L’OTAN et l’Union Européenne : Les risques du « double élargissement »

 

Par : Hall Gardner, Professeur et Directeur des Etudes Internationales, Département des Affaires Internationales, Université Américaine de Paris 10 janvier 2001

Janvier 2001

Introduction (et résumé) :

L’OTAN et l’Union Européenne (UE) n’ont pas encore formulé une stratégie politico- militaire cohérente et concertée, qui prendrait entièrement en compte des paramètres, en évolution rapide, de la sécurité européenne postérieure à la guerre froide. En tirant profit de la chute de l’Union soviétique, l’extension du nombre de candidatures à l’OTAN et à l’UE n’a pas encore été coordonnée et n’a pas pris en considération les ramifications politico- économiques et géostratégiques de cette double extension – implications qui représentent un danger potentiel. Il faut mettre l’argument suivant en avant : la seule façon pour l’OTAN et l’UE d’élargir le nombre de leurs adhérents sans que cela aboutisse à l’aliénation potentielle des états non-membres de l’OTAN ou de l’UE, y compris la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, est de travailler ensemble sous les auspices, déjà établies, du Partenariat pour la Paix et le Comité Militaire du Conseil au Partenariat Euro-Atlantique (CPEA), et de créer une Communauté de Sécurité et Défense de l’Europe Centrale et Orientale, qui serait soutenue par des garanties, se distinguant de la sécurité de l’OTAN, l’UE et la Russie et fonctionnant finalement dans le but de faire entrer la Russie à la fois à l’OTAN et à l’UE en tant que membre « à part entière ».

Les dilemmes du Double Elargissement Non-Coordonné de l’OTAN et de l’UE La guerre du Kosovo a révélé très nettement que l’UE dépendait des atouts et des moyens de communication conventionnels de l’armée américaine, tels que satellites, ponts aériens et autres moyens de pointe militaires de type C4. Mais la guerre a aussi révélé jusqu’à quel point l’UE ne possédait pas les moyens, même pour menacer l’usage de la force et donc utiliser cette menace comme un outil pour appliquer sa ligne de conduite diplomatique pendant le sommet de Rambouillet par exemple.

Lors d’une rencontre à Bruxelles, le 20 novembre 2000, afin de traiter de la question des inadéquations politico-militaires de l’UE, les ministres européens des affaires étrangères et de la défense ont promis de renforcer les moyens de défense de l’UE et d’accroître la collecte de renseignements et de données à travers l’application d’une Politique Européenne Commune de Sécurité et de Défense (PECSD).

Au sommet de Nice en décembre 2000, l’UE opta de dégager plus de 100,000 hommes, 400 avions de combat et 100 bateaux pour la création d’une force de réaction que rejoindraient les forces de 15 autres pays non-membres de l’UE dont les neuf pays candidats à l’UE (la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie) et les six membres européens de l’OTAN (la Turquie, la Norvège, l’Islande, la Pologne, la République Tchèque et la Hongrie)). L’UE à l’ intention d’être capable de déployer 60,000 hommes en 60 jours et de maintenir ces forces pendant plus d’un an, « pour utilisation à fins de missions en dehors de l’article 5 éventuelle, telle définie par le Traité de Bruxelles de 1948. ». En dernier lieu (mais à une date qui n’est pas encore
précisément définie), l’UE sera en mesure d’intervenir en ayant recours aux atouts de l’OTAN ou pas du tout, de sorte que «ce ne sera pas l’OTAN ou rien»2.

De nouvelles propositions pour la défense européenne ont été accompagnées par un certain nombre de réformes institutionnelles dont la formation d’une Unité de Planification Politique d’Alerte Rapide (UPPAR), d’un Comité Politique de Sécurité, d’un Comité Européen Militaire, d’un personnel militaire européen, sans oublier la formation d’un nouveau poste de Haut Représentant pour la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (^-PESC), poste occupé actuellement par l’ancien secrétaire général de l’OTAN, Javier Solana. Cependant, l’U n’a pas encore formulé ou désigné distinctement les rôles adéquats du Haut Représentant en ce qui concerne la politique étrangère et pour le Commissaire Européen aux Relations Externes. Ce facteur semble représenter un clivage institutionnel interne supplémentaire au sein de l’U – en plus de différences nationales distinctes relatives à la formulation de la politique étrangère.

Ce qui est plus crucial, en plus du clivage entre le Haut Commissaire et le Haut Représentant, c’est qu’il y a un besoin de clarifier les principes et la base légale pour des décisions d’intervention sur le territoire d’un troisième pays3. Etant donné que l’UEO doit être adaptée et changée en une force de tous les pays de l’UE, la question de savoir si l’article 5 du Traité de Bruxelles (qui représente une garantie de sécurité plus forte que celle comprise dans le Traité Nord Atlantique) devrait être étendu à tous les membres de l’UE, n’a pas encore été résolue. Allant dans le même sens, la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) – selon l’article 11.2 du Traité de l’UE garantit les frontières des Etats membres en tant que frontières externes de l’Union Européenne4. Ce qui est également problématique car cela implique que l’UE est responsable de la défense et de la sécurité de tous ses membres et membres potentiels. Beaucoup de ces derniers possèdent des frontières avec un certain nombre de pays non membres de l’UE ou de l’OTAN (et pas seulement la Russie)5, historiquement contestées. Par opposition à la conception plus limitée d’une Identité Européenne de Sécurité et de Défense (IESD) à l’intérieur de l’OTAN, le PECSD a été conçu pour être relativement plus autonome par rapport à l’OTAN. De ce fait, la crainte de voir l’UE agir sous le PECSD sans suivre le conseil et obtenir le consentement des Etats-Unis et d’autres pays non-européens, s’est fait ressentir.

