LE DUEL SINO-AMÉRICAIN

Général (Cr) Henri PARIS

Septembre 2007

En 2007, LES RELATIONS SINO-AMERICAINES ne cessent de se dégrader au point que des analystes des relations internationales en arrivent à évoquer un duel sino-américain. Or, les rapports sino-américains ont connu bien des hauts et des bas. Il fut même un temps, durant la guerre froide, où les Soviétiques considéraient les Chinois comme les alliés objectifs des Américains. Par ailleurs, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Américains et Chinois avaient fait cause commune contre le terrorisme d’Al-Qaïda.

Alors, la dégradation de ces rapports sino-américains, indiscutablement consta­tée en 2007, participe-t-elle d’un épiphénomène ou s’agit-il de la manifestation d’une tendance durable appelée même à s’accentuer ? Jusqu’où peut aller cette dé­gradation quelles qu’en soient la profondeur et la durée ? En d’autre termes, y a-t-il entre Chinois et Américains duel ou accès de fièvre ?

L’importance du problème ne peut échapper puisque les protagonistes, en de­hors d’avoir été associés au G8 et permanents du Conseil de Sécurité, sont, en ce qui concerne les Etats-Unis, une hyperpuissance avérée qui ne cache pas des ambitions mondiales et, en ce qui concerne la Chine, une superpuissance en expan­sion économique constante. De plus, tous deux sont dotés d’une capacité nucléaire militaire stratégique et tactique. L’examen des rapports réciproques entre Chinois et Américains ne peut être cantonné à la simple analyse d’un différent intervenu en 2007. Il doit être étudié au moins sur le moyen terme afin de rendre possible l’appréciation d’une orientation durable de ces rapports, de ce qui les sous-tend et les explique.

A cet effet, cet examen portera en premier lieu sur les liens économiques et financiers ligotant les Etats-Unis aux Chinois, en insistant sur l’expansion chinoise, puis sur les problèmes des droits de l’Homme en Chine. Ensuite, la réflexion s’at­tachera à la course commune à l’énergie qui, parce qu’elle est commune, oppose laChine aux Etats-Unis avant d’essayer d’établir un rapport de forces militaires et une prospective.

Les interdépendances économiques sino-américaines

Invoquer une quelconque interdépendance entre les économies américaines et chinoises présente un aspect paradoxal et, peut-être, incongru à première vue.

De fait, les Etats-Unis d’Amérique, avec un PNB de 3.200 milliards de $ en 2006 et une croissance de plus de 3,4 % amenant ce PNB à dépasser 13 600 mil­liards en 2007, sont donc la première puissance économique de la planète, comme la première puissance en matière de recherche développement. Leur potentiel scien­tifique et technique est inégalé, ils drainent les meilleurs cerveaux de la planète, leur langue est parlée dans le monde entier, leur monnaie est un moyen de réserve internationale. La Chine enregistre un PNB de 2 620 milliards de $ en 2006 et un PIB de 2 699 milliards de $, en augmentation de 10,7 % par rapport à 2005, s’acheminant vers 2 900 milliards de $ en 2007. A titre de comparaison, la France atteint en 2006 un PNB de 2 270 milliards de $, avec une prévision de 2 300 mil­liards en 2007. Si donc la Chine dépasse par sa richesse nationale la France, 5ème ou 6ème Puissance économique du monde, elle est très loin d’égaler les Etats-Unis. De même, sa force militaire est régionale, sa monnaie est certes convertible mais n’a pas une renommée internationale et son potentiel scientifique est très loin en arrière de celui des pays occidentaux. Alors donc, au constat d’une telle disparité, une com­plémentarité peut se comprendre dans le sens d’une dépendance chinoise vis-à-vis de l’économie américaine, difficilement une interdépendance.
Et pourtant !

La Chine est une puissance émergente depuis qu’elle a retrouvé une stabilité interne et qu’elle s’est orientée, à la fin des années 1970 vers une politique bru­tale de révision du maoïsme et d’ouverture sur l’étranger, dictée par des réformes économiques radicales. Le slogan qui prévaut en 1992 est celui d’une « économie socialiste de marché », avec comme mot d’ordre, « deux économies, un seul Etat unitaire ». La réussite économique est indéniable : la croissance du PNB s’étage de 9 à 10 % par an, parfois plus, sur une vingtaine d’années et qui ne se dément pas en 2007. La prospective est tout aussi positive. Le succès économique chinois resterait inexpliqué si cette économie d’ouverture n’était pas soutenue par le potentiel d’une main d’œuvre pléthorique, rapidement qualifiée et à très bas prix, en y comprenant le travail forcé des enfants.

Une analyse de la Chine ne peut se passer d’un rappel impérieux : son gigan­tisme ; près de 9 700 millions de km2 peuplés de 56 ethnies, additionnant 1,3 mil­liard d’habitants en 2007.

