’elles ont été diffusées dans les média traditionnels. Les journalistes des sites d’information doivent d’ailleurs subir les mêmes contraintes de censure que leurs confrères des média traditionnels.

Quant aux moteurs de recherche, l’affaire « Google » de 2010 montre combien le PCC tient à contrôler ce domaine. Il fait d’ailleurs tout pour privilégier le déve­loppement de Baidu, le plus grand moteur de recherche chinois contre ses concur­rents étrangers. Il est donc naturellement soumis à la censure et subit un filtrage au travers d’une longue liste de « mots-clés » établie par le gouvernement.

C’est en effet le fameux système « Great Firewall » qui permet un filtrage assez ef­ficace. D’autres mesures telles que l’obligation aux internautes de présenter une carte d’identité dans les cybercafés facilitent, eux également, la tâche des quelque 30 000 policiers en ligne en charge d’identifier les émetteurs de « messages nuisibles ».

Si les sites d’actualité et les moteurs de recherche sont sous la maîtrise parfaite du gouvernement chinois, les blogs et le micro-blogging sont plus dangereux aux yeux du Parti. D’abord parce que ce sont là où les internautes s’expriment « libre­ment » sur pratiquement tous les sujets. Ensuite, parce qu’ils forment des réseaux sociaux qui ont une grande capacité de mobilisation donc de nuisance. Enfin, parce que les blogs et en particulier le micro-blogging accentuent la volatilité des opinons. Le spectre du printemps arabe hante le PCC.

Contrairement à l’Occident où il y a de grandes plateformes spécialisées pour héberger les blogs, en Chine, ce sont les portails qui sont les plus grands hébergeurs.

Cela provient d’abord de l’intérêt économique que les blogs pourraient apporter aux portails. En effet, à part l’enrichissement du contenu des sites, les blogs permettent également aux portails d’augmenter le nombre de visites, de quoi faire payer plus cher les annonceurs publicitaires. Ensuite, c’est le résultat de la volonté politique qu’a le gouvernement de mieux contrôler les blogs. En 2010, il y avait environ 100 millions de blogs en Chine pour 420 millions d’internautes. Les hébergeurs de blogs les plus populaires sont Sina, Sohu, Netease, Tecent, Ifeng, etc.

Les bloggeurs ont en théorie le droit d’écrire ce qu’ils veulent, à condition de pratiquer une autocensure suffisante. Tout acte dépassant la limite autorisée risque tout simplement d’attirer des ennuis à son auteur. Par ailleurs, les militaires chinois sont privés du droit de créer des blogs.

Par rapport aux blogs qui sont plus ou moins bien contrôlés, c’est le micro-blog-ging que le gouvernement craint le plus. Son expansion récente est d’ailleurs specta­culaire. En fin 2010, sur 300 millions d’utilisateurs de téléphones mobiles, il y avait environs 100 millions qui fréquentaient des sites du micro-blogging. Son taux de croissance aurait atteint 800 % en 2010. Les professionnels prévoient 150 millions d’utilisateurs courant 2011.

On ne peut éviter de parler de Twitter lorsqu’on aborde le sujet du micro-blo-ging. C’est Twitter qui a offert un spectacle d’effets « boule de neige » en Occident depuis sa création en juin 2006. Cette nouvelle star du web assure aujourd’hui un flux de 90 millions de messages en circulation par jour et commence depuis peu à transformer son succès en rentabilité financière. Conscient de la potentialité du marché chinois, Twitter s’y est rapidement positionné dès sa création. Mais c’est seulement en 2009 que Twitter a pu accumuler une certaine quantité de clients. Néanmoins, au moment même où Twitter espérait un vrai décollage en Chine, il s’est vu définitivement bloqué par le « Great Firewall » instauré par le PCC un jour d’hiver 2009.

Face à cet incident, contrairement à Google qui a toujours su négocier avec le gouvernement chinois, Twitter a choisi une réponse frontale. Le 21 janvier 2010, la Secrétaire d’Etat, Hilary Clinton a appelé dans un discours sur internet toutes les entreprises américaines, et pas seulement celles de l’industrie virtuelle, à refuser la censure chinoise. Quelques jours plus tard, Twitter est monté au créneau lors du Forum économique international de Davos. Ainsi, dans cette épreuve de force, la Chine semble avoir perdu puisqu’elle est désormais isolée du reste des réalités éco­nomiques et idéologiques du monde.