Cette question est d’autant plus problématique que les intérêts et les options politiques d’états membres de l’UE peuvent s’opposer aux intérêts et options politiques des états membres de l’OTAN. (Les intérêts des états membres de l’UE pourraient aussi être opposés en cas de crise). Si une crise significative venait à exploser à l’intérieur, ou à la frontière d’un état de l’UE qui n’est pas membre de l’OTAN, ou dans d’autres zones qui ne font pas partie d’un système de défense intégré, les résultats seraient désastreux, en supposant que l’article 5 du Traité de Bruxelles soit expliqué sans que l’UE n’ait développé les capacités de défense. Simultanément, l’article 5 du Traité Nord Américain pourrait demeurer légalement non applicable, en même tant que des pressions politiques partisanes en désaccord pourraient demander à l’OTAN d’agir ou de rester en dehors du conflit. Malgré leurs revendications, ni l’élargissement de l’OTAN ni celui de l’UE vers l’Europe centrale et orientale n’ont contribué à l’amélioration des tensions parmi les membres actuels de l’alliance ou de l’UE. Un certain nombre de disputes continuent à diviser les perceptions américaines et européennes et pourraient s’avérer problématiques, pas à si long terme. Parmi ces perceptions, on peut compter les tensions turco-grecques au sujet de Chypre, tensions qui ont été compliquées par les mesures prises par Chypre pour entrer à l’UE. I y a eu peu d’incitations de la part de la Turquie à soutenir les nouveaux états membres de l’OTAN en Europe centrale et orientale, à moins qu’on n’accorde à Ankara des liens plus proches avec l’UE, et à moins que les Etats- Unis et l’UE ne traitent de façon adéquate des préoccupations significatives de sécurité externes et internes auxquelles la Turquie est confrontée. Ici, Washington craint de voir la Turquie se tourner vers un pan nationalisme ou un pan Islam radical (un mouvement en partie enflammé par les liens militaires de la Turquie avec Israël), si la Turquie n’est pas bientôt rapprochée de la nouvelle Europe. L’UE, d’autre part, ne considère pas la Turquie comme stratégiquement importante, suite au démembrement de l’Union soviétique et vient de demander à la Turquie de s’investir dans des réformes politiques, économiques et légales significatives (qui affecteraient son traitement des minorités, les relations entre civils et militaires et les droits de l’homme) si elle veut faire partie de l’IE.

Les rôles et questions respectives concernant le partage des pouvoirs et des responsabilités continuent de tourmenter l’UE et l’OTAN en ce qui concerne l’Europe méditerranéenne, y compris la question du contrôle partagé de l’OTAN et de l’UE sur les Forces Alliées en Europe du Sud. L’initiative méditerranéenne de l’OTAN a tenté de traiter quelques-unes des inquiétudes mentionnées plus haut, mais doit encore formuler un arrangement satisfaisant en ce qui concerne le partage du pouvoir entre les USA et l’Europe. De même, les menaces du congrès américain de se retirer de la Bosnie et puis du Kosovo ont failli saper les efforts de maintien de la paix dans la région et pourraient contribuer à la création d’un fossé entre les Etats-Unis et les Etats européens6.

Ta question principale demeure l’équilibre entre le soutien des USA pour l’IESD (au sein de l’OTAN) et le soutien de l’UE pour une plus grande autonomie (sous le PECSD). Selon l’UE, le partage du pouvoir et celui des responsabilités vont de pair : si l’UE veut développer sa propre capacité militaire, elle veut avoir le pouvoir de décider quand et où l’utiliser. Washington, d’autre part, a mis l’accent sur l’idée de responsabilité sans partage de pouvoir. Tes inquiétudes américaines émergent de la crise de Suez de 1956 lors de laquelle le président Eisenhower fut pris par surprise pendant une année électorale par les actions conjointes des Français, des Anglais et des Israéliens menées contre l’Egypte. La crainte actuelle est que l’UE puisse, à nouveau, agir seule sans la connaissance ou la permission des USA.

D’autres inquiétudes, peut-être plus considérables ont été soulevées en ce qui concerne le fait qu’une UE plus autonome pourrait réduire les intérêts des états non-membres de l’UE, telle la Turquie, du processus de prise de décision. L’UE pourrait aussi utiliser les atouts des états non-membres de l’UE mais membres de l’OTAN en plus des atouts de fond commun, une perspective à laquelle Ankara s’oppose beaucoup. Washington a pressé l’EU d’accepter la candidature turque à l’UE, tandis que la Turquie a menacé de mettre son veto à toutes les actions « autonomes » de l’UE, pour lesquelles la Turquie n’aurait pas été convenablement consultée.

En même tant, cependant, étant donné qu’au moins onze des états membres de l’UE sont aussi membres de l’OTAN, on peut avoir des doutes sur un trop grand éloignement de ces états des intérêts américains, malgré l’incapacité apparente de définir exactement quand l’UE peut agir indépendamment de l’OTAN et avec quels atouts. L’UE n’envisage pas de créer sa propre armée (mais peut néanmoins finir par copier un nombre considérable d’atouts américains). L’OTAN représente encore la base de la défense collective de ses membres, mais est devenue indirectement la base de garanties pour l’ensemble de l’UE également. De plus, l’élargissement simultané de l’OTAN et de l’UE pose un problème (et peut créer un sentiment de fausses attentes), en partie à cause du fait que ce double élargissement non-coordonné a lieu à un moment où les économies des nouveaux membres de l’OTAN (et de l’UE) peuvent à peine se permettre de procéder à une modernisation de la défense. Ceci du fait du besoin de développer leur économie relativement moins avancée, et quand la plupart des états membres de l’OTAN et de l’UE (excepté peut-être le Royaume-Uni) diminuent leurs dépenses militaires depuis 1989.

En tout, la formation d’un PECSD devrait en principe permettre aux Européens d’être davantage sur un pied d’égalité avec les Américains et les Russes. Cependant, si la tentative de créer un PECSD échoue, cela permettra aux Américains, et dans une certaine mesure, aux Russes, de diviser les intérêts européens. Ironiquement, à la fois l’OTAN et l’UE ont mis l’accent amplement sur la gestion de crise plutôt que sur l’application d’un système intégré militairement, qui permettrait de prévenir les crises pour la totalité de la région euro­atlantique.

La question de la Russie*

La double, mais largement non-coordonnée, expansion de l’OTAN et de l’UE risque de provoquer la formation de blocs économiques, politiques et géostratégiques exclusifs qui sont potentiellement capables de dévier le commerce des pays non membres de l’UE ou de l’OTAN. Ceci peut mener à l’isolation et l’aliénation potentielles de ce dernier). De plus, bien que cela ait été prouvé dans le cas de la Bosnie, l’Albanie et le Kosovo, les états membre de l’OTAN et de l’UE pourraient être facilement tirés vers un certain nombre de crises potentielles en Europe centrale et orientale, si le double élargissement aliène la Russie et d’autres états non membres de l’OTAN et de l’UE et si chaque régime se développe sans coordination de régions avec des revendications irrédentistes et de contre revendications. Ici, les élites européennes et américaines sont partagées par la question de savoir s’il faut procéder à l’élargissement maintenant ou bien, dans le cas où l’OTAN et l’UE continueraient de s’agrandir, savoir quels états devraient entrer dans ces deux organisations et à quelle date – et savoir si la Russie, en particulier, doit être incluse ou exclue des deux régimes.