En contraste, la prospérité américaine s’essouffle. Son taux de croissance qui était de 4,3 % en 1998 s’est peu à peu affaibli jusqu’à perdre un point en 10 ans. Cependant, donnée cruciale et lourde de conséquences, les Etats-Unis vivent au dessus de leurs moyens en finançant leur dépense nationale par un déficit budgé­taire croissant, pas moins abyssal que celui des paiements extérieurs et notamment de la balance commerciale, tous deux tout aussi abyssaux. Cela leur est possible grâce à une omnipotence militaire qui rend les forces militaires américaines partout présentes dans le monde ou susceptibles de l’être, ce qui permet à leur diplomatie de viser l’omnipotence. L’exportation bénéficie aussi d’une très forte poussée politique et s’appuie de plus sur la monnaie nationale qui sert de réserve internationale. Cela dope d’autant le commerce extérieur et permet d’éponger le déficit de la balance des paiements sous forme d’achats massifs de bons du trésor américains, réalisés par les Etats créditeurs qui ne demandent pas le remboursement pour ne pas mettre en péril cette monnaie de réserve internationale. En effet, aucun pays n’a intérêt à at­taquer le $ sous peine de créer une crise monétaire et financière mondiale, pouvant se transformer en catastrophe mondiale incommensurable. Le système profite ainsi aux Américains et peut perdurer tant qu’un équilibre artificiel est maintenu non sans soubresauts parfois brutaux. Les Etats-Unis touchent encore les dividendes des deux guerres mondiales. Ils sont intervenus plus tard que leurs alliés, cinq ans après la Chine contre les Japonais, deux ans après la France et la Grande-Bretagne contre l’Allemagne. Leur sol a été épargné de toute destruction et ils n’ont subi des pertes humaines que relativement légères par rapport à leurs alliés, en même temps qu’ils étaient leur banquier. Ils ont été aussi servis par un remarquable esprit d’entreprise, qui est une marque distinctive du génie de leur nation.

Cependant, l’expansion économique américaine n’est pas la seule à faiblir. La recherche et le développement technologiques sont de plus en plus tributaires de l’importation de cerveaux étrangers. Sur les marchés internationaux, le dollar com­mence à être en compétition avec l’euro. La concurrence sur les marchés extérieurs est de plus en plus dure. Le revers vietnamien des années 1970 s’avère doublé de celui d’Irak en 2007 et la politique du Grand Moyen-Orient, qui devait subjuguer la région, connaît des balbutiements notoires.

Les Chinois présentent l’analyse inverse : ce n’est qu’avec les années 1980 qu’ils connaissent une stabilité interne et externe qui leur autorise un essor foudroyant. L’Empire du Milieu a été extirpé de son isolement millénaire par la guerre étrangère et civile, mais aussi par le désir frénétique de redevenir une grande puissance. Ils n’ont jamais manqué d’esprit d’entreprise et d’ambition : il leur fallait les mettre en œuvre et se réveiller, ce qu’ils ont fini par faire.

Son succès économique durable conduit la Chine à un problème assez simple. Il y a surproduction par rapport à une demande interne, certes très importante au regard de l’immensité du marché, mais insolvable. Par ailleurs, les régions économi­ques ouvertes, tant par rapport aux capitaux étrangers qu’à l’économie socialiste de marché sont assez absentes de solvabilité interne concerne une écrasante majorité. Il y a bien un contraste en ce sens que cette majorité tend à diminuer. Cependant en 2007, ce qu’il est convenu d’appeler la classe moyenne ne représente que 80 mil­lions d’individus, soit de l’ordre de 6 % de la population. Cela n’empêche pas une richesse croissante partiellement redistribuée, mais pour l’autre part condamnée à l’obligation d’exporter pour trouver un débouché solvable et maintenir la crois­sance économique. L’économie chinoise ayant le choix entre la fuite en avant sous forme de l’exportation ou la stagnation a opté pour la fuite en avant.

L’expansion économique chinoise attire les investissements étrangers qui sont les bienvenus, sauf s’ils sont estimés préjudiciables à la sécurité nationale. Avec ses excédents commerciaux florissants, les réserves monétaires chinoises atteignent ain­si 1 066 milliards de $ en 2006, avec une prospective de 1,5 trillions pour les jeux olympiques de 2008 et de 2 trillions pour l’exposition universelle de Shanghai. Les deux tiers des réserves chinoises sont en $ et un tiers en bons du trésor américains, ce qui rend l’équilibre financier américain tributaire de Pékin et à travers lui, celui du monde. La monnaie chinoise, le Yuan, est liée au dollar.

Les Chinois ont créé en 2007 la State Foreign Exchange Investment Company chargée de recycler à l’étranger une partie des réserves, notamment aux Etats-Unis. Le système vient en doublure d’un instrument interne d’investissement, créé en 2003, Central Huijin qui n’a pas eu grand mal à soutenir les banques chinoises en difficulté en 2006 et 2007, lors de la baisse des bourses asiatiques. La Banque centrale de Chine s’efforce de freiner l’afflux des liquidités en proie au surinvestis­sement. C’est ainsi qu’en 2006, la Banque centrale a révisé quatre fois à la hausse le ratio de réserve obligatoire détenu par les banques chinoises, atteignant 9,5 % en 2007. Si les petites banques chinoises sont pénalisées, le secours vient de Central Huijin.

