Algérie, 60 ans après l’indépendance

Mardi 5 juillet 2022 de 14h00 à 18h00

Le Conseil Scientifique de l’Académie Géopolitique de Paris a considéré que les soixante ans d’indépendance de la République démocratique algérienne était l’occasion idéale pour organiser un colloque sur le thème des Regards croisés à l’aune du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie . L’objectif sera de passer en revue la situation et de faire un point d’analyse des enjeux et défis posés à la géopolitique interne comme externe de l’Algérie.

Ce colloque se propose d’approfondir le questionnement sur le système politique et institutionnel algérien difficilement à la hauteur pour proposer à sa jeunesse, comme à l’ensemble de la population, des perspectives de développement harmonieux et dans le respect des libertés fondamentales mais également pour faire face aux enjeux de puissance et de pouvoir sur la scène locale, régionale et continentale.

L’Académie géopolitique de Paris reste fidèle à sa vocation d’animer librement des débats sur des thématiques qu’elle veut analyser de façon inédite et originale. C’est pourquoi elle a choisi de faire appel aux intervenants dont l’approche choisie est la plus ouverte possible et l’expertise la plus pertinente. Ces spécialistes et praticiens des relations internationales débattront et confronteront leurs divers points de vue tout en ouvrant la voie à de multiples pistes de recherche venant enrichir la connaissance scientifique.

Ouverture

Ali RASTBEEN

Président de l’Académie de Géopolitique de Paris

Il y a 60 ans, le 19 mars 1962, les accords d’Évian sont signés mettant fin à 7 ans de guerre et 132 ans de colonisation française. Le 1er juillet 1962, 99 % des Algériens se sont prononcées pour l’indépendance de l’Algérie lors d’un référendum. Deux jours plus tard, le 3 juillet 1962, l’Algérie a proclamé officiellement son indépendance et est devenue la République algérienne démocratique et populaire.

Le 5 juillet 1962 a marqué la reconnaissance de l’indépendance du territoire algérien. Le 20 septembre 1962, la République algérienne est devenue membre à part entière des Nations Unies.

Depuis 1830, l’Algérie était une colonie de l’Empire français. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, des nationalistes algériens indépendantistes ont revendiquer leur désir d’indépendance, mais le gouvernement français a catégoriquement refusé cette idée et l’a réprimée, dans la violence.

En 1954, une série d’attentats a frappé le sol algérien et les nationalistes algériens se sont alors réunis sous la bannière du Front National de Libération (FLN) et se sont opposé à la France. La France a réagi par l’envoi de renforts militaires et a mis en place de sévères mesures répressives.

Un conflit armé à la fois militaire et diplomatique a plongé l’Algérie dans une double guerre civile sur son territoire et entre les communautés, il a également eu des conséquences en France métropolitaine : le Général De Gaulle revenue au pouvoir en 1958 pour instaurer la 5ème République a mis fin au conflit en Algérie, une fraction armée de l’armée française s’est rebellée et est entrée en opposition avec la pouvoir.

Cette guerre, qui s’est déroulée de 1954 à 1962, a fait des centaines de milliers de morts.

Les deux camps ont subi de lourdes pertes humaines au cours de cette spirale de violences et les pires atrocités ont été commises notamment avec les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, et l’usage de la torture dans les rangs français. Le Général De Gaulle qui a souhaitait maintenir l’Algérie en tant que colonie a proposé une autodétermination. Il s’est solennellement engagé à laisser les algériens « décider de leur destin une fois pour toutes, librement, en connaissance de cause »

Depuis lors, l’histoire de l’Algérie voit émerger une « identité algérienne », à la fois républicaine, islamique, nationaliste, démocratique et populaire.

Cette période charnière de l’histoire des peuples français et algérien constitue un passé commun ayant marqué une génération d’hommes et de femmes qui devraient désormais parvenir à envisager un futur commun exempt de toute impunité et de déni mémoriel.

Le devoir de mémoire est donc une nécessité. Tout devoir de mémoire impose, de facto, un impératif de vérité et de justice, préalables indispensables et inaliénables de nature à permettre une perspective de paix et de respect au droit des peuples.