Ayant auparavant accordé en 1997 à la Pologne, à la Hongrie et à la République Tchèque, le droit d’adhérer à son organisation, l’OTAN devrait débattre de la question : faudrait-il engager une deuxième vague d’agrandissement, et éventuellement annoncer quels états devraient rejoindre l’organisation d’ici l’an 2002 ? L’UE pourrait s’élargir de la même façon d’ici l’an 2003. Alors qu’elle a invariablement mis en garde l’OTAN contre un agrandissement de l’organisation qui ne tiendrait pas compte des intérêts russes (et elle s’est opposée à l’intervention de l’OTAN ou Kosovo, par exemple), Moscou paraissait, au départ, moins soucieuse de l’agrandissement de l’UE. Cependant, la nature précise de la politique de défense émergeante de l’UE et celle du PECSD a récemment soulevé des inquiétudes chez les Russes. Comme l’ambassadeur russe Vassily Likhachev a dit : « il n’ y a toujours pas de réponse claire de l’UE, à la question qui consiste à savoir comment l’UE voit la Russie rejoindre les opérations de gestion de crises » ; la Russie ne s’oppose pas à la formation du PECSD » tant que l’on ne crée pas de nouvelles divisions en Europe »7. De plus, l’UE n’a pas encore expliqué la nature des liens entre l’OTAN et l’UE.

Les Etats-Unis et l’UE ont concentré la plupart de leur attention sur les Balkans, cependant beaucoup moins d’attention a été accordée à la région baltique. L’ouverture de l’OTAN à la Pologne a placé les territoires des pays membres de l’OTAN directement contre un avant-poste militaire russe très stratégique à Kaliningrad8. (Le contact de la Turquie et de la Norvège avec le territoire russe est davantage de nature périphérique). Simultanément, l’extension de l’UE aux pays baltes (l’Estonie) pourrait de la même façon isoler Kaliningrad.

De plus, l’élargissement de l’OTAN étend de manière significative le périmètre de défense de l’OTAN avec une Biélorussie potentiellement hostile (en poussant peut-être inutilement la Biélorussie et la Russie à créer une alliance encore plus étroite).

L’extension de l’OTAN à l’Europe centrale semble avoir été effectuée pour satisfaire les exigences allemandes, pour un cordon sanitaire (« pour protéger l’Allemagne d’une instabilité venant de l’Est ») ; cependant cette extension ne protège que très peu le flanc nord de l’Allemagne, de menaces potentielles de missiles venant de la péninsule de Kola ou venant d’une Kaliningrad instable. Comme l’art de la guerre au 21ème siècle sera très vraisemblablement caractérisé par une dépendance croissante des missiles balistiques et des missiles de croisière lancés depuis le sol ou la mer, des systèmes anti-missiles, des moyens de communications par satellite, parmi d’autres capacités militaires de pointe pas si conventionnelles, l’extension de l’OTAN à la République Tchèque, la Hongrie et la Pologne ne traite pas entièrement des menaces nucléaires stratégiques importantes, et pas si récentes que cela, envers la sécurité européenne. En même temps l’OTAN peut rencontrer des difficultés à équilibrer ses ressources en ce qui concerne ses intérêts nouvellement trouvés dans « le maintien de la paix » et dans sa mission plus originale de « défense collective ».

L’élargissement de l’OTAN semble donc ne pas faire grand chose pour protéger les états membres de l’UE qui sont ostensiblement neutres, c’est à dire la Suède et la Finlande, en plus de l’Estonie, et d’autres états qui pourraient finalement adhérer à l’UE. Même suivant le Sommet de Saint-Malo en 1998, ce n’est toujours pas clair dans quelle mesure le Royaume- Uni (en tant que membre du commandement nucléaire intégré de l’OTAN) et la France (dont les forces nucléaires sont à l’extérieur du commandement nucléaire intégré de l’OTAN), peuvent, si nécessaire, coordonner leurs capacités nucléaires contre des menaces de missiles nucléaires ou conventionnels affectant tout nouveau (ou vieux) pays membre de l’UE.

Des tensions sous-jacentes dans la région baltique ont émergées en raison du soutien suédois, danois ( et auparavant finlandais) pour la candidature des Etats Baltes à l’OTAN ( malgré les positions historiquement « neutre » de la Suède et de la Finlande). Les efforts des « neuf de Vilnius » à entrer à l’OTAN par un « big bang » ont aussi engendré des inquiétudes; dans un effort visant à influencer les élections américaines de novembre 2000 et à gagner le soutien d’américains originaires de l’Europe de l’Est, les ministres des affaires étrangères « représentant les neufs de Vilnius » [la Lituanie, l’Estonie, la Latvie, la Slovénie, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie , la Macédoine et l’Albanie] ont tous pressé l’OTAN d’ouvrir ses portes à leurs états en l’an 2002.9.

De plus Varsovie a soutenu, de même, la candidature de la Lituanie à l’OTAN comme « état tampon » afin d’être dans une meilleure position pour se défendre contre une potentielle occupation de la Lituanie par les Russes, comme la Pologne se trouverait prise dans un anneau de fer entre ( le port lithuanien de) Klaipeda et ( la ville polonaise de) Gdansk.10. Et finalement, suite à la victoire de George Bush Jr., le sénateur Jesse Helms a, de nouveau, encouragé et soutenu la candidature des Etats Baltes, en particulier de la Lituanie et de l’Estonie, pour entrer à l’OTAN11.

