Existe-t-il un risque d’enlisement russe en Syrie ?

Xavier Moreau Stratpol.com

En 2015, lorsque l’armée russe s’est déployée en Syrie, la réaction occidentale fut un mélange de stupeur et d’incrédulité. Stupeur parce que la Russie avait pratiqué une efficace « maskirovka » (dissimulation) et que bien que l’opération ait été minutieusement préparée depuis plus de 6 mois, les occidentaux n’avaient rien vu arriver. Certains observateurs affirmaient même que la Russie était sur le point d’abandonner Assad. Incrédulité, parce que les occidentaux s’étaient alors auto-intoxiqués par leur propre propagande qui consistait à dénigrer la Russie dans tous les domaines et avaient refusé de voir les progrès substantiels de l’armée russe sur les plans à la fois techniques et humains. Convaincu de cet enlisement inévitable, Barack Obama affirma immédiatement que la stratégie russe était « vouée à l’échec » et s’achèverait par un « nouvel Afghanistan ». Ce rêve d’enlisement entretenu longtemps à Washington l’était également à Paris et à Londres, et la déception fut à la hauteur des espérances. La Russie a remporté immédiatement des victoires significatives, détruisant les flux logistiques ennemis et écrasant les islamistes sur les deux fronts de Der Ez-Zor et d’Alep. Moscou n’eut pas besoin pour cela de déployer des troupes au sol, contrairement à l’Afghanistan où ce fut même le contingent qui fut mis à contribution.

Le plus gros de la tâche étant accompli, il n’y a plus aucun risque que la Russie ne s’enlise sur ce théâtre d’opérations même si elle conservera sur le territoire syrien d’importantes bases militaires. Les raisons de ce succès incontestable doivent être analysées et expliquées à la fois sous l’angle de la politique intérieure russe, de la solidité économique du pays et de la façon originale dont Moscou a planifié à la fois militairement et diplomatiquement l’exécution de sa politique étrangère.

I Aspect intérieur de l’intervention en Syrie.

  • La confiance des Russes dans leur Président. Le premier élément qu’il convient de souligner est que durant ces 19 dernières années et bien souvent sollicitée, la Russie n’a jamais perdu une guerre. Depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, c’est-à-dire en réalité en 1999 comme Premier Ministre, la Russie a remporté toutes les guerres dans lesquelles elle a été impliquée, la plupart du temps malgré elle. Si Vladimir Poutine est élu triomphalement en mars 2000 c’est qu’il vient de remporter un succès décisif lors de la seconde guerre de Tchétchénie. Après l’humiliation des accords de Khassaviourt en 1996, le pouvoir central russe parvient en effet à reprendre le contrôle de la Tchétchénie en s’appuyant sur certains clans tchétchènes qui s’étaient opposé à la Russie en 1996. Il s’agit bien sûr du clan d’Akhmad El Adj Kadyrov. Cette guerre marque d’ailleurs un premier recul militaire des occidentaux, principalement les Américains et les Anglais qui s’étaient largement engagés du côté des rebelles, même avec les islamistes les plus radicaux. La seconde fois que la Russie fut impliquée dans un conflit militaire fut dans son étranger proche en Géorgie en 2008. Le pouvoir de Mikhaïl Saakachvili voulait alors en finir avec l’Ossétie du Sud et l’Abkahzie comme il l’avait fait en Adjarie en 2004. L’armée russe, sous mandat onusien et après avoir perdu 15 soldats réagit rapidement et en 5 jours liquide l’armée géorgienne pourtant préparée depuis 2003 à cette opération par les instructeurs américains. La prise de la Crimée ne peut être considérée comme une véritable opération militaire car l’essentiel des forces russes étaient déjà présent sur la presqu’ile et 20000 des 22000 soldats ukrainiens présents sur le territoire criméen rejoignirent alors la Russie.