Présentation

Nacer KETTANE

Président fondateur de BEUR FM, Membre honoraire du CESE

 

Algérie 1962 : de la transition à l’indépendance, la construction du jeune Etat-nation Algérien

Aissa KADRI

Professeur honoraire des universités, Professeur associé UMR-LISE/CNAM/CNRS

La sortie de la guerre a été marquée par des violences qui ont revêtu des formes de guerre civile. La transition vers l’indépendance de mars à juillet 62 a été chaotique, menant à un quasi-effondrement du pays. Cependant, paradoxalement, la phase de l’immédiate post-indépendance apparaît pourtant, en perspective historique, comme un moment d’apaisement des relations entre Algériens et Français, comme un moment de retrouvailles solidaires après des rapports conflictuels de plus d’un siècle ; rapports qui avaient connu leur acmé de violences entre le cessez-le-feu et la proclamation de l’indépendance.

Sitôt la passation des pouvoirs organisée, Les engagements de nombreux français, européens d’Algérie restés sur place et français métropolitains, ont été divers et enthousiastes, embrassant toutes les dimensions de la construction d’un pays, sorti exsangue d’une guerre atroce ; ils ont été marqués par des interventions concrètes sur des terrains et champs divers, comme l’éducation, l’université, l’administration, l’économie, la justice, la culture.

L’impératif d’une commission franco-algérienne sur l’écriture de l’Histoire commune entre la France et l’Algérie

Christophe LAFAYE

Historien

L’impératif d’une commission franco-algérienne sur l’écriture de l’Histoire commune entre la France et l’Algérie est une piste de travail évoquée par le rapport de l’historien Benjamin Stora de janvier 2021. L’objectif de cette intervention est de mieux comprendre dans quel cadre s’inscrit cette proposition et ce qu’elle englobe réellement comme travail partagé. Il convient aussi de mettre en lumière les avantages et les limites d’une telle approche dans le contexte politique actuel des deux pays.

Afin de bien comprendre les enjeux, nous prendrons comme exemple notre recherche actuelle sur l’utilisation des armes chimiques pendant la guerre d’indépendance algérienne pour montrer pourquoi en ce début de XXIe siècle, l’écriture de l’histoire ne peut être que partagée pour essayer d’atteindre une parcelle de vérité. Pour autant, encore faut-il laisser la liberté et les moyens aux historiennes et historiens des deux rives de pouvoir le faire. Autour de cette question, se devinent de nombreux obstacles qu’il faut nommer pour avancer.

Les moyens du rapprochement et de la réconciliation entre les peuples algériens et français

René MOREAU

Président de l’association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre

La 4ACG (Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre) est une association (loi de 1901) Fondée à Albi en 2004 par quatre éleveurs de brebis, Anciens Appelés en Algérie, du Tarn, liés après leur service militaire par leur proximité, et le syndicalisme agricole. À l’heure de la retraite, placés devant la pension des anciens combattants, d’abord ils la refusèrent… Non ! Pas de cet argent taché de sang pour nous ! Mettons-le en commun, pour aider des associations. Dans : Le développement, le culturel, social, éducatif, en Algérie. Tissons des liens avec le peuple Algérien.

De 4, ils passèrent à une quinzaine. Puis l’émission « là-bas si j’y suis » de Daniel Mermet, sur 4ACG amena 40 adhésions de partout en France. A ce jour 180 AA reversent leur pension intégralement, en partie pour quelques-uns, et 220 Ami-e-s cotisent de façon significative. Nous aidons plus de 20 associations en Algérie, 5 en Palestine et 3 au Maroc. Nous témoignons dans lycées et collèges aux côtés d’anciens Moudjahidin, et Pieds noirs progressistes.

Questions du public

Première séance

Les processus politiques de légitimation en Algérie

Tarik MIRA

Ancien Député algérien et Sociologue

 

Les intellectuels algériens et les mouvements sociaux

Aissa KADRI

Professeur honoraire des universités, Professeur associé UMR-LISE/CNAM/CNRS

 

 

Cédric VILANI

 

 

Les femmes algériennes : soixante ans après l’indépendance, où en sont-elles ?

Myassa MESSAOUIDA

Myassa Messaoudi est écrivaine et militante féministe. Elle est l’auteure de plusieurs articles et contributions traitant de la situation politique et sociale en France et en Algérie. Elle a publié un roman en 2019, intitulé « C’est mon choix ! » Disent les femmes soumises, aux éditions Koukou. Cette dernière traite de la condition des femmes algériennes.

Un éclairage sur la condition des femmes algériennes, qui ne peut être lisible et compréhensible que si l’on revient à la période coloniale pour questionner le statut réservé aux indigènes. En 1881 a été adopté le fameux code de l’indigénat, un code qui posait de lourdes restrictions à la liberté de circulation et de réunion des algériens. Ce code comportait aussi un volet traitant du statut personnel. Sous prétexte de respect des croyances et des traditions, les femmes ont été soustraites aux lois civiles de la république française, et renvoyés aux lois de la charia. C’est-à-dire à un patriarcat lourd qui a plombé leur émancipation.