La Russie a, jusqu’ici, encaissé l’extension de l’OTAN en Europe centrale, ainsi que la guerre du Kosovo, mais elle a averti l’OTAN que l’intégration totale des Etats Baltes au commandement de l’OTAN représenterait un casus belli. Ce qui inquiète particulièrement la Russie, c’est le fait qu’accorder aux Etats Baltes le droit d’entrer à l’OTAN et à l’UE pourrait éliminer son droit de transit à travers la Lituanie et les autres Etats Baltes (qui sont en grande mesure encore dépendants du commerce et du pétrole russes) et à la region russe de Kaliningrad, et donc pourrait réduire son ouverture au monde occidental plus avancé, autrefois établi par Pierre le Grand. Par conséquent la Russie a menacé de contrer l’extension de l’OTAN en consolidant ses capacités de missiles de croisière et de missiles balistiques dans la péninsule de Kola et à Kaliningrad, au risque évident de voir une nouvelle course déstabilisante à l’armement. Moscou a également menacé de créer une contre alliance avec les états d’Europe de l’Est qui n’entrent pas à l’OTAN, en plus d’une alliance avec la Chine et l’Inde. En conséquence, la Russie et la Biélorussie ont menacé de déployer jusqu’à 300.000 troupes le long de la frontière entre la Latvie et la Biélorussie12.

En mettant en scène des sessions d’entraînement militaire à la frontière de la Lituanie, il se peut que la Biélorussie tente de gâcher les relations avec la Lituanie afin de bloquer l’élargissement de l’OTAN. Il se peut que ce dernier projette de se préparer pour le transfert rapide d’un corps militaire dans la région de Kaliningrad13. Minsk peut simultanément essayer d’exploiter la situation à son avantage. L’intention derrière de telles activités peut être de faire deux manœuvres : i) bloquer l’extension de l’OTAN aux Etats Baltes, mais aussi ii) attirer la Russie encore plus près de son soutien à travers une « union » politique et économique.

Tout comme l’OTAN a été impliquée au Kosovo, les tensions dans la région baltique pourraient, par conséquent, attirer vers elle, l’OTAN, l’UE et la Russie, même avant l’extension formelle de l’OTAN et de l’UE. Malgré le fait qu’elle a été désignée comme une intervention humanitaire « exceptionnelle », la guerre du Kosovo a soulevé les perspectives indiquant que l’OTAN pouvait intervenir de façon unilatérale ( sans mandat de l’ONU, comme cela est prévu par le traité Nord Atlantique lui-même ) pour défendre même les intérêts des états et des peuples non-membres de l’OTAN. La déclaration du Présidant de la Latvie, Vaira Vike Freiberga, lors d’une interview à la BBC, semble indiquer que quelques états d’Europe Orientale auraient tiré une leçon très différente de l’intervention « exceptionnelle » de l’OTAN au Kosovo, que celle que l’OTAN avait l’intention de donner : « le Kosovo n’est pas membre de l’alliance de l’OTAN, et cependant l’alliance pouvait prendre une mesure quand elle sentait que, selon les principes sur lesquelles elle est fondée, l’action et l’intervention ( étaient ) nécessaires. Je m’attendrais à ce qu’elle n’en fasse pas moins nulle part ailleurs en Europe. »14 Ici, il n’est pas inclus de façon aussi subtile que l’on puisse s’attendre à voir l’OTAN inteivenir dans la défense de la souveraineté des Etats Baltes. Par conséquent, on peut également s’attendre à ce que l’OTAN agisse en accord avec une « défense collective d’intérêts », postérieure à la guerre froide, à l’opposé de la conception traditionnelle de la guerre froide d’une « défense collective de territoire ».15

En décembre 2000-janvier 2001, des craintes apparurent quand on vit que la Russie avait commencé à déployer des missiles tactiques à capacité nucléaire dans l’enclave de Kaliningrad, une action catégoriquement niée par Moscou. Si cette « alerte des médias » est soit de la désinformation ou de « l’intox », cela pourrait être une tentative par les factions politiques pro-OTAN d’accélérer la décision d’élargir l’OTAN en grossissant le danger « russe ». Une autre théorie maintient que le prétendu déploiement représente un accord américano-russe pour tester la capacité de l’UE à forger une Politique Européenne Commune de Sécurité et de Défense et en révélant la faiblesse de cette dernière devant une telle menace !16

Si, d’autre part le prétendu déploiement n’est pas un jeu joué dans la réalité virtuelle, un tel déploiement (qui pourrait représenter une constante accumulation de réserve de telles armes) ne survivrait pas les intérêts russes. Cela ne vaudrait pas la peine de mettre en danger des accords non-exécutoires d’armes, pour limiter le nombre d’armes tactiques en Europe et pour déstabiliser une zone déclarée non nucléaire. L’unique but possible que serve un tel armement serait de révéler calmement la détermination russe à s’opposer à l’agrandissement de l’OTAN et de l’UE (et de montrer que tout système BMD peut-être pénétré). Le prétendu déploiement peut aussi servir à démontrer que les menaces russes ne devraient pas être écartées comme de simples bluffs. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la vérité, la question indique le besoin d’organiser une conférence entre l’OTAN, l’UE et la Russie sur la Sécurité Régionale dès que possible.

Le dilemme clé soulevé ici est que tout effort de garantir unilatéralement la sécurité des Etats Baltes sous l’article V du Traité Nord Atlantique nécessiterait une accumulation militaire substantielle, et éventuellement le déploiement de forces nucléaires dans les Etats Baltes, selon l’OTAN. De ce point de vue, il faudrait traiter la région seulement à travers une politique concertée entre l’OTAN, l’UE et la Russie, politique qui applique des garanties qui se recoupent ou se rejoignent. En même tant, Kaliningrad devrait devenir une zone économique spéciale de coopération transfrontalière entre l’UE et la Russie.

Vers une nouvelle communauté euro-atlantique

Sans la formulation d’une Communauté de Sécurité et de Défense d’Europe Centrale et Orientale, soutenue par des garanties de sécurité, qui se recoupent, de l’OTAN, de l’UE et de la Russie, il existe un danger réel de tensions et d’aliénation constante parmi les états d’Europe centrale et orientale qui n’entrent pas à l’OTAN ou à l’tE. L’échec potentiel de l’OTAN, de l’UE et de la Russie, de traiter entièrement les questions étroitement reliées de sécurité de Kaliningrad, des Etats Baltes, de la Pologne et de la Biélorussie, signifiera que la région restera, pour un certain temps, dans une situation d’incertitude et d’instabilité.

