STRATÉGIE AMÉRICAINE ET LA PLACE DE L’IRAN DANS LE GRAND MOYEN-ORIENT

Ezzatollah EZZATI

Janvier 2008

CHAQUE CHANGEMENT, QUI SE PRODUIT dans les concepts géostratégiques, trouverait ses influences sur les frontières géographiques, c’est-à-dire que les pays feront une révision stratégique dans le choix de leurs alliés. Nous allons essayer d’étudier les défis et les prévisions qui résultent de cette révision.

La division des régions géopolitiques était basée sur des buts stratégiques. Elle était issue de la période de la guerre froide (1949-1989) et les pays qui ne se trou­vaient pas engagés dans les deux pôles, se heurtaient aux défis et avaient beaucoup de problèmes.

Les régions géopolitiques à la suite de la chute des fronts géostratégiques subis­saient des changements et des modifications au centre desquels étaient de nouvelles régions géopolitiques. Le Moyen-Orient était l’un des centre qui se manifestait au premier plan de la scène internationale.

Depuis le démantèlement du mur de Berlin et l’unification accidentelle de l’Al­lemagne, la géostratégie a pris le sens de la géoéconomie. Le but essentielle en était l’intercession dans les stratégies économiques pour atteindre des cibles politique, économique, militaire et sécuritaire. Les sources énergétiques, la voie et les moyens de transport étaient considérés comme les seuls objectifs de la géoéconomie.

Parmi les régions qui se ont envisagé être les cibles de la géoéconomie, existe la région du Golf persique où se trouve l’Iran. Celui-ci est le pays le plus fort de la région, qui a retrouvé non seulement des valeurs internationales des années 60 à 70 du XXe siècle, mais à l’heure actuelle l’Iran a plus de capacités dans les transactions de la région. Certains pensaient qu’à la suite de l’effondrement de l’URSS, l’Iran aurait perdu sa valeur stratégique, mais au contraire, ce pays a plus de valeurs ré­gionales depuis l’éclatement du monde bipolaire. Les puissances mondiales à la tête desquelles se trouvent des Etats-Unis, estiment que l’Iran à long terme fera partie des alliés de l’Amérique1 .

 

L’alliance stratégique entre les pays des régions du golfe persique et de la mer Caspienne, qui ont un rôle énergétique très important dans le monde entier, pour­rait s’orienter vers leur propre intérêt national. Les chercheurs des centres d’études stratégiques ont réussi à mettre en relief que l’Iran, l’Irak l’Egypte et l’Israël sont les pays les plus marquants du Moyen-Orient.

 

En réalité l’Iran, qui se situe au carrefour stratégique de la région, donne une importance accrue aux autres pays de cette région et l’Iran en devient la clef stratégi­que de la région. C’est pour cette raison qu’au cours d’une réunion internationale, un Autrichien, parmi des géopoliticiens contemporains, dans son dernier ouvrage a présenté l’Iran comme le centre de la stratégie mondiale . La connaissance des défis et des intérêts divergents pourrait orienter les hommes d’Etat iranien vers une stratégie de sécurité et d’intérêts nationaux.

 

Géopolitique énergétique du Moyen-Orient

Antony Cordesman, expert des problèmes du Moyen-Orient dans une réunion à Washington DC, à C.S.I.S., sur « La géopolitique énergétique et sa perspective » qui a eu lieu il y a peu de temps, au cours de son intervention, a posé la question suivante : le Moyen-Orient peut-il être considéré comme le centre énergétique et l’exportateur du pétrole et du gaz au marché international 3 ?

On ne peut pas non plus donner une réponse favorable à cette question à cause des conflits et des affrontements régionaux. Cordesman a déclaré que le Moyen-Orient sera la seule source énergétique tout au long du XXIe siècle 4. Une autre réunion a eu lieu en avril 1999 à Washington DC, à laquelle participaient toutes les grandes compagnies pétrolières : on y a annoncé que seulement deux pays de la région du Golf persique, c’est-à-dire l’Iran et l’Irak auront des sources énergétiques d’ici 2050. C’est peut être pour cette raison que les pays alliés se trouvent actuelle­ment en Irak car c’est l’une des cibles de l’Amérique dans le Grand Moyen-Orient au cours du XXIe siècle.