Lorsque Vladimir Poutine déploie son armée en Syrie, la population russe y est plutôt favorable même s’il est souvent difficile de comprendre pour un simple citoyen que le combat contre le terrorisme en Russie, passe par son annihilation au Proche Orient. Cette confiance subsiste jusqu’à aujourd’hui et toutes les tentatives de créer un mouvement anti-guerre ne rencontreront aucun écho au sein de la population. En fait, les justifications fournies par le gouvernement russe sont convaincantes et sont très bien résumées par cette formule lapidaire de Vladimir Poutine : « Les rues de Saint-Pétersbourg m’ont appris que lorsque le combat est inévitable, il faut frapper le premier ». Il y a effectivement des milliers de combattants islamistes en provenance du Caucase ou de l’Asie centrale qui se battent en Syrie. Vladimir Poutine a répété à plusieurs reprises qu’il valait mieux les exterminer sur place que de les voir revenir en Russie, ou dans les anciennes républiques soviétiques asiatiques. Malgré ce soutien et cette confiance de la population pour son Président, il serait abusif de parler d’enthousiasme en ce qui concerne la présence militaire russe en Syrie, même si la mise en œuvre de nouveaux systèmes d’armes a ravi le public russe, notamment les tirs de missiles « Kalibr ».

  • Malgré ce scepticisme les succès quasi immédiat remportés par l’armée russe sur le terrain ont rendu cette guerre, si ce n’est désirable au moins tolérable. Les quelques Russes morts sur place ont d’ailleurs été ouvertement célébrés comme des héros sans que le pouvoir russe ait besoin de minimiser des pertes, qui sont restées d’ailleurs fort limitées comme nous le verrons plus loin.

Le fait que la population russe fasse majoritairement confiance à Vladimir Poutine pour engager les forces armées russe à l’étranger s’il le juge nécessaire, est un facteur déterminant pour comprendre la détermination russe dans les négociations de sortie de crise. Du point de vue parlementaire, l’exécutif russe bénéficie du soutien de la chambre haute et la chambre basse, particulièrement soudées autour du Président et de sa politique étrangère depuis le « consensus de Crimée », lorsque la totalité des partis représentés au Parlement a approuvé la réunification de la presqu’ile.

Sur de ses arrières l’armée russe a pu démontrer en toute quiétude sa puissance retrouvée et mettre en œuvre ses technologies les plus récentes, retrouvant un véritable prestige militaire à l’international. La démonstration de force russe s’est en fait rapidement transformée en un véritable salon de l’armement sur un théâtre d’opérations réel. En plus des missiles « Kalibr » que nous avons déjà cités, la Russie mis en œuvre pour la première fois en condition de guerre ses lances-roquettes thermobariques TOS-1A, ses chasseurs bombardiers Sukhoi 34, ses chasseurs Sukoi 35 et pris le contrôle de la totalité du ciel syrien grâce à ses systèmes de défense anti-aériens BUK-M2, S-300 et S-400. La Syrie a été pour la Russie, un immense terrain d’entrainement et une expérience unique pour les soldats et les matériels, comme d’ailleurs Vladimir Poutine l’a lui-même souligné dans son discours du 28 juin 2018. L’armée russe a accumulé 30000 missions de combat aériens, 92000 frappes aériennes, a détruit 96000 sites terroristes. Elles a en outre testé plus de 200 armes nouvelles et a pu expérimenter grandeur nature sa doctrine de coordination air-sol dans le cas d’une guerre asymétrique.

  • Le succès du déploiement de l’armée russe a été très bien commenté par Michel Goya, c’est pourquoi nous ne reviendrons par sur ces considérations techniques et tactiques, pour nous concentrer sur ce qui constitue les principes généraux de ce déploiement. L’élément qui semble essentiel dans cette opération et qui explique l’impossibilité d’un quelconque enlisement est l’absence de déploiement massive de l’armée russe au sol. C’est cette nouvelle donne par rapport à l’Afghanistan, à la Tchétchénie ou à la Géorgie qui a privé Barack Obama de la satisfaction de voir les troupes russes enliser dans un nouveau bourbier.

A côté de ce fait essentiel, deux autres aspects de l’intervention russe  lui ont garantis d’être pérenne.