L’interdépendance sino-américaine est non seulement économique du fait de l’imbrication des économies, mais aussi, et, c’est le plus important, financière. Washington a du mal à supporter une menace sur sa monnaie pour peu que Pékin veuille utiliser ses réserves libellées en dollars. Le plus simple serait de procéder à une forte vente de bons du trésor américain, assez pour affaiblir le dollar, pas trop pour ne pas provoquer une crise mondiale.

Autre sujet de mécontentement financier, Washington presse en vain Pékin de réévaluer le yuan, manifestement sous-évalué. Le but est de diminuer le déficit com­mercial vis-à-vis de la Chine. Comme les Chinois persistent à refuser obstinément cette réévaluation, les Américains renforcent le régime des quotas, notamment en matière textile. Ce renforcement est décidé en dépit des engagements pris dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle Washington a fini par laisser Pékin adhérer. Une guerre économique est ainsi ouvertement enga­gée.

Les Américains, qui professent leur attachement à une doctrine libérale et donc libre-échangiste, n’hésitent pas à écorner leur profession de foi. Il est vrai que les reproches assénés aux Chinois sont sérieux.

Par l’entremise du Parti-Etat qui domine le système financier chinois, l’écono­mie est entièrement contrôlée. Le système d’expansion chinois se drape dans les plis du libéralisme et emprunte ses méthodes. En réalité, l’initiative et la responsabilité individuelle sont réduites à la plus simple expression. Mais plutôt que de se réclamer du marxisme et d’une marche vers le communisme, Pékin ferait mieux d’admettre avoir adopté un capitalisme d’Etat. Cependant aux antipodes du libéralisme écono­mique comme toute économie dirigée et administrée, bien que non planifiée !

Autre reproche tout aussi sérieux et très rel. La corruption est presque une insti­tution d’Etat. Elle est généralisée et n’épargne pas l’armée, pas plus que les organis­mes étatiques ou se réclamant de l’économie de marché.

Le déficit démocratique chinois

Les reproches américains à l’encontre des Chinois aboutissent à un cadre plus large qui est celui de l’absence de démocratie dans le système gouvernemental et sociétal chinois.

En fait, on est ramené aux thèses de Samuel Huntington avec le choc des civi­lisations.

Les Chinois ont adopté le parti unique mais pas obligatoirement par imprégna­tion du marxisme conduisant à une idéologie communiste, que les maoïstes avaient accusé l’Union soviétique d’abandonner. Même le Kuomintang du temps où, avec Tchang-Kaï-Tchek, il menait contre les communistes une lutte acharnée en Chine, s’est toujours comporté en parti unique.

Il faut bien admettre que le gigantisme géographique et démographique chinois interdit le pluralisme politique au risque de l’implosion politique. La Chine n’a jamais connu la démocratie parlementaire telle que la pratiquent les Américains. Les Chinois, qu’ils soient de droite ou de gauche, estiment ainsi que leur pays a suffisamment de tendances centrifuges pour ne pas les augmenter par un système politique inapproprié à leur société. C’est aussi une raison majeure qui les amène à réduire avec férocité les sécessions éventuelles du Tibet et du Xin-Jiang. La question de Taïwan, la vieille Formose, fait aussi partie de la même philosophie nationale unitaire. Passe encore que Taïwan se réclame du Kuomintang, des adversaires de la Chine communiste peut-être, mais continentale et unitaire sûrement. Cependant, il est inadmissible que Taïpeh veuille l’indépendance. Taïwan n’est rien d’autre qu’une province dépendant de l’Empire du Milieu : Kuomintang et parti commu­niste chinois, bien qu’adversaires forcenés, sont bien d’accord à ce sujet.

A Washington, cet aspect de la réflexion chinoise n’est pas pris en compte. On ne perçoit qu’un déficit de la démocratie. On ne comprend pas que la démocratie parlementaire à la mode occidentale n’est pas un article d’exportation en dehors des terres occidentales.

L’incompréhension nourrit l’animosité entre Chinois et Américains.

La course à l’énergie

La Chine subit une pénurie angoissante d’énergie tout comme les Etats-Unis. En particulier, elle endure un manque d’hydrocarbures auquel elle ne peut suppléer qu’à long terme par des énergies renouvelables et par une production électrique d’origine nucléaire. Il en découle l’absolu nécessité de l’importation. La croissance chinoise provoque une demande d’énergie en augmentation conti­nuelle. La Chine est le deuxième producteur de charbon au monde, après les Etats-Unis, mais d’un charbon de mauvaise qualité destiné à la consommation intérieure et qui, en 2007, en couvre 50 % des besoins, tandis que l’hydroélectricité compte pour 30 % et l’électricité nucléaire 5 %. Toutefois, le charbon offre une ressource potentielle intéressante car il put être distillé et transformé en pétrole, à terme, dès que la technologie en sera mieux maîtrisée.