Ici, le développement de liens étroits de sécurité polonaise avec la Lituanie et l’Ukraine peut créer une crise inattendue, une fois que l’OTAN commence à construire les capacités de défense de la Pologne, pour être capable de s’engager dans les contingences de l’article V. Tout comme il en a été mention au préalable, une crise à propos du déploiement d’armes militaires à Kaliningrad, ou à propos de l’accès de la Russie à Kaliningrad par la Pologne ou par la Lituanie, ou une dispute causée par des tensions dues à des problèmes frontaliers ou commerciaux, ne sont pas à être exclus. Une Ukraine, en position de pivot et qui de diverses façons joue un rôle d’état tampon intermédiaire entre l’OTAN et la Russie, peut finalement se trouver forcée de rejoindre soit l’OTAN en expansion, soit une alliance russe ou se briser ; de toute façon, le résultat déstabiliserait, très vraisemblablement l’équilibre européen postérieur à la guerre froide.

Suite aux années de soupçons de la guerre froide, mettre L’OTAN, l’UE et la Russie en relation de coordination étroite pour élaborer une politique concertée, demeure une tâche difficile mais non insurmontable. Des mesures vers une direction plus concertée ont été prétendument prises en mars 2000, quand les diplomates en chef des Etats-Unis, de la Russie, et de l’Union Européenne ont tenu une rencontre à Lisbonne pour la première fois dans l’histoire d’après-guerre froide. Décrit comme une « troika » ou une « politburo mondiale » dans la presse russe, l’événement était perçu de manière positive par ce dernier car il semblait promettre que la Russie serait, désormais, traitée sur un pied d’égalité avec les puissances principales17.

Lors de son discours d’Aachen du 2 juin 2000 ( après avoir reçu le prestigieux prix Charlemagne d’Allemagne), l’ancien Président américain Bill Clinton a proposé un plan de longue portée pour une communauté euro-atlantique qui intégrerait la Russie comme membre de l’OTAN et de l’Union Européenne. Le président a argumenté en ces termes: « comme les enjeux sont si élevés, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour encourager une Russie qui est totalement démocratique et unie dans sa diversité … Ce qui veut dire qu’aucune porte ne peut être fermée et scellée à la Russie, ni celle de l’OTAN, ni celle de l’UE. L’autre possibilité serait une future compétition qui ferait des dégâts entre la Russie et les autres, et la fin de notre vision d’un continent non divisé. » D’autre part, « si (la Russie décide qu’elle n’a aucun intérêt à faire partie formellement des institutions européennes et transatlantiques), nous devons nous assurer que, tandis que l’UE et l’OTAN s’agrandissent, leurs frontières orientales deviennent des portes d’entrée et non des barrières pour la Russie en matière de commerce, de voyage et de coopération pour la sécurité. »18.

De ce point de vue, il est crucial que l’UE garde une ouverture à l’Est, comme les représentants officiels polonais l’y incitent actuellement. Par exemple, le triangle de Weimar de la France, l’Allemagne et la Pologne, devrait s’efforcer de soutenir le triangle de Brest de la Pologne, la Biélorussie et l’Ukraine afin de contribuer au développement des économies de ces derniers états, et simultanément garder la porte ouverte également à la Russie, notamment en consolidant la coopération traditionnelle franco-russe ( en partie comme un moyen pour contre balancer l’influence allemande). Varsovie aura également besoin de s’engager dans une version polonaise d’Ostpolitik19, soutenue par l’OTAN, mais dans la quête de garanties, qui se recoupent, de sécurité de l’OTAN, de l’UE et la Russie. Des garanties de sécurité qui se recoupent et qui assurent que la Russie ne soutiendra pas la Biélorussie contre la Pologne et qui assurent que la Biélorussie ne soutiendra pas la Russie contre la Pologne, par exemple, peuvent contribuer à empêcher une alliance plus étroite entre la Biélorussie et la Russie.20.

Ce qui est plus crucial, c’est que l’OTAN et la Russie auront des difficultés à entreprendre une coopération positive en Europe, sauf si les Etats-Unis, la Russie, le Japon et l’UE arrivent finalement à forger une entente globale, et en particulier, à s’efforcer de mettre en application une stratégie commune en ce qui concerne la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, l’Irak, parmi d’autres puissances régionales21. Le problème est que Washington et Moscou ont tendance à lier leurs politiques et leurs actions en Europe avec leurs politiques respectives ailleurs dans le monde, et sont donc souvent incapables d’atteindre un accord en Europe en raison d’activités ayant lieu ailleurs. Le conflit continuel en Afghanistan peut fournir une opportunité de coopération de l’OTAN et de la Russie à travers le Partenariat Pour la Paix (PPP), malgré le fait qu’il y a des signes d’opposition à cette politique de la part du sénat américain. Il est aussi possible que la Chine coopère avec les Etats-Unis et la Russie contre des mouvements d’indépendance ouïgours en Afghanistan22.

Peut-être ce qui est plus important, l’application d’un système national de Défense de Missiles Balistiques (tel que cela a été promis par la prochaine administration de George Bush Jr., c’est à dire comme étant de priorité supérieure et qui pourrait éventuellement être combinée à une autre vague d’élargissement de l’OTAN) pourrait mettre en danger tout progrès positif dans l’amélioration des inquiétudes russes. Ni les européens, ni les russes ne sont prêts à aller au delà du « Anti-Ballistic Missile Treaty », fondé sur le concept de Destruction Mutuelle Assurée; ces états ne croient pas énormément aux panacées militaires et technologiques pour résoudre des problèmes qui sont essentiellement politiques. D’un point de vue européen, la mise en application d’un système américain de Ballistic Missile Defense (BMD), ou un bouclier anti-missile à échelle nationale, est perçue comme un événement potentiellement capable de séparer les Etats-Unis de la sécurité européenne. En ce qui concerne la Russie, l’application d’un système de BMD à échelle nationale peut servir artificiellement à éviter des compromis concertés entre les Etats-Unis, l’UE et la Russie, à propos de disputes géopolitiques.

L’on peut aussi argumenter, que travailler de plus près avec la Russie, afin de renforcer les capacités de mission et d’inspection du Régime de Contrôle de Technologie Missile (MTCR), en association avec une décision du Sénat des Etats-Unis, de ratifier le Traité d’Interdiction de Test Nucléaire Compréhensif (CNTBT), après que le Sénat des Etats- Unis ait au préalable manqué de le ratifier, pourrait au moins aider à mitiger le besoin apparent de déployer des systèmes BMD.