  • Elle intervenait à la demande parfaitement légale du pouvoir de Damas qui disposait encore d’une armée. Ces forces quoi qu’affaiblies étaient en nombre supérieure à celles des forces islamistes obéissant à Al Qaida ou de l’Etat Islamique. L’armée syrienne initialement composée d’environ 200000 hommes en avait perdu la moitié et la moitié restante était composée de groupes de forces inégales. La mission de la Russie fut donc d’améliorer la capacité de ces unités et de les former sur le matériel qui fut fourni en abondance comme les chars T72S et des T90 plus récents. Il est évident que cette formation donnée par les spécialistes russes et iraniens ne pouvait suffire à obtenir à obtenir des résultats concluant sur le terrain à brève échéance et que la Russie avait besoin de déployer un minimum de troupes au sol. Ce déploiement fut assuré en partie par l’armée russe sous la forme d’instructeurs et de forces spéciales chargées essentiellement de la coordination air-sol qui est un des points fort de l’intervention russe en Syrie.
  • A côté de ces forces régulières, des « mercenaires » russes ont été déployés sur le champ de bataille pour compenser le manque de combativité d’une partie des forces syriennes. C’est ainsi que la fameuse compagnie militaire privée Wagner fournit quelques milliers de combattants russes dont le rôle fut essentiel. Comme les grosses SMP américaines en Irak, Wagner a permis à la Russie, sur une échelle cependant bien moins grande, de s’autoriser des pertes humaines. Ce sont en effet les pertes humaines de l’armée régulière qui auraient pu entraîner un revirement anti-guerre de la population russe. Ainsi que le peu de pertes officielles subit par l’armée russe a permis au Kremlin de maintenir son déploiement sans avoir à se soucier de « l’arrière ». Rappelons encore une fois qu’en Afghanistan, ce fut l’envoi du contingent qui eut des conséquences catastrophiques sur le soutien de la population soviétique à une guerre dont on osait parler.

II La planification stratégique « Veni vidi vici »

  • En plus de la confiance des Russes dans leur armée et dans leur Président, les Russes ont été rassuré par d’exécution des opérations en Syrie. La manière et la vitesse avec lesquelles l’armée russe s’est déployée à immédiatement donné une impression de professionnalisme qui a d’ailleurs frappé les observateurs occidentaux. Les forces russes ne se sont pas déployées par à coup et de manière anarchique mais en suivant un scénario précis qui fait ressortir une parfaite planification stratégique. Cette stratégie peut se résumer en trois mots, préparation, exécution et retrait.

C’est finalement sur ce dernier point que la stratégie russe a été réellement surprenante d’efficacité. L’armée russe a commencé son premier retrait significatif dès décembre 2017. Non seulement les objectifs fixés par l’état-major étaient parfaitement planifiés et réalisables, mais rien ne semble avoir été laissé au hasard. Avec le recul, la séquence semble même extrêmement rapide : l’armée russe intervient en septembre 2015 et commence son retrait en décembre 2017, après avoir accompli l’essentiel de sa mission. Le retrait se poursuit jusqu’à aujourd’hui au fur et à mesure des victoires de l’armée arabe syrienne. Ainsi  le 28 juin 2018 Vladimir Poutine a annoncé en personne un nouveau de 1140 hommes, 13 avions et 14 hélicoptères.

  • L’efficacité de l’opération russe s’est également caractérisée par une vision globale de la guerre. L’administration russe fut dès le début convaincue que la solution au conflit passerait par une percée diplomatique, qui bien que nécessairement ouverte vis-à-vis de l’opposition syrienne, permettrait d’envoyer un message clair aux occidentaux. Le temps où Washington, Berlin, Londres ou Paris pouvaient changer les élites dirigeantes d’un pays à leur guise était révolu. Ce principe est fondamental pour les Russes car si Bachar El Assad tient jusqu’au bout, les diplomaties parallèles occidentales ne pourront plus promettre à des groupuscules ou à des élites corrompues, la mainmise sur un territoire donné. Le scénario idéal de la remise du Kosovo à une mafia locale aura été un précédent sans lendemain.

A cela s’ajoute le fait que Bachar El Assad ayant toujours été un allié loyal à Moscou, ne pas le soutenir aurait condamné la Russie à ne plus être considérée comme un allié fiable. L’engouement actuel des pays africains pour la Russie confirme que le choix de la loyauté de Vladimir Poutine vis-à-vis de Bachar El Assad fut particulièrement judicieux.

S’appuyant sur ces principes, la Russie a réussi le tour de force de rassembler à la même table des négociations les deux puissances tutélaires et adversaires de la région que sont l’Iran et la Turquie. Le leader du monde chiite fut ainsi invité par Moscou à négocier avec un des leaders principaux du monde sunnite.

