De la Perse de Cyrus à l’Iran des Ayatollahs : Constantes et ruptures géqpqlitiques

Jacques BARRAT

Géographe. Professeur des Universités (Panthéon-Assas Paris II) et diplomate. Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer. Directeur de la collection Géopolitiques du XXIe siècle, Éditions SEM.

Mai 2009

Au MOMENT MÊME où l’Iran DES AYATOLLAHS célèbre le trentenaire de la fondation de la République islamique et nargue le nouveau président des Etats-Unis en lançant un satellite, tout en montrant qu’il persévère dans sa volonté de rester seul maître de sa politique nucléaire, il est intéressant de prendre en compte que ce pays offre des caractéristiques géopolitiques assez contradictoires. Elles re­lèvent, en effet, tout à la fois de constantes déjà en place dans la Perse de Cyrus et de ruptures et bouleversements survenus tant au XIXe siècle, qu’après la prise du pouvoir par les religieux, en 1979.

Un carrefour géographique et culturel

Avec 1,648 million de km2 (trois fois la France) et quelque 70 millions d’habi­tants, l’Iran se situe aujourd’hui quantitativement parmi les vingt premiers pays du monde, alors que sa puissance économique et son indice de développement humain le placent malheureusement à des rangs mondiaux beaucoup moins flatteurs. L’Iran est par ailleurs un des pays du monde qui a le plus grand nombre de voisins tout au long de ses 5440 km2 de frontières terrestres et 2440 km2 de côtes. Sur les sept Etats qui sont ses voisins, quatre sont enclavés, à savoir l’Afghanistan et les trois an­ciennes républiques soviétiques que sont l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan. Quant au Kazakhstan, il a une frontière commune avec l’Iran en mer Caspienne.

Plus encore, l’Iran a toujours été un carrefour entre le Caucase, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, le Golfe persique et le sous-continent indien. Plus encore, il est à la charnière entre plusieurs mondes : turc, arabe, russe, indien, mongol. L’Iran est aussi une zone placée géographiquement entre trois mers (Caspienne, Golfe persique, mer d’Oman) qui s’ouvrent vers l’Asie jaune tout en restant proche de l’Europe dont elle n’est séparée que par la Turquie.

Il est à noter que c’est depuis les années i960 que l’Iran est devenu un pays démographiquement dynamique et, partant, important. En effet, l’Iran possède indéniablement toute une série d’atouts qui sont liés à sa population.

Tout d’abord, la population iranienne a récemment décollé en même temps que son taux d’urbanisation atteignait pratiquement 70%. Cela a eu pour conséquence une augmentation importante de l’espérance de vie des Iraniens qui dépasse désor­mais les 64 ans, en même temps que l’analphabétisme est aujourd’hui inférieur à 10% alors qu’il dépassait les 50% au début des années i960.

Ensuite, le secteur tertiaire est devenu le secteur d’activités le plus important. Cela procède des conséquences normales de la modernisation de l’économie enta­mée par le Shah pendant les trente glorieuses iraniennes.

Enfin, sociologiquement parlant, la sédentarisation de tous les Iraniens est pra­tiquement terminée, le genre de vie nomade ayant peu ou prou disparu.

Toutefois, en dépit de ces caractéristiques de modernité assez rassurantes concernant la population iranienne, toute une série de difficultés qui fragilisent l’économie du pays doivent être évoquées.

Un pays aujourd’hui en difficulté

L’Iran d’aujourd’hui doit faire face à toute une série de difficultés qui sont géné­ratrices d’un mécontentement populaire que le pouvoir en place a de plus en plus de mal à étouffer ou à canaliser.

  • La désorganisation de l’appareil productif, qui est nationalisé et géré par des fondations qui constituent de fait un secteur paraétatique étouffant.
  • L’isolement du pays est d’autant plus regrettable que la mondialisation ne saurait être négligée par un peuple qui, au cours des siècles, a toujours fait montre d’une adaptabilité et d’un sens de l’assimilation particulièrement enviables.
  • La destruction de nombreuses infrastructures lors de la guerre Iran-Irak pèse d’un poids très lourd dans le bon cheminement économique du pays.
  • La fuite des capitaux, la fuite des cerveaux, l’absence de liberté religieuse sont des éléments très dangereux d’autant que les élites iraniennes parties à l’étranger n’ont pas pu, semble-t-il, être facilement remplacées, faute de l’existence ces der­niers temps d’un système éducatif suffisamment performant.
  • Enfin, si la rapide croissance de la population depuis une génération démo­graphique a pu être génératrice de croissance économique, il est indéniable qu’un taux de fécondité trop élevé pourrait être dangereux. Il est aussi révélateur de l’état de sous-développement d’une société où le statut des femmes n’a pas pu être cor­rectement fixé parce qu’elle était incapable de se débarrasser dans ce domaine du joug des religieux.