Le plus étonnant, est que les nationalistes algériens qui se battaient pour libérer le pays du joug colonial, et s’émanciper de ce code humiliant, ont validé la partie qui concerne la famille. En l’occurrence, la répudiation, la polygamie, l’injustice successorale, et le mariage des mineures. Et ce, pendant la révolution, et même au-delà, puisque ce code existe toujours, mais sous un autre nom. On l’appelle aujourd’hui le code de la famille.

Les aspirations de la jeunesse algérienne, enjeux et défis

Lyazid BENHAMI

Ecrivain, Responsable associatif

Si l’explosion démographique des années 1960-1980 n’est plus la caractéristique de l’Algérie d’aujourd’hui, la jeunesse reste une force qui pèse et pèsera pour l’avenir de l’Algérie. 45 % de la population a moins de 25 ans.

Après la colonisation, la Révolution algérienne lui avait redonné la dignité et la base de son existence matérielle. La croissance du pays lui a assuré tant bien que mal de meilleures conditions d’éducation, de santé, de logement. Mais l’ouverture du monde a donné de nouvelles dimensions à ses aspirations. Elles ne peuvent plus être satisfaites « à peu près » par l’exploitation en dents de scie de la rente pétrolière. Il faut des sauts qualitatifs qui vont dynamiser les structures politiques, économies et culturelles du pays. Nous distinguons au moins quatre champs où s’expriment ces aspirations nouvelles.

L’enseignement, et notamment l’enseignement supérieur, qui est la clé de l’entrée sur le marché mondial de l’emploi. L’accès au travail et à l’entrepreneuriat, avec une jeunesse qui rêve de start-ups numériques et d’emplois où l’on soit libre et autonome. L’élargissement du champ culturel, qu’il s’agisse de la redécouverte du patrimoine et de l’histoire algérienne, de l’approche des cultures du monde, de l’intégration dans le grand mouvement des jeunes du monde pour l’environnement. Et enfin, et sans doute au-dessus de tout, la jouissance de libertés politiques nouvelles, exacerbée par l’inachèvement du Hirak, ce mouvement de contestations et de manifestations populaires algériennes initié en février 2019. Autant d’aspirations, complexes mais pas inatteignables, qui agitent la jeunesse en Algérie et dans la diaspora.

Le Patrimoine comme ciment de l’identité algérienne

Farès KHIMA

Expert Senior auprès de l’Unité d’appui au Patrimoine, Programme d’appui à la protection et à la valorisation du patrimoine culturel algérien (Algérie / UE), Enseignant à l’Ecole de Chaillot depuis 2019

À l’orée du 60ème anniversaire de son indépendance, l’Algérie vit au rythme d’une quête continue de repère et de stabilité. Ce géant africain et méditerranéen possède un formidable potentiel culturel et patrimonial. Liant sociétal par excellence, ce gisement inépuisable de richesse, pose la question des mémoires et des identités qu’il représente et de leur reconnaissance dans le « roman national », mémoires qui s’enracinent dans les premières manifestations de la culture Humaine.

L’Algérie face aux nouvelles reconfigurations géopolitiques : opportunités et défis

Brahim OUMANSOUR

Analyste en géopolitique et chercheur associé à l’IRIS et au CERMAM

L’Algérie est dotée d’un fort potentiel géostratégique, humain et économique, qui devrait lui permettre de devenir un acteur régional incontournable. Sa superficie (2,382 millions de km²) en fait le pays le plus vaste du pourtour méditerranéen et le plus grand pays d’Afrique. Situé au carrefour de trois continents, Afrique, Asie et Europe, le pays regorge de ressources énergétiques et des minerais, qui lui procurent des atouts géostratégiques indéniables.

En revanche, la diplomatie algérienne se heurte à des crises internes et externes qui risquent de compromettre ses ambitions régionales. Il faut replacer le rebond diplomatique d’Alger dans un contexte régional et international difficile, qui connaît une évolution considérable, marquée par l’instabilité, la montée de la menace terroriste et l’escalade de tensions interétatiques. Cette analyse vise ainsi à évaluer le poids et la visée diplomatique de l’Algérie et disséquer ses atouts géostratégiques et les défis auxquels le pays doit faire face.

 

Nacer KETTANE

Président fondateur de BEUR FM, Membre honoraire du CESE

 

Questions du public

Deuxième séance

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