L’EVOLUTION DE LA QUESTION PALESTINIENNE

Maître Elie HATEM : Avocat au Barreau de Paris et près de la Cour Pénale Internationale
Officier dans l’Ordre du Cèdre
Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques
Docteur en Droit

Résumé :

Le Président américain a proposé un projet de règlement du conflit israélo-palestinien qu’il surnomma « le deal du siècle ». Cette initiative plus mercantile que politique propose d’offrir une cinquantaine de milliards de dollars aux Palestiniens en contre partie de leur acceptation du fait accompli : la sauvegarde des colonies israéliennes en Cisjordanie et de Jérusalem comme capitale, le passage de la vallée du Jourdain sous souveraineté israélienne, l’abandon du droit des réfugiés palestiniens, déportés de leurs terres, au retour, la démilitarisation de l’Etat palestinien…

Déconnectée de la réalité sur l’évolution du conflit israélo – palestinien, la communauté internationale n’a pas fait preuve d’une grande réactivité à l’égard de cette proposition irréaliste. Mais certains pays arabes, attirés par le projet politique sioniste au Proche et au Moyen – Orient avec ses aspirations confessionnalistes et communautaristes qui servent leurs intérêts, y ont apporté un timide soutien tandis que les Palestiniens l’ont rejeté ainsi que les autres pays arabes où les communautés chrétiennes sont influentes politiquement.

Ces travaux reviennent sur l’origine et l’évolution de la question palestinienne pour expliquer ces positions et rectifier l’image que les médias tentent de forger relativement à ce sujet.

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Summary :

The American President has proposed a settlement of the Israeli-Palestinian conflict which he dubbed « the deal of the century ». This proposal seems more mercantile than a political initiative, proposing to offer fifty billion dollars to the Palestinians in return for their acceptance of the « fait accompli »: the safeguarding of the Israeli settlements in the West Bank and of Jerusalem as capital, the passage of the Jordan Valley under israeli sovereignty, the abandonment of the rights of Palestinian refugees, deported from their lands, on return, the demilitarization of the Palestinian State …

Disconnected from the reality on the evolution of the Israeli-Palestinian conflict, the international community has not shown great responsiveness to this unrealistic proposal. But certain Arab countries, attracted by the Zionist political project in the Near and Middle East with its confessionalist and communitarian aspirations which serve their interests, brought timid support to it, while the Palestinians rejected it as did the other Arab countries where Christian communities are politically influential.

This article returns to the origin and the evolution of the Palestinian question, explaining these positions and correcting the image that the media are trying to forge regarding this  subject.

Traiter du conflit israélo – palestinien a de tout temps suscité des réactions démesurées aussi bien de la part de ceux qui soutiennent les Palestiniens que de ceux qui soutiennent les Israéliens. Ce sujet est devenu encore plus délicat à évoquer en France raison de l’assimilation de toute critique du sionisme à de l’antisémitisme. Et pourtant, le sionisme est de plus en plus remis en cause par des personnes de religion juive, aussi bien séfarades, juifs arabes (donc sémites) qu’ashkénazes (qui n’ont pas nécessairement d’ascendance sémite). Par ailleurs, faut-il rappeler que le sionisme était un courant politique minoritaire, combattu par la plupart des communautés juives dans le monde ? Que le premier congrès sioniste mondial devait se tenir initialement à Munich et qu’il a été déplacé à Bâle, en Suisse, en raison des troubles que les Allemands de religion juive allaient provoquer si cette manifestation s’était tenue en Allemagne[1] ?

Ce n’est qu’à l’issue de la Seconde guerre mondiale que ce mouvement a réussi à s’implanter au sein des communautés juives, en exploitant les horreurs commises par les nazis durant cette période de l’histoire pour parachever son projet politique[2] : le remplacement d’une population par une autre, en procédant progressivement à une immigration de communautés de religion juive et à la déportation des autochtones[3]. Les premières victimes du sionisme sont donc les communautés juives et non pas les Palestiniens[4].

En effet, les sionistes ont instrumentalisé la peur et le désarroi des Européens de religion juive pour les retirer de leurs pays et faire germer chez eux un sentiment d’allégeance à un Etat fort, situé au Proche-Orient[5], appelé à les défendre au cas où une nouvelle hystérie politique, surtout européenne et occidentale, chercherait à les attaquer[6]. Cette initiative est compréhensible dans l’absolu, avec les données historiques dont nous disposons actuellement sur les méandres de la Seconde guerre[7]. L’attitude des pays occidentaux qui n’avaient le choix, lors de la proclamation de l’Etat d’Israël, que de reconnaître cette entité pour se faire pardonner ce qu’on leur reprochait durant la guerre, est tout autant compréhensible. Néanmoins et compte tenu de la remise en cause du sionisme par bon nombre d’Israéliens[8] et d’individus de religion juive dans le monde[9], de leur condamnation du sionisme qui n’est qu’un courant politique fondé sur une idéologie pseudo-nationaliste exacerbée et racialiste qui a provoqué une catastrophe[10] à tout un peuple mais aussi aux communautés de religion juive, les Occidentaux et une large partie des pays arabes à majorité musulmane qui sont en phase de normalisation avec Israël font preuve soit d’une ignorance de la réalité de ce conflit, soit d’une complicité des exactions commises par cet Etat et ses dirigeants.

La vidéo, largement diffusée dans les médias, d’un citoyen américain malmené et tué par un policier aux Etats – Unis a ému l’opinion publique mondiale. Et pourtant, les Palestiniens subissent quotidiennement des traitements aussi inhumains, sur leur propre territoire. Non seulement les combattants ou les suspects sont arrêtés mais les civils et les religieux, tel un prêtre orthodoxe traîné par terre à Jérusalem dont les images n’ont pas bénéficié de la même publicité  que celle de George Floyd qui est devenu le symbole des victimes d’actes racistes[11] et des violences policières.

Dans un article du Figaro du 12 mai 2014, Cyrille Louis souligne à ce sujet : « Pneus crevés, graffitis blasphématoires ou racistes, évêque menacé de mort: l’Église catholique de Terre sainte a haussé le ton ce week-end après la récente série d’actes antichrétiens, mais aussi antimusulmans, perpétrés à Jérusalem ainsi que dans le nord d’Israël. Ces dégradations, imputées à des extrémistes juifs, «empoisonnent l’atmosphère de coexistence et de coopération, tout spécialement à deux semaines de la visite du pape François», a déploré Mgr Fouad Twal. «Le gouvernement doit s’inquiéter parce que cela nuit à l’image d’Israël à l’étranger», a en outre estimé le patriarche latin de Jérusalem, qui dénonce la passivité de l’État hébreu et l’impunité dont bénéficient, selon lui, les fauteurs de troubles. (…) Selon le décompte opéré par la police israélienne, plus d’une vingtaine d’actes antichrétiens ou islamophobes ont été perpétrés depuis le début de l’année. L’église de Tagbha, édifiée à l’endroit où Jésus aurait multiplié les pains, a été profanée fin avril. Peu auparavant, des vandales avaient tenté de mettre le feu à une mosquée d’Umm al-Fahm. À Nazareth, l’évêque Giacinto-Boulos Marcuzzo a reçu une missive le menaçant de mort tandis qu’à Jérusalem, le graffiti «Mort aux Arabes, aux chrétiens et à tous ceux qui haïssent Israël», a été inscrit sur un édifice propriété du Vatican ».

Les Occidentaux, y compris les Américains, ignorent – ils cette situation ou manifestent-il une hypocrisie non seulement à l’égard des Palestiniens mais aussi des Chrétiens d’Orient qu’ils sacrifient au profit de médiocres calculs ? Comment prétendent – ils être hostiles au racisme, être défenseurs de la laïcité et de la démocratie, tout en soutenant un régime qui tolère la ségrégation contre une catégorie de ses citoyens, les Falachas, et instaure une ethnocratie qui privilégie certaines communautés par rapport aux autres, depuis la loi du 19 juillet 2018 ?

Le Président américain, Donald Trump, s’est récemment contenté de brandir l’évangile dans la main quelques mois après avoir proposé un projet de règlement du conflit israélo-palestinien, de la manière dont on traite une transaction commerciale. Il a d’ailleurs surnommé cette initiative, dépourvu de tout réalisme, le « deal » du siècle. Ce projet porte particulièrement atteinte aux intérêts des communautés chrétiennes alors que le Président Trump prétend être une figure chrétienne, défenseur de la chrétienté.

Loin des clichés et de la propagande médiatique, il convient de rappeler la nature de ce conflit que les puissances occidentales semblent oublier, en retournant à ses origines et en examinant son évolution politique depuis la fin du XIXème siècle à nos jours. La question palestinienne ne se résume pas à un conflit entre les Israéliens de religion juive et les Palestiniens de religion musulmane, dirigés par une organisation classée « terroriste » – le Hamas– comme cela tend à être démontré d’une manière évidente et que, par conséquent et compte tenu de l’émergence de l’islamisme dans le monde, il faudrait soutenir une partie des protagonistes contre les autres.

La question palestinienne oppose, en réalité, deux nationalismes diamétralement opposés : le sionisme qui a conduit à la création de l’ethnocratie israélienne et le nationalisme palestinien qui prône un Etat laïc avec une société multiconfessionnelle (I).

L’instrumentalisation de la religion à des fins politiques encouragée par Israël et conduisant à l’émergence du Hamas a-t-elle modifié ce combat nationaliste palestinien, inspiré de la lutte et de la résistance contre l’occupant? (II)

Les développements qui suivent tenteront d’y apporter quelques éléments de réflexion.

I- L’émergence du nationalisme palestinien :

A l’instar de l’ensemble des pays du Proche – Orient, à l’exception du Mont-Liban qui a bénéficié d’un statut particulier, la Palestine fit partie de l’Empire ottoman depuis 1516. Sa population était composée de populations d’origines et de religions diverses, comprenant notamment des juifs arabes qui se sont mélangés aux juifs autochtones voire aux séfarades qui s’y étaient installés au cours du XVème siècle, après avoir quitté l’Espagne.

Dès la deuxième partie du XIXème siècle, des émigrés ashkénazes vinrent progressivement s’ajouter à cette mosaïque sans provoquer, dans un premier temps, aucun soupçon ni de réaction de la part des autochtones. La plupart de ces populations venaient de l’Europe de l’Est au cours des conflits qui ont surgi, à cette période de l’histoire, au sein des pays de cette région du monde conduisant certains Ashkénazes à emprunter le chemin de l’exil soit vers l’Amérique, soit vers les pays de l’Europe occidentale, ou encore, comme l’a souligné François

Georgeon dans son livre « Abdulhamid II : le sultan Caliphe »[12], vers la Palestine : «une petite partie cherche à gagner la Terre sainte par la Mer Noire et Istanbul. C’est en 1882 qu’est fondée en Palestine la première colonie agricole par l’organisation nationaliste juive, les Amants de Sion. Elle devait être suivie de beaucoup d’autres, notamment par des implantations soutenues par le baron Edmond de Rothschild». En effet, la fortune des Rothschild contribua à l’achat de terres en Palestine depuis 1880, notamment à Rischon Lezion, bien avant la création officielle de l’Organisation Sioniste Mondiale en 1897.

La première vague d’immigration de populations européennes de religion juive vers la Palestine (« Alya »[13]) a été organisée par un mouvement fondé en Russie, dénommé Bilou. Ce mouvement prônait l’installation de juifs en Palestine, en se donnant un aspect spirituel religieux tout en dissimulant ses objectifs politiques et nationalistes : la création d’un Etat fédérant les différentes communautés juives de la planète. Parmi ceux qui ont participé à cette opération[14] figurait le père de Moshé Sharett[15]. Mais cette émigration et installation de familles juives en Palestine n’avait pas abouti au résultat escompté. Arrivés sur place, ces Bilouïms[16] se mélangèrent aux membres d’un ancien Ychouv, en majorité sépharades[17], avec lesquels ils ont eu des relations très tendues, notamment en raison de leur mode de vie et de leurs cultures totalement différentes mais aussi en raison de leurs discordances de mentalités. En outre, bon nombre de rabbins ashkénazes étaient opposés à cette initiative. Une grande partie des Bilouïms retourna alors en Europe tandis qu’une autre regagna le continent américain. Il a fallu attendre la création d’une autre organisation baptisée « Les Amants de Sion »[18] pour que le projet d’implantation progressif de communautés juives en provenance des pays de l’Est s’intensifie en Palestine, sans que les autochtones n’y prêtent attention d’autant que ce phénomène d’implantation d’émigrés européens de religion juive était facilité par certains gouverneurs ottomans locaux, au cours de cette période de déclin de l’Empire ottoman, rongé notamment par la corruption.

Cette nouvelle organisation, « Les Amants de Sion », avait pour objectif de lutter contre l’assimilation des communautés juives en Europe. Elle s’est répandue au départ en Europe centrale et orientale où la Haskala allait conduire à la dilution des Ashkénazes dans les sociétés européennes, avant de s’étendre à d’autres pays du monde où les communautés juives étaient présentes.

En effet, cette organisation mettait en place un projet politique prônant l’implantation des communautés juives de la planète en Terre Sainte : « le retour vers Sion ». Plusieurs penseurs du judaïsme politique participèrent à la mise en place de ce projet, tel que Moshé Hess, les rabbins Tsvi Hirsh Kalicher et Yéhouda Hay Alkalay, David Gordon, Peretz Smolenekin, Eliezer Ben Yehouda, etc… C’est d’ailleurs ce premier, Moshé Hess[19], qui a esquissé  la création d’un Etat consacré aux juifs, pour éviter leur intégration et leur assimilation aux diverses populations en Europe, dans son livre « Rome et Jérusalem – La dernière question nationale »[20].

« Les Amants de Sion » était le prélude au Mouvement Sioniste Mondial. Cette organisation s’était dotée d’un programme, d’une structure[21] voire d’un hymne[22] pour inciter à un « nationalisme juif » qu’elle favorisa également par l’encouragement au recours à l’hébreu comme langue « nationale », fédératrice des communautés juives, à l’issue de la résurrection de cette langue grâce à Eliezer Ben Yehouda[23].

Une association parallèle fut alors créée par « Les Amants de Sion » pour assurer cet objectif : la résurrection de l’hébreu, « Langue Claire ». De même, une autre association procurait des aides aux « agriculteurs et aux artisans juifs en Palestine »[24]. D’autres organisations participèrent également à l’entreprise menée par « Les Amants de Sion » pour précipiter l’émigration des Ashkénazes en Palestine, à l’instar du Groupe de Varsovie [25]. Un fonds spécial pour assurer l’achat de terres fut également mis en place, en 1884[26], avant la création de l’Organisation Sioniste Mondiale (l’OSM). Mais les dissensions internes au sein des différentes communautés juives regagnèrent très vite Les Amants de Sion . La tendance religieuse y prédomina avant d’être renversée par une tendance laïque prônée par le Bneï – Moshé, une société secrète créée au sein de cette organisation, en 1889, dont les principes et le fonctionnement sont similaires à ceux de la franc-maçonnerie[27], notamment le B’naï B’rith, et dont le nom fait référence au prophète Moïse qui, selon la mythologie biblique, permit l’émigration des Hébreux vers la Terre Promise en s’insurgeant contre ceux qui adorèrent le Veau d’Or et allaient rester en Egypte, en abandonnant le retour à cette terre[28].

Les objectifs du Bnaï – Moshé étaient « d’apporter au peuple juif l’idée de la nécessité de la Terre d’Israël et de ses implantations, de la langue de nos pères et de leurs écrits, du souvenir de nos aïeux et de leur vie ». Cette confrérie œuvra également en vue d’apporter un soutien matériel à tous les juifs qui désiraient aller s’installer en Palestine, mais aussi à renforcer le sentiment nationaliste juif, en inculquant « l’amour d’Israël comme valeur idéologique principale » et en faisant propager l’hébreu dans les communautés juives, palliant le yiddish[29].

L’ensemble de ces mouvements influencèrent les fondateurs de l’Organisation Sioniste Mondiale qui est venue les fédérer. L’OSM[30] ne peut donc pas prétendre être une organisation fondée fortuitement par Théodore Herzl à l’issue de l’affaire Dreyfus en France. En effet, plusieurs auteurs et chercheurs s’accordent à affirmer que cette affaire ne constitua pas la motivation réelle de ce dernier pour le lancement de l’OSM. Ainsi, le Professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem et ancien directeur général du ministère des affaires étrangères israélien, Shlomo Avineri, souligne que « quiconque chercherait dans le journal (de Herzl) -pourtant riche en introspection et fourmillant de références historiques- un quelconque indice de la centralité de l’affaire Dreyfus dans le réveil de l’identité juive (de Herzl), ou son développement vers le sionisme, serait extrêmement déçu ». De même, dans son livre « Essai sur le sionisme »[31], Claude Klein indique que « la réalité est évidemment bien loin de cette fiction », selon laquelle l’affaire Deyfus ait été le déclencheur de l’engagement de Théodore Herzl. Hanté par « la question juive » qui était au centre de débats politiques, particulièrement en Europe centrale et orientale[32], ce dernier a même eu l’idée de convertir les juifs au catholicisme afin de leur permettre de s’assimiler et, de ce fait, de finir avec la question juive. Il avait d’ailleurs écrit au Pape à ce sujet[33].

L’Organisation Sioniste Mondiale accéléra le phénomène d’émigration massive de populations de religion juive vers la Palestine, surtout depuis la colonisation de cette dernière par les Britanniques à l’issue de la Première guerre mondiale.

Ce n’est que tardivement que les Palestiniens se rendirent compte de l’ampleur de ce phénomène[34]. A l’instar de la plupart des peuples occupés par les Ottomans[35], leur priorité était de s’émanciper de ces derniers. L’éveil nationaliste palestinien accompagnait alors le phénomène de l’émergence du nationalisme arabe qui avait pour objectif la lutte contre l’Empire ottoman, avant de devenir un mouvement prônant l’indépendance des pays administrés par la France et la Grande Bretagne qui avaient obtenu, à cet effet, des mandats de la Société des Nations à l’issue du démantèlement de l’Empire ottoman.

Le nationalisme palestinien prit un nouveau tournant, en 1948, lorsque les Palestiniens ont été expulsés de leurs terres et forcés à l’exil au moment même de la proclamation d’une entité étatique par l’Organisation Sioniste Mondiale sur leur territoire, dénommée Israël. La cause palestinienne naquit alors. Elle fut défendue non seulement par les Palestiniens mais  également par l’ensemble des pays arabes.

C’est donc le sionisme qui a permis au nationalisme palestinien de se développer et de se concentrer sur la cause nationale (B) après avoir épousé les idées et différentes doctrines nationalistes qui ont émergé au Proche et au Moyen – Orient, dès la fin du XIXème siècle (A).

            A- L’éveil nationaliste palestinien :

Durant la seconde moitié du XIXème siècle, un courant littéraire et culturel émergea en vue de préserver voire de faire ressusciter la langue et la littérature arabes. D’où son nom « Al Nahda » : la Renaissance ou le Sursaut. Ce mouvement a été créé par deux écrivains chrétiens libanais de confession maronite : Boutros Al Boustani et Nassif Yaziji. Il s’agissait d’une renaissance et d’un réveil culturels mettant en exergue l’arabe comme vecteur culturel unissant les arabophones face au phénomène de « turquisation » mené par les Ottomans, à cette période de l’histoire durant laquelle on assistait au déclin de leur empire. En imposant le turc comme langue mais aussi la culture turque à l’ensemble des populations de l’empire (tenue vestimentaire, etc…), les Ottomans ont réveillé un sentiment paradoxal chez les Arabes : celui de le défense de leur langue et de leur culture arabes, menacées alors de disparition.

Les auteurs et les écrivains appartenant à ce courant ont été pour leur grande majorité chrétiens. Ils ont été influencés par l’Occident : par son développement culturel et par les idées propagées par ses philosophes, notamment par le nationalisme qui se répandait alors dans le continent européen. La plupart d’entre eux ont étudié en Europe ou aux Etats -unis voire émigré vers ces destinations[36]. Certains auraient fait partie de la franc-maçonnerie. Leur opposition à la Turquie et au phénomène de la turquisation, en faisant renaître la langue et la culture arabes, venait en réaction à la tournure islamique que prenait l’Empire ottoman, avant d’être une réaction au mouvement politique des « Jeunes Turcs »[37].

L’expédition de Napoléon Bonaparte en Egypte suivie par la conquête par Mehmet Ali Pacha ont permis à ce pays de sortir de l’emprise ottomane et de côtoyer la modernité occidentale[38]. Le Caire devint alors le lieu où se développa une pléthore de journaux et de médias arabes mais aussi une plate-forme intellectuelle et culturelle à cette « renaissance ».

Parallèlement, les Occidentaux favorisèrent ce courant pour affaiblir davantage l’Empire ottoman[39]. Des orientalistes européens, travaillant sur la littérature et la culture arabes, contribuèrent à ce réveil, de même que les missions culturelles chrétiennes occidentales aussi bien protestantes que catholiques, établies essentiellement au Liban[40]

Ce réveil linguistique et culturel constitua le fer de lance d’un nationalisme arabe conduisant les Ottomans à réprimer ses acteurs notamment à Damas et à Beyrouth[41] où des activistes ont été pendus, avant d’entrer en lutte armée avec les insurgés arabes du Chérif Hussein dans la péninsule arabique. Ce dernier était aidé par Lawrens d’Arabie et par le général Alenby.

Cette répression s’est accentuée sous les « Jeunes Turcs »[42] qui perpétrèrent des massacres contre d’autres populations de l’empire : les Arméniens, les Araméens et les Grecs pontiques[43]. Selon certains auteurs, ces exactions ont été téléguidés par les Dönmeh[44], des Ottomans de culte judéo-musulman[45], qui étaient alors très influents au sein du pouvoir et au sein de ce parti politique[46]. C’est aussi l’une des raisons qui explique les mauvais rapports qui existaient entre les communautés juives et chrétiennes grecque-orthodoxe et melkite[47]. Ces rapports s’étaient particulièrement dégradés depuis l’affaire de Damas relative à l’assassinat d’un moine capucin d’origine sarde, le Père Thomas Calangiano, et de son assistant, Ibrahim Amarach qui était de rite grec – orthodoxe. Ces deux disparurent dans un quartier de Damas, le 5 février 1840. Une enuête fut alors diligentée pour les rechercher, à la demande du Consul de France qui a été alerté de cette disparition. Une rumeur dont la source a été attribuée à des chrétiens grecs orthodoxes circulait, accusant des juifs de les avoir tués d’une manière rituelle (en procédant à un sacrifice humain rituel).