La perse : une histoire impériale mouvementée

L’histoire de la Perse est indéniablement une histoire mouvementée. Cet espace géographique reçut son nom d’envahisseurs indo-européens qui avaient migré entre 2300 Av. JC. et 1900 Av. JC. vers le plateau central iranien et le nord de l’Inde. On doit aux Mèdes, en 612 Av. JC, la constitution du premier royaume iranien grâce à la soumission des Perses localisés dans la région de Fars. Mais c’est la rébellion de ces derniers, conduits par Cyrus, qui permit la fondation de la dynastie Achéménide (550-330 Av. JC). Elle allait conquérir une partie de l’Asie centrale, de l’Asie mi­neure, la Mésopotamie et l’Egypte. Sous Darius (521-486 Av. JC), l’empire perse allait devenir le plus vaste empire jamais mis en place puisqu’il s’étendait jusqu’aux Balkans en Méditerranée. Monarchique, organisé, centralisé, composé de satrapies, il présentait aussi un code moral étayé sur la croyance en le dieu Ahura Mazda, établie par Zarathoustra (ou Zoroastre), prophète venu d’Azerbaïdjan. Déjà, fait notable, l’empire perse avait donné à la religion une place de premier choix.

En 499 Av. JC., l’expansionnisme de Darius fut freiné par le réveil occidental incarné par les militaires grecs. Vainqueurs à Marathon en 490 Av. JC, les Grecs allaient à leur tour commencer à mener des raids sur la Perse. Ces derniers prirent fin en 331 Av. JC., date à laquelle le Grand Alexandre fut proclamé Roi d’Asie. A sa mort, son empire fut partagé entre ses généraux (Diadoques signifie successeurs). Seleucos fonda la dynastie des Seleucides. Mis en difficulté par les Arsacides (250­224 Av. JC.), l’empire perse allait tomber aux mains des tribus sassanides originaires du sud du pays (224 Av. JC. – 651 Ap. JC.). C’est pendant cette période que la conquête arabe allait provoquer à partir de 634 l’effondrement du zoroastrisme et la conversion de la Perse à l’Islam. La Mésopotamie et la Perse allaient aussi être entraînées dans les querelles inhérentes à la rivalité entre le Calife Ali, gendre du Prophète et Mo – Aouya, ancien secrétaire de Mahomet, promu gouverneur de Syrie, qui allait fonder à Damas sa propre dynastie, celle des Omeyades.

Au VIIe siècle, le Khorassan devenait un foyer d’opposition chiite à l’empire arabe Omeyade sunnite. En 748, un complot permettait d’affaiblir le pouvoir de Damas. En 750, les Abbassides prenaient le pouvoir et faisaient de Bagdad leur ca­pitale. On sait ce que représentait symboliquement cette translation vers l’est, vers le Moyen-Orient et la part que les intellectuels et les fonctionnaires persans prirent dans le rayonnement de cet empire. Puis, peu à peu, les Turcs seldjoukides, qui avaient rétabli ou simplement conforté à plusieurs reprises les Abbassides, en pro­fitèrent pour récupérer à leur profit plusieurs provinces perses où ils s’empressèrent de propager la culture sunnite, rétrécissant ainsi le bastion chiite persan.

Au XIIIe siècle, les Mongols déferlèrent sur l’est de la Perse. Genghis Khan (1167-1227) allait conquérir, avec ses nomades, un empire immense, lui aussi. En 1256, Bagdad est prise et les Ilkhans vont gouverner le royaume tout en l’islami­sant. Tamerlan qui rêvait de refaire l’empire de Genghis Khan envahit de nouveau la Perse de l’est. Ses descendants, les Timourides allaient maintenir sous leur coupe l’Est iranien jusqu’au début du XVIe siècle.

C’est en 1501 que des troupes turques opposées au pouvoir ottoman, vont ins­taller les Séfévides, dynastie d’origine arabe mais qui adoptèrent le Chiisme comme religion officielle de la Perse. Leur règne jusqu’en 1722 constitua indéniablement une des périodes les plus brillantes qu’ait connue la Perse. Mais le bastion chiite qu’elle représentait dut sans cesse se battre contre les peuples sunnites périphé­riques : Turcs, Ouzbeks, Afghans.