D’autre part, si la Russie et l’UE étaient capables de participer conjointement au développement d’un système BMD régional limité, comme un partenaire égal avec les Etats- Unis, alors une relation plus étroite entre les Etats-Unis, l’UE et la Russie pourrait être établie. La dernière option a été proposée par le président russe Vladimir Putin ; mais a été, jusqu’ici, rejetée par Washington en raison du fait que des percées significatives de technologie BMD (à être partagées par l’UE et la Russie) pourraient être récupérées, à cause de fuites, par de tierces groupes hostiles23. On a plaisanté sur le fait qu’il a été plus facile pour les Etats-Unis de se mettre d’accord avec la Russie qu’avec ses Alliés européens, mais Washington a, jusqu’ici, semblé vouloir garder et maintenir la Russie et ainsi l’Europe à distance des domaines qui impliquent le partage du pouvoir et de la technologie.

Vers une vision alternative

L’administration Clinton n’était pas capable de convaincre la vaste majorité de l’élite russe que l’accroissement du nombre de membres de l’OTAN n’humiliera pas davantage une ancienne grande puissance, et n’accélérera pas directement ou indirectement la désagrégation de la fédération russe elle-même. Cependant, il n’est pas certain que la nouvelle administration Bush Jr. apporte une vision ou une prévoyance plus grande. (L’administration George Bush Sr. a été profondément perplexe devant les questions qui sont du domaine de la « vision thing »). Ce qu’il faut ce n’est pas seulement une prudence restreinte en ce qui concerne la décision pour ou contre l’intervention militaire américaine.24 Mais il faut aussi un engagement diplomatique proactif.

L’accent mis par les Américains (et précédemment par les Européens25) sur la projection de force et sur la gestion de crise, par opposition à la diplomatie préventive et à la prévention de crise, a soulevé la crainte que les crises politiques deviendraient en fin de compte des crises militaires. Ceci est vrai, pas seulement, parce que la nouvelle administration Bush a nécessairement l’intention de mettre l’accent sur des réponses militaires aux crises potentielles, mais parce que des crises prévisibles n’ont pas été traitées assez tôt de façon systémique et systématique, ou parce que d’autres plans stratégiques (comme la question du BMD) peut contribuer à l’obstruction des solutions diplomatiques concertées. On semble avoir oublié qu’à l’origine, l’OTAN avait été crée pour empêcher un conflit avant qu’il n’ait lieu ; la hâte actuelle de développer les capacités de gestion de crise indique que l’OTAN et l’UE prévoient d’entrer dans les crises seulement après leur explosion.

L’appel à une éventuelle candidature russe a l’OTAN et à l’UE, en réponse au discours d’Aachen du président Clinton, est venue d’une source inattendue. Zbigniew Brzezinski a soutenu qu’ « …il est crucial que l’Occident signale de façon claire que l’agrandissement continue de l’UE et de l’OTAN n’exclut pas a priori la possibilité de la participation éventuelle de la Russie. Malgré le fait que le président Clinton a donné un tel signal à l’occasion de son discours de Charlemagne à Aachen en juin 2000, il ne parle pas pour l’OTAN. Une déclaration formelle à cet effet devrait être faite, peut-être de façon conjointe par les deux organisations. »26

Bien que paraissant défendre la candidature de la Russie à l’OTAN, Brzezinski a, cependant, averti que « l’initiative de président Clinton d’inviter la Russie à joindre l’UE et l’OTAN a donné davantage d’urgence à la tâche d’agrandir les deux institutions. En fait, il est totalement irréaliste, et même risqué, d’envisager l’inclusion de la Russie dans l’une ou l’autre des structures sans l’inclusion entière et préalable (insistance de ma part) de l’Europe centrale. Il est aussi irréaliste, et même risqué, d’envisager de retarder l’adhésion totale de l’Europe centrale jusqu’à ce que la Russie accorde sa permission ou opte elle-même pour l’Europe. Cela reviendrait à donner à la Russie un veto, avec l’effet probable de stimuler les aspirations géopolitiques du Kremlin en ce qui concerne les Etats Baltes et l’Ukraine…. En effet, la volonté de la Russie d’accepter l’expansion plus à l’est de l’OTAN, en particulier des Etats Baltes, est un test décisif pour tout choix déclaré par Moscou en faveur d’une connexion européenne et transatlantique27.

Ici, l’argument de Brzezinski est fondé principalement sur la nature de la définition d’inclusion « entière » dans l’UE et dans l’OTAN. Ces deux organisations qui sont dans le processus de changer les standards et les règles de « totale » adhésion. L’adhésion de la Russie et des Etats Baltes à l’OTAN et à l’UE peut être réalisée une fois que les Etats Baltes auront reçus des garanties de sécurité, conjointes ou qui se recoupent, de l’OTAN, de l’UE et de la Russie sous les auspices du Conseil de Partenariat Euro-Atlantique (CPEA) et une fois que la Russie sera intégrée dans un tel système d’accords de sécurité mutuelle et qui se recoupent. De plus, on devrait accorder plus qu’un statut spécial de l’UE comme Brzezinski28 l’a suggéré justement, cela devrait aussi devenir un quartier général pour le Conseil de Partenariat Euro- Atlantique de la Russie, de l’OTAN et de l’UE. Ces deux mesures contribueraient donc à l’acceptation de la Russie comme une nouvelle forme de membre « entier » de l’OTAN et de l’UE29.

En d’autres termes, Kaliningrad, en tant que point de rencontre significatif entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest, devrait recevoir un rôle géo-économique et géostratégique fondamental dans l’effort de relier l’OTAN, l’UE et la Russie en une relation concertée qui contribuerait, au minimum, à stabiliser les frontières européennes de la Russie et ainsi fournir une base pour continuer indirectement le long et difficile processus de démocratisation. Faire de Kaliningrad l’un des quartiers généraux du CPEA représenterait par conséquent un pas vers la consolidation des relations de la Russie avec l’OTAN et l’UE, en même temps que l’OTAN (des seize membres d’origine ) et l’UE (comme une coalition des membres « core » ou volontaires de base) resterait dans l’arrière-plan capable d’intervenir pour protéger les états d’Europe centrale et orientale en cas de conflit et de guerre civile.