Ainsi, la Chine, depuis 2005, est devenue le deuxième consommateur et im­portateur mondial de pétrole, après les Etats-Unis. La Chine ne possède que de faibles ressources pétrolières propres, qui plus est au Xin-Jiang, province en proie à un sécessionisme d’origine islamiste. C’est pourquoi ses importations en hydrocar­bures, en 2006, représentent 45 % de la consommation annuelle, en augmentation constante. Pour le premier semestre de 2006, l’augmentation des importations de pétrole a porté sur 17,6 % par rapport au premier semestre de 2005, atteignant 70,33 millions de tonnes de brut et 12,03 millions de tonnes de produits raffinés.

Les principaux fournisseurs de la Chine en hydrocarbures sont le golfe arabo-persique, donc majoritairement l’Arabie Saoudite et l’Iran ainsi que l’Asie centrale, anciennement soviétique, l’Angola et l’Afrique plus généralement, et la Russie. La part indonésienne, autrefois prédominante, est en constante décroissance du fait de sa raréfaction. En 2006, la Chine est devenue le deuxième importateur au monde du pétrole africain, derrière les Etats-Unis, toujours.

La très simple nomenclature des pays et des zones d’où la Chine importe ses hydrocarbures délimite les régions de tensions avec les Etats-Unis qui tirent leurs ressources pétrolières de ces mêmes régions.

Si la Russie et l’Iran ne sont pas un champ clos où s’affrontent indirectement Chinois et Américains, ces exceptions s’expliquent facilement. Les Américains sont en conflit larvé avec les Russes qui ont conclu avec les Chinois un traité donnant lieu à l’Organisation de Shanghaï. Donc, Russes et Américains arrivent à s’entendre non sans différends sur des investissements pétroliers en Russie, tandis que Moscou exporte son pétrole en Chine, sans ingérence américaine. Il n’en est pas de même dans les républiques asiatiques ex-soviétiques bordant la Caspienne, riches en pétro­le, où l’opposition russo-américaine prend une forme ouverte, concrétisée par des implantations militaires et des tentatives réussies ou non de révolutions de couleur pro-américaines. L’influence américaine le dispute à celle des Russes, toujours alliés dans l’Organisation de Shanghaï.

L’Iran, que les Etats-Unis déclarent avec force être un Etat-voyou et infréquen­table, est devenu un partenaire pétrolier privilégié des Chinois. Ces derniers n’hési­tent pas à exporter, en échange, les biens et technologies désirés par les Iraniens. Le contentieux sino-amércain ne peut que croître en conséquence.

Les oppositions sino-américaines qui existaient avant 2001 ont été mises sous le boisseau dans l’esprit commun d’une lutte contre le terrorisme islamiste qui se fai­sait jour dans le Xin-Jiang comme, pour les Russes en Tchétchénie. Les Américains ont bien compris qu’ils avaient joué à l’apprenti sorcier en persistant dans leur soutien aux islamistes et qu’il valait mieux faire cause commune avec Pékin, tout autant qu’eux adversaires des extrémistes islamistes. Cependant, l’euphorie de cette alliance de circonstance ne dura guère.

Dans les pétro-monarchies du Golfe, la pénétration chinoise devient de plus en plus précise. Mais c’est en Afrique qu’elle se fait sentir avec le plus d’acuité et de succès.

Comme pour les Etats-Unis, l’augmentation des importations en hydrocarbures est une nécessité autant que la diversification. Ainsi s’expliquent les importations croissantes à partir de l’Afrique à raison de 25 % en 2006 contre 15 % en 1986. De fait, les exportateurs classiques, telles que les pétro-monarchies, deviennent douteux. Le Proche et le Moyen-Orient sont en voie de passer entièrement sous contrôle militaire américain et, de surcroît, sont dans une région désormais profon­dément instable politiquement.

Le champ d’application pétrolier de Pékin porte sur l’Afrique, de même que ce­lui des Etats-Unis, pour la même raison : la diversification des approvisionnements.

Ainsi se comprennent les importations chinoises croissances à partir de l’Afrique. A cet effet, comme ailleurs, les Chinois utilisent leurs sociétés pétrolières, toutes nationales, mais se comportant en entreprises privées et entrant en concurrence di­recte avec les majors américaines. La première visite du président chinois Hu Jintao en Afrique, en 2004, notamment en Egypte, au Gabon, au Nigeria et en Algérie, s’inscrit dans cette perspective.

Les Chinois, tout en biaisant, ont cherché à jouer le jeu capitalistique avec les Américains. Cependant, ils ont subi un échec cuisant. Ils ont engagé en juillet 2005, la China national offshore oil corporations (CNOOC) à acquérir la société pétrolière américaine Union oil of California (UNOCAL) axée plus spécifiquement sur l’Asie centrale, ce qui n’était pas pour déplaire à leurs visées pétrolières. La CNOOC proposait 16 milliards de $, montant supérieur de 2 milliards de $ à celui avancé par la concurrente américaine Chevron Texaco qui l’a cependant emporté. Le gouvernement américain, en vertu d’une loi opportunément exhumée, s’est opposé à l’achat chinois en avançant des raisons de sécurité, donc invoquant un état d’hos­tilité. Les Chinois ont bien été contraints de s’incliner, mais n’ont pas oublié les brèches que les très libéraux Américains n’ont as hésité à pratiquer dans leur dogme. Quelques semaines après, la China national petroleum company (CNPC), spécialisée à la fois dans l’exportation et la production des hydrocarbures, a eu plus de succès en procédant à l’achat de deux sociétés canadiennes, Petrokazakstan et Encance.