Dans son livre « Jewish Ritual Murders » (meurtres juifs rituels) publié en 1938[48], Arnold Leese, homme politique britannique, relata cette affaire en établissant également cette hypothèse. Leese indique, en rappelant que cette disparition s’est passée dix jours avant la fête de Pourim. Il souligne : « le Consul de France, le comte Ratti-Menton, s’inquiétait et demanda à Chérif Pacha de mener une enquête. Quelques temps après, sept juifs furent arrêtés. Ils avouèrent, certains après avoir été punis de coups de bâtons, avoir assassiné le Père Thomas pour récupérer son sang. Quatre d’entre eux se virent promettre l’amnistie s’ils confessaient toute la vérité ; il s’agissait de Moussa Abou el Afieh qui se convertit plus tard à l’islam, expliquant que cela était nécessaire avant qu’il puisse avouer les crimes des autres juifs ; Aslan Farkhi ; Souleyman, un coiffeur et Mourad el Fathal. Ils avouèrent tout. Seize juifs étaient impliqués et ils furent tous arrêtés. Plusieurs d’entre eux, y compris Mourad el Fathal, Moussa Abou el Afieh, Isaac Arari et Aaron Arari décrivirent comment le sang était nécessaire et avait été collecté de la gorge tranchée de la victime pour être envoyé à un rabbin afin de préparer les pains cérémoniaux (pains azymes). (…) Les restes (du Père Thomas) furent retrouvés où les prisonniers avaient dit qu’ils se trouvaient, c’est à dire dans un conduit d’évacuation fermé. Ces restes furent identifiés par des médecins européens comme étant ceux du Père Thomas ». L’ensemble des accusés furent torturés par les enquêteurs. Deux parmi eux moururent sous la torture. Cette affaire provoqua une réaction populaire à caractère confessionnel à Damas : la synagogue de cette ville fut pillée (à Jobar) et les rouleaux de la Torah détruits. Par ailleurs, ce fait divers a suscité d’importantes réactions internationales ainsi qu’un écho médiatique surdimensionné. Les consuls des puissances rivales de la France, à l’instar du consul autrichien, mais aussi les Rothschild ainsi que Moïse Montefiore, un puissant financier britannique de confession israélite, et Adolphe Crémieux -pourtant de nationalité française- s’en mêlèrent en mettant la pression sur les autorités judiciaires locales en les obligeant à reconnaître l’innocence des accusés. Ces derniers furent ainsi relaxés. Cela accentua la colère des communautés grecques orthodoxe et melkite.

Néanmoins, il convient de rappeler que, durant cinq siècles, l’Empire ottoman tolérait et protégeait l’ensemble des communautés aussi bien musulmanes que chrétiennes et juives. Ces dernières affluèrent vers l’empire, en particulier depuis les persécutions dont elles firent l’objet en Espagne.

Par ailleurs, il n’est pas inintéressant de souligner que la quasi totalité des nationalistes arabes y compris les nationalistes palestiniens, sous l’Empire ottoman, étaient de religion chrétienne de rite grec-orthodoxe ou de rite melkite, à l’instar de Francis Marrache[49] qui était épris de la France et de sa culture. Prédécesseur d’Antoun Saadé[50], il a été le premier à faire une distinction entre la notion de patrie et celle de nation, ce qui l’a conduit à distinguer « la Grande Syrie » en tant que nation des autres nations arabophones. Marrache avait aussi mis l’accent sur la langue comme facteur essentiel des constructions nationales, mais aussi comme pouvant contrebalancer les différences religieuses et sectaires existantes au sein des populations qui se trouvaient au sein de l’Empire ottoman. Les Ottomans définissaient ces groupes sociaux comme des nations ou des communautés socio-culturelles, ethniques ou confessionnelles : des millets[51].

A l’instar de Francis Marrache mais surtout sous l’influence des idées d’Antoun Saadé[52], le Professeur d’histoire palestinien, Hisham Sharabi[53], était aussi un défenseur de « la Grande Syrie »[54]. Ce courant nationaliste pansyrien, né beaucoup plus tard après la mort de Marrache, était hostile au nationalisme arabe. Il a été créé et théorisé par Antoun Saadé[55], un chrétien libanais de rite grec-orthodoxe, qui considérait que la nation « résulte d’une alliance entre un groupe humain et une terre », nonobstant les facteurs linguistiques, ethniques ou religieux. Par conséquent, la « nation syrienne », constituée de la Syrie contemporaine, du Liban, de l’Irak, d’Israël, de la Palestine, de la Jordanie, d’une partie de la Turquie et Chypre[56](le « Croissant fertile »), ne peut pas être confondue avec d’autres nations arabes ou arabophones, notamment les pays arabes du Golfe, l’Egypte ou les pays du Maghreb[57].

Le « pansyrianisme »[58], très anti-communiste, anti-marxiste et opposé à toute forme d’internationalisme nationaliste ou révolutionnaire, plaidait aussi et surtout pour la laïcité ou, pour être plus exacte, pour la « sécularité », expression plus appropriée bien qu’elle soit à connotation anglaise, ainsi que pour la séparation du politique et du religieux avec une interdiction faite aux membres du clergé de s’ingérer d’une manière ou d’une autre dans les affaires politiques[59].

La laïcité prônée par ce mouvement et son rejet des facteurs ethniques et religieux dans l’édification des entités nationales le rapprochent du nationalisme arabe (ou « panarabe ») qui émergea entre la deuxième moitié du XIXème et le début du XXème siècle.

A ce sujet, il convient de rappeler les idées développées par l’une des grandes figures qui ont permis à ce mouvement de voir le jour : celles de Najib Azoury[60], un haut fonctionnaire palestinien de l’Empire ottoman en fonction à Jérusalem[61] avant de prendre le chemin de l’exil à Paris pour échapper à la répression ottomane en raison de ses positions nationalistes. Défenseur d’un Etat arabe indépendant, il réclama la sécession des peuples arabes de la Turquie ottomane et l’établissement d’un « empire panarabe » dans lequel la religion sera définitivement séparée de l’Etat[62]. Il appela également les autres peuples opprimés de l’Empire ottoman à se révolter.

Comme la plupart des nationalistes arabes, inspiré du mouvement Al Nahda mais aussi des idées nationalistes développées en Europe notamment par Maurice Barrès, son mentor[63], Najib Azoury développa sa conception du nationalisme arabe.

Par « nation arabe », il entendait une nation fondée sur un dénominateur linguistique et culturel commun, hérité de la période qui a précédé la conquête ottomane, sans la prise en considération des origines ethniques ni des diversités religieuses de la mosaïque orientale. En effet, la majeure partie des arabophones de l’époque, qui se trouvaient au Proche et au Moyen – Orient sous l’Empire ottoman, était constituée de populations d’origine non – arabe : Assyriens, Chaldéens, Hébreux, Cananéens, Grecs, Croisés d’origine européenne, Perses arabisés[64], Egyptiens, Phéniciens, etc… L’ensemble de ces populations se sont croisés entre elles. Curieusement, ceux sont les juifs yéménites et certains chrétiens de Syrie, d’Irak et de Jordanie (contemporains), descendants des Ghassanides et des Lakhmides, qui sont ethniquement les plus proches des Arabes d’antan pour avoir préservé leur ethnicité grâce aux liens endogamiques qu’ils pratiquèrent.

Par ailleurs, avant la conquête ottomane et sous l’influence culturelle arabe, notamment sous les Abbassides, la langue arabe remplaça le grec qui a longtemps été le vecteur linguistique commun de communication entre ces populations, plus que le latin, en laissant subsister les langues locales (assyrien, chaldéen, néo-araméens, syriaque, copte, hébreux, persan, etc..).

Ainsi donc, pour Najib Azoury comme pour d’autres nationalistes de son époque, l’arabe permettait à  ceux qui le parlaient de se différencier des Turcs et de créer un Etat détaché de l’Empire ottoman, étendu « dans les limites de ses frontières naturelles, depuis la vallée du Tigre et de l’Euphrate jusqu’à l’isthme de Suez, et depuis la Méditerranée jusqu’à la mer d’Oman. Il sera gouverné par une monarchie constitutionnelle et libérale avec un sultan à la tête ». Azoury mit également l’accent sur l’importance de la modernisation et sur la nécessité d’établir des liens forts avec l’Europe, tout en sauvegardant une autonomie culturelle et politique arabe pour éviter d’importer en Orient les rapports conflictuels qui surgissaient alors entre les empires du continent européen. Il appela à privilégier ces liens avec la France qui devra jouer un grand rôle au Proche et Moyen – Orient.

En effet, Azouri était influencé par le nationalisme français qui est à caractère culturel. C’est à Paris qu’il lança un mouvement politique nationaliste dénommé « Ligue de la Patrie Arabe »[65]. Ce mouvement eût comme objectif la libération des populations arabes des Ottomans : « Rien n’est plus libéral que le programme de la Ligue : la patrie arabe. Elle veut, avant tout, séparer, dans l’intérêt de l’Islam et de la nation arabe, le pouvoir civil d’avec le pouvoir religieux (…) Elle [la nation arabe] respectera les intérêts de l’Europe, toutes les concessions et tous les privilèges qui lui ont été accordés par les Turcs jusqu’à ce jour. (…) Elle offre le trône de l’Empire arabe au prince de la famille du khédiviale d’Égypte qui se prononcera ouvertement pour elle et qui dépensera son énergie et ses ressources dans ce but. (…) La patrie arabe offre aussi le califat religieux universel, sur tout l’Islam, au chérif (descendant du Prophète) qui embrassera franchement son parti et se consacrera à cette œuvre. (…) Ainsi, son pouvoir sera universel ; de sa résidence il gouvernera moralement tous les Musulmans de l’univers qui accourront en pèlerinage aux sanctuaires de Mohamed »[66].

Les idées nationalistes de Najib Azoury ont été surtout développées dans son livre « Le Réveil de la Nation arabe » rédigé et publié à Paris en 1905 aux éditions Plon – Nourrit et Cie. Les idées et l’analyse développées dans cet ouvrage sont inspirés de la méthode de l’empirisme organisateur de Charles Maurras et du positivisme d’Auguste Comte. En expliquant et en délimitant la « nation arabe dans l’Asie turque en présence des intérêts et des rivalités des puissances étrangères, de la curie romaine et du patriarcat œcuménique : partie asiatique de la question d’Orient et programme de la Ligue de la patrie arabe »[67], il rappela qu’ « avant l’oppression ottomane, cette nation était la plus grande nation de l’Empire » et qu’il s’agissait de la restaurer.

Par ailleurs, il publia, trois ans plus tard, une revue afin d’expliquer le problème arabe aux puissances européennes, intitulée « L’indépendance arabe ». Cette revue aurait été financée par le ministère français des affaires étrangères[68].

Progressivement, Azoury se rendit compte des visées sionistes en Palestine. En sus de la nécessité d’émanciper les populations arabes de l’Empire ottoman, il alerta l’opinion du danger sioniste[69] et prédit des altercations entre Arabes et Juifs. Selon lui, il existait deux mouvements nationalistes avec des fondements contradictoires. D’une part, le réveil nationaliste arabe, culturel, laïc et linguistique sans la prise en considération des facteurs religieux ou ethniques et, d’autre part, celui des sionistes qui cherchent à construire une identité nationale fondée sur la « judéité », en mélangeant la religion à l’ethnicité. Ces deux visions et ces deux groupes entreront en conflit sans qu’un groupe ne saura vaincre l’autre : « deux phénomènes importants, de même nature et portant opposés, (…) se manifestent en ce moment dans la Turquie d’Asie : ceux sont le réveil de la nation arabe et l’effort latent des Juifs pour reconstituer sur une très grande échelle l’ancienne monarchie d’Israël. Ces deux mouvements sont destinés à se combattre continuellement jusqu’à ce que l’un d’eux l’emporte sur l’autre. Du résultat de cette lutte dépendra le sort du monde entier »[70].

Au delà de la lutte contre les Ottomans prônée par les nationalistes arabes, cette prise de conscience du danger que présentait l’immigration de populations de religion juive en provenance des pays de l’Est de l’Europe et leur installation en Palestine a vite été partagée par d’autres penseurs nationalistes palestiniens, pour la quasi-totalité de confessions chrétiennes, à l’instar de Khalil Sakakini, Issa el-Issa, Najib Nassar, Georges Antonius, etc…

De confession grecque – orthodoxe, célèbre pour son nationalisme arabe, Khalil Sakakini est l’auteur d’un ouvrage consacré à la réforme de la communauté grecque – orthodoxe arabophone intitulé « la Renaissance orthodoxe en Palestine » qu’il publia en 1913 avant de rejoindre la révolte menée par le Chérif Hussein, dont il a écrit l’hymne. Éminent journaliste[71] et fondateur de plusieurs écoles[72], il partagea son combat entre la libération des populations arabes de l’emprise ottomane et la lutte contre le sionisme dont il réalisa le danger.

De la même confession que lui, Issa Al-Issa, était journaliste, fondateur du célèbre journal « Falastine ». Cette publication était d’abord centrée sur les Grecs-orthodoxes de Palestine avant de devenir le média de référence du nationalisme arabe de l’époque. Les cousins de Issa Al-Issa, les frères Youssef et David Issa[73], le rejoignirent. Ce dernier créa le premier club arabe orthodoxe à Jaffa, en 1924.

Les Issa étaient fondamentalement opposés au sionisme et au projet d’implantation d’émigrés de confession juive et d’origine non-ottomane sur la terre de Palestine. Ils alertèrent l’opinion publique à ce sujet et critiquèrent les autorités ottomanes locales qui permettaient ce phénomène de prospérer, ce qui leur causa de sérieux problèmes judiciaires allant jusqu’à la suspension de leur publication, aussi bien par les Ottomans que par les Britanniques, à cause des interventions sionistes à cet effet[74].

Par ailleurs, un autre journaliste et penseur palestinien, également de confession grecque – orthodoxe, Najib Nassar, consacra un ouvrage au sionisme, publié en 1911, intitulé « Sionisme : son histoire, objectif et importance »[75]. Après avoir alerté ses compatriotes et l’opinion publique sur le danger de l’implantation de communautés juives sur la terre de Palestine, en s’appropriant d’une manière anormale de grandes parcelles de terrains, dans ses articles et ses pamphlets qu’il publiait dans la journal Al Karmel[76], il a effectué des recherches approfondies sur le sionisme[77] qu’il décrivit dans cet ouvrage comme « un mouvement raciste ayant pour objectif le remplacement des Palestiniens en Terre Sainte »[78]. Il a, de ce fait, été le précurseur de la résolution résolution 3379 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, le 10 novembre 1975[79].

Plus tard, en 1914, il indiqua dans son journal Al Karmel, que « le sionisme est un grand danger pour la Palestine et ses habitants ainsi que pour la nation arabe. Si les Palestiniens en particulier et les Arabes en général restent les mains croisées et endormis (…) sans prendre des mesures pour lutter contre cette menace, les sionistes continueront à s’étendre de plus en plus en toute impunité. Ils vont acquérir ferme après ferme, terrain après terrain, en chassant les habitants et les remplaçant par des immigrants »[80].

En effet, Nassar a expérimenté et constaté de près les visées sionistes pour avoir travaillé dans une agence immobilière appartenant à ce mouvement, la « Jewish Colonization Association », et pour avoir côtoyé de près des sionistes, gagné leur confiance, les conduisant à lui révéler leurs objectifs réels. Cette expérience a éveillé chez lui le sentiment nationaliste arabe. Il alerta alors l’opinion sur les mensonges sionistes qui faisaient croire que leur mouvement n’avait pas un objectif politique[81] et qui communiquaient en faisant une fausse publicité selon laquelle les terrains qu’ils étaient en train d’acquérir étaient inoccupés. Il souligna à ce sujet: « Attention : ces étrangers vont devenir la majorité (…) et ce (pays) sera affligé ! »[82].

Il constata comment les sionistes imposèrent progressivement l’hébreu dans les écoles[83], hissaient le drapeau de leur mouvement sur les bâtiments des immigrés européens ashkénazes, cantonnaient leurs chants à chaque occasion, comment ils établissaient des systèmes judiciaires parallèles illégaux, comment ils fanatisaient la jeunesse[84].

Dans Al Karmel du 22 mai 1914, il relata comment il a rencontré des jeunes achkénazes re religion juive dans la rue, tenant dans leurs mains droites un bouquet de fleurs et dans leurs mains gauches une boîte. Ils demandaient à chaque juif qu’ils croisaient de verser une contribution financière dans cette boîte, en échange d’une fleur qu’ils leur offraient. « Quand j’ai demandé à quoi servait cette collecte d’argent, l’une des jeunes filles me répondit audacieusement que cette collecte d’argent sert à l’achat de terres en Palestine », indiqua-t-il.

Nassar parlait de « fanatisme et racisme sionistes » qu’il avait expérimenté personnellement, tel son témoignage d’un fait troublant qui s’était déroulé devant lui et qu’il rapporta lors du Congrès de Nablous : il a vu des sionistes déguisés en gendarmes forçant certains paysans à vendre leur terre, avec la complicité des autorités ottomanes qu’il n’hésita pas à dénoncer, ce qui lui coûta la suspension de son journal[85].

De même, le 29 mai 1914, il rapporta dans Al Karmel comment un paysan qui aurait volé 20 graines de semence d’orange a été attrapé et fouetté sauvagement par des sionistes sans la moindre réaction des autorités ottomanes. Dans cet article, il lança un appel à ces dernières, celles  de Jaffa et de Jérusalem, afin de prendre des mesures contre cette justice privée et de constater de leurs propres yeux les marques de fouets sur le corps de ce paysan. Il souligna dans cet appel : « il est vrai que certains (sionistes) sont des citoyens ottomans, mais jusqu’à quand ? Leur fidélité à l’empire ottoman est sélective. Ils apprécient les fonctionnaires qui leur rendent service mais détestent les « officiels » honnêtes et patriotiques comme le quaïm – makam de Nazareth ».

Nassar dénonça nommément des hauts fonctionnaires ottomans locaux qui permirent l’installation de ces immigrés de religion juive, venant principalement des pays des l’est : le moutassarif de Jérusalem, Muhdi Bey, celui de Akka[86], les quaïm – makams de Nazareth, Amin Abdallahi, celui de Haïfa, etc…

Après avoir rappelé que « les sionistes ont commencé une guerre économique contre nous, sans armes. Il faut se réveiller et se rendre compte de leurs objectifs et aspirations », en ajoutant dans un autre article « d’éminents auteurs occidentaux ont commencé à se rendre compte de ce dont nous les avons alerté depuis quelques années », il lança des initiatives pour pallier le danger dont il était conscient. Il proposa la mise en place d’institutions financières en vue d’accorder des taux d’intérêts peu élevés aux emprunteurs, permettant aux entrepreneurs mais surtout aux agriculteurs de moderniser et de mieux exploiter leurs possessions, pour éviter la vente de leurs terrains, après avoir fait un constat relatif à cette situation : les paysans palestiniens étaient pauvres, tentés par l’argent que leur proposaient les sionistes. Ces derniers disposaient de fonds colossaux récoltés depuis plusieurs années en vue de réaliser leur projet politique. Le 17 avril 1914, il écrivait dans son journal : « les sionistes savent que l’argent donne un pouvoir que les locaux (les Palestiniens) ne doivent pas obtenir parce qu’il les aidera à préserver leur existence »[87].

Il proposa également la création d’une association arabe pour le rachat de terrains, pour éviter cette hémorragie et appela les chrétiens de Haïfa à créer une organisation identique à l’Organisation Sioniste Mondiale en vue de lutter contre le projet sioniste avec une méthode similaire en vue de le faire échouer[88]. Le 12 juin 1914, il écrit à ce sujet : « si les Palestiniens ne se rendent pas compte et s’ils n’éliminent pas le danger sioniste, ils perdront tous leurs foyers »[89].

Enfin, il faut souligner que, malgré son anti-sionisme alimenté par son désir légitime de sauver la Palestine et les Palestiniens de ce danger, Najib Nassar était admiratif de ce mouvement (le sionisme) qui a été le catalyseur voire l’instigateur d’une mobilisation arabe :  « le sionisme nous a permis de nous réveiller du long silence dans lequel nous avons été plongés depuis des générations » (…) « Nous devons prendre l’exemple sur les sionistes et agir comme eux ; c’est ainsi que le sionisme cessera d’être une affaire dangereuse »[90].

Les idées de Nassar ont largement influencé d’autres théoriciens du nationalisme arabe comme Georges Antonius[91] ou Sati Al Hosri[92] qui ont souligné l’importance de l’argent pour combattre le sionisme. Antonius remarqua que les populations déportées par les sionistes en Palestine grâce à une large propagande effectuée en Europe étaient utilisées comme un bouclier et qu’elles avaient peu d’intellectuels, en comparaison avec les Arabes et les Palestiniens. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui explique la stratégie sioniste d’appauvrir la masse populaire palestinienne en vue de lui réduire ses capacités intellectuelles et culturelles. Quant à Sati Al Hosri, il insista sur l’importance de la culture et conclut sur la nécessité d’éduquer davantage le peuple arabe et palestinien en vue de mener un véritable combat, en le poussant à apprendre davantage de langues, de s’ouvrir sur les cultures étrangères, en particulier sur la culture des pays européens. Parallèlement, il préconisa une levée de fonds pour contribuer au « nerf de la guerre » et permettre à la masse de se cultiver et de s’instruire davantage.

C’est ainsi que les intellectuels et les penseurs palestiniens se sont rendus compte d’un autre danger auquel les Palestiniens devaient faire face, en sus de l’oppression ottomane surgie depuis la deuxième partie du XIXème siècle au moment où l’empire se fragilisait et avait besoin de se consolider en « turquisant » les millets : le sionisme qui risquait de leur faire perdre leur patrie. Cet éveil nationaliste se développa surtout sous le mandat britannique quand ce danger devenait de plus en plus apparent et évident.