Nous voulons poser la question suivante : Quels sont les intérêts de l’Amérique dans la région du Moyen-Orient ? On peut les résumer ainsi : Sécurité en Israël, la création de la paix entre les Arabes et les Israéliens, l’accession aux sources éner­gétiques, l’empêchement de la prolifération et la dissuasion d’avoir des armes de destruction massive, et le développement économique d’autres pays, établissement de la stabilité et de l’équilibre intérieurs et le contrôle du terrorisme ce sont les pré­occupations majeures des Américains dans cette région du monde.

La présence de l’Amérique dans la région du Moyen-Orient lui donne la pos­sibilité de contrôler l’énergie du monde et ne veut guère y supporter la présence d’une autre puissance. Cette tendance de l’Amérique se situe dans le domaine stra­tégique et elle n’envisage jamais que les puissances mondiales telles que l’Union européenne, la Russie ou la Chine soient présentes et actives dans la région. En plus l’Amérique ne veut pas qu’une puissance indépendante régionale se présente sur la scène régionale et/ou Internationale. Par contre elle acceptera de bon gré la dépendance de la région. Les conflits, les révolutions les instabilités de la région du Moyen-orient ne s’accordent pas bien aux buts stratégiques de l’Amérique qui dans le maintien de ses propres intérêts, empêche donc toute instabilité régionale.

L’Amérique sait bien que le terrorisme est un système démantelé et qui ne se trouve guère dans toutes les zones géographiques. Elle sait également que seule la force militaire ne pourrait plus luter contre le terrorisme. En réalité, la lutte contre le terrorisme, le terme et le domaine géographique du Grand Moyen-Orient sont apparus à l’aube du XXIe siècle, surtout après les événements du 11 septembre 2001.

 

Les point extrême du Grand Moyen-Orient : à l’ouest les frontières orientales de l’Afghanistan et du Pakistan ; au nord les frontières septentrionales du Kazakhstan et le sud du Caucase ; à l’est les frontières occidentales de l’Egypte ; de l’Ethiopie, du Somalie et au sud la mer arabique. C’est une grande région qui comprend la sécurité de la mer Méditerranée, de la mer Rouge et du Golf persique et correspond à un grand nouveau domaine géopolitique apparaissant à l’aube du XXIe siècle à cause des ressources énergétiques.

 

Le milieu stratégique du Moyen-Orient à cause des raisons historiques et géo­graphiques était toujours un centre d’opérations des crises ; d’autres facteurs tels que l’augmentation de la population et l’urbanisation ont constitué des problèmes économiques et la faiblesse de l’Etat. Il faut y ajouter le nationalisme et l’Islam.

L’Amérique exige que dans les pays amis de cette région il n’y ait pas d’explosion démographique ni exode rural vers des grandes villes entraîne des problèmes so­ciaux et une crise économique car cela mènera à l’insécurité sociale et des émeutes. C’est pour cette raison que l’Amérique pour arriver à son but stratégique, fait des investissements pour le développement de ces pays.

La stabilité de la région a eu une influence directe sur les pays du golfe Persique et dans une large mesure sur des pays européens. L’explosion démographique et la fécondité élevée des pays du Moyen-Orient tendront à pousser les populations vers les autres pays, même les pays européens.