Dans la même suite, les Chinois interviennent directement dans le pré carré américain en négociant avec l’Arabie Saoudite la création de stocks de pétrole saou­dien en Chine. Il s’agit de réguler les approvisionnements comme d’investir dans les raffineries chinoises en acquérant les technologies adéquates.

La pénétration en force dans le golfe de Guinée, notamment en Angola et plus encore au Nigeria, devenu une possession américaine, est considérée presque com­me un acte d’hostilité caractérisé.

Cependant, en Afrique, les Chinois font preuve d’une extrême prudence et pro­cèdent à l’acquisition des hydrocarbures par des moyens commerciaux et financiers, en cherchant à éviter toute confrontation avec les Etats-Unis et les Européens, dont notamment les Français, encore très présents sur la zone. Les Chinois excluent ra­dicalement tout moyen militaire et se gardent bien de donner aux gouvernements des pays producteurs une quelconque leçon de vertu ou de démocratie, à l’inverse des Américains. Ils s’abstiennent également de toute ingérence et pratiquent allè­grement la corruption. Ils ne mettent qu’une seule condition à leur coopération, mais elle est absolue : ils exigent des Etats partenaires l’absence ou l’abandon de la reconnaissance de Taïwan.

La stratégie chinoise consiste à s’adresser aux ressources en hydrocarbures en amont en investissant dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures avec des contrats à long terme. Ils acceptent même d’allouer des prêts sans intérêts, voire des remboursements par des exportations futures de pétrole.

Autre pratique, en usage courant en Afrique, mais étendu à l’Asie centrale bien qu’à une moindre échelle, la présence chinoise se traduit par une activité soutenue de sociétés nationales de génie civil. Les entreprises chinoises font venir leur propre main d’œuvre, suffisamment qualifiée, mais d’un coût dérisoire par rapport à celle des Occidentaux. La compensation est fréquemment réalisée par des achats de pé­trole. Les sociétés occidentales de génie civil, quelles que soient leur nationalités, ne peuvent soutenir la concurrence et sont éliminées.

La stratégie pétrolière et gazière chinoise est mise en œuvre essentiellement par trois sociétés. La CNOOC et la CNPC ont en charge l’exploration et la produc­tion, tandis que la SINOPEC s’occupe du raffinage et de la distribution.

En Afrique, le problème du Darfour présente un sujet de litige extrêmement sérieux entre Chinois et Occidentaux, notamment les Américains particulièrement impliqués. Le litige de plus, est complexe, car si en arrière-fond, il y a le problème du contrôle de la ressource pétrolière, s’y mêlent des questions de droits de l’Hom­me, des affrontements religieux et des tendances sécessionnistes.

Le Darfour et le Sud-Soudan, peuplés de populations chrétiennes, animistes ou musulmanes modérées, sont en état de sécession vis-à-vis de Khartoum qui ne peut admettre la moindre velléité d’indépendance et même d’autonomie. Le Nord, le Centre et l’Est ont un peuplement se rapprochant du fondamentalisme islamiste que professe le président soudanais Bechir. Il en découle une guerre civile dont la ressource pétrolière concentrée dans le Darfour et le sud est un enjeu principal.

Dans les rangs du Sud et du Darfour opèrent les milices du Mouvement de libé­ration populaire du Soudant (MPLS) et du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE). Ils sont soutenus par le régime tchadien d’Idriss Deby.

 

Khartoum utilise ses forces régulières mais surtout une milice spéciale, les jan-jawids qui règnent par la terreur et exercent une répression féroce. Le conflit qui dure depuis février 2003, se traduit par des massacres qui ont atteint, selon l’ONU, quelque 200 000 victimes au Darfour et au Sud-Soudan, en février 2007, et causant de plus le déplacement de 2,5 millions de réfugiés, prin­cipalement vers le Tchad et le Centrafrique. Les réfugiés vivent dans des camps de regroupement, dans des conditions misérables, soutenus par les ONG.

Les dernières ONG ont fini par évacuer le Darfour sous la pression du risque que faisaient courir les exactions des janjawids, d’évidence utilisés mais incontrô­lés par Khartoum. Précédemment, les Américains, après avoir été très présents au Darfour, tant par le prosélytisme de leurs associations évangélistes que par leurs ONG et, encore plus, par leurs compagnies pétrolières, ont été contraints à l’éva­cuation. D’une part, le risque et les pertes devenaient trop forts, alors que l’Irak mobilisait un potentiel militaire trop important, d’autre part, l’opinion publique américaine condamnait les compagnies pétrolières, pour leur coopération inévita­ble avec le régime de Khartoum.