            B- Le danger sioniste : fer de lance du nationalisme palestinien

C’est sous le mandat britannique que les Palestiniens ont surtout réalisé le danger du mouvement sioniste, en particulier depuis la divulgation de la déclaration Balfour[93]. Le projet politique de ce mouvement leur a alors paru une évidence. Les intellectuels palestiniens qui alertèrent parallèlement l’opinion publique sur ce danger[94] n’étaient plus considérés comme des complotistes, ni de chrétiens viscéralement antisémites tel que leurs détracteurs les qualifiaient pour les discréditer en alléguant que le mouvement migratoire de populations juives en Terre Sainte était animé d’un objectif purement religieux, sans arrière pensée ni de plan politique.

Cette prise de conscience gagna l’ensemble des Palestiniens, y compris les communautés musulmanes, et conduisit à l’affinement du nationalisme palestinien qui s’affirma surtout à partir de 1948, date à laquelle la majorité de la population a été déportée, par la force des armes, à l’extérieur du territoire palestinien. Le nationalisme arabe céda progressivement le terrain à un nationalisme palestinien et la cause palestinienne occupa le centre des revendications des nationalistes arabes.

En effet, les rapports entre les Britanniques et les populations arabes se sont détériorés progressivement après la Première guerre mondiale. Ces derniers ont constaté que les Anglais n’ont pas tenu la promesse qu’ils leurs firent lorsqu’ils les poussèrent à s’insurger contre l’Empire ottoman, en 1916 : leur permettre la création d’un empire arabe. L’accord Sykes – Picot suivi par la conférence de San Rémo ont découpé la région en créant des Etats placés la plupart sous mandat anglais[95], à l’exception de la Syrie et du Liban, placés sous mandat français. Il en était de même pour la Palestine qui passa de la domination ottomane à celle des Britanniques.

La principale préoccupation des populations arabes était alors de lutter pour leur indépendance des puissances mandataires. Quant aux Palestiniens, ils étaient voués à une double lutte : celle de l’indépendance de la Palestine des Anglais et celle de la protection de leur existence sur leur territoire, menacée par le projet politique sioniste. Chrétiens et musulmans (mais aussi certaines voix discrètes dans les communautés juives arabes de Palestine[96]) s’associèrent à ce combat en vue d’établir un Etat  laïc, respectant l’ensemble des communautés religieuses[97], de langue et donc de culture arabe. Ces principes et ces idées qui ont fait l’unanimité chez les nationalistes palestiniens ont été transmis aux nationalistes arabes, notamment aux théoriciens du baassisme[98]. L’apport des intellectuels chrétiens et l’influence des idées occidentales ont constitué le fondement de cet essor nationaliste, en opposition au modèle islamique adopté par l’Empire ottoman durant la phase de son déclin, mais aussi à celui des courants islamiques qui émergèrent timidement[99]. Les idées de Sati Al Hosri en témoignent.

De religion musulmane et de confession sunnite, influencé notamment par la culture française pour avoir effectué une partie de ses études à Paris[100], cet intellectuel dont les idées furent partagées par les fondateurs du parti Baa’th était fondamentalement attaché à la laïcité et donc à la séparation des religions de l’Etat, en excluant de ce dernier tout caractère religieux. Il était aussi et surtout opposé à toute forme de pan-islamisme qui, à ses yeux, conduira à la disparition de la nation arabe. Pour lui, le « pan-islamisme » diluera les Arabes, dont la culture et l’identité prennent leurs racines de la période pré-islamique, dans un « monde » musulman (umma islamyia) composé de groupements sociaux qui n’ont aucune affinité linguistique, historique, ethnique ou géographique[101].

Dans ses Mémoires[102], il proclama : « je professe de tout mon cœur la religion de l’arabité ». Pour lui, la nation arabe  est une entité culturelle vivante appelée à épouser le progrès en imitant l’Occident et en composant avec lui. Elle devra s’étendre du Golfe à l’Atlantique (d’Oman au Maghreb) et accueillir toute personne qui souhaite en faire partie, quelque soit ses origines et sa religion : « est arabe celui qui parle l’arabe, qui se veut arabe et qui se dit arabe »[103].

Influencé par les idées de Charles Maurras, de sa méthode de penser et d’analyser d’une manière empirique la politique, il faisait la distinction entre la « Nation globale » (le monde arabe) et les « nations particulières » (ou la Nation particulière), autrement dit les Etats arabes pris individuellement. Il voyait donc, à la tête de la « nation globale », l’Egypte jouer un rôle majeur pour réaliser cette unité arabe, à l’instar de la Prusse qui joua ce rôle pour l’unité allemande ou le Piémont pour l’unité italienne.

L’éveil des nationalismes internes à chaque groupement ou Etat arabe commença ainsi à se développer dès la chute de l’Empire ottoman en constituant, selon la formule d’Al Hosri, des « nationalismes particuliers » caractérisés par la recherche et la renaissance des particularismes locaux mais aussi par l’émancipation des nouvelles autorités tutrices, celles de la Grande Bretagne et de la France.

Le nationalisme arabe se transforma ainsi progressivement, surtout depuis l’échec du roi Fayçal en Syrie, en nationalisme « pan – arabe » avec la recherche d’un dénominateur commun à l’ensemble des population et, ensuite, aux Etats arabes : la langue qui a été un facteur culturel influent sur cet ensemble, avant la conquête ottomane au XVIème siècle et après la disparition  totale de la culture hellénique[104] qui y était restée longtemps ancrée malgré la domination romaine.

Le nationalisme palestinien s’est donc inscrit dans ce contexte. Les intellectuels mettaient l’accent sur les particularismes culturels palestiniens, en rappelant l’histoire de la Palestine depuis l’antiquité et en faisant revivre les traditions palestiniennes (art culinaire, vestimentaire, folklore, etc.), en soulignant l’intérêt que ce pays offre à l’humanité d’un point de vue ethnique et religieux compte tenu du brassage culturel et civilisationnel qu’il a connu.

Parmi ces intellectuels, nous citons le Révérend Elias Marmura et Asaad Mansour. Le premier était Canon de l’Eglise anglicane Saint Paul de Jérusalem. Doté d’une très grande culture, il se consacra aussi bien à l’histoire de son pays qu’au réveil de sa culture, notamment de la musique chrétienne palestinienne mais aussi aux rites et à la liturgie des Samaritains. Il consacra un ouvrage[105] à cette communauté[106] très ancienne où il rappela que sa religion monothéiste était la première en Israël antique.

Il avait par ailleurs consacré d’autres travaux à la liturgie samaritaine qui est en araméen et a traduit le Pentateuque samaritain en arabe. Ce prélat anglican pour qui la chrétienté est au centre de l’histoire de la Palestine créa en 1934 une organisation[107] dont il a été le président, œuvrant pour l’unité des communautés chrétiennes et plaida en faveur  de l’indépendance des Palestiniens de rite anglican de l’Eglise anglaise, afin de la dissocier des autorités mandataires et de lui faire éviter toute suspicion d’y être inféodée. Défenseur de l’authenticité des chrétiens palestiniens, Elias Marmura voulait faire de l’intelligentsia palestinienne protestante un médiateur entre l’Occident, la Palestine et le monde arabe, tout en œuvrant pour l’accession de son pays à l’indépendance des Anglais.

Comme lui, Assa’ad Mansour[108] consacra un ouvrage à Nazareth, en racontant son histoire millénaire, son archéologie, son urbanisme, sa topographie et l’art de ses vestiges, caractérisé par le brassage de différentes cultures et civilisations où chrétiens, musulmans, juifs et samaritains se côtoyaient[109].

En effet, cette identité palestinienne construite durant des siècles, où plusieurs communautés coexistaient harmonieusement, partageant une histoire et un sort communs jusqu’à la chute de l’Empire ottoman, paraissait aux yeux des Palestiniens particulièrement menacée de disparition, en raison du projet politique sioniste. En reprenant certaines idées de Najib Nassar mais surtout de Najib Azoury[110], George Antonius[111] souligna dans son livre « The Arab Awakening »  à ce sujet : « la logique des faits est inexorable. Elle montre qu’il n’y a pas de place en Palestine pour une autre nation, si ce n’est en déportant ou en exterminant celle qui y est actuellement implantée »[112].  Antonius s’insurgea particulièrement contre les Britanniques lors de la divulgation de la «Déclaration Balfour ». Dans son livre précité, il indiqua que cette promesse n’était pas valable « d’une part parce que la Grande Bretagne s’était auparavant engagée à reconnaître l’indépendance arabe en Palestine et, d’autre part, parce que cette promesse implique une obligation qu’elle ne peut pas remplir sans le consentement arabe »[113].

Ce que Najib Nassar n’a pas réussi à faire ce qui l’avait conduit à se replier sur les communautés chrétiennes de Nablous, Antonius réussit à le réaliser : la mobilisation des Palestiniens de religion musulmane en vue de lutter contre le sionisme. Antonius exerça une grande influence sur le mufti de Jérusalem, Amin Al Housseini, en faisant de lui une figure du nationalisme palestinien. Al Husseini devint l’instigateur de la révolte arabe contre les autorités britanniques en 1936. Il avait préalablement participé aux regrettables émeutes de 1920 qui, avec un insidieux laisser faire des Anglais, avaient conduit à des victimes arabes mais surtout juives pourtant anti-sionistes.

Il a été reproché au mufti Al Husseini de s’être rendu en Allemagne rencontrer Hitler, en 1941, sous l’impulsion de Georges Antonius. Or cette visite eût lieu avant que la communauté internationale, encore moins les Arabes, n’eût découvert les atrocités commises par les nazis. Déçus par les Britanniques et cherchant à tout prix l’indépendance de leur pays et l’arrêt du phénomène migratoire entamé par l’OSM, les Palestiniens crurent bon de s’ouvrir sur les adversaires de leur propre adversaire, dans une approche purement stratégique, selon la formule « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ».

En effet, dans son livre « La Question de la Palestine, Mission sacrée de civilisation »[114], Henry Laurens souligna que le mufti Al Huseini, après avoir écouté Hitler au sujet de « la question juive » qui hantait les Européens lors de leur rencontre, lui répondit : «Nous Arabes, pensons que c’est le sionisme qui est à l’origine de tous ces sabotages et non pas les Juifs », ce à quoi Hitler lui répond que les Arabes sont un peuple sentimental et que sa conviction est fondée scientifiquement ». Par ailleurs, dans ses mémoires, le mufti Al Husseini avait répondu aux accusations et à la campagne sioniste faite à son encontre relativement à cet épisode pour le discréditer aux yeux de l’opinion publique, en indiquant qu’elles sont mensongères : «Durant le régime nazi, les Allemands réglèrent leurs comptes avec les Juifs bien avant mon arrivée en Allemagne et n’eurent besoin d’aucune incitation pour le faire»[115]. Il indiqua également que son «intention n’était pas d’empêcher l’extirpation des Juifs mais plutôt d’empêcher un flot d’immigration agressive juive visant à inonder la Palestine et à la vider de ses natifs comme en fait cela se produisit plus tard»[116].

George Antonius exerça également une influence sur Aref Al Dajani, Aouni Abdelhadi et Mohamed Izzat Darwaza. Ces deux derniers étaient natifs de Naplous tandis que le premier était le maire de Jérusalem qui avait procédé au rassemblement de divers mouvements islamo-chrétiens au sein d’une organisation dont il devint Président, avant de contribuer avec Al Dajani et Darwaza à la création du « Congrès arabe de la Palestine ».

Al Dajani et Izzat Darwaza ont fait leurs études à Paris et baignèrent dans la culture française qui forgea leurs idées nationalistes, les conduisant à créer un mouvement politique à Paris, en 1911, dénommé « Al Fatat » (« la jeune fille »). Il s’agissait d’un nom de code pour garder un aspect secret à cette organisation compte tenu de son objectif indépendantiste réprimé par les Ottomans. Le vrai nom de cette organisation était « La Ligue de la Jeunesse Arabe », inspiré de « La Ligue d’Action Française ».

Abdelhadi et Darwaza tentèrent d’empêcher la réalisation du projet sioniste auprès des grandes puissances. Ils adressèrent un message à la Conférence de Paix de Paris de 1919, dénonçant la Déclaration Balfour et réclamant la protection des frontières palestiniennes, s’opposant au phénomène migratoire sioniste et insistant sur la nécessité de proclamer un Etat palestinien indépendant et laïc, respectant l’ensemble des communautés religieuses. Ils participèrent ensuite à la fondation du « parti de l’indépendance » palestinien, en 1932, qui prônait ces mêmes principes.

Durant la grande révolte palestinienne contre les Britanniques entre 1936 et 1939, ce parti participa au « Haut Comité Arabe », dirigé par le mufti Amin Al Husseini, regroupant l’ensemble des partis politiques palestiniens et ayant pour objectif la mise en place d’un appareil gouvernemental palestinien avec une assemblée constituante en vue d’élaborer les institutions politiques d’un Etat laïc, permettant à toutes les communautés religieuses d’y participer, y compris les arabes de religion juive. Malgré cette révolte qui dura trois ans, les Britanniques ne pouvaient pas critiquer ces revendications légitimes ni ces principes. Cela s’est traduit par le 3ème « Livre blanc » du 17 mai 1939 qui, comme le précédent « Livre blanc » du 21 octobre 1930, souligna la nécessité de freiner l’immigration juive en Palestine, mais surtout indiqua que la Grande Bretagne n’envisageait pas la création d’un « Etat » juif en Palestine : « Le gouvernement de Sa Majesté déclare aujourd’hui sans équivoque qu’il n’est nullement dans ses intentions de transformer la Palestine en un État juif ». Ce « Livre blanc » a été élaboré à l’issue d’une conférence tenue à Londres à laquelle Aouni Abdelhadi, Mohamed Izzat Darwaza et Georges Antonius[117] ont activement participé. A l’issue de ce « Livre blanc », les relations entre les sionistes et les Anglais se sont détériorées.

En effet, ces derniers cherchaient avant tout à préserver leurs intérêts, en essayant de ne déplaire ni aux Arabes ni aux sionistes, ce qui n’était pas facile. Après avoir déçu les premiers, en ne tenant pas leur promesse de leur permettre la création d’un Etat arabe, ils déçurent les deuxièmes en élaborant ce dernier « Livre blanc ». Par ailleurs, la Déclaration Balfour, faite dans un contexte de dépendance financière de la Grande Bretagne des financiers sionistes notamment des Rothschild, était formulée d’une manière vague. Ce texte promettait aux sionistes un « Foyer national juif », ce qui ne signifie pas nécessairement un « Etat juif ». C’est la raison pour laquelle Chaïm Weizmann n’était pas satisfait complètement de ce texte.

A l’instar des Arabes, l’organisation Sioniste Mondiale (l’OSM) était aussi déçue d’apprendre la conclusion de l’accord Sykes – Picot qui était en contradiction avec cette promesse. Ces accords permirent  et qui a permis à la Grande Bretagne d’obtenir un mandat sur la Palestine par la Société des Nations. C’est la raison pour laquelle l’OSM multiplia son « lobbying » auprès des politiques et des décideurs en Grande Bretagne. Mais le troisième « Livre blanc » établi sous l’impulsion de Malcolm MacDonald démontra l’insuffisance de cette stratégie. Les organisations paramilitaires sionistes[118] s’attaquèrent alors aux Anglais en Palestine, en commettant des actes terroristes à l’instar de l’attentat « King David » commandité par Menahim Begin[119] qui était alors à la tête de la Haganah Ils commirent également une série d’attentats à l’encontre des hauts fonctionnaires et soldats anglais. Ces opérations étaient exécutées par le Lehi et le « groupe Stern »[120] dans lequel Ytzhak Shamir[121] joua un rôle important, notamment dans la tentative d’assassinat de Lord Moyne, ministre résident britannique pour le Moyen – Orient, en 1944. Ytzhak Shamir dirigea et coordonna, par ailleurs avec d’autres organisations terroristes sionistes, des attaques contre des commissariats britanniques, des bases militaires, des voies ferrées, etc…  conduisant les autorités anglaises à l’arrêter en août 1946 et à l’envoyer en relégation en Érythrée[122].

Les actes terroristes des groupes paramilitaires sionistes se multiplièrent non seulement contre les Anglais, mais aussi contre les Palestiniens qui ne disposaient pas d’une force militaire de défense. L’internationalisation de la question palestinienne et l’inertie des Alliés vis-à-vis des revendications palestiniennes, compte tenu du sentiment de culpabilité chez les uns et de compassion chez les autres en raison de ce que les communautés juives ont subi en Europe, ont conduit à un plan de partage de la Palestine par l’ONU, légitimant la présence des immigrés juifs ashkénazes en les mettant au même pied d’égalité avec les autochtones. Les voies neutres de certains Occidentaux furent étouffées soit par la propagande, ou par des assassinats à l’instar de celui du Comte Folke Bernadotte.

Cette situation déclencha une insurrection palestinienne contre les sionistes qui étaient depuis longtemps préparés et disposaient de forces militaires avec des moyens disproportionnés par rapport à ceux des Palestiniens. Ces derniers cédèrent alors au prix d’un massacre qui sema la panique, celui de Deir Yassine (« le couvent Yassine ») commis en avril 1948. Cela a semé la panique et a conduit à la première vague de déportation des Palestiniens à l’extérieur de leur territoire[123].

L’un des fondateurs de « L’Institut des Etudes Palestiniennes », Walid Khalidi, rapporta dans dans un article intitulé « Plan Dalet : Master plan for the conquest of Palestine »[124] que cette opération ainsi que l’ensemble des actes de violences perpétrés par les forces paramilitaires sionistes, entre avril et mai 1948, faisaient partie d’un plan sioniste intitulé « Plan Dalet »[125] par lequel l’OSM projetait la déportation des Palestiniens à l’extérieur de leur territoire en procédant à des offensives calculées pour terroriser les civils et les conduire à l’exode. Selon ce projet, cette situation devait permettre l’établissement d’un fait accompli aux yeux de la communauté internationale encore sous le choc du génocide commis en Europe à l’encontre des communautés juives, la conduisant à ne pas s’opposer à la création d’un « Etat juif ». Khalidi dénonça dans cette étude[126] la campagne sioniste qui se faisait prévaloir de la célèbre formule « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », en démontrant que la Palestine n’était pas un désert avant l’arrivée des Ashkénazes et qu’il existait dans ce pays une société urbaine et rurale, dotée d’une identité propre, qui aspire à  l’établissement d’un Etat laïc avec des institutions inspirées de celles des pays occidentaux.

Lors d’un colloque organisé à Paris sous le thème « Le déni de Palestine, 100 années de « déclaration Balfour » 1917-2017 », Pierre Stambul, membre de l’Union juive française pour la paix (UJFP) rejoint l’analyse de Khalildi. Il souligne à ce sujet : «Il n’y a pas un seul crime contre les Palestiniens dans lequel cette « gauche » ne soit pas compromise, quand elle n’a pas joué le rôle essentiel. On sait à présent de façon sûre que, tout comme les terroristes de l’Irgoun ou du groupe Stern, la Haganah a commis de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité pendant la guerre de 1948. On sait que « les Arabes ne sont pas partis d’eux-mêmes » et que le plan Daleth prévoyait le nettoyage ethnique de tous les Palestiniens pour fabriquer un État juif ethniquement pur.

Le sionisme a proclamé, il y a 120 ans, que Juifs et non Juifs ne pouvaient pas vivre ensemble, ni dans le pays d’origine, ni dans le futur État juif. Le sionisme a été négationniste dès le début vis-à-vis de l’existence, des droits et de la dignité du peuple palestinien. Des slogans comme « la terre sans peuple pour le peuple sans terre » ou « les Arabes sont partis d’eux-mêmes en 1948 » ont eu pour but de justifier une entreprise coloniale. L’expulsion des Palestiniens et leur dépossession ont commencé bien avant la création de l’État d’Israël ou le génocide nazi. Le « roman national » sioniste avec la fable de l’exil et du retour des Juifs, a eu pour fonction de souder les Israéliens, toutes origines et toutes classes sociales confondues »[127].

Le 15 mai 1948 marqua un trait définitif aux aspirations indépendantistes palestiniennes, lors du retrait des Britanniques et la déclaration de l’Etat d’Israël. Le lendemain de ce départ, une guerre fut déclenchée, marquée par un déséquilibre des forces et conduisant, un an après, à la déportation manu militari de la quasi-majorité des Palestiniens à l’extérieur de leur territoire[128].

II- De la laïcité à l’instrumentalisation religieuse de la cause palestinienne :

La réalisation du projet de déportation des Palestiniens par les sionistes a provoqué un choc chez eux mais surtout une prise de conscience de la nécessité de s’organiser, à l’instar de ces derniers, afin de libérer leur territoire et y retourner. Il ne faisait aucun doute qu’il y avait une disproportion organisationnelle et militaire entre ces deux belligérants. Comme il a été démontré dans les développements précédents, le mouvement sioniste s’est organisé depuis le XIXème siècle et disposait de fonds largement nécessaires à la réalisation de son projet, en menant une campagne scrupuleusement organisée auprès des communautés de religion juive dans le monde et auprès de l’opinion publique internationale. Quant aux Palestiniens, ils étaient dominés par les Ottomans et concentrèrent leurs efforts, à l’instar des autres populations dominées par cet empire[129], à trouver le moyen pour s’en émanciper. Ensuite, ils ont vu leur pays passer entre les mains des Anglais qui ne sont pas parvenus à stopper le projet sioniste. La déclaration de l’Etat d’Israël et le plan de partage de leur pays par les Nations Unies en 1947, suivis par le conflit militaire durant lequel la participation des armées arabes légèrement armées, peu formées et en cours de création, a montré ses limites. Cela a conduit les Palestiniens à restructurer leurs idées nationalistes et à d’adopter une stratégie pour parvenir à la libération de leur pays.

Regroupés dans des camps dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans les pays limitrophes vers lesquels ils ont été expulsés[130], il cherchèrent à se doter d’un appareil gouvernemental capable d’agir au nom de la Palestine et de son peuple, toutes communautés confondues : chrétiennes, musulmanes et juives. En effet, le « Gouvernement de toute la Palestine », proposé et proclamé par le mufti Amine Al Housseini[131], considérait non seulement les Arabes juifs comme Palestiniens, mais les autres populations juives installées en Palestine avant le mandat britannique. Plus tard, l’Organisation de Libération de la Palestine (l’OLP) étendit la légitimité de la citoyenneté palestinienne aux communautés juives installées en Palestine jusqu’en 1948.