La fin des Kadjars et la naissance de l’Iran moderne

Après 1794, c’est un Turkmène qui fondait la dynastie de Kadjars. Mais ces derniers allaient perdre le Caucase, la Géorgie et l’Arménie au profit des Turcs. Bien pis, en 1856, l’Angleterre exigeait l’indépendance de l’Afghanistan, mettant ainsi un terme à l’existence d’une grande perse dont les frontières rétrécies allaient pratiquement correspondre à celles de l’Iran d’aujourd’hui.

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, outre les poussées impérialistes des Occidentaux de l’extérieur, la Perse eut aussi à l’intérieur à subir des mouvements sociaux assez durs. Le plus connu est sans doute un mouvement religieux dissident, le Babisme, qui ne se calma qu’avec l’exécution de Bab en 1850. A partir de cette date, on vit également se développer des mouvements modernistes dont le plus violent, le plus révolutionnaire, se manifesta en 1905 en imitation du Dimanche rouge en Russie.

C’est alors que les convoitises suscitées par le pétrole allaient se faire jour, en particulier dès la fin de la Première Guerre mondiale, lors des grands bouleverse­ments territoriaux qui allaient en découler. La désagrégation de l’empire turc fut incontestablement l’élément majeur des grandes transformations de la géopolitique du Proche et du Moyen Orient. L’influence et la présence des Britanniques et des Français également.

Le protectorat britannique fut imposé en 1919. Dès 1921, Réza Khan fomen­tait un coup d’Etat. Après avoir été accepté comme ministre des Armées de son pays, il décida de déposer le dernier souverain Kadjar et de se faire couronner le 12 décembre 1925 sous le nom de Réza Shah.

Nationalisme, Kémalisme et choix de l’Occident

Une fois la dynastie des Pahlavi installée, ce souverain kémaliste allait créer l’Iran en 1935 (noble en persan) et se montrer un réformateur musclé. En 1941, son refus de laisser le passage aux Soviétiques et aux Anglais l’obligea à abdiquer en faveur de son fils Mohamed Réza Shah et à s’exiler en Afrique du Sud.

En 1946, sous la pression de l’ONU, les Soviétiques et les Anglais quittaient le pays. Réza Shah avait désormais les mains libres pour réunifier un Iran rongé par les sécessions et pour appliquer les principes modernistes de sa Révolution blanche. Il lui fallait néanmoins compter avec un parlement qui intervenait de plus en plus dans les affaires de l’Etat. Il n’empêche que jamais l’Iran ne fut autant convoité et manipulé par les puissances occidentales et les Soviétiques, tout à la fois à cause de son pétrole et de sa situation géostratégique. La bien malheureuse Affaire Mossadegh en 1951 est une illustration de l’interventionnisme des grandes nations et des grandes firmes pétrolières transnationales. Elle provoqua la rupture des relations diplomatiques avec Londres jusqu’en 1952.

Néanmoins, face aux dangers des communismes soviétiques et chinois, l’Iran dut choisir son camp. En mars 1959, un accord de défense était passé avec Washington. En 1960, Téhéran reconnaissait l’Etat d’Israël au grand dam de la ligue arabe.

 

La Révolution blanche et la croissance économique qui découlait de la manne pétrolière allaient bientôt placer aussi le Shah en situation difficile en matière de politique intérieure. Chacun sait que la croissance économique génère l’augmenta­tion des inégalités sociales, des inégalités sectorielles et des inégalités régionales, sauf à être accompagnée de mesures sociales adéquates susceptibles de transformer cette croissance en véritable processus de développement. Ce ne fut pas le cas dans cette société iranienne encore féodale, tenue localement par le clergé chiite qui, dans son immense majorité, avait refusé dès le départ les principes de la modernisation prônés par le Shah, en particulier dans le domaine social.

En 1963, l’Ayatollah Khomeiny était arrêté avant d’être condamné à l’exil l’an­née suivante. On connaît la suite : réfugié en Turquie, puis à partir de 1969 en Irak, expulsé par Saddam Hussein en 1978, autorisé par Giscard d’Estaing à séjourner en France, il y mena la politique qu’on sait contre Réza Shah, que les bonnes âmes pro­gressistes occidentales ne cessaient de critiquer sous prétexte que le régime iranien n’était pas démocratique. Le lâchage par les Etats-Unis fit le reste.