Pourtant, une étrange coïncidence s’est produite par la suite. Après le blocage de Twitter, les portails chinois se sont mis à explorer successivement le micro-blogging dans le pays à partir de l’automne 2009. Sans pour autant pouvoir être sûr de l’en­couragement politique du PCC en la matière, on peut observer une série de faits inté­ressants. Le fameux journal « le Quotidien du peuple » a ouvert au début de 2010 son site de micro-blogging. Le Président Hu Jintao y a même fait sa première expérience de twitting. Mieux encore, en mars 2010, lors de la dernière Assemblée nationale po­pulaire, les députés ont été incités à « twitter » afin de communiquer avec le public…

En réalité, en ce début 2011, le micro-blogging devient incontournable. Tout le monde, que ce soit des portails, des sites d’échanges sociaux, des sites de télévision ou encore des sites économiques spécialisés, s’y engouffre. Mais, comme dans beaucoup d’autres domaines, le micro-blogging chinois montre ses caractéristiques spécifique­ment chinoises. Différent de Twitter américain, il s’adapte aux habitudes chinoises. Trois points méritent d’être notés selon un spécialiste chinois du web. D’abord, les messages qui circulent sur le micro-blogging sont généralement plus longs (140 idéo­grammes), certains sites allongeant la limite jusqu’à 163 voire 188 idéogrammes pour les VIP. Ensuite, des vidéos font partie intégrante du flux. Enfin, des fonctions sup­plémentaires telles que « répondre » ou « transmettre » ont été créées pour faciliter l’utilisation du système.

Comme dans le cas des blogs, les sites du micro-blogging sont hébergés par les grands sites de portails. Pour l’instant, Tecent, Sina, 360, Sohu, baidu, QQ, Renren, etc. sont les plus grands hébergeurs. En fin janvier 2011, Tecent aurait réussi à avoir près de 80 millions d’usagers, en dépassant sina qui occupait jusqu’alors la première place. Mais, ce classement des premiers est extrêmement éphémère et peut être boule­versé à tout moment. Les hébergeurs chinois du micro-blogging sont encore dans une étape d’investissement massif et cherchent encore à explorer leur rentabilité. C’est en effet LE sujet d’actualité le plus discuté par les professionnels du métier.

C’est sans doute pour de multiples raisons que le Parti tolère l’expansion du mi-cro-blogging dans le pays (enjeu économique, peur de la colère des internautes, pres­sion de l’opinion internationale, etc.). Mais outre une surveillance permanente, de gigantesques opérations de contrôle y sont exercées régulièrement. Elles ont provoqué d’ailleurs plusieurs dysfonctionnements simultanés sur plusieurs sites hébergeurs pen­dant quelques jours en 2010.

Ces contrôles se sont révélés efficaces. La dernière expérience chinoise lors du printemps arabe en témoigne. C’est ainsi par exemple que TV5 monde a été bloqué en février 2011 lors d’une émission concernant l’effet domino dans le monde arabe. Par ailleurs, même si l’appel à une manifestation a été lancé sur le micro-blog-ging par un anonyme le dimanche 20 février dans 13 villes chinoises pour suivre l’exemple en Chine de la révolution du « jasmin » en Tunisie, peu d’internautes ont répondu à cet appel. Dans la capitale politique, Pékin, seulement quelques cen­taines d’internautes se sont rassemblées avant qu’une dizaine de personnes n’aient été arrêtées par la police. Ces faits montrent que si certains Chinois rêvent d’une dé­mocratie à l’occidentale, ils ont encore un long chemin à parcourir pour y accéder, à moins que de violentes révoltes ne se transforment en une insurrection générale du fait de facteurs pour l’instant imprévisibles.

La sinisation de l’internet est une affaire stratégique !