Le nationalisme palestinien s’affirmait alors de plus en plus, en apparaissant diamétralement opposé au nationalisme sioniste fondé sur des considérations ethniques voire racialistes[132], plus que religieuses, dans la mesure où la majeure partie des religieux juifs[133] contestèrent ses fondements. Les communautés arabes de religion juive implantées depuis des siècles dans des pays arabes et ayant largement contribué à la culture et à la civilisation arabe, notamment en Irak, en Syrie, en Egypte et au Liban étaient parmi celles qui n’adhérèrent pas au projet sioniste et ne voyaient pas, par conséquent, la nécessité d’émigrer en Terre Sainte surtout qu’elles n’ont pas subi de persécutions comme les Ashkénazes en Europe. Ces communautés ont été approchées par les sionistes, comme l’attestent les entretiens et les écrits d’Arabes de confession juive, notamment des Libanais, des Irakiens et des Syriens installés aux Etats – Unis. Le plus intéressant parmi eux est l’ouvrage[134] de Naeim Giladi (Khalaschi de son vrai nom)[135] dans lequel il met en cause le Mossad israélien et le rend responsable des actes terroristes commis à l’encontre des Irakiens de religion juive[136], dans les années cinquante, en vue de pousser les Irakiens de religion juive à l’exode vers Israël[137].

Giladi indique notamment au sujet de l’attentat spectaculaire contre la synagogue Massouda Chem Tov à Baghdad :  «(le 19 mars 1950) une bombe a explosé à l’American Cultural Center and Library (Centre culturel et bibliothèque américaine) à Bagdad, provoquant des dégâts matériels et blessant de nombreuses personnes. Le centre était un lieu de rendez-vous privilégié des jeunes juifs.

            La première explosion visant directement des juifs s’est produite le 8 avril 1950, à 9 h 15. Une grenade,jetée d’une voiture transportant trois jeunes passagers, toucha le café Ed Dar el-Beida de Bagdad, où les juifs fêtaient Pessah (la Pâque juive). Quatre personnes ont été grièvement blessées. Cette nuit-là, des tracts invitant les juifs à quitter l’Irak furent distribués.

            Le jour suivant, de nombreux juifs, la plupart pauvres et n’ayant plus rien à perdre, ont pris d’assaut les bureaux d’émigration pour renoncer à leur citoyenneté et demander la permission d’aller en Israël. Il y eut tellement de demandes que la police dut ouvrir des bureaux dans les écoles juives et les synagogues.

            Le 10 mai, à 3 heures du matin, une grenade est lancée depuis une voiture allant à toute allure dans le quartier El-Batawin de Bagdad, où vivent la plupart des juifs riches et de la classe moyenne irakienne. Aucun blessé, mais peu après l’explosion, des militants sionistes envoient des télégrammes vers Israël pour demander à ce que le quota d’immigrants venant d’Irak augmente.

            Le 5 juin, à 2 h 30 du matin, une bombe explose près du bâtiment Stanley Shashua, tenu par des juifs, sur la rue el-Rachid, causant des dégâts matériels mais aucune victime.

            Le 14 janvier 1951, à 19 heures, une grenade est lancée sur un groupe de juifs devant la synagogue Mazouta Shem-Tov. L’explosif décroche un câble à haute tension, électrocutant trois juifs, un jeune garçon, Itzhak Elmacher, et blessant plus de trente autres personnes. Suite à cette attaque, l’exode des juifs bondit de 600 à 700 personnes par jour.

            Les propagandistes sionistes maintiennent toujours que les bombes en Irak ont été posées par des Irakiens antijuifs qui voulaient chasser les juifs de leur pays. La terrible vérité est que les grenades qui ont tué et mutilé des juifs irakiens, et endommagé leurs propriétés, ont été lancées par des juifs sionistes ».

A l’opposé du nationalisme exacerbé sioniste, le nationalisme palestinien plaidait pour un Etat laïc, permettant à toutes les communautés d’y participer et d’y vivre harmonieusement[138], allant jusqu’à remettre en cause, dans une certaine mesure, le pan-arabisme qui était venu surplomber le nationalisme arabe.

En effet, les Palestiniens se rendirent compte de la nécessité absolue de se concentrer sur leur propre identité nationale, surtout depuis leur déportation et leur placement dans des camps. Ce n’est plus la nation arabe qu’ils entendaient défendre en priorité mais la libération de leur pays. Ce sentiment n’est pas totalement différent de celui qui régna alors dans les autres nations arabes dont une partie s’est vue naître avec la création d’Etats-nations à l’issue de la Première guerre mondiale et de la chute de l’Empire ottoman[139]. Ces nations étaient principalement préoccupés par leur indépendance des puissances mandataires.

Le pan-arabisme traversa alors une crise jusqu’à l’indépendance de l’ensemble des pays arabes. C’est la cause palestinienne qui réveilla ces derniers et contribua à un nouveau réveil nationaliste arabe, voire pan-arabe, qui plaça la question palestinienne au centre des préoccupations de ce qu’on appela alors « le monde arabe », constitué par les Etats et les nations arabes regroupés par une organisation : La Ligue des pays arabes[140].

Deux nouveaux courants nationalistes virent ainsi le jour dans ce sillage : le baasisme et le nassérisme[141]. Ces deux courants ont été influencés principalement par les idées de Constantin Zreik[142] qui avait également joué un rôle dans l’évolution du nationalisme palestinien notamment auprès de Georges Habbache et de Wadih Haddad[143].

Il n’est donc pas inintéressant de rappeler, en résumé, les idées prônées par Constantin Zreik qui, comme Michel Aflak, le fondateur du parti Baath[144], et comme Antoun Saadé, le fondateur du parti national syrien[145], prêchait en faveur de la laïcité et de la séparation de la religion de l’Etat. C’est d’ailleurs à lui que revient la qualification de la défaite arabe de 1949 et de la déportation des Palestiniens en « Catastrophe » (Al Nakaba, en arabe).

Cet événement l’avait conduit à remettre en cause la Nation arabe telle qu’elle était imaginée par ses prédécesseurs, des intellectuels et des théoriciens du nationalisme arabe de la période d’Al Nahda[146]. Dans son livre où il a qualifié la défaite arabe de « Catastrophe »[147], il souligna que les sionistes ont une vision du « passé et de l’avenir » alors que les Arabes « vivent toujours dans les rêves du passé et ressassent sa gloire poussiéreuse »[148], tout en critiquant la situation interne des sociétés arabes plongées dans une léthargie profonde. Il appela ces sociétés à « utiliser la Nakaba comme une secousse qui mène vers la progression et l’évolution et non à l’ébranlement et à l’anéantissement »[149].

Inspiré du rationalisme de Max Weber et de Richard Brandt, Zreik exhorta également les sociétés arabes à privilégier la raison au sentimentalisme en vue de transformer la stagnation provoquée par le poids de l’empire ottoman qui avait conduit à leur régression, en un progrès, en faisant évoluer leurs mentalités respectives en fonction du progrès scientifique et technique, en adoptant un sens pratique, rationnel et scientifique. Pour lui, les Arabes doivent cesser de renouer avec le passé et remplacer leurs motivations spirituelles par des motivations matérielles, en s’adaptant à la modernité à l’instar des Occidentaux, en suivant l’évolution technique et scientifique de ces derniers, en faisant usage de plus en plus des machines, sans pour autant perdre leurs spécificités nationales et identitaires. Les Arabes doivent donc, selon lui, « absorber et assimiler » le savoir des Occidentaux et contribuer ensuite, à l’instar de ces derniers, à offrir à l’ensemble des civilisations de la planète la leur comme ils l’ont fait dans le passé. « C’est dans ce cadre que leur nationalisme arabe se renouvellera »[150].

Pour Constantin Zreik, le nationalisme est un projet civilisationnel et non pas une simple défense ou une protection d’une identité. C’est la raison pour laquelle les Arabes doivent s’ouvrir aux valeurs des autres civilisations humaines : « Le but de chaque nation est le message qu’elle apporte à la culture humaine et à la civilisation en général sinon lui il n’y a pas de nation qui mérite ce nom »[151]. Même si l’islam a contribué à l’évolution de la culture et de la civilisation arabe, selon Zreik, la religion ne devra pas constituer un facteur déterminant de la nation. Ainsi donc, le nationalisme arabe est une croyance, au même titre que la religion, et devra de ce fait respecter les autres croyances et s’appuyer sur elles, y compris sur l’islam qui a permis à la culture arabe de progresser et aux Arabes de s’unifier. Par analogie, pour Zreik  l’islam est à la civilisation arabe ce que le catholicisme est à la civilisation française et au monde francophone. Toutefois, Constantin Zreik rejeta le déterminisme historique et appela les Arabes à libérer leur pensée des dogmes, y compris en évoquant leur histoire, ce qui devra les conduire à prendre en considération les spécificités des individus et des différentes communautés que leur civilisation a englobés. Cela devra les conduire au dialogue inter-religieux et inter-communautaire pour résoudre et absorber leurs conflits. D’où la nécessité d’adopter des modèles institutionnels laïcs et des sociétés fondées sur des principes culturels et non pas ethniques, compte tenu du brassage des sociétés moyen – orientales.

Les idées de Constantin Zreik eurent une influence sur les meneurs nationalistes de la résistance palestinienne qui a traversé des moments difficiles (A) avant d’être concurrencée par le Hamas (B), la faisant basculer d’une résistance nationale à une résistance islamique.

                        A- De la résistance nationale…

La déportation des Palestiniens concomitamment avec la création d’Israël a créé un choc aussi bien chez les Palestiniens que dans l’ensemble des pays arabes voisins qui ont fait preuve d’une incapacité collective militaire et politique face à cette « catastrophe ». Éparpillés et entassés dans des camps, les citadins et la bourgeoisie palestinienne ont côtoyé leurs concitoyens paysans et agriculteurs. Ils partagèrent le même mode de vie qu’eux et exprimèrent ensemble leur amertume et leur déception.

C’est dans ces camps et depuis l’étranger qu’une nouvelle intelligentsia palestinienne se développa, issue du monde scientifique pragmatique, en comparaison avec celle qui était issue du monde journalistique et littéraire, avant 1948. Son objectif  était de créer une structure, sur le modèle de l’Organisation Sioniste Mondiale, en vue de permettre aux Palestiniens de retourner dans leur territoire et de doter leur pays d’institutions politiques permettant à l’ensemble des communautés d’y vivre d’une manière harmonieuse et de jouir de droits égaux. Plusieurs organisations virent ainsi le jour progressivement avant d’être regroupées par l’Organisation de Libération de la Palestine.

Traumatisé par le phénomène de déportation de ses compatriotes pour avoir assisté à des scènes où les militaires sionistes tiraient sur les habitants de sa ville natale, Lydda, et sur ceux de Ramlet, les obligeant à quitter leurs domiciles et leurs terres et à se déplacer à pieds, sans nourriture et sans eau, un étudiant en médecine de confession grecque – orthodoxe, Georges Habache, se lança dans la lutte nationale. Il avait entamé des études en médecine à l’Université américaine de Beyrouth avant de les suspendre en 1948 pour aller assister d’une manière volontaire, en tant qu’infirmier, vieux, femmes et enfants de son pays. Il retourna ensuite au Liban et obtint son diplôme en 1951. C’est à l’AUB[152] qu’il rencontra un concitoyen, étudiant aussi en médecine, de la même confession que lui : Wadih Haddad. Tous deux tombèrent sous le charme des idées de Constantin Zreik qui avait créé un mouvement culturel universitaire[153] dans lequel Habache occupa la fonction de Secrétaire Général[154] parallèlement à sa création d’un autre mouvement[155] qui devint plus tard le « Mouvement nationaliste arabe » dont les idées sont influencées par son mentor, Constantin Zreik[156].

Le Mouvement Nationaliste Arabe (MNA) a été créé officiellement en 1956 lors d’un congrès à Amman où Habache et Haddad étaient allés s’installer en ouvrant un cabinet médical, avant de se consacrer totalement à la cause nationale de leur pays[157]. Un autre chrétien palestinien, Nayef Hatwatmeh, rejoignit ce mouvement en dirigeant sa branche locale en Irak. Le MNA[158] se consacra à la formation de la jeunesse dans les pays arabes où il disposait d’une représentation, en vue de promouvoir les idées de Constantin Zreik et de Sati Al Hosri[159] auquel on doit la fameuse formule « un monde arabe étendu du Golfe à l’Atlantique », associant les principales grandes régions arabes : le croissant fertile[160], les pays du Golfe et le Maghreb. Issus du monde scientifique, les principaux membres de ce mouvement prêchaient le rationalisme prôné par Constantin Zreik, en invitant les Arabes à changer leur méthode de penser et d’agir, en procédant à la réforme de leurs sociétés respectives, en les dotant d’un sens pratique, rationnel et scientifique, en rejetant le déterminisme et le monisme ainsi que le positivisme de Darwin. Les idées développées par le MNA se rapprochaient également de celles du nassérisme[161] et du baasisme, s’agissant de la laïcité (la sécularisation des sociétés et des institutions) et du socialisme arabe, différent du marxisme voire opposé à lui aussi bien dans son aspect internationaliste que dans ses principes relatifs au rapport de l’Etat aux individus[162]. En se faisant prévaloir du rationalisme, de l’empirisme et de l’agnosticisme, les maîtres – penseurs du  MNA insistaient surtout sur la séparation entre le politique et le religieux, la religion demeurant « un domaine personnel qui ne doit pas être instrumentalisé par le politique »[163]. C’est la raison pour laquelle ils combattaient l’idéologie sioniste qui prend en otage le judaïsme. Ils faisaient ainsi une distinction entre le judaïsme et cette idéologie nationaliste fondée sur des considération ethnico-religieuses. Sous l’influence des idées de Constantin Zreik, ils combattaient aussi l’idée de la suprématie d’un peuple sur l’autre.

Parallèlement au MNA, un autre mouvement politique palestinien vit le jour autour d’une revue publiée au Koweït par Khaled Al Wazir (alias Abou Jihad[164]) et Yasser Arafat, le premier ayant entamé des études d’architecture et le second terminé des études d’ingénieur. Il s’agissait de Falastinouna (notre Palestine), en référence au journal « Falastine » édité par les frères Issa[165]. Arafat et Al Wazir rencontrèrent d’autres compatriotes au Koweït, notamment  Salah Khalaf (alias Abou Ayad) qui y enseignait la littérature mais aussi Farouk Kaddoumi avec lesquels il fondèrent le Fatah. Ce nom est la transcription à l’envers du sigle de ce mouvement : « Organisation pour la Libération de la Palestine ». A partir de ce mouvement a été fondée la future OLP au sein de laquelle le Fatah est resté la principale organisation politique de la résistance palestinienne.

A l’instar du MNA et probablement sous l’influence de Farouk Kaddoumi qui a fait partie du Baa’th, le Fatah partageait les principes de laïcité (sécularisme), de séparation de la religion et de l’Etat bien que la plupart de ses membres fondateurs étaient de religion musulmane et dont certains ont fait un court passage à Al Azhar. Par conséquent, le Fatah plaidait en faveur d’un Etat palestinien séculier (laïc) en allant jusqu’à considérer que les communautés juives qui ont été entraînées par l’OSM en vue de venir s’installer en Palestine depuis le XIXème siècle, jusqu’en 1947, et qui résident habituellement en Palestine sont considérés comme étant des Palestiniens qui devront jouir des mêmes droits que les autres citoyens arabes de religions juive, chrétienne, druze ou musulmane. Cette affirmation figure dans l’article 6 de la Charte de cette organisation.

Ainsi donc, pour le Fatah, l’Etat palestinien devra revêtir une forme « démocratique, non confessionnelle, où chrétiens, musulmans et juifs bénéficieront de la liberté de culte, travailleront et vivront en paix, jouissant de droits égaux », en rejetant toute forme de discrimination ou de gouvernement théocratique voire ethnique ou racialiste et en accordant une liberté totale à tous les citoyens de croire comme de ne pas croire à la religion de leur choix[166]. Cela implique une égalité de traitement et de chance à tous les citoyens, dans tous les domaines ainsi qu’une liberté de culte et d’expression politique, artistique et culturelle.

Ces deux organisations, le MNA et le Fatah, comme les autres voix palestiniennes se contentèrent, dès 1948, de lancer des appels à la communauté internationale en vue de la reconnaissance du droit du peuple palestinien au retour et à l’auto-détermination. Mais ces voix sont restées sans écho. Elles attendirent 1967 pour déclencher un véritable processus de résistance nationale avec des branches armées, en s’inspirant à la fois des réseaux de résistance en France lors de son occupation par l’Allemagne et des branches paramilitaires de l’Organisation sioniste mondiale, notamment la Haganah, l’Irgoune et le Lehi.

Installé à Gaza au début des années soixante, le Fatah mit en place une organisation paramilitaire en vue de mener des actes de lutte contre l’armée sioniste, en s’infiltrant notamment dans les territoires occupés. Cette branche armée du Fatah prit le nom d‘Al Assifa (la tempête, en raison des opération sporadiques qu’elle entendait faire en imitant celles que l’Irgoune effectuait durant le mandat britannique sur la Palestine). Parallèlement, Georges Habache fonda avec un concitoyen palestinien, Ahmad Jibril[167], une organisation politique et paramilitaire dénommée « Front populaire de libération de la Palestine » qui attira vers elle la plupart des membres du MNA. Les premiers résistants palestiniens qui effectuèrent des actes de résistance à l’encontre d’Israël prirent le nom de « Fedaïns » (ceux qui sacrifient leur vie à la cause). Ces actes étaient lancés à partir de Gaza, du Liban, de la Syrie et de la Jordanie mettant en cause la sécurité frontalière de cette dernière qu’elle partage avec l’Etat hébreu. Cela conduisit les autorités jordaniennes à réagir contre les fédaïns, en procédant à leur arrestation voire à leur emprisonnement[168].

En effet, cette monarchie fraîchement créée et dont le pouvoir a été attribué à la famille Hachémite était redevable aux Anglo-saxons et se rangea du côté des Américains au cours de la guerre froide et de la période de la bi-polarisation. Il en était de même pour une partie des pays et des politiciens arabes. Par ailleurs, bien que l’Union soviétique ait été le premier à reconnaître l’Etat d’Israël, avant même les Etats – Unis, et du fait de l’influence historique de l’AIPAC et des groupes de pression  sionistes (les lobbies) sur la politique américaine, Israël se rapprocha de Washington. Cela a conduit les Palestiniens à se ranger du côté de Moscou, d’autant que la plupart des mouvements nationalistes arabes, y compris le MNA et le Fatah, se disaient socialistes[169].

Bien que le Fatah se contenta d’un rapprochement stratégique avec l’ex-Union soviétique par opposition aux Israéliens pro-Américains, en maintenant toutefois une ouverture sur le monde occidental, Georges Habache et son groupe adoptèrent d’une manière radicale le marxisme, voire le léninisme révolutionnaire[170]. Parallèlement aux revendications nationales du droit au retour et à l’auto-détermination, le combat de ces derniers s’inscrivait, dans celui de la lutte des classes en critiquant leurs compatriotes, les riches propriétaires terriens, qui avaient vendu leurs terres à l’OSM et ainsi trahi la nation.

En 1969, le « Front populaire de libération de la Palestine » (FPLP) assista à une scission en son sein, conduisant Nayef Hawatmeh, d’obédience plus radicalement communiste, à la création d’une organisation politique et paramilitaire : « le Front démocratique pour la libération de la Palestine » (FDLP). C’est ce chrétien palestinien de rite grec – orthodoxe qui s’insurgea le plus contre la Jordanie à l’issue de sa condamnation par contumace par les juridictions de ce pays en raison des actes de résistance qu’il mena à partir de cet Etat à l’encontre d’Israël .

Hawatmeh était attiré par les idées révolutionnaires, notamment du Che Gevara. Il croyait au renforcement des forces populaires pour lutter contre les sionistes, « usurpateurs de la terre du peuple et usant de méthodes fascistes pour tenter d’exterminer progressivement le peuple palestinien »[171]. Néanmoins, il a été plus tard le premier à accepter l’idée de l’instauration d’un Etat palestinien, en Cisjordanie et Gaza, comme première étape de la reconquête de la Palestine, en gardant en tête la libération finale de son pays et l’instauration d’un Etat palestinien démocratique populaire qui, tout en préservant les différentes cultures des communautés religieuses (chrétiennes, musulmanes et juives) et culturelles (notamment la culture arabe)[172], dépassera le panarabisme et le sionisme pour préparer une révolution populaire mondiale.

Ce qui opposa Hawatmeh à Georges Habache à ce sujet est le fait que le premier pensait qu’il fallait arracher une partie du territoire palestinien aux Israéliens pour créer cet Etat tandis que le deuxième semblait plus pragmatique, en prenant en considération le déséquilibre des forces entre les Palestiniens et les Israéliens et le manque de moyens financiers chez ces premiers pour mener leur lutte. Il penchait plus vers une négociation allant même jusqu’à reconnaître Israël en vue de l’établissement de deux Etats.

Avant cette évolution et en vue d’éviter le statu quo permettant à Israël de légitimer son occupation de la Palestine, le FPLP, le FDLP[173] ainsi que le Fatah menèrent des opérations à l’encontre de « l’entité sioniste »[174] à partir de 1967, en s’inspirant de celles de la Haganah et de l’Irgoune. Mais quelques – unes de ces opérations étaient réalisées à l’extérieur du territoire israélien provoquant une désapprobation de ces actions par l’opinion publique internationale[175], voyant en elles des actes de terrorisme à l’instar de la prise prise d’otage lors des jeux olympiques de Munich ou encore le détournement d’un avion de la compagnie Air France vers l’Ouganda. Cette opération effectuée en 1976 avait pour objectif de faire une pression sur les Israéliens en vue de libérer des prisonniers considérés du côté palestinien comme étant des résistants, notamment Monseigneur Hilarion Cappucci, Archevêque grec-catholique de Césarée et vicaire patriarcal de Jérusalem qui avait été arrêté et condamné à 12 ans d’emprisonnement pour avoir participé à des opérations de résistance. Mgr Cappucci passa 4 ans dans les geôles israéliennes. Il entama une grève de la faim qui a failli lui coûter la vie. Il fût libéré à l’issue de cette opération du détournement de l’avion vers l’Ouganda et grâce à l’intervention du Saint siège[176].

L’ensemble des organisations palestiniennes se regroupèrent dans une structure qui avait réussi à fédérer leurs idéologies respectives et à coordonner leurs actions militaires, en se faisant prévaloir des dispositions du droit international public, notamment du droit à l’auto-détermination du peuple palestinien. Il s’agit de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui a commencé à être reconnue comme représentant les Palestiniens par la Ligue des pays arabes, avant d’obtenir un statut d’observateur au sein de l’Assemblée générale des Nations unies, présidée alors par Abdelaziz Bouteflika qui était à cette époque ministre des affaires étrangères de l’Algérie, en 1974[177].