Quoique les pays de l’Europe de l’ouest aient besoin de travailleurs émigrés, mais cela à long terme y provoquera de l’insécurité et des problèmes sociaux5. Si l’un des problèmes majeurs des pays du Moyen-Orient est le chômage, il faut y ajouter l’inflation et les dettes étrangères qui préparent le domaine des réformes sociales. C’est pourquoi l’Amérique dans le but de sa propre stratégie, prépare leurs intérêts économique et politique. Certains pays de cette région sont en train de se procurer une force stratégique au service d’une diplomatie active. Ils sont également en train de conclure de nouveaux traités géopolitiques, d’accéder à la technologie nucléaire dans un but militaire et de faire des efforts de la création de l’insécurité dans la région. C’est pour cela que certains spécialistes pensent que : « les pays du Moyen-Orient auront une meilleure situation dans un proche avenir sur la scène internationale6 ».

 

Géopolitique des transports énergétiques

Les deux régions « la mer Caspienne et le golfe Persique » sont considérés com­me le cœur du monde7 au cours du XXIe siècle. L’exportation de l’énergie de ces régions aura une grande influence sur la structure géopolitique des pays exporta­teurs du pétrole et du gaz. Cela pourrait créer de nouveaux groupes alliés pour les Américains. Les pays tels que la Jordanie, la Palestine, l’Israël, les Emirats arabes unis, la Syrie et la Turquie sont l’un des groupes proposés par l’Amérique qui ne ressemble pas à ce qui existe déjà. Si cette pensée de l’Amérique se réalise, nous assisterons à beaucoup de changements dans la région8.

L’un des problèmes majeurs géopolitiques est le moyen de transport du pétrole ou du gaz vers le marché international. L’oléoduc est le moyen le plus économique pour le transport du pétrole de la mer Caspienne via la Russie vers les ports la mer Noire ou via l’Iran vers le golfe Persique ou la mer d’Oman d’où l’exportation sera plus facile vers les pays asiatiques ou européens. Pour que l’oléoduc passe à travers l’Iran pour arriver aux ports du Golf persique ou la mer Oman, ce pays aura besoin d’une révision complète de sa politique étrangère afin d’arriver à une bonne défini­tion des menaces prévues. Si l’Iran réussit à le réaliser, il aura des intérêts nationaux et la vie politique du pays sera assurée tout au long du XXIe siècle. Bref, la géo­graphie des transports du pétrole formera la géostratégie de la région. Si l’oléoduc passe par la Turquie pour arriver aux rives méditerranéennes, il devra composer avec l’insécurité et les menaces des habitants de la région du Caucase-sud et surtout avec les Kurdes de la Turquie.

Tous les géopoliticiens sont unanimes pour prédire que l’Iran deviendra le Centre de la géopolitique du XXIe siècle et sera le seul pays à travers lequel l’oléo­duc arrivera en toute sécurité aux rives du golfe Persique ou de la mer d’Oman. Un tel projet donnera l’occasion au pays C.I.S de se libérer de la dépendance de la Russie et d’envoyer leur pétrole via l’Iran vers la mer libre. Chaque fois que les pays de l’Asie centrale pensent à faire transporter leur pétrole par l’oléoduc via l’Iran, la Russie réagit violemment, mais si le projet de l’exportation du pétrole des régions caucasiennes et des pays de la mer Caspienne passe par l’Iran, le Moyen-Orient aura une grande importance dans les dimensions géoéconomique et géostratégi­que.

La paix entre les Arabes et les Israéliens est une préoccupation majeure de la région. Si elle se réalise, ce sera dans l’intérêt d’Israël qui aura davantage de relations commerciales avec l’Union européenne.

L’explosion démographique et l’urbanisation conduisent des experts à penser que le besoin en eau est en augmentation au Proche-Orient. Israël après la guerre de six jours en 1967 s’est emparé des eaux de la Cisjordanie et de Gaza et y exploite 30 % de ses besoins en eau. L’Iran et la Turquie, au Grand Moyen-Orient, ont beaucoup de chance car ils sont riches en eau, donc en hydrogéologie et auront une politique de domination.

 

Notion de sécurité et des modèles stratégiques pour le Grand Moyen-Orient

Les experts occidentaux de la stratégie pensaient que la sécurité était un ter­me spécial et à part, tandis qu’aujourd’hui on pense que la sécurité est un terme international, c’est-à-dire la sécurité d’une région dépend de celle de l’autre et réciproquement. Cette dépendance, grâce à la technologie de communication et d’information, est en augmentation.