Au lieu de chercher à intégrer tous les nouveaux membres dans une structure simple de commandement, comme l’implique l’adhésion « totale » traditionnelle, l’OTAN (travaillant à travers le partenariat pour la paix) devrait, par conséquent, s’efforcer de créer une Communauté de Sécurité et de Défense d’Europe Centrale et Orientale intégré militairement, sous le commandement du CPEA. La création d’une Communauté de Sécurité et de Défense d’Europe Centrale et Orientale incorporerait tous les états membres de l’UE ainsi que les états non membres de l’UE et de l’OTAN comme faisant partie d’un système de sécurité incluant plusieurs protagonistes. Les nouveaux membres de l’OTAN (Pologne, République Czeck et Hongrie) pourraient prendre le devant dans la formation d’une telle communauté. En essence, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, et la France chercheraient à coordonner leur force de dissuasion nucléaire dans l’arrière-plan, dans une coopération stratégique avec la Russie. L’OTAN, l’UE et la Russie pourraient alors travailler ensemble pour développer un système BMD régional limité pour défendre cette nouvelle communauté de sécurité.

Une communauté de défense et de sécurité de l’Europe de l’Est et de l’Europe orientale impliquant le déploiement de forces euro-atlantiques de prévention de guerre, de différentes nationalités acceptables par tous les parties) devrait aussi contribuer à contrebalancer les pressions et l’influence de la Russie et de l’Allemagne en Europe centrale. D’une part, une telle approche devrait s’efforcer de rapprocher La France du commandement intégré de l’OTAN ; d’autre part, il est possible de faire participer la Russie de façon plus active au CPEA et dans le processus de prise de décision de l’Europe.29 Conclusion

L’OTAN se considère comme une organisation purement de défense ; cependant, sa décision de s’agrandir peut s’interpréter comme une stratégie d’« interdiction stratégique » (par opposition à la stratégie qui vise à obtenir un avantage potentiellement offensif, comme des critiques le soutiennent). En même temps, cependant, malgré le battage médiatique pseudo- Hegelien au sujet de la « fin de l’histoire » la décision de l’OTAN d’étendre son adhésion totale à la République Tchèque, la Hongrie et la Pologne représente un profond plongeon dans le passé ; malheureusement cela nous rappelle beaucoup le dicton discutable forgé par Halford MacKinder selon laquelle « celui qui gouverne l’Europe de l’Est commande la Coeur de l’Eur-Asie… ».

Simultanément, l’élargissement de l’UE pourrait ne plus être perçu comme une alternative positive par Moscou. D’autre part, l’UE semble être engagée, avec l’OTAN, dans une extension non-coordonnée, presque compétitive, pour obtenir de l’influence en Europe centrale et orientale, ce qui pourrait éventuellement servir les intérêts de la Russie en lui permettant de jouer avec les intérêts européens et américains ; d’autre part, l’UE pourrait, comme l’OTAN, devenir un club exclusif réservé seulement à certains membres européens.

L’ironie qui se dégage ici est que l’UE est généralement réticente à inclure des états qui, pour le meilleur ou pour le pire, ont eu une relation avec l’Europe, comme la Russie ( et la Biélorussie et l’Ukraine), sans omettre la Turquie ( ancien Empire Ottoman). L’UE contemporaine n’est pas cadrée de façon aussi floue que le concert de l’Europe du 19ème siècle, concert qui incorpora la Russie et l’Empire Ottoman comme membres (ce dernier après la guerre de Crimée). Des états principaux dans les perspectives françaises, britanniques et allemandes ont tendance à diverger en ce qui concerne savoir comment traiter avec la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Turquie, parmi d’autre états, et s’il faut ou pas inclure ces états comme membres. L’UE gouverne et l’acquis communautaire devrait être, par conséquent, assez flexible pour faire face à une nouvelle situation géo-économique postérieure à la Guerre Froide, des relations spéciales entre nouveaux membres, tels que la Pologne avec Kaliningrad de la Russie, la Biélorussie, et l’Ukraine, par exemple. Si la vision à long terme du futur de l’UE n’est pas cohérente, il s’avérera impossible de formuler et de maintenir un PECSD concerté, capable de soutenir les intérêts européens en travaillant à la fois avec Moscou et Washington.

La question clé soulevée ici est que l’U et l’OTAN pourraient bien avoir besoin d’estimer à nouveau leurs buts et leurs critères pour l’adhésion à leurs institutions ; tous deux pourraient avoir besoin d’être plus malléables dans leurs relations transfrontalières et dans leurs relations de commerce avec ces états développés de façon irrégulière après le communisme. L’UE doit bientôt trouver une manière de coordonner sa stratégie d’élargissement en relation à la Russie (et la Turquie) en particulier, comme imaginé dans le discours de l’ancien président Clinton. En plus de signaler l’effort d’établir un PECSD, le sommet de Nice de décembre 2000 à aussi avertit la possibilité d’une crise si les deux états principaux de l’UE, la France et l’Allemagne, ne peuvent pas coordonner leur vision du futur: tandis que Bonn a généralement cherché une fédération européenne (fondée principalement sur le modèle fédéral allemand), la France a généralement cherché une formule, plus comme une « Europe unie d’états » que comme « des Etats-Unis d’Europe ».

Cette dernière approche française serait davantage en accord en permettant l’adhésion « totale » de la Russie à l’U que le premier modèle mentionné. Suite à la première vague d’élargissement de l’OTAN et suite à la guerre du Kosovo, l’OTAN et l’UE doivent engager entièrement la Russie dans une nouvelle communauté euro-atlantique de sécurité et économique, incluant des garanties qui se recoupent, de l’OTAN, l’UE et de la Russie (si l’on veut éviter une potentielle réaction brutale de la Russie et d’autres états non- membres de l’OTAN et de l’UE).

Notes

1) Les questions économiques et politiques relatives à l’isolation potentielle des états non membres de l’UE comme une conséquence de l’élargissement de l’UE sont discutées dans le prochain livre, de même que les questions concernant l’adhésion de la Turquie à l’UE. Voir Hall Gardner, « Russia and China in Post-Cold War Transatlantic stratégy : Consensus or Divergence ? » dans Hall Gardner et Radoslava Stefanova, (eds) «The New Transatlantic Agenda : Facing the Challenges of Global Governance » ( Ashgate forthcoming. 2001)

2 )Pour les détails pour la force, European report, No.2546. Novembre 22, 2000.

3) A propos des débats parlemantaires à ce sujet, voir European Report « Defence : European parliament Starts to Debate the EU’s Nascent policy, » No.2538, octobre 25,2000.

4) Ibid.European Report, No.2538,25 octobre 200.

5) Pour la discussion, voir Hall Gardner, Dangerous Crossroads : Europe, Russia and the Future of NATO (Westport, CT : Praeger, 1997), chapter 3.