Dans le vide ainsi créé, se sont engouffrés les Chinois, en soutien de Khartoum, exploitant la richesse pétrolière locale dont ils tirent 6 % du total de leurs importa­tions annuelles. Leur coopération va jusqu’à fournir de l’armement, dont des avions de combat et le montage d’usine de fabrication d’armes légères. C’est avec superbe que les Chinois repoussent l’embargo américain décrété contre le Soudan, Etat-voyou. De même, ils s’opposent à un renforcement ou au remplacement d’une force d’interposition, totalement inefficace, qu’a déléguée l’Union africaine. Khartoum ne veut pas d’un contingent dépêché par une quelconque résolution de l’ONU, au vu de l’expérience amenée par le Kosovo, qui finalement tend vers l’indépendance. Pourquoi donc le Darfour ne serait-il pas le pendant du Kosovo ? Les Chinois, en accord avec les Russes, menacent d’imposer leur veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU par trop contraignante à l’égard de Khartoum. Même l’exten­sion de l’embargo, décrétée par les Etats-Unis, est formellement rejetée par Pékin qui ne tient pas à tarir les importations soudanaises d’hydrocarbures, alors qu’ils ont très activement participé à l’établissement d’un oléoduc dont le terminal se place au bord de la mer Rouge.

 

Plusieurs systèmes de coercition à l’égard de la Chine ont été évoqués, y compris une menace de boycott des Jeux olympiques qui doivent se tenir à Pékin en 2008. Aucune de ces menaces n’a eu un début d’application.La situation est d’autant plus grave que, par contagion, les Japonais se sont intéressés au pétrole soudanais.

Le contentieux sino-américain, déjà nourri par une concurrence acharnée en matière de contrôle des régions pétrolifères, est exacerbé par la politique non-dis­simulée de Washington de faire cause commune avec les adversaires déclarés ou non de Pékin. C’est ainsi que les Etats-Unis ont renoué leurs liens avec le Vietnam, passant outre à leur défaite de 1975. Américains et Vietnamiens ont signé, le 21 juin 2007, un accord cadre sur le commerce et l’investissement, après la visite préa­lable à Hanoï des présidents américains Clinton et Bush, à laquelle a répondu la réception à la Maison Blanche du président vietnamien Nguyen Minh Triet. A ne pas oublier que si, très effectivement, Américains et Vietnamiens ont été adversai­res, les Vietnamiens le sont tout autant des Chinois, depuis la nuit des temps, au point d’en être arrivés à un nouveau conflit armé en 1979, conflit au cours duquel les Chinois ont eu le dessous. Un contentieux maritime s’est élevé en 1993. De fait, l’alliance des communistes vietnamiens avec les Chinois a été de circonstance, provoquée par l’ennemi commun qu’étaient les Français et les Américains.

En 1986, une réforme économique conduit le Vietnam vers l’économie de mar­ché à l’image de la Chine et permet le rapprochement avec les Etats-Unis qui pro­curent à Hanoï un contrepoids vis-à-vis de Pékin.

 

La rivalité militaire et le rapport de forces

Taïwan n’est pas seulement un objet de litige idéologique et politique. Le détroit de Formose est aussi le lieu d’une opposition militaire. Taïwan n’existerait pas, en tant qu’entité, s’il n’y avait pas protection militaire américaine, en dehors d’une défense propre qui est loin d’être nulle, ne serait-ce qu’en empêchant une attaque chinoise par surprise et en donnant à une force américaine les délais nécessaires à son intervention. En d’autres termes, Taïwan développe un système de défense propre qui empêche la Chine continentale d’envisager la conquête de l’île comme une promenade militaire, même si Taïpeh en était réduit à ses propres moyens. Il n’en demeure pas moins que le sort final de la défense de Taïwan est étroitement tributaire du potentiel militaire que les Américains peuvent allouer à la région et d’une manière plus générale, au rapport des forces militaires entre les Etats-Unis et la Chine, aussi bien en termes généraux que régionaux.

La comparaison des potentiels militaires chinois et américains est très nette­ment en faveur des Etats-Unis auprès desquels, au plan militaire, la Chine apparaît comme une puissance régionale vouée à la défensive. Et pour longtemps !

Au niveau nucléaire stratégique, en 2007, la Chine aligne 46 missiles sol-sol à tête nucléaire à portée intercontinentale et possède un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) équipé de 12 missiles à tête nucléaire. Ce SNLE, unique, est plu­tôt un système expérimental que la marine chinoise a mis en service depuis une di­zaine d’années sans parvenir à le faire aboutir à un niveau réellement opérationnel.

Près de 800 missiles éventuellement équipés de têtes nucléaires, à portés courte ou intermédiaire, menacent Taïwan ou le Japon et la Corée du Sud ou tout autre allié des Américains dans la région.

La puissance principale de la Chine réside dans une armée de terre massive, plus de 1,6 millions d’hommes sous les armes et de 1,5 millions d’hommes et de femmes dans des organisations paramilitaires. Les réserves sont pléthoriques. Cette force, entre autres, dispose de près de 8000 chars de combat, de près de 18 000 piè­ces d’artillerie de divers types, d’hélicoptères… Cependant, le matériel est vieillot, toujours de conception étrangère, généralement inspiré des réalisations soviétiques ou russe lorsqu’il s’agit de fabrication nationale. Plus simplement de l’importation étrangère, entre autres, en matière d’hélicoptères de combat comme d’observation, de provenance française.

