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Hafid Adnani
Doctorant en anthropologie à l’EHESS et au LAS – Collège de France. Paris « L’Afrique a-t-elle perdu le nord ? », Cahier d’études africaines, 2010.
Résumé : L’Afrique du Nord développe un rapport complexe avec son africanité notamment en raison de l’ambigüité de la relation entre identité Amazighe et identité arabe qui renvoie cette dernière au Machrek. Kateb Yacine a cette particularité d’avoir interrogé l’identité proprement africaine de l’Afrique du Nord à travers son œuvre.
Mots clefs : Africanité, Afrique du Nord, Amazighité Arabe, Berbères, Kateb Yacine, Machrek, Maghreb, Orient arabe
Abstract: North Africa has developed a complex relationship with its Africanity, particularly because of the ambiguity of the relationship between Amazigh identity and Arab identity, which refers the latter to the Mashreq. Kateb Yacine has this particularity of having questioned the properly African identity of North Africa through his work.
Keywords: Africanity, North Africa, Arab Amazighity, Berbers, Kateb Yacine, Machrek, Maghreb, Arab East
Peu d’écrivains et d’intellectuels algériens, tunisiens, marocains… se sont exprimés sur le thème de l’africanité de leur pays. Kateb Yacine est une exception : l’auteur de Nedjma et du Polygone étoilé avait compris toute l’importance, pour les trois pays cités au moins, de renouer un solide lien avec le continent africain. À travers notamment une analyse du personnage du « Nègre » qui joue un rôle singulier dans Nedjma, cette nécessité apparait et donne à cette question cruciale, par le biais de la littérature, toute sa profondeur humaine, historique et anthropologique.
Pourquoi l’Afrique doit retrouver son Nord ?
Les pays d’Afrique du Nord sont très souvent considérés comme des pays « arabes », et « classés » par voie de conséquence avec des pays du Proche et du Moyen-Orient, y compris hélas, et trop souvent, dans le monde universitaire.
Selon le chercheur marocain Mostafa El Qadéry , le Maghreb n’existe que par et pour le Machrek, puisque « les Arabes » dominent le champ historique de cette région depuis l’islam et la « conquête arabe » qui fut son instrument.
Mais plus loin encore dans le temps, cette construction prend date dans la période coloniale qui a vu le développement des sciences consacrées aux indigènes, sciences spécialisées selon les champs d’études et d’investigations qui ont, pour ainsi dire, « segmenté » le terrain, tenant, selon El Qadéry « un discours sur les Arabes conquérants, habitant les riches plaines et les villes, dépositaires d’une langue savante et de savoir » et « un discours sur les Berbères, autochtones, habitants des montagnes et des déserts où ils ont été repoussés ou/et où ils se sont retranchés, dépositaires des dialectes de l’oralité et du folklore ».
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