Malgré son rapprochement de l’ex-Union soviétique par opposition à l’alliance entre les Etats – Unis et Israël, et malgré la présence en son sein d’organisations se déclarant du marxisme, du léninisme voire adoptant des modes d’action révolutionnaires, l’OLP tenta de maintenir des liens avec les pays occidentaux au sein du bloc de l’Ouest, notamment avec la France et l’Allemagne. Le premier Président de cette organisation, Ahmad Choukairi, se rapprocha même de « Jeune Europe ».

La sympathie de l’OLP vis-à-vis de la France découle des positions officielles françaises équidistantes des deux protagonistes palestiniens et israéliens mais aussi de sa « politique arabe ». La fameuse déclaration du Général De Gaulle lors d’une conférence de presse au Palais de l’Elysée le 27 novembre 1967, quelques mois après la guerre des six jours, renforça ce sentiment. Ces relations persistèrent jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy qui avait marqué un tournant de la diplomatie française vis-à-vis du Proche – Orient et du « monde arabe ».

Les successeurs du Général De Gaulle ont conservé la « politique arabe de la France » aussi bien sous les Présidents Pompidou que Valéry Giscard d’Estaing qui tenta de régler les conflits inter-arabes durant mon mandat[178]. Quant au Président François Mitterrand, tout en aménageant ses relations avec Israël et les mouvements sionistes en France[179], il chargea son ministre des affaires étrangères, Roland Dumas, de maintenir le dialogue et l’ouverture sur l’OLP. Par ailleurs, par l’intermédiaire de son fils, Jean – Christophe Mitterrand, il maintint une relation amicale avec Yasser Arafat.

Son successeur à l’Elysée, Jacques Chirac, s’était permis des gestes plus ostentatoires en faveur des Palestiniens dont la fameuse altercation qu’il eût avec les services de sécurité israéliens à Jérusalem, le 22 octobre1996 qui a été interprété comme un signe de ralliement à leur cause. Quatre ans plus tard, nous assistions au premier changement de cette « politique arabe » de la France lors de la prise de position du Premier ministre de Jacques Chirac, au cours de la cohabitation en 2000, Lionel Jospin qui fit une une déclaration jugée partisane, pro-israélienne. Les Palestiniens lui réservèrent alors un mauvais accueil à l’université Bir Zeit, à côté de Ramallah. Pour rectifier le tir, Jacques Chirac ainsi que d’autres figures de la droite traditionnelle française considérèrent les déclarations de Lionel Jospin comme étant un «dérapage regrettable ». Etait-il sous l’influence de son épouse la philosophe Sylviane Agacinski à l’instar d’Emmanuel Valls, sous François Hollande, comme l’avait souligné l’ancien ministre des affaires étrangères Roland Dumas lors d’un entretien télévisé sur une chaîne française[180] ou d’un revirement progressif de la position française à l’égard du conflit israélo – palestinien ? En tout état de cause, le traitement de ce conflit s’est progressivement retiré des mains des Européens et semble être passé exclusivement, du côté occidental, entre les mains des Américains et des nouvelles puissances mondiales à l’issue des changements opérés sur la scène politique internationale[181].

Il n’est donc pas inintéressant d’examiner l’évolution des positions de l’OLP depuis sa création jusqu’à la proclamation de l’Autorité palestinienne et l’émergence du Hamas.

Composée des différents mouvements politico-militaires palestiniens mais en majorité du Fatah, l’OLP s’était dotée pour objectif principal la libération de la Palestine et le droit du retour de la population palestinienne déportée de son pays par les sionistes, selon le principe du droit à l’autodétermination[182]. Par conséquent, elle prévoyait la création d’un Etat démocratique palestinien[183] dans ses frontières qui existaient durant le mandat britannique,  composé de citoyens chrétiens, musulmans et juifs qui résidaient d’une manière habituelle en Palestine, avant 1947[184]. Ceci incluait donc les communautés juives qui y ont émigré depuis le XIXème siècle jusqu’à la réalisation du projet Dalet[185]. L’OLP refusait alors l’idée d’un Etat palestinien sur une seule partie de la Palestine, cette solution légitimant à ses yeux « l’entité sioniste », et se faisait prévaloir de l’exception à l’interdiction du recours à la force dans les relations internationale édictée par l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations unies, s’agissant d’une question de résistance nationale[186], mais aussi en s’appuyant sur la résolution 3103 (XXVIII) de l’Assemblée générale des Nations unies[187].

Recevant l’appui des pays voisins pour mener sa lutte, en se fondant sur ces principes, notamment la Syrie, le Liban et la Jordanie, l’OLP multiplia ses actes à l’encontre d’Israël à partir des territoires de ces Etats. L’entrée en conflit entre elle et ces derniers[188] a permis d’atténuer ces opérations, tout en affaiblissant la cohésion et la solidarité entre les pays arabes mais aussi en fragilisant l’ensemble : aussi bien la résistance palestinienne que les Etats déstabilisés par ces conflits.

Ce scénario s’est réalisé d’abord en Jordanie ensuite au Liban. En effet, il a été insinué à l’OLP, par l’intermédiaire de réseaux de services secrets, la possibilité de renverser la monarchie hachémite jordanienne en vue de créer un Etat palestinien, la Jordanie étant un Etat artificiel et sa population d’origine palestinienne. Ce nouvel Etat pourrait ainsi se réunir avec la Cisjordanie et la Gaza et se substituer à la Palestine, comme première étape de la reprise de l’intégralité du territoire palestinien. Cela a conduit à un conflit jordano-palestinien en 1970 (septembre – noir) lorsque le roi Hussein, victime d’une tentative d’assassinat attribuée aux Fédaïns palestiniens et alerté par le Secrétaire d’Etat américain, William Rogers, de ce projet politique de l’OLP, mena une opération militaire de grande envergure conduisant cette dernière à quitter la Jordanie. Depuis, la monarchie jordanienne reçut la protection américaine et se rapprocha progressivement d’Israël d’une manière discrète. La menace palestinienne lui paraissait plus importante que la question israélo-palestinienne. De la même manière, il aurait été insinué aux Libanais que les Palestiniens, qui formèrent un Etat dans l’Etat au pays du Cèdre grâce au droit qui leur a été accordé de porter des armes, par les accords du Caire[189], allaient retourner ces armes contre eux en vue de s’octroyer le Liban en remplacement de la Palestine. Cela avait conduit à allumer la mèche de la guerre du Liban en 1975[190] et la sortie bredouille de l’OLP et de ses combattants, en 1982, lors d’une opération militaire israélienne, éloignant cette organisation vers la Tunisie.

A l’issue de la chute de l’ex-Union soviétique et la fin de la bipolarisation, deux conférences initiées et supervisées par les Etats – Unis ont conduit un rapprochement israélo – palestinien et un bouleversement des positions et de la stratégie de la résistance nationale palestinienne dirigée par l’OLP. Il s’agissait de la Conférence de Madrid et celle d’Oslo qui avait permis la création de l’Autorité palestinienne.

En effet, depuis 1974, date à laquelle l’OLP a été admise à l’Assemblée générale des Nations unies avec le statut d’observateur, elle a commencé à obtempérer dans ses positions. Tout en conservant son objectif principal de maintenir la lutte en vue de la libération de l’ensemble du territoire palestinien, elle a toutefois indiqué, dès cette année, qu’elle se contenterait d’édifier l’autorité nationale du futur Etat de la Palestine uniquement sur la partie territoriale qui sera libérée. Progressivement, elle passa de l’exigence d’un Etat laïc unitaire incluant les communautés juives vivant en Palestine avant 1947 à la possibilité d’admettre comme solution un Etat binational à l’ouest du Jourdain sur les terres que les Israéliens évacueront selon les dispositions de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies, en procédant ainsi au démantèlement des colonies et en permettant aux Palestiniens de retourner à ces terres[191]. Avec les accords d’Oslo, elle est allée encore plus loin en acceptant le principe de deux Etats comme solution, à la place d’un Etat binational.

Cette nouvelle période que la résistance nationale palestinienne a franchi a été caractérisée par l’émergence de nouveaux intellectuels palestiniens[192], à l’instar d’Edouard Saïd, de Michaël Tarazi[193], d’Ibrahim Souss, de Leila Chahid[194], de Hanane Achraoui, de Sami Aldeeb, d’Elias Sanbar, le fondateur de la Revue d’Etudes Palestiniennes à Paris qui était l’organe de diffusion de l’Institut d’Etudes Palestiniennes[195]… La plupart sont de religion chrétienne mais, comme l’ensemble des membres de la résistance nationale palestinienne, ils ont une conception laïque de l’Etat, les opposant ainsi et malgré leur ouverture sur Israël en vue de parvenir à une solution, au modèle social israélien et aux institutions politiques de cet Etat, fondé sur une conception ethnique et/ou religieuse : la judéité des citoyens.

                        B-  …à la résistance islamique

Comme il a été exposé dans les développements précédents, la question palestinienne évolua depuis 1948 mais surtout à partir de 1967. On assistait alors à un conflit entre les sionistes dotés d’un appareil étatique, soucieux de préserver leur entité, et les Palestiniens dépossédés de leur territoire. Ces derniers ont érigé un mouvement de résistance nationale structuré autour de l’OLP et composé de plusieurs organisations politiques et militaires. Inspirés du modèle de l’OSM, les Palestiniens menaient une lutte pour la reconquête de leur territoire en vue de créer un Etat laïc.

Les Israéliens combattirent le projet politique palestinien à la fois militairement et politiquement en vue de le faire échouer. Ils furent aidés par leurs alliés américains en vue de détourner la résistance palestinienne de son objectif, avec des moyens diplomatiques mais aussi par l’intermédiaire des services secrets aussi bien américains que des leurs.

Après avoir provoqué un conflit jordano-palestinien[196], ils entraînèrent l’OLP dans d’autres conflits avec les Syriens mais surtout les Libanais. Cependant, la situation au Liban se compliqua. On assista à un imbroglio en raison de l’enchevêtrement de divers facteurs régionaux et internationaux. Cela a conduit à l’échec du projet de neutralisation des opérations de résistance palestinienne à l’encontre d’Israël. En effet, le conflit libano-palestinien n’a duré qu’un laps de temps. Il a surtout provoqué le déclenchement de plusieurs conflits militaires sur le territoire libanais, en raison de la déstabilisation du pays du Cèdre : l’affaiblissement de l’armée nationale et l’émergence de milices stipendiées par des puissances étrangères. Après avoir été momentanément éloignés de leur objectif national et entraînés dans la guerre du Liban où ils devinrent progressivement une force militaire parmi tant d’autres et perdirent donc de leur suprématie militaire par rapport à celles des autres milices[197], les différentes organisations palestiniennes reprirent leur combat contre Israël. Cela a conduit ce dernier à intervenir militairement en 1982, provoquant l’éloignement de l’OLP ainsi que ses factions vers la Tunisie.

Cette opération menée sous Menahem Begin, par Ariel Sharon, son ministre de la défense, et le Chef d’état major de l’armée, Raphaël Etan, avait été préalablement projetée par les services de l’armée sous le prédécesseur de Sharon, Ezer Waizman. Ce projet dénommé « Oranim » avait pour objectif de neutraliser les opérations de résistance nationale des organisations palestiniennes en les éloignant de plus de 40 km de la frontière libano – israélienne (« petit Oranim ») ou en les repoussant de nouveau vers la Jordanie (« grand oranim »)[198]. De ce fait et selon ce projet, l’OLP et ses factions devaient été poussées[199] à entrer de nouveau en conflit avec les Jordaniens, à renverser la monarchie et à créer un Etat palestinien à sa place[200]. Mais l’opération « Paix en Galilée » s’est contentée de réaliser le « petit Oranim ». Les mouvements palestiniens ont été totalement éloignés vers la Tunisie. Israël adopta alors la stratégie de l’anéantissement complet des mouvements de résistance palestinienne déjà affaiblis à l’issue de leur éloignement du Liban, en assassinant leurs principaux membres et en contribuant à l’émergence de mouvements politiques islamiques à Gaza et en Cisjordanie pour combattre le projet politique laïc de ces premiers.

Déjà, l’assassinat des intellectuels et des dirigeants politiques palestiniens avait débuté dans les années soixante – dix. Cette stratégie avait pour objectif de démunir les Palestiniens de meneurs d’opinion, de les affaiblir intellectuellement et culturellement en vue de les dérouter et d’avoir une masse populaire palestinienne extrêmement pauvre, peu cultivée et donc facilement manipulable. C’est ainsi qu’on assista à une série d’assassinats exécutés par les services secrets israéliens, notamment celui de Waël Zwaiter, un intellectuel qui représentait l’OLP en Italie. Il a été tué par balles à Rome le 16 octobre 1972, quelques mois après l’assassinat de Ghassan Kanafani, un autre intellectuel, tué avec sa nièce de 17 ans par l’explosion d’une bombe placée sous son véhicule à Beyrouth, le 8 juillet de la même année.

Plus spectaculaire était l’assassinat de Wadih Haddad, co-dirigeant du FPLP[201], en 1978. Amateur de chocolat belge, Haddad demandait à ses proches collaborateurs de lui chercher du chocolat belge lorsqu’ils voyageaient en Europe, alors qu’il vivait principalement à Bagdad. C’est ainsi que l’un de ses proches collaborateurs qui s’est révélé plus tard comme agent du Mossad[202], lui ramena une boîte de chocolats belges dans lesquel un poison avait été introduit. Ce produit provoqua chez lui des symptômes ressemblant à ceux d’un cancer. C’est la raison pour laquelle son décès, survenu le 28 mars 1978 en Allemagne de l’est, a été déclaré comme étant des suites d’une maladie incurable déclenchée chez lui un an avant. Il a fallu attendre 28 ans pour que cet assassinat ait été révélé par un ancien haut responsable du Mossad[203]. Dans son livre Striking Back[204], Aaron Klein indique que l’ancien ministre israélien, Menahem Begin, donna son accord pour effectuer cette opération avec cette méthode bactériologique.

Curieusement, les causes du décès de Haddad sont similaires à celles de la mort de Yasser Arafat survenue le 11 octobre 2004. Ce dernier avait-t-il été empoisonné au polonium par les services israéliens qui avaient tenté de le faire plus d’une dizaine de fois préalablement?

Pays nucléaire, donc détenteur de cette substance radioactive, Israël avait nié toute responsabilité de cet éventuel acte en le faisant endosser par les dirigeants palestiniens qui, selon les Israéliens, « avaient intérêt à l’assassiner dans le contexte de la lutte pour sa succession”. Atteint d’une maladie mystérieuse, Arafat avait été isolé de longs mois par l’armée israélienne « qui lui fournissait de la nourriture via un Palestinien resté auprès de lui« , soulignait Georges Malbrunot dans un article publié au Figaro, le 6 novembre 2013, au moment où un rapport d’expertise de l’Institut de radiophysique suisse de Lausanne révélait la présence de cette substance (le polonium) sur les échantillons prélevés après l’exhumation de la dépouille du dirigeant palestinien, en novembre 2012. Cette expertise a été effectuée à l’issue d’un combat judiciaire que mena la veuve d’Arafat.

En se référant à une « source haut placée », Georges Malbrunot révéla dans cet article que « les Français savent, mais ils ne diront rien. Un dossier classé «Secret défense» existe, mais il y a peu de chances que les autorités françaises le déclassifient rapidement, toujours selon cette source. Le président de la République à l’époque des faits, Jacques Chirac, le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie et le patron de la DGSE, Pierre Brochand, savent de quoi est mort Yasser Arafat, affirme un ancien cadre de la DGSE de l’epoque« . Malbrunot indiqua que des pressions auraient été exercées sur les experts français saisis également de ce dossier.

Dans un discours prononcé en 2006, le Président syrien, Bachar Al Assad, a été le premier à faire allusion à l’« assassinat » d’Arafat[205]. Ensuite, la chaîne de télévision Al Jazeera diffusa un documentaire qui crédita la  thèse selon laquelle du polonium lui aurait été administré. Aussitôt, la veuve de l’ancien dirigeant et fondateur de l’OLP, Souha Arafat, fit expertiser les effets personnels de son mari, qui lui ont été remis par l’hôpital Percy où il avait rendu l’âme, en France. Des traces de cette substance radioactive hautement toxique y ont été découvertes. Après avoir porté plainte pour empoisonnement de son conjoint dont le neveu n’a pas hésité à accuser Israël de l’avoir commis,  une expertise sur des échantillons prélevés sur le corps d’Arafat a été sollicitée tant par la famille du défunt que par l’Autorité Palestinienne. Les premiers experts suisses du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) qui avaient rendu publiques leurs investigations, conclurent sur une forte probabilité d’une mort empoisonnée en raison de la quantité non négligeable de polonium et de plomb retrouvée dans le corps du défunt. Le Professeur François Bochud, directeur du Centre universitaire romand de médecine légale, indiqua à ce sujet que la mort d’Arafat « pourrait être la conséquence d’un empoisonnement au polonium-210 ». Mais à ce jour, la cause de la mort d’Arafat n’a point été élucidée.

Cependant, l’assassinat d’autres dirigeants de l’OLP par les services israéliens ne fait aucun doute, depuis 1982, à l’instar de Ma’moun Meriache, l’un des responsables de l’OLP et proche de Yasser Arafat, effectué le 21 août 1983 à Athènes par un tir d’un agent israélien[206]. Ou encore celui de Khaled Nazzal effectué de la même manière,  le 9 juin 1986 dans la capitale grecque. Celui de Khaled El Wazir (alias Abou Jihad)[207], commise  à Tunis le 16 avril 1988. L’assassinat de Imad Abou Sneineh, proche du Fatah, tué le 15 août 2001 par des soldats israéliens camouflés. Le 27 août 2001, ceux sont des hélicoptères qui furent utilisés pour éliminer le Secrétaire général du FPLP, Abou Ali Moustafa. Un an après, le 23 juillet 2002, les Israéliens tuèrent un autre dirigeant du Fatah : Ra’ed Karmi…

L’éloignement de l’OLP des frontières israéliennes et sa défaite au Liban en 1982, la conduisant à renoncer à la lutte armée pour libérer le territoire palestinien et y ériger un Etat, ainsi que l’ensemble des opérations des services israéliens visant les principaux dirigeants des mouvements nationalistes palestiniens, firent croire à la disparition de ces derniers et, par conséquent, à l’échec du projet nationaliste palestinien fondé sur des principes laïcs opposés à l’ethnocratie israélienne. Mais il n’en était pas ainsi. L’OLP changea de stratégie en acceptant les compromis qui lui ont été parfois imposés lors des conférences de paix tant à Madrid en 1991 qu’à Washington et à Oslo en 1993 et 1994. Yasser Arafat revint sur la scène politique en redevenant le dirigeant politique (leader) incontournable des Palestiniens. En tendant la main à Itshak Rabin, il fut réhabilité aux yeux de l’opinion publique internationale. Du jour au lendemain, il devint un homme respectable[208] alors qu’il avait longtemps été dépeint comme étant un terroriste. Les Palestiniens aperçurent alors une lueur d’espoir. Ils allaient obtenir enfin un Etat, même avec une superficie plus restreinte que celle qui a été prévue par le plan de partage de la Palestine par l’ONU en 1947. Le processus d’Oslo permit, par ailleurs, la création d’une Autorité palestinienne dotée progressivement d’institutions étatiques.

Alors qu’une large majorité des Israéliens, surtout ceux qui sont nés après 1948, applaudît cette avancée des négociations qui furent appuyées et saluées par la communauté internationale, le noyau dur et extrémiste chez les sionistes fut hanté par l’idée d’une paix avec la création d’une entité palestinienne laïque dont le modèle social et les institutions politiques seront identiques à celles de la plupart des démocraties occidentales[209].

En effet, la paix menace la cohésion nationale israélienne dans la mesure où la société artificielle israélienne est composée de différentes communautés disparates[210]. C’est le sentiment de la peur[211] qui leur permet de se solidariser face au danger et à l’ennemi commun, en dépassant leurs différences et divergences parfois très conflictuelles[212]. L’arrêt des actes de résistance militaire palestinienne dérangeait donc paradoxalement Israël qui a besoin de sauvegarder un état de guerre permanent à l’intérieur de ses frontières comme il a également besoin, à l’extérieur de son territoire, de maintenir la peur de l’antisémitisme pour légitimer son existence et pousser les communautés juives présentes en Occident à faire leur Alya (regagner l’entité sioniste).

Par ailleurs, l’existence d’un Etat palestinien allait bénéficier d’une aide financière généreuse des pays arabes, notamment de ceux du Golfe, lui permettant de prospérer rapidement à la fois économiquement et culturellement. En effet, à l’instar des Libanais et des Syriens, les Palestiniens sont réputés pour leur avancée culturelle[213] et leur aptitude à réussir dans le commerce et les affaires[214]. Aussi, avec des institutions laïques et une société multiconfessionnelle évoluant au rythme des sociétés occidentales, la Palestine pouvait à moyen ou à long terme remettre en cause la légitimité de l’ethnocratie israélienne aux yeux des sociétés occidentales laïcisées et démocratiques et sonner le glas à l’expérience sioniste[215].

Pour les extrémistes israéliens, l’idéal c’était de maintenir l’état de guerre permanent, d’islamiser la question palestinienne en provoquant l’exode progressif des chrétiens et en transformant la société et l’idéologie laïque palestinienne en une société islamique prônant un modèle politique et social fondé sur des principes religieux[216]. Ceci devait créer des tensions inter-palestiniennes entre un courant religieux et un courant libéral antinomiques[217] et discréditer la cause palestinienne aux yeux de la communauté internationale en raison de ses divisions internes et de la tournure islamique qu’elle allait adopter. Parallèlement, il convenait d’empêcher la société palestinienne d’évoluer culturellement et intellectuellement. Pour cela, il fallait maintenir voire accentuer l’état de pauvreté chez les Palestiniens et les garder dans une situation fragile économiquement.

