L’entretien de Géostratégiques – Denis Bauchard

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Questions à Denis Bauchard sur son livre Le Moyen-Orient au défi du chaos, Paris, Hémisphères/ Maisonneuve et Larose, 2021. 396 p., ISBN : 2377011128

Géostratégiques : Quelle est l’origine de cet ouvrage de géopolitique ?

Denis Bauchard : Il se trouve que les hasards de ma carrière m’ont permis de suivre l’évolution de cette région sensible et fascinante qu’est le Moyen-Orient pendant plus de cinquante ans. En rédigeant ce livre, j’ai voulu tout d’abord témoigner de mes expériences comme diplomate, de mes débuts au Liban, puis comme ambassadeur en Jordanie, enfin à la tête de la direction « Afrique du Nord-Moyen-Orient (ANMO) du ministère des affaires étrangères. À ma retraite j’ai continué à m’y intéresser d’abord comme président de l’Institut du monde arabe, puis comme conseiller à l’Institut français des relations internationales où j’exerce encore.

Il existe beaucoup de clichés sur le métier diplomatique : j’ai voulu montrer comment fonctionne un diplomate au quotidien quel que soit son grade, notamment pendant les situations de crise auxquelles il est de plus en plus souvent confronté. J’ai voulu aussi essayer de répondre à cette question fondamentale : comment est-on passé en cinquante ans, d’une situation de stabilité à l’ombre d’autocrates au chaos actuel qui semble ne jamais devoir se terminer. Quelle est la responsabilité des hommes et des gouvernants de la région comme des puissances extérieures ? Quel est le poids des idéologies ? comment expliquer cet engrenage vers la violence ?

Géostratégiques : En tant que Directeur Afrique du Nord Moyen-Orient (ANMO) au Quai d’Orsay en septembre 1993 puis auprès du ministre des Affaires étrangères dès août 1996, vous allez être chargé de mettre en œuvre la « politique arabe et méditerranéenne » de la France ; pourriez-vous nous en rappeler les principaux fondements ?

Denis Bauchard : Après la la désastreuse affaire de Suez en 1956, qui marque une rupture avec la plupart des pays arabes, la fin de la guerre d’Algérie en 1962 a permis de reprendre une politique active en direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dont les bases ont été définies par le général de Gaulle et mises en œuvre par ses successeurs. Le concept même de « politique arabe et méditerranéenne » , qui permet d’englober également Israël, est venu du président Chirac personnellement. Il en a évoqué les principes fondamentaux lors de son discours à l’université du Caire le 8 avril 1996. Il l’a resitué dans une filiation gaulliste qu’il exprime ainsi : « donner un élan nouveau dans la fidélité aux orientations voulues par son initiateur, le général de Gaulle ».

Les principes en sont clairs et se démarquent nettement des politiques menées par d’autres pays occidentaux, notamment les États-Unis : « volonté de dialoguer entre partenaires égaux » ; attachement aux droits des peuples à l’autodétermination, qui fait allusion à la question palestinienne ; aspiration des peuples à la solidarité et à l’unité, qui est une façon de se référer aux sentiments des opinions publique arabes ; appui à l’ouverture, sous entendue vers l’Europe, et à la paix, qui vise aussi bien à l’époque la question palestinienne que l’avenir de l’Irak encore soumis à des sanctions drastiques. Si les réactions dans les pays arabes ont été largement positives, les propos peu amènes recueillis en Israël comme aux États-Unis, ont montré l’agacement, pour ne pas dire plus, de leurs responsables face à un discours qui les prenait à contre-pied et marquait une volonté de mener une politique active dans cette région du monde.

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