Le gouvernement chinois considère que les « domaines » sur internet ont une forte connotation avec l’identité nationale et à la souveraineté du pays. L’ambition des dirigeants chinois serait de libérer définitivement la Toile dans ce pays de l’em­prise américaine ou européenne. C’est la raison pour laquelle le gouvernement chinois avait encouragé dès le milieu des années 1990 des ingénieurs et techniciens chinois à se lancer dans la recherche de noms de domaines inscrits en idéogrammes chinois. Cette recherche s’est révélée longue et onéreuse. C’est seulement en avril 2010 que la Chine a pu enfin obtenir auprès de l’ICANN l’autorisation de mettre en service cinq domaines en idéogrammes2. Depuis cette date, les inscriptions des sites offrant un domaine en idéogrammes n’ont cessé d’augmenter. C’est ainsi par exemple que près de la totalité des organismes gouvernementaux et de nombreuses entreprises chinoises ont acheté leurs adresses en idéogrammes, même si les inter­nautes devront encore attendre pour pouvoir les utiliser. Théoriquement, pendant la période de transition, le gouvernement chinois souhaite que les sites possédant les extensions « .com.cn », « .net.cn » se transforment automatiquement pour ne pa­raître qu’en idéogrammes. Néanmoins, il semble que les difficultés techniques que cela induit y restent non négligeables pour l’instant. En effet, l’ampleur des travaux est assez importante, vu le nombre de sites existant. Malgré une légère baisse depuis 2 ans, il y a encore quelque 2,8 millions de sites en fin 2010, parmi lesquels 65 % sont « .cn » ; 30 % « .com » et près de 5 % « .net ». Par rapport à il y a cinq ans, les sites « .cn » sont en constant accroissement alors que les sites « .com » sont en di­minution. C’est là le résultat d’une volonté politique qui a privilégié la création des sites « .cn » au détriment de ceux « .com ». Il est sûr que la conversion progressive des « .com » en « .cn » s’inscrivait déjà dans la logique de pouvoir réaliser enfin le passage définitif de l’internet chinois en idéogrammes.

En effet, dans l’hypothèse où les Chinois réussiraient à faire fonctionner va­lablement les domaines en idéogrammes, il y aurait un vrai schisme structurel de l’Internet dans le monde. Pékin serait l’unique maître des espaces virtuels installés sur le territoire chinois. Son exemple pourrait donner envie à d’autres pays d’en faire autant. Autrement dit, des frontières virtuelles qui n’existent pas jusqu’alors, sauf à être linguistiques ou relevant de la censure, pourraient être instaurées selon la volonté des gouvernements.

Contrairement à ce que les démocrates occidentaux pourraient ou voudraient croire, les intellectuels chinois sont aujourd’hui des bénéficiaires du régime et les dissidents sont très peu nombreux parmi eux. Leur vie confortable et leur manière confucéenne de penser dictent leurs opinions, en particulier en matière politique. De plus, leur pouvoir d’influence en tant que leaders d’opinion est encore assuré via les médias traditionnels, notamment au travers de la presse écrite. En effet, média de l’élite, elle continue d’être le moyen le plus efficace pour transmettre ses idées à un grand nombre de personnes. L’internet, en particulier les sites des médias tradi­tionnels, ne servent qu’à élargir l’accessibilité de leur support.

A l’inverse, l’Internet et les micro-blogs fournissent un espace de création pour ceux qui ont quelque chose à dire mais qui n’arrivent pas à se faire entendre par les média traditionnels. Il arrive souvent que des personnes complètement inconnues dans la vie réelle jouissent d’une grande notoriété sur l’Internet sous l’identité de pseudonymes qu’ils ont choisis. Ce sont eux les leaders d’opinion sur la Toile. Leur niveau de connaissance parfois trop bas et leur degré de spécialisation souvent trop faible sur les sujets qu’ils abordent ne leur procurent pas la même fiabilité que celle accordée aux média traditionnels. En un mot, les relais d’opinion sur la Toile ne se superposent pas exactement à ceux des média traditionnels. Cela veut dire que les intellectuels et les dissidents ne présentent pas des dangers aussi menaçants que le PCC pourrait le craindre.

La censure chinoise est en réalité une vraie réussite pour le PCC qui, jusqu’à présent, a très bien verrouillé l’Internet. L’échec de la charte 08 et l’emprison­nement de l’écrivain Liu Xiaobo, l’un des rédacteurs de cette charte 08 en est la preuve. Néanmoins, l’Internet est vraiment capable, comme les autres média tradi­tionnels (notamment les média locaux), de s’impliquer dans les affaires sociales. Il est même assez efficace pour ce qui concerne les problèmes volontairement négligés ou occultés par les média traditionnels. Ce fut le cas de l’Affaire des Fangmin (pé­titionnaires en chinois), ces plaignants qui viennent de loin pour se rendre à Pékin pour demander justice auprès des Autorités concernées. Leurs causes sont diverses mais leur point commun est qu’ils vivent dans la misère dans la capitale quand ils y séjournent et qu’ils s’y font même maltraiter. C’est en fait l’Internet qui leur a permis d’apercevoir une lueur d’espoir. C’est ainsi par exemple que Liu Anjun, simple internaute et qui n’est absolument pas un intellectuel a lancé sur internet un appel au secours en octobre 2009. Pour la première fois, avec force détails, le sort pitoyable des pauvres pétitionnaires a été révélé sur un site spécialement créé par les premiers bénévoles qui ont répondu l’appel de Liu Anjun. Tout à coup, des dons sont arrivés en abondance, les rangs des bénévoles ont grossi et cette opération de secours a fini par attirer l’attention des « libéraux » pékinois. C’est alors que des avo­cats sont allés jusqu’à fonder une association de soutien aux pétitionnaires. Quinze mille pétitionnaires ont pu en bénéficier.