La République islamique

Le 16 juin 1979, le Shah, fragilisé par le durcissement du régime était obligé à son tour de partir en exil. Deux semaines plus tard, l’Ayatollah Khomeiny était de retour à Téhéran, évènement générateur d’une grande liesse populaire et salué comme une victoire par la plupart des intellectuels et des défenseurs des droits de l’Homme du monde entier. Le 1er avril, la République islamique d’Iran était procla­mée à l’issue d’un référendum qui avait obtenu 99,5% de voix favorables. Bien peu de commentateurs s’inquiétèrent de ce chiffre.

Mais en novembre de la même année, la prise de 52 otages à l’Ambassade améri­caine par des étudiants islamistes allait inaugurer une ère d’isolement pour le nouvel Iran. De plus, le 22 septembre 1980 éclatait le conflit Iran – Irak. Il allait permettre aux Ayatollahs de créer un grand élan patriotique qui s’appuyait aussi sur les rêves religieux de créer en dehors des frontières iraniennes, un grand ensemble territorial chiite. Le 18 juillet 1988, l’Iran déposait les armes et signait un cessez-le-feu. Le 25 août à Genève, des négociations de paix étaient entamées.

Depuis cette période, le durcissement du régime s’est encore accru tandis que des hommes politiques ultra conservateurs remportaient victoire sur victoire. Ce phénomène est d’autant plus contradictoire que la grogne du Bazar est réelle, que la situation économique du pays est plutôt catastrophique, que son prestige à l’étran­ger a peu ou prou disparu, et que ses rêves de devenir une grande puissance régio­nale se sont plutôt évanouis sauf à pratiquer une politique islamiste agressive, et à vouloir mettre en place les prémices obligés d’une puissance nucléaire. Même si la possession de l’arme nucléaire peut paraître légitime, on sait les inquiétudes qu’elle provoque chez les Américains. Les alliés occidentaux des Etats-Unis se sont tous ralliés à la position américaine incarnée par le Président Bush. La France de Nicolas Sarkozy s’est jointe à la condamnation américaine, désireuse sans doute de montrer à cette occasion son récent alignement sur les positions de Washington.

Ouverture ou isolement ?

Ainsi, l’Iran (la Perse jusqu’en 1935) a toujours été un carrefour qui mettait en rapport des espaces géographiques, des genres de vie, et des entités culturelles assez différents. Cela est sans doute une des clés de ses difficultés mais aussi de sa puis­sance et de son rayonnement, aussi bien dans l’Antiquité que pendant la conquête arabe. Mais, c’est seulement à partir du XIXe siècle que ce pays, qui avait toujours su auparavant assimiler ses envahisseurs et iraniser ses voisins, a été victime des im-périalismes combinés des Russes et des Britanniques. Condamné à la défensive et au repli sur soi, ce pays victime du grand jeu a également subi les conséquences né­gatives des deux Guerres mondiales, en particulier la seconde, puisqu’il fut à partir de 1941, ipso facto, occupé par les Soviétiques et les Britanniques.

Pendant le règne des Pahlavi, mais plus particulièrement après le début des an­nées 1960, l’Iran ouvert à la mondialisation et à l’occidentalisation a connu les heurs et les malheurs d’une croissance économique trop rapide, d’une kémalisation trop brutale, et plus encore d’une laïcisation refusée dès le départ par un clergé chiite ultra conservateur. Devenu pro-occidental pendant la Guerre froide, malgré les mauvais souvenirs de l’expérience Mossadegh, il a, une fois devenu République islamique, rompu tous les liens avec ses anciens alliés devenus à ses yeux des grands ou petits Satans. Après s’être coupé des Etats-Unis, il s’est une nouvelle fois replié sur lui-même, en même temps qu’il a été isolé quand il a dû affronter pendant huit ans une armée irakienne fournie en matériel par les Occidentaux. Ses démêlés avec les Wahabites, gardiens des lieux saints de l’Islam ont encore accentué son isole­ment, cette fois ci, vis-à-vis de la plupart des gouvernements arabes.

