Rapprochements entre les Etats du Golfe et le mépris de la question palestinienne

Naserin ABOUD, chercheuse en relations internationales

Résumé

A l’heure où les Etats-Unis font preuve d’une partialité supplémentaire en faveur de l’Etat d’Israël par l’Accord du Siècle, les Etats du Golfe mènent un travail de redéfinition de leurs relations avec Israël. Le réchauffement de leurs rapports ne date pas de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, mais celle-ci a participé de son accélération. Ce phénomène nouveau correspond au durcissement des sanctions imposées à l’Iran, à l’isolement de ce dernier, et au contexte économique mondial de plus en plus défavorable aux systèmes productifs des Etats pétroliers du Golfe. Les déclarations ambiguës voire amicales de la part des dirigeants de ces pays compromettent davantage une sortie de crise équitable, ou même une implication quelconque de la part des Etats pour la mise en oeuvre d’une solution.

Summary

As the United States show a biased handling of the Israel-Palestine conflict through the Deal of the Century, the Gulf States have initiated new relationships with Israel. Donald Trump’s arrival at the White House has not triggered the warming of these diplomatic frames, but it has fostered and accelerated them. This new phenomenon is happening as sanctions on Iran have been strengthened, as the country seems more and more isolated, and the global economic context raises higher obstacles on the Gulf petro-States’ traditional systems. The ambiguous and nearly friendly statements of the Gulf leaders geared towards Israel compromise the fair way out of the crisis that was initially targeted, and weaken the implication of these States in implementing any resolution.

Les récentes relations amorcées les Etats du Golfe et Israël marquent un nouveau bouleversement  que le président américain Donald Trump tente de mener, se résumant à l’alliance entre les pays dit «sunnites» arabes et Israël, contre l’Iran dans le but de signer un accord de paix « plus léger » entre les palestiniens et Israël.

Lors du sommet de Varsovie “ وارسو “ en février dernier, les Etats du Golfe n’ont eu aucune gêne à divulguer la nouvelle de leur rapprochement avec Israël contre l’Iran; allant même jusqu’à s’enorgueillir. Aucune issue n’a cependant été trouvée afin de persuader les pays Européens d’abandonner l’accord nucléaire avec l’Iran.

Lors de la grande cérémonie d’ouverture, les ministres des Affaires étrangères des Émirats Arabes Unis, de l’Arabie Saoudite et du Bahreïn ont pris place aux côtés du premier ministre israélien Netanyahu, marquant ainsi leur complicité. Ils se sont aussi réunis à huis-clos et le premier ministre Israélien a alors diffusé une vidéo qui impliquait un éminent fonctionnaire Bahreïnien décrivant l’ Iran comme un obstacle à la résolution du conflit entre Israël et les Palestiniens. Cette vidéo contenait également une déclaration du ministre des Affaires étrangères des Émirats Arabes Unis défendant le « droit d’Israël à faire exploser des cibles en Syrie ». Dès lors, le vice-président américain Mike Pence décrivit cette réunion comme « le début d’une nouvelle ère ».

Depuis quelques temps, Israël et certains pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, clament ouvertement une normalisation de leurs relations ; normalisation qui par le passé eût été embarrassante.

A la suite de ce sommet, le ministre des Affaires étrangères des Émirats Arabes Unis, Anwar Gargash, (أنور قرقاش) a appelé à accélérer le rapprochement entre Israël et les États arabes, considérant que cela contribuerait à résoudre le conflit israélo-arabe. En mars dernier, des déclarations d’Anwar Gargash, parues dans le journal national d’Abu Dhabi, affirmaient que le choix par de nombreux pays arabes de ne pas dialoguer avec Israël était une erreur qui refrénerait une solution de paix pour plusieurs décennies.

Un rapport israélien a aussi révélé que les relations entre les États arabes du Golfe et Israël ont atteint un nouveau cap, après qu’un certain nombre de ministres arabes aient reconnu leur erreur passée dans le boycott d’Israël et la nécessité de lui rester ouvert afin de faire progresser le processus de paix. Le rapport israélien a mis en lumière deux questions pertinentes : Qu’y a-t-il de changé dans les États du Golfe ? Et comment le soutien aux palestiniens s’est-il transformé en un rapprochement avec Israël ? Selon ce rapport ce soutien serait la cause des difficultés économiques rencontrées récemment par les pays du Golfe.

D’une part, cette proximité nouvelle est un succès considérable pour Netanyahu ; et d’autre part, les  dirigeants des pays du Golfe ont compris l’importance de soigner leurs relations avec les pays occidentaux considérés comme un pont les menant à Israël.

Auparavant, les pays arabes étaient fébriles à l’idée d’entretenir des relations, dites normales, avec Israël, craignant la pression de leur peuple, mais cette crainte a désormais disparu. L’un des exemples les plus significatifs est l’ouverture de l’espace aérien saoudien à un vol à destination d’Israël en mars 2018, brisant l’interdiction longue de 70 ans de vols commerciaux depuis le Royaume. Il semble que le temps de l’hésitation soit révolu ! Les déclarations du prince héritier dans la revue américaine « The Atlantic » viennent encore une fois démontrer cette normalisation des relations entre les Etats arabes et Israël. Lors de cet entretien Ben Salman a estimé que «les Israéliens ont le droit d’avoir leur propre État nation tout comme les palestiniens», preuve supplémentaire d’un réchauffement avec Israël ; faisant de l’Iran leur ennemi commun.