La marine chinoise est côtière. Sa puissance principale réside, en 2007, en 57 sous-marins de fabrication nationale, copiés sur les Soviétiques, ou de bâtiments importés d’Union soviétique, c’est-à-dire anciens. La flotte de surface est vouée, par construction, à la défense des côtes. Aucun porte-avions n’est en service ou en expérimentation. L’atteinte chinoise de la maîtrise de la technologie d’un simple porte-aéronefs, ramené à un support d’hélicoptères, sans catapultage d’avions, se place à un horizon lointain et totalement imprévisible, mais qui est étudié. La ma­rine chinoise ne peut prétendre à une ambition océanique que dans une prospective qui se situe au-delà de 2040, à la condition expresse que la décision soit prise avant 2010.

 

En revanche, la marine chinoise possède un nombre impressionnant de bâti­ments amphibies avec l’environnement logistique naval conséquent. Cela s’expli­que par la menace d’une invasion que Pékin fait planer sur Taïwan et qui repose ainsi sur une réalité tangible.

L’objectif immédiat de Pékin est, en dehors de sa stratégie à l’égard de Taïwan, d’obtenir une capacité de protéger efficacement ses approvisionnements énergéti­ques qui, à raison de 80 % transitent par le détroit de Malacca en ce qui concerne le pétrole. Il s’agit là encore d’une marine à vocation régionale. La capacité de haute mer est, pour un avenir plus lointain après avoir acquis la technologie et les moyens de s’en doter.

L’aviation comprend plus de 2300 avions de combat et près de 300 avions de transport, tous de fabrication assez moderne. Il s’agit donc d’une flotte aérienne militaire redoutable mais dont les appareils sont dans leur immense majorité de conception étrangère ou plus simplement des importations, généralement russes, parfois françaises en ce qui concerne les hélicoptères. Ainsi se trouve posée la ques­tion cruciale de l’indépendance de la maintenance de la flotte aérienne. De plus, le nombre d’heures de pilotage au titre de l’entraînement, soit 130 par an, est inférieur à la norme américaine qui en compte 189 et encore plus à celle des Britanniques qui en totalisent 218. Certes, la norme chinoise est encore acceptable, mais l’ensemble de ces imperfections situe qualitativement l’aviation militaire chinoise dans une position médiocre par rapport à celle des pays industrialisés développés, même par rapport à Taïwan.

La Chine, ainsi, ne souffre pas la comparaison avec les Etats-Unis. Sous réserve d’une schématisation extrême, il suffit de rappeler que la force stratégique nucléaire américaine met en ligne 14 SNLE, tous opérationnels, plus de 70 bombardiers à capacité nucléaire, et plus de 500 missiles sol-sol à tête nucléaire et à portée inter­continentale. La capacité spatiale américaine est sans mesure par rapport à celle de la Chine. Quant à la marine, en sus de 58 sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, elle met en ligne 12 porte-avions. La force terrestre dispose du meilleur matériel qui puisse exister mais souffre d’un déploiement opérationnel à la limite de ses possibilités.

La Chine est donc dans l’incapacité absolue d’entamer une quelconque opéra­tion offensive à l’égard des Etats-Unis ou de ses alliés. En revanche, le gigantisme du pays et l’état des forces armées présentent un potentiel défensif qui met Pékin à l’abri d’une menace militaire directe. Il n’est jusqu’à l’écrasante supériorité nucléaire américaine qui ne soit battue en brèche par la menace d’un tir nucléaire chinois intercontinental susceptible d’atteindre le sol américain.

Quoiqu’ils s’en défendent, le bouclier stratégique antimissile que les Américains cherchent à déployer est officiellement en couverture face aux Etats-voyous que sont la Corée du Nord et l’Iran, mais aussi opposé aux missiles intercontinentaux que peuvent mettre en œuvre les Chinois. Une course aux armements, touchant par ricochet toute la planète, est engagée sur ce chapitre entre Américains et Chinois. Les Américains veulent obtenir une capacité de couverture suffisante pour amoin­drir la menace et la rendre acceptable. Les Chinois recherchent l’acquisition d’un arsenal nucléaire susceptible de saturer la défense adverse par le nombre et la per­formance des missiles.

Les Chinois mènent également une recherche sur un bouclier antisatellite à l’instar des Américains. C’est ainsi que le 12 janvier 2002, ils ont réussi un test en opérant la collision d’un engin tiré depuis la base de Xichang avec sa cible. La technologie utilisée est voisine de celle employée par les Américains et démontre que les Chinois maîtrisent la balistique, les rendez-vous dans l’espace et disposent d’ordinateurs adéquats.

Les forces armées chinoises sont sur une voie ascendante afin d’acquérir une puissance internationale susceptible de dépasser une dimension régionale, comme de se faire reconnaître internationalement ce statut de superpuissance militaire tout autant qu’économique.