  • La Russie a donc remis une vieille tradition diplomatique européenne oubliée depuis longtemps par les occidentaux : la victoire peut ne pas être totale et sans condition. En effet, durant les guerres menées par les puissances occidentales depuis la chute de l’URSS, le principe invoqué, conséquence logique de la « satanisation » de l’ennemi fut que la guerre serait menée jusqu’au bout, peu importe les moyens nécessaires et les destructions occasionnées. Pas de pardon ni de réconciliation ; Noriega fut ainsi condamné à la prison à vie, Milosévic fut jugé et mourut en prison, Saddam Hussein fut pendu, Kadhafi battu à mort et plus récemment, Yanoukovitch n’échappa pas à son assassinat programmé que grâce à l’intervention miraculeuse des forces spéciales russes.

En amenant à la table des négociations, non seulement l’Iran et la Turquie mais également les différents partis en présence dans le conflit, la Russie réintroduit la notion de victoire relative et de réconciliation nationale sans jugement, humiliation ou annihilation de l’adversaire. En préparant ainsi une solution politique plutôt que de s’entêter dans une volonté de reddition sans condition, la Russie contribue à mettre fin à la guerre le plus rapidement possible. L’application de ce principe contribue à éviter aussi à la Russie l’enlisement dans une guerre interminable.

 III La nouvelle puissance russe.

  • Renforcement économique. Le pari de l’enlisement proclamé publiquement par Barack Obama reposait sur le calcul que la Russie ne pourrait tenir économiquement une opération relativement éloignée de ses frontières. Cette opinion se fondait sur le fait que les projections de forces coûtent extrêmement cher et qu’en septembre 2015 la Russie était plongée dans une crise économique, conséquence des sanctions occidentales et surtout de la baisse des prix du pétrole. Si les difficultés économiques de la Russie de l’époque sont impossibles à nier, elles ont été largement surestimées. L’appréciation de l’économie russe par les occidentaux se fait généralement par une comparaison du PIB en dollar. Au-delà de la baisse des prix du pétrole, c’est la dévaluation brutale du rouble par rapport au dollar qui provoque une baisse considérable (de $2200 milliards à $1300 milliards). Cette baisse ne reflète pas la puissance réelle de l’économie russe, qui s’est montrée capable de produire par elle-même une grande partie de ce que la Russie consomme. C’est bien sûr le cas du matériel militaire et du budget de fonctionnement de l’armée, salaires, services etc. Le classement des PIB PPA (en parité de pouvoir d’achat) a constamment laissé la Russie à la sixième place derrière l’Allemagne, mais devant la France (9ème). La Russie a donc pu maintenir un effort militaire important en rouble alors que son PIB en dollar avait considérablement baissé.

Des chiffres relativement faibles du coût de l’opération militaire en Syrie ont été fournis par le ministère de la Défense russe et ont été repris par la presse. La journée de combat était estimée en 2016, c’est-à-dire au moment de l’engagement le plus actif entre 2 et 4 millions de dollars par jour. Le chiffre d’un coût annuel de 33 milliards de roubles fut également annoncé (€500 millions). Même en prenant les estimations les plus hautes, le budget de l’opération en Syrie serait de $1,5 milliard par an, ce qui est parfaitement tenable par l’économie russe. Rappelons que la Syrie constitue en outre un terrain d’entrainement idéal pour le matériel et les personnels de l’armée russe. Une partie de ce budget peut être considéré comme destiné à l’entrainement, pour une armée russe qui a l’habitude de manœuvre massive et coûteuse tout a long de l’année. Rappelons également que le déploiement russe a été une excellente vitrine pour tous les matériels qui sont désormais « combat proven ». L’Algérie a d’ailleurs annoncé en 2016 qu’elle comptait s’équiper des chasseurs bombardiers Sukhoil 34 qui étaient déployés pour la première fois sur un théâtre d’opération après leur mise en service en 2014. La Turquie, au grand désespoir de Washington a décidé d’acquérir des systèmes S-400.