De son côté le premier ministre israélien Netanyahu a présenté récemment son pays comme «l’indispensable allié» des pays arabes opposés à Téhéran. Selon le quotidien israélien ‘Haaretz’, Netanyahu a également rencontré en mars 2018 Youssef al- Otayba, ambassadeur des Émirats Arabes Unis à Washington ; car comme nous le savons, les Émirats Arabes Unis commercent officieusement et depuis longtemps avec Israël.

Depuis l’existence du mouvement sioniste en 1887, trois objectifs majeurs ont été atteints et un quatrième est en cours de réalisation. Le  premier était d’obtenir la reconnaissance pour la création d’une patrie nationale juive en terre de Palestine avec l’accord officiel des grandes puissances et en toute légalité internationale ; obtenue lors de la signature de Balfour en 1917. Le second objectif était d’assurer sur le territoire le plus grand nombre de Juifs : un principe concrétisé sous couvert de l’article 6 du mandat britannique sur la Palestine de 1922. Le troisième objectif était de construire un Etat juif par décision de la Ligue des Nations Unies en 1947 accordant aux Juifs israëliens 55,40% des terres palestiniennes, alors même que les Juifs à cet époque n’occupaient que 5% du territoire palestinien.

La construction d’Israël a été réalisée de la manière suivante :

– Un certain nombre de massacres tel que Deir Yassin ont permis de chasser de leurs foyers environ 750000 palestiniens.

– La défaite des États Arabes, alliés dans la guerre de 1948, a fragilisé ces derniers, déjà affaiblis par l’occupation européenne.

– La signature des accords de trêve avec les pays arabes de l’anneau a donné un souffle nouveau à l’Etat juif.

– L’adhésion à l’organisation des Nations Unies en 1949 a légitimé son existence politique et diplomatique.

– 1,5 million de Juifs déplacés entre 1949 et 1973, exploitant davantage les terres de Palestine de 1967, en plus du Sinaï et Golan.

–  Un soutien massif économique et militaire provenant des États-Unis et des pays européens a permis à l’Etat d’Israël d’assurer sa victoire sur les pays arabes.   

–  Une protection et un soutien indéfectible des Nations Unies a permis de conforter la politique israëlienne.

Enfin, le dernier objectif en cours de réalisation est celui de la reconnaissance d’Israël «comme Etat légitime» dans le but d’éliminer la question palestinienne, et ce, avec le soutien des Etats arabes. Cette volonté s’est déclinée en plusieurs étapes historiques.

– Après la guerre de 1973, les Israëliens réussirent à écarter l’Egypte du conflit et à arracher une reconnaissance complète de l’Etat d’Israël par les accords de paix signés sous le nom de Camp David.

– Après avoir envahi le Liban en 1982, les autorités israëliennes ont provoqué la dispersion du peuple palestinien, déjà fragilisé, forcé à un nouvel exil, notamment vers la Tunisie, mettant fin à une décennie de pourparlers et jetant les bases de négociations inégales qui aboutiront sur les accords d’Oslo onze ans plus tard.

– En 1994, les accords de Wadi Araba signés entre Israël et la Jordanie scellent une deuxième paix entre l’Etat juif et un pays arabe.

– En 2002, l’ensemble du système officiel arabe, représenté par la Ligue Arabe, a reconnu le droit d’Israël à exister sous condition de céder aux Palestiniens leur Etat basé sur les frontières de 1967 et dans le cadre de l’initiative de paix arabe.

Dans ce contexte historique, nous devons considérer les faits actuels, en commençant par contester la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les États-Unis, son droit d’annexer le Golan occupé et l’Accord du Siècle.

La Palestine peut compter sur ses martyres et ses résistants contre ces agressions et crimes subis dans la bande de Gaza et la mosquée d’Al-Aqsa. La bataille pour une reconnaissance de la légitimité d’Israël et son droit à la terre historique de la Palestine dure depuis des décennies tout en exploitant la normalisation de l’Alliance arabe officielle, souhaitant par son biais son intégration dans la région. Aujourdhui, notre bataille n’est pas l’obtention d’un état sur les frontières de 1967, les obstacles ne sont pas l’intransigeance israélienne ou la division palestinienne, mais la question fondamentale à ce stade est : le parti sioniste réussira-t-il à briser et soumettre la citadelle de la dernière résistance palestinienne?

En considérant cela, nous devons définir nos premiers objectifs et gérer nos batailles actuelles telles que la mise en oeuvre de l’Affaire du Siècle, la légitimation des colonies, le droit de retour des Palestiniens, le statut de la capitale de Jérusalem, la mosquée d’Al-Aqsa, le Golan terre syrienne, ainsi que la question primordiale et stratégique de la lutte contre la légitimité des actions et implantations israëliennes, et pour le maintien des droits palestiniens sur l’ensemble de leurs terres.

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