6) l’amendement de Byrd-Warner, qui a été battu par un vote de 53 contre 47, aurait mis fin au financement des troupes américaines au Kosovo après le premier juillet 2000 et aurait obligé le Président à remplacer les forces de terre des Etats-Unis par des forces alliées. Une proposition similaire avait été faite par George W. Bush Jr., lors de sa campagne présidentielle en octobre 2000, une option rapidement dénoncée par le Vice président al Gore de même que par le Secrétaire d’Etat Madeleine Albright.

7) European Report, « EU/Russia : Where are the Next Steps » No.2541, November 4, 2000

8) Pour les problèmes de sécurité relatives à Kaliningrad, voir Stanley Kober, CATO Foreign policy Briefing No.46, 11 February 1998. Voir aussi Hall Gardner, Dangerous Crossroads, op.cit., 57.

9)    « Leader of U.S. Poles Initiâtes bloc in Support of Lithuania’s Nato entry » Baltic

News Service, 18 May 2000.

10 ) Mr. Jan Nowak-Jezioranski a cité dans « Leader of U.S. Poles Initiales Bloc in Support of Lithuania’s NATO Entry » Baltic News Service, 18 May 2000.

11)   Senator Jesse Helms « Towards a Compassionate Conservative Foreign Policy »

Washington DC. The American Entreprise Institute, 11 janvier 2001

12 ) Alexi Arbatov, cité dans « Russian MP warns over NATO Membership Plans »Baltic News Service, 5 juin 2000.( Le traité d’union du 9 décembre 1999 entre la Biélorussie et la Russie avait demandé la création d’un Conseil Supérieur, comprenant les présidents, les premiers ministres et les présidents du corps législatif des deux pays pour coordonner la ligne de conduite politique. I a aussi demandé la création d’une monnaie unique et une politique de taxation d’ici 2005, et une doctrine militaire commune d’ici l’an 2000).

13) La Biélorussie a récemment nommé le Général Vladimir Uskhopchik, suspect dans l’effort de renverser l’administration légitime de la Lituanie en 1991, au poste de vice- Ministre de la Défense. La lituanie a, par conséquent, avertit que la nomination pourrait endommager les relations entre les deux pays. « Belarus Seeks to Prevent Lithuania’s NATO membership-Polish Daily » Baltic News Service,Warsaw, Septembre 7, 2000).

14) Cité par Paul Goble, « Another Precedent From Kosova ? » RFE/RL Newsline Vol. 4,No.218 Part II, 9 novembre 2000. La déclaration de Vike-Freiberga semble indiquer que la guerre de l’OTAN au Kosovo aurait peut-être établi un troisième précédent en plus 1) du précédent établi par l’implication de l’OTAN dans ce que l’OTAN appelle elle-même comme une guerre civile 2) des peurs de la Russie de voir l’OTAN intervenir dans ses affaires internes ou celles de ses alliés.

15) La guerre du Kosovo pourrait établir un précédent impliquant une quatrième variation sur le même sujet : des liens stratégiques proches entre les nouveaux (ou anciens) états membres de l’OTAN et leurs voisins non membres de l’OTAN ( liens qui pourraient être consolidées par l’adhésion de ce dernier à l’UE ) pourraient mener les nouveaux (ou anciens) membres de l’OTAN à insister sur le fait que l’OTAN doit fournir un soutien militaire ou intervenir dans les zones ne faisant pas partie de l’OTAN en accord avec le principe de « défense collective d’intérêts » par opposition à « une défense collective de territoire ». Voir Hall Gardner, « The Genesis of NATO Enlargement and of War « over » Kosovo» dans Hall Gardner ( ed.) Central and Southeastern Europe in Transition ( Westport, CT : Praeger, 2000).

16) Pour des commentaires à propos d’un accord secret contre l’UE, voir « Kaliningrad Neighbors Calmly Assessing US Press report of Nukes Redeployed », Baltic News Service, 3 janvier 2001. On a prétendu que ce sont des missiles Tochka-M terre-terre et qu’ils ne doivent pas être utilisés comme des torpédos ; leur portée est limitée à 15-70 km miles ; donc toute cible potentielle pourrait être frappée par des missiles basée sur le continent russe.

17) Voir, par example, Gennady Sysoyev, Kommersant , 4 mars 2000, cité dans Current Digest of the Post Soviet Press,Vol.52, No 10 ( 2000), 22.

18) Le discours du Président Clinton à Aachen, 2 juin 2000

19) A propos de la Ostpolitik polonaise, voir Sherman W . Garnett, « Poland : Bulkwark or Bridge ? » Foreign policy 102, Spring 1996.

20) Voir Hall Gardner, Dangerous Crossroads, op. cit. 153.

21) Pour une perspective similaire qui défend la coopération russo-américaine contre les Talibans en Afghanistan, le réalignement occidental éloigné du Pakistan et vers l’Inde, le réalignement russe éloigné de la Chine, la coopération dans le domaine de défense stratégique et le développement d’une procédure pour que la Russie obtienne un vote à l’OTAN qui serait moins qu’un vote mais plus qu’une simple voix, comme un pas vers l’adhésion » totale » à l’OTAN. Voir Ira Strauss, « NATO,Go East » National Review, 11 aout 1997, 41.

22) Ahmed Rachid, « The Hard Road to Revenge » Far Eastern Economic Review,7 décembre 2000.

23) Ce serait extrêmement stupide de partager des défenses avec Moscou si cela est récupéré suite à des fuites par les états mêmes que l’Amérique défend, ou cela transfère délibérément des technologies d’armes à ces mêmes états ». Condoleezza Rice, Op-Ed « Exercising Power without Arrogance », Washington File, 3 janvier 2001.

24) Cette option politique pouvait être remarquée au vu de la réticence du Général Colin Powell à être impliqué dans les crises de la Bosnie ou de l’Irak avec le Koweït, pendant l’administration Bush Sr.; Colin Powell est maintenant Secrétaire d’Etat sous la Présidence de George Bush,Jr.

25) La Suède a déclaré qu’en janvier 2001 elle ferait de la prévention des conflits un des objectifs principaux de sa présidence de l’Union Européenne.

26) Zbigniew Brzezinski, « Living with Russia » The National Interest ( Washington, DC : Fall 2000)

27) Brzezinski, po.cit.

28)  Voir Hall Gardner, Dangerous Crossroads, op.cit.

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