De nos jours, les jeunes Chinois qui ont grandi dans « l’économie socialiste de marché » n’ont pas connu pour la plupart la pauvreté. Ils ne sont donc pas aussi contestataires que l’étaient leurs aînés qui ont aujourd’hui la quarantaine ou à la cinquantaine. Toutefois, ces jeunes qui passent beaucoup de temps sur la Toile présentent en réalité une menace potentielle plus importante pour le régime que n’importe quelle autre génération. Primo, ils sont plus « libéraux » et plus « réa­listes ». secondo, le taux de chômage qui atteint 30 % en 2010 pourrait accentuer leur mécontentement envers un gouvernement qu’ils considèrent comme idéolo-giquement « démodé » et donc « illégitime ». Tertio, ils sont plus dynamiques que leurs ainés et moins peureux parce que n’ayant pas connu la révolution culturelle, les répressions, ni l’explosion de Tiananmen. Ils sont donc plus faciles à mobiliser. Le PCC en est conscient.

 

ANNEXES3

Quelques chiffres clés sur l’internet en Chine – juin 2010

 

Nombre d’internautes : 420 millions

Taux de pénétration : 31,8 %

Taux de croissance de la pénétration : 2,9 %

Taux de connexion à haut débit : 98 % des internautes

Nombre d’abonnés de l’Internet mobile : 277 millions

Taux de croissance de l’internet mobile : 18,6 %

Nombre d’internautes en zone rurale : 115 millions (27,4 % des internautes)

Taux de croissance d’internautes en zone rurale : 7,7 %

La moyenne de la durée de connexion : 19,8 heures par semaine

La moyenne du débit de connexion : 0,86 mbps

L’âge moyen des internautes : 85 % ont moins de 40 ans

Nombre de domaines enregistrés : 11,21 millions

Nombre de sites en fonction : 2,79 millions

Pourcentage des sites ayant le domaine « .cn » : 73,7 %

Activités en ligne des internautes chinois

 

Activités en ligne Taux d’utilisation en 12/2009 Taux d’utilisation en 06/2010 Classement 12/2009 Classement 06/2010 Changement de classement
Musique 83.5% 82.5% 1 1
Actualités 80.1% 78.5% 2 2
Moteurs de recherche 73.3% 76.3% 3 3
Dialogue instantané 70.9% 72.4% 4 4
Jeux 68.9% 70.5% 5 5
Vidéos 62.6% 63.2% 6 6
Email 56.8% 56.5% 8 7 î
Blogs 57.7% 55.1% 7 8
E-meeting 45.8% 50.1% 9 9
Littérature en ligne 42.3% 44.8% 10 10
Achats en ligne 28.1% 33.8% 12 11 î
Forum/BBS 30.5% 31.5% 11 12 4
Paiements en ligne 24.5% 30.5% 13 13
E-banque 24.5% 29.1% 14 14

 

Activités en ligne Taux d’utilisation en 12/2009 Taux d’utilisation en 06/2010 Classement 12/2009 Classement 06/2010 Changement de classement
E-bourse 14.8% 15.0% 15 15
Réservations Touristiques 7.9% 8.6% 16 16

Sources : tableau établi par l’auteur à partir des données fournies sur le site

www.cnnic.com.cn

1.   CF : Annexe « Activités en ligne des internautes chinois »

2.   « .41 H » (« .chine » en écriture simplifiée) ; « .^IH » (« .chine » en écriture traditionnelle) ; « -fFït; »2 (« .Hong Kong » en écriture traditionnelle) ; « . □ »/ïj » (« .taiwan » en écriture traditionnelle) ; « . cî7^5 » (« .taiwan » cn écriture simplifiée).

3.   Les taux de croissance sont calculés sur la base des statistiques de fin juin 2010 en comparaison
avec ceux de fin décembre 2009.

 

Notes

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