Le rôle, de la Russie, de l’Union européenne et de l’Amérique est primordial au Moyen-Orient. La Russie est très sensible vis-à-vis de l’Iran et la Turquie et si un jour les mouvements antirusses apparaissent dans la région, la Russie ne sera pas inac-tive9. Il est possible que la Russie voudrait établir des relations spéciales avec l’Iran et les autres pays du Moyen-Orient pour atténuer l’influence des Américains.

En considérant les événements intérieurs, régionaux et extra régionaux dans le Grand-Orient, il y aura quatre modèles de théories stratégiques dans l’avenir :

  • Grand jeu – L’avenir de la région restera comme tel avec une politique ouver­te, mais si la Chine entre en scène et augmente son influence, elle se trouvera en concurrence avec l’Amérique. Dans ce cas, la stabilité politique et sécuritaire dé­pendra de l’équilibre entre les deux puissances ou elle attendra l’action d’une tierce puissance.
  • Rencontre des civilisations – Celle-ci évoquera la concurrence entre les pays islamiques et occidentaux et aboutira à la solidarité des pays islamiques de la rég Dans ce cas, la Russie soutiendra les pays occidentaux. Certains politologues ne pensent pas qu’il y ait une telle rencontre, mais dans l’éventualité, il y aurait des régimes islamiques fondamentalistes.
  • Insécurité – Si certains pays de la région n’arrivaient pas à contrôler et gérer leurs populations, ils se trouveraient face à des émeutes, des conflits et même des guerres civiles. Dans une telle situation aucun contrôle stratégique ne pourrait être possible.

4) Fin de l’histoire – Francis Fukuyama pense que la libération des pays du Moyen-Orient aboutit à la sécurité régionale et c’est le seul moyen pour créer la paix entre les Palestiniens et les Israéliens.

La démocratisation des régimes, la création d’un meilleur commerce, l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les relations avec l’Europe, le développement des pays de la région et la diminution des crises régionales sont des facteurs évoqués par Fukuyama. Il y’a de nombreux problèmes au Moyen-Orient et on peut se demander si les régimes actuels continueront à exister dans l’avenir. Est-ce qu’il y aura de nouveaux régimes politiques dans la
région ?

La rivalité et la concurrence existent déjà entre les puissances mondiales dans la région du Moyen Orient pour les sources, le contrôle et la voie stratégique de transport de l’énergie. La stratégie de l’Amérique est basée sur son propre intérêt et aide les pays alliés de la région tout en essayant de ralentir leur fécondité et d’empê­cher l’insécurité intérieure qui aboutira à une crise économique. L’Amérique veut à tout prix, même par la force armée contrôler les sources énergétiques de la région du Moyen-Orient et exige la suprématie et le contrôle des sources énergétiques du Caucase et des pays de l’Asie centrale. Ce qui est étonnant c’est que l’Amérique ne parle plus de l’Iran, comme si elle se désintéressait de la région et ne prenait aucune mesure contre l’Iran.

 

* Professeur de Géopolitiques aux Universités de Téhéran- Iran.

 

Notes

  1. American security in the XXIst centry, The United State Commission on National security, 1999.
  2. Ezzaty, Ezzatollah, Géostratégie au XXIème siècle, Téhéran; 2005.
  3. CORDESMAN, Antony,H, U.S Strategic interests in th Middle East and the Process of Regional change 1996.
  4. CORDESMAN, Antony,H, Gepolitics and Energy il th Middle East, 1999
  5. LUTTWAK Edward, N. Environment economics and national security, C.S.I.S 1999.
  6. « Heart land »
  7. Rand Stydy sall, 2001.
  8. FORSYTHE, Rose-marie, the politics and central Asia, Adelphi Paper, n°300, London, 11ss 1996.

 

 

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