Pour conclure sur la question économique notons que depuis septembre2015, date de l’entrée en guerre de la Russie en Syrie, sa situation économique s’est considérablement améliorée. Après la très forte inflation de l’année 2015, la population russe commence à ressentir les effets positifs du virage économique. La perspective tant espérée par les occidentaux d’une déstabilisation politique, due à l’appauvrissement de la population est désormais écartée. Ce redressement économique se poursuit aujourd’hui et à moins d’un choc difficilement imaginable la Russie semble tirée d’affaire. Toujours politiquement parlant, les Russes ont confirmé leur confiance massive dans leur Président en le réélisant largement en mars 2018. Ils ont en outre apporté un large soutien au parti gouvernemental « Russie Unie » qui a remporté triomphalement les élections législatives de 2017. Enfin la Russie a conservé depuis 2014 ses solides fondamentaux économiques, faible endettement (12,6% du PIB contre 97,7% pour la France) faible chômage, balance extérieure positive et de larges réserves de change en augmentation constante depuis janvier 2017 ($456 milliards). L’intervention en Syrie n’aura donc pas compromis le moins du monde la reprise économique en Russie, ruinant le rêve afghan de l’ancien Président américain.

  • Perte de prestige occidentale. Finalement ce sont les occidentaux qui semblent sortir épuisés de cette confrontation. Des sommes considérables ont été englouties en pure perte par Washington, Londres et Paris pour un résultat nul sur la partie syrienne utile (la côte ouest) et plus que mitigé sur la partie Est. Washington a été obligé pour disposer de troupes au sol de pactiser avec les Kurdes, au grand mécontentement de l’Irak, mais aussi de son allié dans l’OTAN, la Turquie. Washington contrôle la partie Est de la Syrie qui est arabe grâce aux Kurdes, ce qui fragilise sa position. La Russie est donc désormais incontournable pour le règlement du conflit qui pourrait déboucher sur une solution politique, dans le cas où les occidentaux deviennent pragmatiques, ce qui est tout à fait possible pour un opportuniste comme Donald Trump. Pour Paris, il semble que la potion russe soit particulièrement amère et difficile à avaler. En choisissant Jean-Yves Le Drian comme Ministre des Affaires Etrangère, le Président Macron s’est inscrit dans une parfaite continuité vis-à-vis de la politique de François Hollande. Aujourd’hui, les personnalités syriennes sur lesquelles Paris a investi ne représentent rien ni du point de vue militaire, ni du point de vue politique. Le Quai d’Orsay est désormais hors-jeu, mais ne semble pas vouloir se résigner.
  • Pôle de stabilité. A côté de cela la Russie a renforcé significativement son influence en Syrie et sa présence militaire permanente sera maintenue et augmentée dans cette région stratégique, même après la fin du conflit. Au-delà de la Syrie, la loyauté de la Russie vis-à-vis de Bachar El Assad a fait de Moscou un allié recherché sur tous les continents. Le général Haftar en Lybie, la Centrafrique, les Philippines, la République Démocratique du Congo viennent chercher en Russie, un allié fiable dont ils savent qu’il n’essaiera de chasser le gouvernement en place. En 2004, dans son essai « Après l’Empire », Emmanuel Todd affirmait que la Russie, avec sa taille immense, sa démographie limitée et ses ressources pourrait devenir à terme un pôle de stabilité pour le monde. Il semble que la Syrie soit une première étape dans cette voie et qu’en fait d’enlisement, l’implication de la Russie dans ce conflit, lui a ouvert une nouvelle ère de rayonnement sur la scène internationale.

Conclusion

La Syrie ne sera pas un nouvel Afghanistan pour la Russie. Le déploiement limité de ses forces armées, la mesure de ses objectifs, la préférence pour une solution politique et diplomatique démontrent une parfaite planification des opérations russes sur toute la profondeur stratégique. La guerre en Syrie n’a non seulement pas entamé les immenses ressources de la Russie, mais a même constitué un terrain idéal pour une démonstration de forces de la nouvelle armée russe et une vitrine pour ses armements dernier cri. La Russie a été capable de gérer le conflit syrien d’un côté et la guerre civile ukrainienne de l’autre, tout en menant de grands projets d’infrastructures énergétiques vers l’Asie et vers l’Europe. Elle a définitivement renoué avec une diplomatie efficace et respectée même par ses adversaires. Elle a par ailleurs défini parfaitement les objectifs de sa politique étrangère et est devenue une puissance parfaitement prévisible. Finalement aujourd’hui ce sont les occidentaux qui sont devenus le principal facteur d’instabilité et d’irrationalité dans les relations internationales. Les bombardements sur la Syrie d’avril 2018 en ont été un nouvel exemple flagrant : absence de stratégie, inefficacité militaire et cafouillage en matière de communication font de la politique étrangère occidentale, l’exact contraire de la politique étrangère russe.

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