Le 4 novembre 1995, à l’issue d’une manifestation populaire organisée en Israël pour soutenir les accords de paix et le processus d’Oslo auquel il participait, le Premier ministre Itshak Rabin fut assassiné[218]. Le rêve d’une paix israélo-palestinienne fut estompée. On assista alors à un retour en arrière malgré la proclamation de l’Autorité palestinienne. La mort de Yasser Arafat dans les circonstances décrites dans les développements précédents tourna ensuite la page tant au règlement de la question israélo-palestinienne qu’au caractère même de la résistance palestinienne dont le flambeau est passé entre les mains du Jihad islamique et du Hamas.

En effet, ce dernier rivalisa avec le Jihad islamique en se dotant d’une branche armée dénommée « les Brigades Ezz el-Din al-Qassam »[219]. Il mena des opérations militaires faisant de lui le principal mouvement de résistance palestinien. Néanmoins, il a été très vite déconsidéré par l’opinion publique internationale en raison de sa reprise des actes de violence (qualifiés par ses dirigeants d’actes de résistance). Il figure désormais sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Canada. Son objectif, lors de sa création, était l’établissement d’un Etat islamique, ce qui est en contradiction fondamentale avec l’idéologie nationaliste palestinienne prônée par les mouvements de résistance originels (notamment le Fatah et l’OLP) dont les principaux fondateurs étaient chrétiens.

Dans un livre publié en 2007[220], le chroniqueur britannique Brendan O’Neill explique la stratégie israélienne qui a favorisé l’émergence du Hamas à la fois pour provoquer des tensions entre lui et le Fatah et  pour créer un ennemi qu’il pouvait contrôler. O’Neill fait aussi état dans cet ouvrage de l’infiltration des Palestiniens par les services secrets israéliens.

En effet, les Israéliens pensaient que la première Intifada a été lancée par le Fatah et par Yasser Arafat. Il convenait alors de combattre ces derniers en les affaiblissant de l’intérieur[221]. C’est dans ce contexte que le Hamas a été créé, en 1987, par le cheikh Ahmad Yassine bien qu’il ne souhaitait pas, dans un premier temps, prendre part à ce mouvement (à l’Intifada). Quelques années plus tard, le Hamas entra en conflit aussi bien politique que militaire avec le Fatah. Ce dernier fut affaibli aussi bien militairement que politiquement au point de perdre les élections législatives au sein de l’Autorité palestinienne en 2006.

Comme le souligne Brendan O’Neill[222], en créant le Hamas, Israël a réussi à affaiblir le Fatah et à maintenir le sentiment de peur au sein de sa population d’autant que le Hamas reprît les actes de résistance para-militaires.

Dans son article précité, Shlomo Alegra expose les motifs qui ont conduit les dirigeants de son pays à faire émerger le Hamas. Il rappelle que le Cheikh Yassine a été emprisonné et devait effectuer une peine de 12 années d’incarcération à l’issue d’une condamnation, trois ans avant la première Intifada. Curieusement, il a été mis en liberté et créa aussitôt ce mouvement politique[223]. Alegra rappelle ce qui a été révélé par le New York Times qui publia un entretien avec le Brigadier-général Yitzhak Segev, gouverneur militaire isralien de Gaza en 1979, à ce sujet[224]. Le Général Segev expliqua le processus par lequel les gouvernements successifs ainsi que les services secrets israéliens ont contribué à faire émerger le Hamas. Il admit avoir participé au financement de ce mouvement, sur ordre des responsables politiques « avec l’argent des contribuables israéliens » pour que « cet argent serve plus tard à les tuer »[225].

Cette affirmation confirme l’analyse faite par Hassane Zerouky, dans un article intitulé « Le Hamas est une création du Mossad »[226] où il revient sur les circonstances de l’émergence de ce mouvement. Il n’est pas inintéressant d’en reproduire un extrait : « N’oublions pas que c’est Israël qui a en fait créé le Hamas. Selon Zeev Sternell, historien à l’Université Hébraïque de Jérusalem, « Israël pensait que c’était un stratagème intelligent pour pousser les islamistes contre l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) ».

Ahmed Yassine, le chef spirituel du Mouvement Islamiste en Palestine, de retour du Caire dans les années soixante-dix, a créé une association caritative islamique ». (…) « Les islamistes ont mis en place des orphelinats et des centres de santé, ainsi qu’un réseau d’écoles et d’ateliers qui ont créé de l’emploi pour les femmes ainsi que le système d’aide financière aux pauvres. Et en 1978, ils ont créé une « université islamique » à Gaza. « L’autorité militaire était convaincue que ces activités affaibliraient à la fois l’OLP et les organisations de gauche à Gaza. » À la fin de 1992, il y avait six cents mosquées à Gaza. Grâce au Mossad israélien (la division renseignement et opérations spéciales), les islamistes ont été autorisés à renforcer leur présence dans les territoires occupés. Pendant ce temps, les membres du Fatah (Mouvement pour la libération nationale de la Palestine) et de la gauche palestinienne ont été soumis à la forme la plus brutale de répression.

En 1984, Ahmed Yassine a été arrêté et condamné à douze ans de prison, après la découverte d’une cache d’armes. Mais un an plus tard, il a été libéré et a repris ses activités. Et quand l’Intifada («soulèvement») a débuté, en Octobre 1987, et a pris les islamistes par surprise, le cheikh Yassine a répondu en créant le Hamas (Mouvement de la résistance islamique): « Dieu est notre début, le prophète notre modèle, le Coran notre constitution » proclame l’article 7 de la charte de l’organisation.

Ahmed Yassine (le fondateur du Hamas) était en prison quand les accords d’Oslo (Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie gouvernementale) ont été signés en Septembre 1993. Le Hamas avait rejeté Oslo purement et simplement. Mais à cette époque, 70% des Palestiniens ont condamné les attaques contre des civils israéliens. Yassin a fait tout en son pouvoir pour miner les accords d’Oslo. Même avant la mort du Premier ministre Rabin, il avait le soutien du gouvernement israélien. Ce dernier était très réticent à mettre en œuvre l’accord de paix.

Le Hamas a alors lancé une campagne soigneusement chronométré d’attaques contre des civils, un jour avant la réunion entre les négociateurs palestiniens et israéliens qui concernait la reconnaissance formelle d’Israël par le Conseil national palestinien. Ces événements ont largement contribué à la formation d’un gouvernement israélien de droite après les élections de mai 1996.

De manière assez inattendue, le Premier ministre Netanyahu a ordonné la libération Sheik Ahmed Yassin («pour des raisons humanitaires») alors qu’il purgeait une peine à perpétuité. Pendant ce temps, Netanyahu, avec l’appui du président Bill Clinton, faisait pression sur Arafat pour contrôler le Hamas. En fait, Netanyahu savait qu’il pouvait compter, une fois de plus, sur les islamistes pour saboter les accords d’Oslo. Pire encore: après avoir expulsé Yassin en Jordanie, le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui a permis de revenir à Gaza, où il a été accueilli triomphalement comme un héros en Octobre 1997.

Arafat était impuissant face à ces événements. En outre, parce qu’il avait soutenu Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe de 1991, (alors que le Hamas s’était prudemment abstenu de prendre parti), les pays du Golfe ont décidé de couper leur financement à l’Autorité palestinienne. Pendant ce temps, entre février et avril 1998, Cheikh Ahmad Yassine a réussi à amasser plusieurs centaines de millions de dollars, à partir de ces mêmes pays. Il a été dit que le budget du Hamas était plus important que celui de l’Autorité palestinienne. Ces nouvelles sources de financement ont permis aux islamistes de poursuivre efficacement leurs diverses activités caritatives. On estime qu’un palestinien sur trois est bénéficiaire de l’aide financière de la Hamas. Et à cet égard, Israël n’a rien fait pour freiner l’afflux de capitaux dans les territoires occupés ».

Zerouky tire cette conclusion : « Le Hamas avait construit sa force à travers ses différents actes de sabotage du processus de paix, d’une manière qui soit compatible avec les intérêts du gouvernement israélien. À son tour, ce dernier a cherché par différents moyens à empêcher l’application des accords d’Oslo. En d’autres termes, le Hamas remplissait les fonctions pour lesquelles il a été créé: empêcher la création d’un Etat palestinien. Et à cet égard, le Hamas et Ariel Sharon sont exactement sur la même longueur d’onde »[227].

Ainsi donc, les Frères musulmans palestiniens (fondateurs du Hamas) ont joui d’une complaisance des autorités israéliennes pour capter l’opinion publique palestinienne et gagner en popularité. Ils développèrent des opérations caritatives (aides humanitaires, éducatives, sanitaires), menèrent une propagande prosélytique, en profitant du courant islamisant répandu dans les sociétés musulmanes[228]… C’est par ce moyen que le Hamas a réussi à attirer la masse palestinienne, particulièrement appauvrie, démunie et acculée[229]

Cette stratégie israélienne correspond à un projet politique plus large que les sionistes et leurs alliés américains expérimentaient et réalisaient à une plus grande échelle : l’instrumentalisation des facteurs religieux à des fins politiques. L’ancien conseiller à la sécurité nationale du sénateur américain John McCain, Anthony Cordesman, indiqua à ce sujet : « Israël a aidé directement le Hamas car les Israéliens voulaient l’utiliser comme un contre-pouvoir au Fatah »[230].

Par ailleurs, lors d’une intervention au Congrès américain en 2014, le député du Texas, Ron Paul, a souligné ce qui suit : « Nous avons une responsabilité morale surtout que nous savons aujourd’hui que les armes utilisées à Gaza pour tuer un très grand nombre de Palestiniens sont fabriqués aux Etats – Unis et que notre pays finance tout cela. Si vous examinez l’histoire, vous réalisez que le Hamas a été créé et encouragé par Israël pour faire un contre-poids à Arafat. Les Israéliens prétendaient ‘oui… mais c’était mieux à cette époque… cela nous rendait service. Mais nous ne voulions pas que le Hamas fasse cela…’ Ensuite, nous les Américains prétendons que nous disposons un très bon système qu’il faut imposer dans le monde. ‘Nous allons envahir l’Irak et y imposer la démocratie’. ‘Nous voulons des élections libres’.. Donc, nous avons encouragé les Palestiniens à organiser des élections libres. Ils l’ont fait et ils ont élu le Hamas. Donc, dans un premier temps, nous avons aidé Israël à créer le Hamas. Ensuite, nous avons poussé les Palestiniens à organiser des élections. Le Hamas gagne. Donc, il faut les tuer… Cela n’a aucun sens ! ».

En effet, après avoir « coupé les ailes » du Fatah, il a été procédé au redimensionnement de la puissance du Hamas chaque fois qu’il risquait de devenir incontrôlable. Pour cela, Israël eût recours à l’assassinat de membres de ce mouvement ou de ceux de son jumeau, le Jihad islamique avant qu’ils ne deviennent très influents[231] : assassinat de Fathi Chikaki, l’un des fondateurs du Jihad islamique, en 1995 à Malte, un an après avoir assassiné le journaliste Hani Abed, proche de ce mouvement ; assassinat de Yahia Ayache, le commandant militaire du Hamas, le 5 janvier 1996, en plaçant un explosif dans son appareil téléphonique portable ; une tentative d’assassinat du président du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, le 5 janvier 1997[232] ; plusieurs assassinats de membres aussi bien du Hamas que du Jihad islamique commis en 2001, mais aussi du Fatah (assassinat deSalah Darwazeh, membre du Jihad islamique le 25 juillet 2001, de Amer Mansour Hibri, membre du Hamas, le 5 août 2001[233], de Imad Abou Sneineh, membre du Tanzim, proche du Fatah, le 15 août 2001[234], d’Abou Ali Moustafa du FPLP, le 27 août 2001, de Mahmoud Abou Hanoud, membre influent du Hamas, le 23 novembre 200[235]. Le 14 janvier 2002, les Israéliens assassinèrent également un dirigeant du Fatah, Raed Karmi, alors qu’un cessez-le-feu avait été conclu entre les belligérants.

De la même manière, le 23 juillet de la même année et quelques heures après un accord sur un cessez-le-feu, Israël assassina Salah Chehada, membre du Hamas, en procédant au bombardement en pleine nuit de l’immeuble d’habitation où il demeurait.

Le 8 mars 2003 Ibrahim Makdama, co-fondateur du Hamas fut assassiné avec l’un de ses collaborateurs par les services israéliens, quelques jours avant l’opération spectaculaire par laquelle le principal fondateur du Hamas, le Cheikh  Ahmad Yassine ne soit assassiné en sortant de la mosquée, le 22 mars 2004, provoquant également la mort de 9 personnes. Cette opération a été condamnée par la communauté internationale mais elle n’empêcha pas les Israéliens de tuer, un mois plus tard, un autre co-fondateur du Hamas, Abdel Aziz Rantisi. Deux ans plus tard, Israël reprit ces actes.

Le 8 juin 2006, Jamal Abou Samhadana, ministre du Hamas au sein du gouvernement de l’Autorité palestinienne, nommé à l’issue de de la victoire de ce mouvement aux élections, a été assasiné. En 2009, le commandant militaire supérieur du Hamas, Nizar Rayan, a été tué le 1er janvier par une attaque aérienne visant sa maison provoquant par la même occasion la mort de  15 membres de sa famille dont 11 enfants. Quinze jours plus tard, le ministre et membre du Parlement de l’Autorité palestinienne, Saïd Seyam (du Hamas), fut également tué. En 2010, Mahmoud Al Mabhouh, un autre dirigeant du Hamas a été assassiné dans un hôtel à Dubaï par des agents israéliens munis de passeports européens falsifiés ou volés, occasionnant un tollé international. Le 9 mars 2012 Israël assassina Zuhair Al Kaïssi. Cette opération a été effectué en Egypte, en violation des accords de Camp David. Le 14 novembre 2012, un autre membre du Hamas, Ahmad Jabari, fut exécuté, etc…

Parallèlement, les services secrets israéliens firent usage de la stratégie d’infiltration du Hamas comme ils l’avaient fait pour les autres organisations palestiniennes, à partir des années soixante-dix. Ce processus a été largement utilisé par le Mossad dans d’autres pays arabes[236]. Il consistait soit à des infiltrations directes par des agents arabes de religion juive entraînés par le Mossad, soit par des agents arabes d’autres confessions, y compris des Palestiniens[237].

A titre d’illustration, citons le plus célèbre de ces agents, Elie Cohen, égyptien de religion juive, né en Alexandrie en 1924. Il intégra les services secrets sionistes dans les années cinquante en exécutant des opérations terroristes à l’encontre d’établissements américains en Egypte. Ensuite, il disparut… Il fût envoyé en Argentine par les services où on lui attribua une autre identité, sous le nom de Kamel Amine Tabet. Il s’était alors rapproché des diplomates syriens et gagna leur confiance avant d’aller en Syrie, en prétendant qu’il était de nationalité syrienne. Arrivé à Damas, il réussit à tisser des liens avec des hauts responsables politiques et des officiers de l’armée au point qu’il fut pressenti à un poste politique au sein du gouvernement syrien avant d’être démasqué en 1965 à Damas où il était installé, dans le même immeuble où Rifaat Al Assad[238] avait ses bureaux à cette époque. Il fut ensuite poursuivi et condamné à mort.

A l’instar d’Elie Cohen, un autre agent arabe de religion juive et de nationalité égyptienne fut démasqué dans les années soixante dix : Baroukh Zeki Mezrahi. Né en 1926, il tomba amoureux d’une fille de confession juive qui était aller s’installer en Israël dans les années cinquante. Mais il n’a pas pu se marier avec elle puisque sa mère n’était pas de religion juive, ce qui était contraire aux lois de l’époque, dans l’entité sioniste. Il se résigna alors à entamer une carrière dans l’espionnage au profit d’Israël. Il partit en Hollande où il tissa des liens avec des hauts responsables égyptiens avant d’être envoyé par le Mossad, avec un passeport marocain mentionnant une autre identité (Ahmad Al Sabbagh) aux Emirats et au Yémen, à l’issue de l’attaque d’un navire israélien par les forces égyptiennes à Aden. Il s’y installa en fournissant des renseignements et en traquant les activités locales des organisations palestiniennes basées dans les pays du Golfe avant d’être démasqué par les services yéménites sur dénonciation égyptienne. Il fut alors envoyé dans son pays d’origine, l’Egypte et incarcéré avant d’être mis en liberté en 1974 lors d’un échange avec un espion égyptien (Abdel Rahim Karman).

Enfin, on peut aussi rappeler le parcours de Chola Cohen, une espionne sioniste née en 1920 en Argentine de parents arabes de religion juive. Attirée par le sionisme, elle se rapprocha des services secrets sionistes qui l’envoyèrent à Beyrouth en 1947 où elle s’est mariée avec un Libanais, Youssef Kechk. Elle instaura une maison close qui lui avait permis de collecter des informations auprès des clients. Elle avait, par ailleurs, réussi à manipuler un haut responsable politique libanais qui tomba amoureux d’elle, ce qui l’a poussé à devenir ainsi que deux de ses proches, membres de sa famille, des agents du Mossad. Surnommée la « perle du Mossad », Chola étendit ses réseaux vers la Syrie et l’Irak et réussit à infiltrer de hauts responsables dans l’ensemble de ces pays. Elle fut démasquée par les services secrets syriens mais a été libérée, malgré une peine de 20 ans de prison prononcée contre elle par les juridictions libanaises qui avaient statué sur cette affaire, à l’occasion d’un accord d’échange d’espions entre le Liban et Israël en 1967.

Les services israéliens font usage de cette méthode d’infiltration par l’intermédiaire d’agents arabisants, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, pour récolter certes des informations mais aussi pour inciter la foule à des jets de pierre et à la provocation des forces israéliennes pour justifier les ripostes de ces dernières. Dans un reportage effectué par Europe 1 et publié par ce média français le 12 octobre 2015, il est souligné à ce sujet : « On appelle les « moustaaribine »[239] : littéralement « ceux qui sont déguisés en Arabe ». Il s’agit, entre autres, de policiers israéliens qui s’infiltrent parmi les manifestants palestiniens, jetant des pierres à leurs côtés, avant de se retourner contre eux, appuyés par l’armée israélienne »[240]. L’objectif escompté est à la fois d’isoler la population palestinienne dans ces territoires, les appauvrir et les acculer, les transformer vis-à-vis de l’opinion publique internationale en « terroristes » afin de pouvoir les exterminer progressivement.

Lors d’un discours prononcé à la Knesset, en Israël, le 5 mai 1991, à l’occasion de le remise du prix Wolf qui lui avait été décerné, le célèbre violoniste Lord Yehudi Menuhin[241] alerta les Israéliens au sujet de la politique de leurs dirigeants : « Un fait est absolument évident : cette façon improductive de gouverner par la peur, par le mépris des dignités essentielles de la vie, cette constante asphyxie d’un peuple dépendant devrait être la dernière chose acceptée par ceux-là même qui savent trop bien l’horrible signification, la souffrance inoubliable d’une telle existence ». 

Dépourvus de territoire, de nationalité et de passeports, entassés dans des camps aussi bien à l’extérieur de leur pays qu’en Cisjordanie et à Gaza depuis plus d’un demi siècle, vivant dans la misère et d’une manière rudimentaire sans la moindre lueur d’espoir de regagner un jour leur pays et, pour les jeunes, d’avoir un quelconque avenir pour la simple raison qu’ils n’ont pas la possibilité d’évoluer sur le plan personnel et professionnel, les Palestiniens tombèrent dans le plus grand désespoir, ce qui les a conduit à l’irrationnel. Certains furent prêts à se sacrifier, la vie ne valant plus rien à leurs yeux, en voyant surtout leurs proches et leurs familles affamés sombrer dans cette situation dramatique et inacceptable qui perdure depuis des décennies. D’autres furent prêts à collaborer avec l’occupant en contre-partie d’une maigre solde leur permettant de survivre. Enfin, ceux qui accédèrent à certains postes ou fonctions au sein de l’Autorité palestinienne furent tentés, pour les mêmes raisons et compte tenu de leur maigres salaires, par la corruption. Ceci explique le cercle vicieux dans lequel les Palestiniens se sont engouffrés depuis la conférence de Madrid et le processus d’Oslo qui a échoué depuis l’assassinat d’Itshak Rabin. Il explique également les raisons pour lesquelles le Jihad islamique et le Hamas ont réussi à s’accaparer de la cause palestinienne.

Israël a -t-il réussi sa stratégie consistant à transformer la cause palestinienne d’une cause nationale défendue par des nationalistes de différentes confessions et religions, prônant un Etat laïc, en une cause religieuse islamique prônant un Etat islamique ? A -t-il réussi ou réussira -t-il à convaincre l’opinion publique internationale que la question palestinienne se résume à un conflit entre un pays démocratique (Israël) attaqué par des islamistes terroristes (les Palestiniens) dont l’idéologie et les méthodes sont similaires voire identiques à celles des islamistes qui menacent les autres pays, aussi bien occidentaux qu’arabes ?

A la lumière des développements précédents et en s’appuyant sur les faits, nous tenterons d’y apporter une esquisse de réponse en attendant l’évolution de la situation.

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Il est certain que la question palestinienne a évolué depuis la mort de Yasser Arafat, en prenant un aspect religieux avec l’émergence du Hamas qui a commencé par adopter des positions intransigeantes vis-à-vis d’Israël, aussi bien dans sa charte que par ses actions sur le terrain. Mais à l’instar du Fatah et des autres organisations de résistance palestiniennes, notamment le FPLP et le FDLP, qui étaient aussi intransigeants et qui optèrent au départ pour une stratégie de lutte militaire jusqu’à la libération totale de la Palestine, ce mouvement a atténué progressivement ses positions depuis sa participation au pouvoir, au sein de l’Autorité palestinienne, en 2006.

Il faut aussi admettre que la société palestinienne n’est pas très religieuse, comparée à d’autres sociétés où le phénomène de radicalisation a réussi à les modeler. Les Palestiniens nés de religion musulmane sont modérément pratiquants. Ils sont essentiellement préoccupés par leur avenir et veulent surtout sortir de la situation inextricable dans laquelle ils se trouvent depuis plus d’un demi siècle.

Par ailleurs, bien que le Hamas soit une émanation des Frères musulmans d’obédience sunnite, son rapprochement de l’Iran chiite était animé par une stratégie qui cherchait d’abord à privilégier ses propres intérêts et ceux de la Palestine. En effet, les Palestiniens musulmans de confession chiite ne constituent qu’une extrême minorité, très marginale et presque inexistante. Le soutien iranien au Hamas avait pour objectif à la fois de s’opposer aux positions israéliennes qui ne lui étaient plus favorables[242] depuis la fin de la guerre Iran-Irak, et d’apporter son soutien à une population pauvre qui subit une injustice[243], à l’instar de son soutien aux différentes communautés chrétiennes du Moyen – Orient lorsque leur sécurité et leur existence sont menacées. Le Hamas et le Jihad islamique trouvèrent dans ce soutien une opportunité politique mais surtout financière.