Aujourd’hui, force est de constater que le bilan de la prise du pouvoir il y a trente ans par l’Ayatollah Khomeiny, est pour l’essentiel assez négatif car, d’une manière générale, la richesse et le niveau de vie ont été pratiquement divisés par deux, malgré les ressources procurées par le pétrole. La crise économique est patente, une crise sociale l’accompagne en même temps qu’on assiste à des phénomènes assez pérennes en matière d’exode de capitaux, et d’exode des cerveaux. De plus, la faillite du système éducatif islamique laisse craindre des futurs difficiles. Enfin, le fanatisme religieux qui inspire l’action des pasdarans et minore la place réservée aux femmes à l’intérieur du pays, tout comme l’aide affichée, à l’extérieur, aux extrémistes musulmans du monde entier, font de l’Iran d’aujourd’hui un pays qui fait peur aux démocraties occidentales comme à Israël, pays présenté par les Ayatollahs comme leur principal ennemi.

L’Iran semble tenter néanmoins d’infléchir un peu sa politique étrangère en revenant à la prise en compte de réalités géopolitiques qui lui sont favorables. Il n’empêche que le monde occidental ne veut pas admettre son acharnement à vou­loir devenir une puissance nucléaire, ce qui peut paraître illogique à certains quand on sait qu’Israël, l’Inde, le Pakistan et la Chine disposent de l’arme atomique. Cet acharnement est sans doute peu ou prou accepté par Moscou mais, à l’inverse, il inquiète principalement Washington et Pékin. On connait l’utilisation que l’ancien Président Bush voulait faire de cet entêtement. On sait aussi les problèmes que les Chinois ont avec leurs Musulmans du Xinjiang. Quant à Bruxelles, sa position au regard de l’Iran d’Ahmadinejad est d’autant plus difficile à expliciter que les vingt-sept pays qui composent l’Union ont vis-à-vis de Téhéran des réflexes de rejet et de fermeté à coefficients très variables.

Il est néanmoins indéniable que la politique étrangère de l’Iran semble s’édifier désormais autour de trois axes :

  • Tout d’abord, celui de l’acheminement du pétrole de la Caspienne, en tentant de valoriser la voie iranienne au détriment de la Russie et de la Turquie ;
  • Ensuite, l’utilisation de la position privilégiée du pays, à la fois comme gros producteur de pétrole puis de gaz, et comme pays de transit entre les bassins pétro­liers de la Caspienne et du Golfe persique ;
  • Enfin, le projet de la nouvelle route de la soie, à savoir la concrétisation d’un axe d’échanges Golfe persique-Chine.

Par ailleurs et plus généralement, dès 2003, des accords avaient été signés entre Téhéran et Tachkent, et Téhéran et Douchanbé, pour que les marchandises des trois pays puissent librement transiter via l’Afghanistan.

Ainsi, il est évident que l’isolement de l’Iran, ne serait-ce que pour des impéra­tifs bien simplement économiques, ne pourra pas durer indéfiniment. De même, les menaces proférées à l’endroit d’Israël risquent de ne plus être tolérées, soit par Washington, soit par Jérusalem. La politique étrangère du pays devra donc être révisée à partir de ces contraintes géopolitiques. Les hommes actuellement au pou­voir en Iran l’ont sans doute bien compris. Reste à savoir s’il leur est possible tout à la fois de mener vers plus de démocratie et de liberté la société islamique qu’ils ont créée puis maintenue en place pendant trente ans, et parallèlement de tendre la main aux grandes puissances du monde d’aujourd’hui. A l’exception peut-être de la Russie qui ne doit pas voir d’un trop mauvais œil le divorce Iran-Etats-Unis, ces grandes puissances ont de bonnes raisons de rejeter les valeurs véhiculées par le che­minement politique et social que les Ayatollahs ont forgé. Il est également logique que ces grandes puissances veuillent s’opposer à une diplomatie de l’intimidation et du coup de force, qui fournit par ailleurs ostensiblement une caution – sinon une aide substantielle – au terrorisme islamique international.

En guise de conclusion

Pour toutes ces raisons, la diplomatie iranienne devrait donc s’infléchir rapide­ment, tout en conservant les subtilités qui ont toujours été celles de la diplomatie perse pendant des millénaires. Détail sans doute révélateur, le satellite lancé récem­ment par les Iraniens s’appelle Safir, ce qui signifie ambassadeur en persan. Quant au constructeur du satellite, il se dénomme Omid, ce qui veut dire espoir. Y aurait-il là des symboles forts ? Comme aurait dit Rudyard Kipling, inventeur du concept de grand jeu : « Ceci est une autre histoire ».

 

 

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