C’est clairement ce qu’affirme le Livre blanc chinois ans son édition du 27 dé­cembre 2006 : il annonce un effort prioritaire en direction du domaine spatial en y comprenant une capacité supplémentaire en missiles à portée moyenne et inter­continentale et de la marine en recherchant une capacité océanique. A cet effet, le budget de défense chinois augmente constamment, passant de 29,5 milliards de $ en 2005 à 35,3 en 2006 et à 45 en 2007. A titre de comparaison, le budget de dé­fense français est de 36,1 milliards de $ en 2007.

 

Le Pentagone a publiquement soulevé une controverse en faisant connaître un rapport de la CIA qui dénonce une minoration chronique de leur dépense de dé­fense opérée par les Chinois. Cette dépense s’étagerait de 85 à 125 milliards de $, ce que conteste avec force Pékin. Washington a sans doute raison de dénoncer une minoration tendancieuse mais se trouve mal placée pour en faire grief aux Chinois puisque son budget de défense voté a atteint 505 milliards de $ en 2005, 559 en 2006 et 582 en 2007.

 

L’étude du rapport des forces sino-américaines exclut la possibilité d’un conflit direct. La défaite chinoise serait certaine. Pourtant, à long terme, à condition que la Chine poursuive son effort militaire, l’éventualité d’un choc frontal ne peut être écartée, elle est même très probable. L’enjeu est le contrôle de l’Asie du Sud-Est et de la zone Pacifique qui la borde. C’est le seul enjeu valable pour un tel choc frontal entre deux nations nucléaires qui chercheront à entraîner leurs alliés, ce qui pourrait déboucher sur un embrasement planétaire : l’Europe et la Russie auront du mal à s’en tenir à l’écart.

 

A court et moyen terme, les oppositions entre Chinois et Américains sont ap­pelées à persister et à se traduire par des affrontements larvés. La forme la plus vraisemblable de ces affrontements est la persistance et l’accentuation d’une lutte par pays-clients interposés. Quant au terrain le plus probable, en dehors de l’Asie centrale, l’Afrique offre une série de champs de bataille de prédilection dont le Darfour présente une première opportunité.

 

L’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine est inscrit pratiquement dans la texture de la scène internationale. Seule une Chine affaiblie, quel que soit son régime, pouvait accepter le rôle dirigeant d’une autre grande puissance en Asie du Sud-Est. Un tel rôle, tenu par une puissance occidentale qui plus est, était d’autant plus insupportable pour les Chinois. Les oppositions idéologiques assises sur un système communiste chinois contre un système capitaliste libéral américain ne pou­vaient qu’exacerber l’affrontement.

Des embellies ont cependant eut lieu, mais dictées par les rapports de force dans l’arène internationale qui conduisaient à monter un front commun dans une mesure bien calculée contre le même ennemi.

Une première embellie a eu lieu en 1971, lorsque le président Nixon annonça qu’il se rendrait en Chine en février 1972. La raison en est la rupture, en 1960, en­tre Chinois et Soviétiques, causée par l’échec de l’adoption de l’orientation indus­trielle proposée par le modèle soviétique du « Grand bond en avant » de 1958 et en 1959, le refus soviétique du transfert des technologies nucléaires civile et militaire et la persistance du contentieux frontalier, allant jusqu’à des échanges de coups de feu sur l’Amour. Les relations entre l’URSS et la Chine ne furent rétablies qu’en 1989 avec la visite à Pékin de M. Gorbatchev. Cette embellie se traduisit par une alliance de fait entre Chinois et Américains soutenant la résistance afghane contre l’Union soviétique.

Une deuxième embellie de courte durée se produisit en 2001 pour la même raison, après les attentats du 11 septembre, perpétrés par les terroristes d’Al-Qaïda. D’un commun accord fut évitée la perpétuation de différents incidents aboutissant parfois à des pertes humaines et à des saisies de matériels militaires. Américains et Chinois perçurent qu’ils avaient le même ennemi : l’islamisme. Pour les Etats-Unis, la situation était claire : l’islamisme les menaçaient sur leur propre sol comme leurs alliés pétro-monarchistes et s’opposaient à leur entreprise irakienne, entre autres. Les Chinois ne pouvaient admettre la sécession du Xin-Jiang, prônée par les isla­mistes, d’autant plus qu’il s’agissait de la seule région pétrolifère chinoise. Ce sont ces mêmes causes qui sont à l’origine de l’Organisation de coopération de Shanghaï, unissant notamment la Chine et la Russie. Et un temps, un accord de fait a uni la Chine, la Russie et les Etats-Unis contre l’islamisme.

Cependant, si l’islamisme est toujours perçu comme ennemi par Pékin comme par Washington, l’embellie est terminée. Le viel affrontement a repris. Cet affronte­ment est marqué à l’origine par le soutien qu’a accordé, pratiquement sans réserve, Washington aux nationalistes chinois de Tchang-Kaï-Tchek contre les communis­tes de Mao-Ze-Dong. Cet affrontement, à peine interrompu par la guerre contre le Japon, devenu après-guerre allié des Américains, s’est poursuivi par la guerre de Corée de 1950 à 1953. La dernière embellie dépassée, le cours normal de l’affron­tement a repris.

 

* Président du cercle de réflexion politique DÉMOCRATIES

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