Il en a été de même lorsque ce mouvement a été soutenu par la Turquie où le Président Erdogan était hanté par l’idée de devenir le dirigeant d’un « monde musulman sunnite » incluant le « monde arabo-musulman » et procura ainsi une aide à la population palestinienne en vue d’attirer la sympathie des Arabes de religion musulmane et de confession sunnite. Conscients de ces visées politiques, notamment de faire ressusciter l’empire ottoman contre lequel se concentrèrent les efforts de leurs parents et de leur ancêtres en vue de s’en émanciper, les dirigeants du Hamas ne s’impliquèrent pas assez dans leurs relations avec la Turquie qui a fini par procéder à un revirement progressif de sa politique vis-à-vis des Arabes, depuis septembre 2019. Ceci a conduit, par ailleurs, les Israéliens à demander au Qatar de financer le Hamas, comme le souligne le Général Ytshak Segev[244] sur son site, le 27 février 2020 : « Il y a quelques jours, l’ancien ministre de la Défense israélien, Avigdor Liberman, a révélé que le chef du Mossad et un haut gradé de Tsahal avaient été envoyés par Benjamin Netanyahu au Qatar et ce, dans l’objectif de convaincre cet émirat de poursuivre le financement du Hamas »[245]. Déjà, en fin 2018, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu avait autorisé le Qatar à « acheminer à deux reprises, deux mensualités de 15 millions de dollars afin de payer les salaires des fonctionnaires dans la bande de Gaza. Au total, (…) 90 millions de dollars qataris (ont été) distribués »[246].

Ainsi donc et à l’instar des organisations de résistance nationale membres de l’OLP, le Hamas a commencé à obtempérer dans ses positions à l’égard d’Israël, depuis mai 2017, en amendant sa charte établie en 1988 dont certaines dispositions étaient jugées par l’Etat hébreu et par une large partie de la communauté internationale comme étant antisémites[247]. De son exil au Qatar, le dirigeant de ce mouvement, Khaled Mechaal, annonça son acceptation d’une solution avec un Etat palestinien limité aux frontières de 1967[248] et insista sur le caractère politique et non religieux du conflit israélo – palestinien, en faisant donc la distinction entre « les juifs comme communauté religieuse d’une part, et l’occupation et le projet sioniste, d’autre part ». Néanmoins, il ne remit pas en cause l’objectif principal du Hamas qui est celui de l’instauration d’un Etat palestinien souverain, avec pour capitale Jérusalem. D’où son rejet de la reconnaissance de « l’entité sioniste » comme Etat. Par ailleurs et par la même occasion, Mechaal annonça qu’il mettait fin aux relations de son mouvement avec les Frères musulmans[249].

En déclarant être « un mouvement de libération et de résistance nationale palestinienne d’inspiration religieuse, dont l’objectif est la libération de la Palestine », tout en évitant de renoncer officiellement aux actes de résistance et en n’acceptant pas la solution à deux Etats, ces nouvelles positions du Hamas lui permirent de se rapprocher des communautés chrétiennes palestiniennes, pionnières de la résistance nationale, desquelles ont été issues les principales organisations de résistance, le FPLP et le PDLP. Ces organisations appelèrent à la lutte armée et aux actes de résistance à l’instar de ceux effectués par la Haganah et l’Irgoune, voire par les résistants français lors de l’occupation allemande de leur territoire[250]. En effet, l’ancienne ambassadrice de la Palestine, Leila Shahid, a estimé, en 2012, que le choix du renoncement à la lutte armée de la part de l’OLP n’a pas porté ses fruits : « Nous avons décidé, il y a 19 ans, d’arrêter toute la lutte militaire pour décider de négocier la solution à deux Etats. Mais, soyons honnêtes. Nous avons échoué. (…) Nous n’avons même pas réussi à faire retirer l’armée israélienne ni de Gaza ni de Cisjordanie, ni de Jérusalem- est. Donc, regardez la réalité en face : la communauté internationale est responsable aussi de notre échec »[251].

Contrairement aux attentes des Israéliens dont la stratégie consistait à éloigner les chrétiens de la Palestine, en permettant l’émergence du Hamas et du Jihad islamique en pensant que ces deux formations islamiques allaient entrer en conflit avec elles, mais aussi en exerçant sur ces communautés qui vivent en Israël des pressions afin qu’elles émigrent, la réaction de ces dernières étaient inattendues vis-à-vis du Hamas. En effet, tout en déclarant que la Palestine est un wakf musulman[252], le Hamas reconnaît l’évidence de la nécessité de la coexistence des trois religions en Palestine.

Dans un entretien accordé au Figaro le 17 mai 2006, le Patriarche latin de Jérusalem, de nationalité palestinienne, Mgr Michel Sabbah soulignait au sujet du Hamas : «Le Hamas a eu recours à des actes terroristes. Ces actes sont à condamner. D’un autre côté, Israël, en temps que gouvernement et Etat organisé, a aussi commis des actes terroristes. Il a tué des enfants, des femmes, des civils, qui n’ont rien à voir avec les combats. Le Hamas est un parti à base religieuse. Mais son message principal est de réclamer la liberté pour le peuple palestinien. Pour le moment, le Hamas ne mélange pas politique et religion. Le mouvement s’est rapproché des chrétiens. Il affirme qu’il existe une égalité entre tous les citoyens, qui ont les mêmes devoirs et les mêmes droits. Il n’y a donc pas de problème d’ordre religieux, pour l’instant. La situation est spécifique en Palestine : chrétiens et musulmans sont un seul peuple. Cette conviction existe chez tous les responsables palestiniens, y compris au Hamas ».

A la question de savoir si l’arrivée au pouvoir du Hamas avait-t-elle poussé les chrétiens palestiniens à quitter les territoires palestiniens qui lui a été posé par Patrick Saint Paul, Monseigneur Sabbah répondit : «Non. L’émigration résulte plutôt de l’instabilité politique. C’est cela qui fait souffrir les gens. Ils ont de plus en plus de mal à trouver leur pain quotidien. Les Palestiniens vivent dans des prisons qui rendent leur vie insupportable. Qu’il y ait un gouvernement islamiste ou non, cela peut influencer la sensibilité des gens. Mais ce n’est pas cela qui les pousse à partir. A Jérusalem, le mur israélien coupe un quartier en deux ! Cela complique l’accès aux hôpitaux, aux écoles et aux commerces. A Bethléem, le mur étrangle tout simplement la population. Il enferme deux peuples dans un ghetto : Israéliens et Palestiniens. L’émigration est un phénomène naturel, qui touche tous les chrétiens d’Orient. Ils cherchent une vie meilleure ailleurs, fuient les déséquilibres politiques et sociaux. L’équilibre final entre les communautés chrétienne et musulmane reste à trouver dans cette région. En Irak, en Syrie, en Palestine et ailleurs au Moyen-Orient, chrétiens et musulmans partagent une histoire commune, parfois des souffrances communes face à l’oppression ou à l’occupation. Mais ils ne sont pas encore parvenus à trouver une harmonie entre leurs différences culturelles ».

En effet, selon le directeur des relations publiques de l’église orthodoxe à Gaza, Jabr Aljilda, « le nombre des chrétiens à Gaza est actuellement de 1500 sur 1.97 millions d’habitants recensés par le bureau central de statistiques palestinien. Une baisse importante a été enregistrée depuis qu’Israël a imposé un siège sur Gaza en 2007. Les chrétiens palestiniens déplorent une situation économique désastreuse dans la bande. Les jeunes disent que la vie est devenue insupportable et qu’ils préfèrent quitter Gaza et aller chercher une meilleure vie en Europe ou aux États-Unis »[253].

Par ailleurs, lors d’une intervention sur la chaîne de télévision Al Arabyia en 2014, le Père Manuel Moussallem souligna que « 30% de l’économie de Gaza, qui est gérée par le Hamas, est tenue par 10 familles chrétiennes, ce qui démontre que les chrétiens disposent d’une certaine influence au sein de l’Autorité palestinienne et ne sont pas défavorisés ou discriminés économiquement. Socialement, les chrétiens et les musulmans cohabitent harmonieusement. Cette fraternité rare dans la région, survit au siège et aux guerres qu’ils subissent. Certes, il existe parfois des problèmes entre eux, provoqués par des radicaux à l’instar de l’attentat explosif qui a eu lieu dans l’une des églises en 2014. Mais cet acte a été revendiqué par un groupe islamiste fondamentaliste lié à Daesh ». Le père Moussallem rappela que ces actes sont systématiquement et aussitôt condamnés par le Hamas qui veille à protéger les chrétiens, en déployant notamment des forces de l’ordre pour sécuriser les églises et permettre aux processions de se dérouler dans les rues d’une manière paisible. « Un autre exemple témoigne de la fraternité entre les musulmans et les chrétiens » souligna-t-il. «Durant la dernière offensive israélienne contre Gaza en 2014, les chrétiens ont ouverts leurs églises à toute la population de Gaza, y compris aux musulmans, afin de se réfugier des bombardements. Les musulmans et les chrétiens palestiniens sont des frères.. Si les Israéliens bombardent les mosquées, les musulmans sont invités à faire leurs prières dans nos églises et vice versa ».

Enfin, il faut rappeler qu’en 2005, une candidate sur la liste du FPLP de religion chrétienne, Janette Khoury, avait reçu le soutien du Hamas et fut élue maire de Ramallah. Un an plus tard, Hosam Al Tawil, un journaliste chrétien, s’est présenté aux élections législatives palestiniennes sur la liste même du Hamas.

La situation des Palestiniens de religion chrétienne à Gaza et en Cisjordanie contraste avec celle de leurs coreligionnaires en Israël (en « terre occupée », comme ils préfèrent qualifier Israël). En effet, les Palestiniens chrétiens subissent des brimades et des pressions en Israël, les poussant à l’exode d’une manière insidieuse. Leur situation alarmante peine d’être entendue par les Occidentaux qui, par crainte de la propagande sioniste nourrie par le sentiment de culpabilité entretenu en Occident, semblent les délaisser voire les sacrifier comme ils le font avec les Chrétiens d’Orient en général. Le directeur général de l’Œuvre d’Orient et Vicaire général de l’Ordinariat des catholiques orientaux en France, Mgr Pascal Gollnisch, le rappelle dans une tribune parue dans le Figaro du 29 janvier 2019, intitulée «Quel mal ont fait les Chrétiens d’Orient pour qu’on leur accorde si peu de considération ? »: « au sud et à l’est de notre Méditerranée commune, il y a des chrétiens enracinés là depuis deux mille ans. Ils ont vu arriver les musulmans il y a treize siècles et ont noué avec eux des relations parfois difficiles et parfois fécondes, agissant souvent comme des «passeurs de culture». Ces chrétiens ne sont pas les enfants des croisés ni des colonisateurs ; ce sont les chrétiens de la Pentecôte, parfois issus du judaïsme ; ce sont des Coptes et des Araméens devenus syriaques, des Grecs aussi. Ce sont des gens de culture et de paix, engagés dans le service de leurs concitoyens. Ils ont des écoles où sont présents des chrétiens et des musulmans, des garçons et des filles, des riches et des pauvres, et parfois des très pauvres ; et il en va de même pour leurs hôpitaux. Ce sont des gens qui ne sont pas avides de pouvoir, et, pour la plupart d’entre eux ne sont pas belliqueux. Beaucoup sont restés sur place pour servir leur pays et y vivre en paix avec tous. (…) Quel mal ont-ils donc fait? (…) Quel mal ont-ils donc fait pour que certains veuillent leur disparition et leur extermination (…), quel mal ont-ils fait pour que les habitués de la défense des minorités leur prêtent aussi peu de considération? Quel mal ont-ils fait pour que nombre de chancelleries se détournent perfidement de leurs drames? (…) L’histoire jugera, nous jugera, mais au présent ces chrétiens souffrent ».

En effet, l’Institut pour la Compréhension du Moyen – Orient[254]  a récemment fait état des discriminations et de crimes de haine envers les Palestiniens chrétiens en Terre sainte en apportant ce témoignage : « Les Palestiniens chrétiens qui sont citoyens d’Israël souffrent de la même discrimination généralisée, officielle et non officielle, que les autres non-juifs, en toute chose, depuis la propriété foncière et le logement jusqu’à l’emploi et les droits au regroupement familial.

Il existe plus de 50 lois discriminatoires, directement ou indirectement, envers les citoyens palestiniens d’Israël, sur la base de la seule appartenance ethnique, faisant d’eux des citoyens de deuxième – voire troisième – classe dans leur propre patrie.

Quatre-vingt-treize pour cent des terres en Israël sont possédés soit par l’État, soit par des agences quasi gouvernementales, comme le Fonds national juif, qui pratiquent une discrimination envers les non-juifs. Les citoyens palestiniens d’Israël, notamment les chrétiens, font face à des obstacles importants dans l’accès aux terres pour l’agriculture, l’habitation, ou le développement commercial.

Dans les territoires occupés, les chrétiens palestiniens souffrent du même régime discriminatoire et des mêmes restrictions, notamment s’agissant des déplacements, qui sont appliqués à tous les Palestiniens qui vivent sous le régime militaire d’Israël depuis près de 47 années. Ces restrictions ne concernent pas les plus de 500 000 colons juifs installés dans les colonies illégales dans les territoires occupés ».

Ce rapport parle d’un « déni et de culte » envers les Palestiniens de religion chrétienne :

« Alors que les responsables israéliens se vantent que les Palestiniens chrétiens et musulmans ont libre accès à leurs lieux saints dans la Jérusalem-Est occupée et dans les autres régions sous contrôle israélien, la réalité est que les restrictions israéliennes aux déplacements des Palestiniens font qu’il est difficile, voire impossible, pour la plupart des Palestiniens dans le territoire occupé de pratiquer librement leur religion.

Depuis 1993, les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et dans Gaza occupées ont l’interdiction par Israël de pénétrer dans Jérusalem-Est occupée sans une autorisation bien difficile à obtenir. Conséquence, des millions de Palestiniens chrétiens et musulmans de Cisjordanie et de Gaza sont empêchés de se rendre sur leurs lieux saints dans la Vieille Ville de Jérusalem, laquelle contient certains des lieux les plus sacrés du Christianisme et de l’Islam, notamment l’Église du Saint-Sépulcre et l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa, le Noble Sanctuaire ».

Ce témoignage fait aussi état d’un rapport du Département d’État américain sur la liberté religieuse internationale, publié en juillet 2012, qui résume cette situation  :

«Les bouclages et les couvre-feux stricts imposés par le gouvernement israélien ont affecté négativement la capacité des habitants à pratiquer leur religion sur les lieux saints, dont l’Église du Saint-Sépulcre et la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, ainsi que l’Église de la Nativité à Bethléhem.

« Les rapports émanant du clergé chrétien, de religieuses et d’autres personnels religieux qui ne parviennent pas à obtenir un droit de résidence ou un permis de travail, ont augmenté au cours de l’année. Les avocats des chrétiens ont affirmé que la difficulté d’obtenir ces permis avait empiré progressivement au cours des dix dernières années. Les autorités israéliennes ont continué de limiter les visas, pour les visas à entrée unique, pour le clergé chrétien arabe servant en Cisjordanie ou à Jérusalem, compliquant ainsi les voyages du clergé, particulièrement vers les régions qui sont sous leur autorité pastorale à l’extérieur de la Cisjordanie ou Jérusalem. Cela a perturbé leur mission et provoqué des difficultés financières pour les organisations religieuses qui les parrainent. 

« Séparément, Israël interdit généralement l’entrée dans Gaza au clergé chrétien arabe, même aux évêques ou aux autres membres éminents du clergé, pour visiter les congrégations ou ministères sous leur autorité pastorale.

« La barrière de séparation (en Cisjordanie) entrave de façon importante l’accès des chrétiens du secteur de Bethléhem à l’Église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, et pour les chrétiens palestiniens qui vivent du côté Jérusalem de la barrière, il est difficile de se rendre sur les sites chrétiens à Béthanie et à Bethléhem. »

En en effet, de nombreux lieux saints chrétiens et musulmans sont menacés de destruction en Israël. Un précédent rapport du Département d’État américain sur la liberté religieuse internationale l’avait noté depuis 2009 : « Alors que des sites (religieux) renommés ont de facto une protection en raison de leur importance internationale, de nombreux sites musulmans et chrétiens sont négligés, inaccessibles, ou menacés par les promoteurs immobiliers et les municipalités ».

Par ailleurs, le rapport précité de l’Institute for Middle East Understanding (IMEU) fait état d’agressions contre les chrétiens et leurs lieux saints par des extrémistes israéliens : « Ces dernières années, le nombre de crimes de haine contre les Palestiniens et leurs lieux saints par des extrémistes juifs a augmenté de façon significative. Souvent, ces agressions sont nommées, attaques du « prix à payer », en référence aux actes menés par des colons radicaux en réaction aux actions ou projets gouvernementaux israéliens dont ils ne sont pas satisfaits.

Depuis 2010, plus de 30 édifices religieux palestiniens, notamment des églises, des monastères et des mosquées, ont été vandalisés avec des graffitis racistes menaçants et/ou furent victimes d’incendies criminels. Au cours de l’année passée, il y a eu 14 agressions contre des biens appartenant à l’église catholique de rapportées ».

Dans ce même ordre d’idées, un rapport publié en 2014 par le Département d’État américain sur le terrorisme indique :

«le Bureau de la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) des Nations-Unies a signalé 399 agressions par les colons israéliens extrémistes qui ont abouti à des blessures et des dommages matériels pour les Palestiniens. Des extrémistes violents, dont des colons israéliens, ont vandalisé cinq mosquées et trois églises à Jérusalem et en Cisjordanie, selon les données compilées par les Nations-Unies ».

« Les agressions par les colons israéliens extrémistes contre les habitants, les biens, et les lieux de prière palestiniens en Cisjordanie se sont poursuivies et sont restées sans poursuites judiciaires, selon les Nations-Unies et des sources d’ONG. »

Le 7 mai 2014, le nouveau Patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, représentant du Vatican en Terre sainte, publia un communiqué condamnant une brusque montée des « crimes de haine » contre les lieux saints chrétiens avant la venue du Pape François en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Il appela le gouvernement israélien à protéger davantage les chrétiens et leurs biens. Déplorant que la « vague de fanatisme et d’intimidations contre les chrétiens se poursuive », Mgr Twal reprocha au gouvernement israélien « son manque d’efforts pour que la police israélienne traduise en justice les auteurs de ces crimes de haine contre les Palestiniens », évoquant un « manque de réceptivité de la part du secteur politique ». Le 11 mai de la même année, il interpella la commission du gouvernement israélien pour l’arrêt de ces attaques anti-chrétiennes en soulignant lors d’une conférence de presse : « Comme la grande majorité de ces actes de vandalisme ne débouche sur aucun procès, nous devons nous demander si le gouvernement est disposé à se pencher sur la racine du problème ? ».

Se faisant l’écho des préoccupations du Patriarche latin sur la complicité du gouvernement israélien de ces actes, le lendemain de cette conférence de presse, deux anciens chefs de la police secrète israélienne, le Shin Bet, Messieurs Carmi Gillon et Shabtai Shavit, accusèrent le gouvernement de Monsieur Netanyahu de ne pas vouloir l’arrêt de ces actes.

Par ailleurs, les médias chrétiens palestiniens font très souvent état d’agressions, notamment à Jérusalem-Est qui est sous occupation israélienne où le clergé chrétien est confronté à un harcèlement de la part de certains fanatiques, en se demandant si ces actes sont spontanés ou poussés et encouragés par les services israéliens afin de mettre la pression sur les chrétiens et les pousser à l’émigration.

En novembre 2011, le quotidien israélien, Ha’aretz, publia à ce sujet un article dénonçant des fanatiques juifs ultra-orthodoxes qui avaient maudit et craché sur des membres du clergé chrétien dans les rues de la Vieille Ville, en soulignant que ces actes sont communs : « comme une chose habituelle ». Le premier secrétaire du Patriarcat grec orthodoxe, cité dans cet article, indiqua : « Cela arrive très souvent. Vous marchez dans la rue et soudain, ils vous crachent dessus sans raison ». Cet article rapporta qu’un étudiant du séminaire arménien de la ville s’était plaint de faire l’objet d’insultes et de crachats de la part de ces fondamentalistes, quotidiennement et sans crainte de poursuites judiciaires : « Quand je vois un ultra-orthodoxe venir vers moi dans la rue, je me demande toujours s’il va cracher sur moi ». Un an plus tard, ce même quotidien, Ha’aretz, indiqua, en février 2012, que « les incidents de crachats sont tellement répandus que certains prêtres ont cessé de venir dans certaines parties de la Vieille ville ».

Cette situation et ce bras de fer entre les Israéliens et les Palestiniens de religion chrétienne[255] explique l’intransigeance de ces derniers et leur refus de toute solution fondée sur deux Etats : d’une part, une ethnocratie israélienne et, d’autre part, un Etat musulman. Ils continuent à plaider pour une Palestine multiconfessionnelle avec un Etat laïc, leur permettant de survivre sur le territoire de leurs ancêtres. Certes, la proposition de certains d’entre eux de procéder à une re-émigration des communautés juives occidentales vers leurs pays d’origine[256] semble obsolète dans la mesure où ces populations sont établies depuis plus d’un demi siècle, sur ce territoire. Mais il faut comprendre leur désarroi et leur combat pour leur survie. Déçus par les Occidentaux qui les ont sacrifiés tout en étant compréhensibles de leur position en raison du sentiment de culpabilité créé et nourri chez eux depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, ils le sont plus à l’égard de certains pays arabes, à majorité musulmane[257], qui normalisent avec Israël et succombent à son projet politique. Le cri du Père Manuel Moussallem en est l’écho :

« Vous, dirigeants arabes qui vous vous bousculez pour normaliser vos relations avec Israël, écoutez : nous autres chrétiens palestiniens avons remis à vos honorables aïeux musulmans les clés de la Palestine et d’El-Qods. Qu’avez-vous fait de ces clés et à qui les avez-vous remises ?

Nous, nous les avons remises en mains propres au commandeur des croyants et voilà que vous les remettez aujourd’hui aux sionistes aux mains maculées du sang des musulmans et des chrétiens.

Vous ne méritez pas la Palestine, vous ne méritez pas El-Qods, terre du Voyage nocturne et de l’Ascension. Par cette normalisation avec Israël, vous avez profané le verset du Saint Coran car il ne fait plus partie de votre croyance musulmane. Mais c’est aussi une trahison sur les plans de la foi, du nationalisme et de l’humanisme.

Cherchez-vous à protéger Israël ? Grand bien vous fasse, protégez-le, offrez-lui les chèques de votre rédemption et renforcez sa présence à travers la normalisation et la paix ! Mais nous vous promettons, nous autres Palestiniens, qu’Israël sera expulsé de nos terres grâce aux honorables résistants. Nous autres Palestiniens n’avons été épargnés ni par vos mains qui paraphent les accords de normalisation et touchent celles de Netanyahou et Liberman, ni de vos yeux qui pleurent la mort de Perez et Rabin, ni vos langues qui qualifient les résistants de milices et de terroristes, ni de votre morale car vous êtes sans vergogne. Vous dansez avec les rabbins et trinquez à El-Qods capitale de l’entité sioniste comme si vous la reconnaissiez comme la capitale d’Israël avant même que Trump y ait transféré son ambassade et avez signé avant lui l’accord du siècle qui raye de l’histoire notre cause palestinienne et ignorez le droit au retour et les douleurs des exilés et des assiégés.

Vous voulez chanter l’hymne israélien ? Soit ! Le temps est lent pour celui qui attend et long pour ceux qui pleurent mais il est très court pour ceux qui se réjouissent. Nous avons attendu. Et avec la normalisation, aujourd’hui, vous reportez notre retour et notre libération. Nous avons pleuré et vous avez allongé le temps de notre chagrin et de nos larmes. Quant à la joie de notre ennemi sioniste et de ceux qui coopèrent avec lui, elle sera de très courte durée avec la volonté de Dieu.

Dirigeants arabes, retournez à votre Palestine ! C’est la vôtre, et elle vous attend toujours. Retournez à Gaza et levez son siège ! Retourne à ton Qods ô ! toi conquérant d’El-Qods et lecteur du Coran ! Il pleure ses enfants martyrs, il appelle au secours et demande la protection de ses habitants expatriés et dont les maisons ont été détruites. Et sachez que ce qui se passe à El-Qods se passera aussi à La Mecque et à Médine.

Toute la Palestine est à nous !

La normalisation ne s’arrêtera pas là, pas plus que Trump, Netanyahou et Oslo. Seule la désobéissance civile pacifique d’abord contre eux tous les freinera. Nous appelons à cette désobéissance. Nous vous appelons, honorables, à y adhérer pour constituer une ligue qui représente les musulmans et les chrétiens et les pacifistes sous le nom symbolique de « La figue et l’olive » pour soutenir « El-Qods et Gaza ».


[1]     Voir à ce sujet Au nom de la Torah. Une histoire de l’opposition juive au sionisme, Yakov M. RABKIN, Sainte – Foy, Les Presses de l’Université de Laval, 2004.

                Dans un entretien accordé au Professeur Pascal Bonniface, publié dans la Revue Internationale et Stratégique, en 2004 (2004/4), Yakov Rabkin souligne : « Lorsqu’à la fin du XIXe siècle, les sionistes ont appelé les juifs à se rassembler en Palestine dans le but d’y former « une nation nouvelle », cette idée radicale en a rebuté la grande majorité, tant laïcs que pratiquants, qui ont rejeté comme absurde le concept sioniste de la nation, pastiche tardif du nationalisme européen du XIXe siècle. Par exemple, pour le rabbin Isaac Breuer (1883-1946), l’un des penseurs éminents de l’orthodoxie moderne, ce nouveau mouvement politique « est l’ennemi le plus terrible qui ait jamais existé pour le peuple juif. […] Le sionisme tue le peuple et élève ensuite son corps au trône ». Comme le montre mon livre, cette opposition ne s’est guère éteinte de nos jours.

                Les accusations qui font l’amalgame entre l’antisionisme et l’antisémitisme sont, en outre, cyniques parce que ce sont les sionistes qui ont accepté la thèse centrale des antisémites selon laquelle les juifs constituent un corps étranger au sein des nations européennes. Depuis le début, il existe une confluence d’intérêts entre les antisémites, qui veulent se débarrasser des juifs, et les sionistes, qui veulent les concentrer tous sur un territoire. C’est à l’État d’Israël que profite avant tout l’antisémitisme, en augmentant sa population juive, en y attirant tous ceux qui se sentent menacés par les antisémites. De nos jours, les leaders israéliens s’inquiètent ouvertement de ce qu’ils appellent « la bombe démographique », c’est-à- dire la perspective que les juifs redeviennent une minorité au sein de l’État sioniste. Pour pallier cette menace, ils ont besoin de l’aliya (immigration de juifs en Israël). Or c’est l’antisémitisme plutôt que l’idéalisme qui encourage d’habitude l’aliya. C’est également l’antisémitisme qui justifie le sionisme, pour lequel l’existence de communautés juives libres et prospères à travers le monde constitue un problème idéologique fondamental. » (…) « L’association automatique des juifs à l’État d’Israël est fondamentale pour les sionistes qui, depuis les origines de ce mouvement politique il y a plus d’un siècle, se présentent comme les représentants du peuple juif tout entier. En se proclamant « l’avant-garde du peuple juif dans son ensemble », en parlant « au nom du peuple juif » les sionistes renforcent l’association automatique des juifs avec l’État Israël. Cela ne fait qu’encourager l’antisémitisme dans le monde en tribalisant le conflit et en l’exportant hors des frontières d’Israël. Or il est grave que les juifs – minorité avant tout religieuse que la tradition oblige à la pudeur, la miséricorde et la bienfaisance – soient de plus en plus associés aux images de soldats et de colons armés qui remplissent les écrans de télévision du monde entier ».

[2]     Voir Shoah Business, Norman FINKELSTEIN, éd. La Fabrique.

[3]     Voir Le nettoyage ethnique de la Palestine, Ilan PAPPE, éd. Fayard.

[4]     Voir Le sionisme du point de vue de ses victimes juives, Ella SHOHAT, éd. La Fabrique, 2006.

[5]     Voir à ce sujet Exil et souveraineté, judaïsme, sionisme et pensée binationale, Amnon Raz-Krakotzki, éd. La Fabrique, Paris, 2007.

[6]     Les croyants juifs n’ont jamais subi d’inquisition, de pogroms ou de massacres dans leurs pays, au Proche et au Moyen – Orient. Leurs coreligionnaires, victimes de ces actes, sont venus trouver refuge au Proche – Orient.

[7]     Qu’il nous soit permis d’exprimer un doute, non pas sur l’évidence des crimes graves qui ont été commis lors de cette période dramatique de l’histoire, mais sur les motifs des difficultés que rencontrent certains chercheurs et historiens qui travaillent sur ce sujet.  Il est certain qu’il s’agit d’une période récente et, qu’avec le temps, l’exploitation de toutes les archives permettront aux chercheurs de plonger plus en profondeur pour apporter les réponses à toutes les interrogations. Il faut rappeler que les archives françaises relatives à cette période de l’histoire n’ont été ouvertes qu’en 2015. Voir, par ailleurs, à ce sujet la polémique à l’issue d’un entretien accordé par le professeur émérite d’histoire contemporaine Jean-Marc Berlière à Ouest – France, le 1er février 2020.

[8]     Le courant post-sioniste se développe en Israël, remettant en cause les fondements ethnico-religieuses et fondamentalistes du sionisme originel.

[9]                Amos Oz, Shlomo Sand, Yehudi Menuhin, Yakov Rabkin, Gilad Atzmon, Norman Finkelstein, Michel           Warschawski, Michael Chabon, Ilan Pappe, Jacob Cohen, Noam Chomsky, etc..

[10]   Voir infra sur « la catastrophe », Al Nakaba en arabe ou Shoah en hébreu.

[11]   Dans un article du Figaro du 12 mai 2014, Cyrille Louis souligne à ce sujet

[12]   « Abdulhamid II, le sultan calife (1876-1909) », François Georgeon. Ed. Fayard, Paris, 2003.

[13]   Retour en Terre Sainte.

[14]   L’installation de juifs en Palestine, dite Yichouv.

[15]   De son vrai nom « Moshé Shertok ». Journaliste ukrainien de confession juive. Il s’installa en 1882, à l’occasion de cette expédition, en Palestine. Il s’approcha des autorités ottomanes en profitant de ses relations avec les Donmeh, une communauté juive turque fondée par Sabataï Tsevi, un rabbin juif autoproclamé Messie au XVIIèe siècle. Sharett servit l’armée turque durant la Première guerre. En 1919, il est devenu le secrétaire du Comité des représentants de la population juive en Palestine et participa à l’acquisition massive de terres en Palestine. Sioniste socialiste, il joua un très grand rôle dans la création de l’entité sioniste dont sera le Premier Ministre.

[16]   Membres du mouvement Bilou.

[17]   Environ 25.000.

[18]   Ce mouvement a été créé par le Docteur Léon Pinsker, un médecin ukrainien d’Odessa (l’Ukraine faisait alors partie de l’Empire russe). Le Dr Pinsker était l’auteur d’un livre dans lequel il exprima la nécessité du retour à Sion : « Auto-émancipation ».

[19]   Ou « Moses » HESS.

[20]            « Rom und Jerusalem, die Letzte Nationalitätsfrage »  Moshe Hess, Leipzig, 1862.

[21]   Avec un Conseil central, baptisé « le Conseil d’Odessa ».

[22]   L’Hatikvah qui devint ensuite l’hymne national de l’Etat d’Israël.

[23]   Né Eliezer Isaac Perelman Elianov. Il était journaliste et penseur russe de culte israélite, originaire de Lituanie – Biélorussie (sous l’Empire russe à l’époque).

[24]   « Association pour l’Aide aux Agriculteurs et Artisans juifs en Palestine, fondée en 1890.

[25]   Les Polonais de religion juive jouèrent, à l’instar de leur coreligionnaires ukrainiens, un grand rôle dans l’édification de l’entité sioniste. Certains sont même allés jusqu’à collaborer avec les nazis allemand, croyant que l’Allemagne allait gagner la guerre et qu’il fallait donc se rapprocher des autorités nazies afin d’assurer la continuité du projet sioniste, à l’instar d’Abraham Gancwajc, fondateur du Groupe 13, une organisation juive de collaboration dans le ghetto de Varsovie, décrite comme « la gestapo juive ».

[26]   Le Fonds National Juif, lancé lors d’un congrès tenu à Katovitz en 1884.

[27]   A l’instar de la Franc-maçonnerie, du B’naï B’rith ou des Frères musulmans (par analogie avec l’islam politique), l’adhésion des membres à cette confrérie s’opérait par une cérémonie initiatique secrète, durant laquelle le futur membre prête allégeance aux règles et principes de cet Ordre dont l’existence, le fonctionnement et le règlement devaient rester secrets. Un Comité de cinq membres dirigeait le Bnai-Moshé (un Président et 4 conseillers) dont le bureau central se trouvait à Odessa avant d’être transféré à Varsovie (en Pologne) puis à Jaffa (en Palestine), en 1893.

[28]   Moïse alla jusqu’à offrir à Dieu un holocauste, celui de 3.000 hommes (un très grand nombre comparé à la démographie de l’époque) qui renoncèrent à la Terre Promise : « Moïse dit : – Voici ce qu’ordonne l’Eternel, le Dieu d’Israël : Que chacun de vous mette son épée au côté ! Parcourez tout le camp, allez d’une tente à l’autre, que chacun tue, au besoin, son frère, son ami, son proche. Les lévites obéirent à Moïse de sorte que, ce jour – là, environ trois mille hommes du peuple perdirent la vie.  Moïse dit aux lévites : En combattant chacun même contre son fils et son frère, vous vous êtes mis aujourd’hui au service de l’Eternel et nous accorde aujourd’hui sa bénédiction ». (Exode 32)

[29]   Les membres du Bneï – Moshé ne pouvait d’ailleurs s’exprimer qu’en hébreu.

[30]   L’Organisation Sioniste Mondiale.

[31]   « L’Etat des Juifs » suivi de « Essai sur le sionisme », Claude Klein,  éd. La Découverte, Paris, 1990.

[32]   Voir supra.

[33]   Dans son Journal 1, à la page 14,  il indiqua à ce sujet : « voici environ deux ans, j’ai entrepris de résoudre le problème juif, au moins en Autriche, avec l’aide de l’Eglise catholique. J’ai demandé l’aide des hauts prélats de l’église autrichienne, afin d’obtenir par leur biais, une entrevue avec le Pape, pour lui dire : « Aidez-nous avec les antisémites et je déclencherai un mouvement formidable parmi les juifs qui se convertiront de façon fière et spontanée au christianisme ».

[34]   A la fois lors de la révélation des échanges entre Théodore Herzl et le sultan Abdulhamid II mais surtout à l’issue de la révélation de la promesse Balfour. En effet, Herzl avait adressé une lettre au sultan ottoman, en 1896, lui proposant une somme importante d’argent pour l’aider à réduire les dettes de son empire en contre partie de mesures facilitant l’émigration de populations de religion juive en Palestine afin qu’elles puissent y établir un pouvoir autonome. Mais Abdulhamid II refusa cette proposition d’une manière catégorique  : « Dr Herzl, ne prenez pas e mesures décisives dans cette affaire car je ne peux pas sacrifier un seul pouce de la terre de Palestine. Elle ne m’appartient pas à moi mais à la nation musulmane. Mon peuple l’a conquise et l’a irriguée de son sang. Les juifs peuvent garder leurs millions. Si un jour l’Etat musulman est démembré, alors vous pouvez avoir la Palestine pour rien. Mais, tant que je vivrai, je préfèrerai être coupé en morceaux plutôt que de voir la Palestine détachée de l’Etat musulman. Je ne peux pas accepter cette dissection de nos corps encore vivants ».  Cité in « Palestine Assamida », Ahmed TOUILI, Ed. Sotepa Graphic, Tunisie 2014.

[35]   Les Grecs, les Arméniens, les Bosniaques, les Albanais, etc…

[36]   Gebrane Khalil Gebrane, Mikhaïl N’aïmé, etc.. Ces chrétiens libanais ont créé, à l’étranger (Al Mahjar), des organisations culturelles à l’instar de « La Ligue de la Plume » fondée par Nassib Arida et Abdelmassih Haddad (chrétiens). Cette institution à laquelle adhéra Mikhaïl N’aïmé a été présidée, en 1920, par Gebrane Khalil Gebrane.

[37]   Les « Jeunes Turcs » est un parti politique créé en 1889, inspiré de la charbonnerie française et dont la procédure d’adhésion était identique aux rites initiatiques franc-maçons. Inspiré des idées de la Révolution française, ce parti avait pour objectif le renversement du sultan Abdulhamid II.

[38]   Voir à ce sujet « Arab Awakening », George ANTONIUS, éd. Hamilton 1938. Pour cet auteur libanais de confession chrétienne (1891-1942), le nationalisme arabe trouve son origine dans l’action menée par Mehmet Ali Pacha d’Egypte qui avait esquissé l’idée d’un empire arabe.

[39]   G. ANTONIUS, Ibid.

[40]   L’Université Américaine de Beyrouth (American University of Beirut), l’une des plus prestigieuses universités américaines à l’extérieur des Etats – Unis, deviendra le berceau des mouvements nationalistes arabes anglophones. L’université des Pères jésuites, Saint – Joseph , joua également un rôle auprès des catholiques francophones.

[41]   Une place a été érigée au centre de Beyrouth à la mémoire de ces activistes pendus : la Place des Martyrs. Vois à ce sujet également G. ANTONIUS, « Arab Awakening », ibid.

[42]   Voir supra.

[43]   Voir à ce sujet « Les Dönmeh : le secret le plus chuchoté du Moyen – Orient » de Wayne Madsen. Selon cet ouvrage, le génocide des Arméniens a été encouragé voire commandité par les Dömneh pour deux raisons : l’une tenant au fait que les Arméniens étaient associés, dans la Bible, aux Amalécites qui seraient les vrais descendants des Israélites. L’autre raison serait stratégique : en perpétrant un génocide de cette ampleur, l’opinion internationale serait très sensibilisée et ferait le rapprochement avec un possible et éventuel génocide juif. Voir également « The Jewish Genocide of Armenian Christians », Christopher Jon BJERKNES, 2016, CSIP. Voir aussi « Talaat Pasha : Father of Modern Turkey, Architect of Genocide », Hans-Lukas KIESER, Princeton University Press. Cité par J.P O’MALLEY « Des Juifs ottomans soutenaient les « architectes » du génocide arménien », in The Time of Israël, 10 mars 2019. Voir aussi « Le génocide des Arméniens, les Juifs et Israël », Nicolas ZOMERSZTJN, in Centre Communautaire Laïc Juif, 7 avril 2015, publié dans « Regards n°817 ».

[44]   Il s’agit d’un courant messianique développé au XVIIème siècle autour de Sabbataï Tzevi, un kabbaliste considéré par ses paires comme un Hakham (un sage). Il s’était auto-proclamé le messie avant de se convertir à l’islam, à l’issue de sa persécution par ses coreligionnaires.

[45]   Sabbatéen. Voir supra.

[46]   Voir à ce sujet «Le messianisme juif : essai sur la spiritualité du judaïsme», Gershom SHOLEM, éd. Les Belles Lettres 1971.

            « Souvenirs et réflexion d’une Aryenne », Savitri DEVI, éd. Ce Cher Passé, 1976.

[47]   Les rapports entre les Grecs-orthodoxes et les communautés juives se sont dégradés depuis l’affaire de Damas relative à l’assassinat d’un prêtre et de son domestique de rite grec – orthodoxe. En effet, un moine capucin français d’origine sarde, le Père Thomas de Calangiano, disparût dans un quartier de Damas, le 5 février 1840. Une enquête fut alors diligentée pour le rechercher ainsi que son domestique, Ibrahim Amarach, à la demande du

[48]   Cet ouvrage a été contesté mais il permet d’illustrer les mauvais rapports entre les communautés précitées, à partir de cette affaire.

[49]   De rite grec-catholique (Melkite).

[50]   Voir infra.

[51]   Voir « The Arabic Language and National identity : a study in ideology », Yasir SULEIMAN, Edinburgh University Press, 2003.

[52]   Voir infra.

[53]   Hisham Sharabi, né à Jaffa en 1927, était professeur à l’université Georgetown aux Etats – Unis, avant de diriger le mensuel du parti National syrien (PNS) fondé par Antoun Saadé. Il a publié une dizaine d’ouvrages mettant l’accent sur le nationalisme pansyrien.

[54]   La notion de « Grande Syrie » a été établie aussi bien sur un facteur géographique développé par Antoun Saadé (le « Croissant fertile » : s’agissant d’une région sous forme de croissant, connue par la fertilité de ses terrains) que sur un facteur historique : l’appellation que donnaient les Romain à cette région qui fût jadis dominée par les Assyriens.

[55]   Antoun Saadé est né au Liban en 1904. Il émigra en Amérique latine (au Brésil), comme la plupart de ses compatriotes à l’issue de la Première guerre, en raison de la famine et des épidémies qui ont frappé le pays du Cèdre et la région du Proche – Orient. Il retourna ensuite en Syrie et au Liban où il enseigna à l’Université américaine de Beyrouth au sein de laquelle il fonda le parti national syrien (PNS), avec une équipe de ses étudiants.

[56]   Certains auteurs indiquent qu’Antoun Saadé y a même inclus a péninsule du Sinaï, bien qu’il ait exprimé l’exclusion de l’Egypte de la Syrie.

[57]   Cette notion a conduit une grande partie des chercheurs sur le « monde arabe » à distinguer en son sein 3 sous – groupes : le Machrek (le Proche – Orient composé principalement par les pays du Croissant fertile), le Golfe et le Maghreb. En effet, le dialecte arabe parlé par les différentes populations de ces 3 sous – groupes se rapprochent respectivement. Autrement dit, on peut distinguer principalement 3 grands dialectes d’arabe parlé : celui des pays du Maghreb, celui du Proche – Orient comprenant l’Egypte et celui des pays du Golfe.

[58]   Ce courant politique nationaliste plaidant en faveur de « la Grande Syrie ».

[59]   Pour certains auteurs, la laïcité prônée par Antoun Saadé était alimentée, en fait, par le souci d’éviter surtout une immixtion des religieux musulmans dans la politique. Pour d’autres auteurs, elle reflète l’influence maçonnique sur sa pensée. D’autres auteurs  considèrent Saadé et son mouvement comme étant influencés par le fascisme, en mettant en exergue le symbole du parti (une croix gammée courbe appelée « l’ouragan rouge »), le salut entre les membres du parti similaire au salut hitlérien ou encore son hymne réglé sur le « Deutschland, Deutschland über alles ».

[60]   Né en 1873, Najib Azouri fit des études en Sciences politiques à Paris avant d’entrer à l’Ecole d’Administration d’Istanbul.

[61]   En 1898, il était devenu l’assistant du gouverneur ottoman de Jérusalem. Mail il s’opposa aussitôt aux Ottomans après avoir fréquenté les « Jeunes Turcs ». Il quitta Jaffa en 1904 vers le Caire avant de gagner Paris. Il a été condamné à mort par contumace par les autorités ottomanes. Entre carrière et conscience, Najib Azouri favorisa sa conscience, en quittant ses fonctions et en alertant l’opinion aussi bien sur le danger sioniste que sur la nécessité de s’émanciper de l’Empire ottoman.

[62]   Voir « The emergence of the Arab Movements », Eliezer TAUBER, Routledge, 2006 (1993).

[63]   « Une Histoire de la violence au Moyen – Orient : de la fin de l’Empire ottoman à Al Qaeda », Hamit BOZARSLAN, Paris, éd. La Découverte, 2008.

[64]   Une partie des Perses (Iraniens) du sud de l’Iran contemporain.

[65]   En référence à la « Ligue d’Action Française ».

[66]   En 1904 et 1905, il publia deux manifestes, avec Eugène Jung, exprimant ces idées.

[67]   Ibid.

[68]   « Diplomatie française, les Juifs et les Arabes », David PRYCE-JONES, in Revue Commentaire – 2005-4, p. 838.

[69]   Voir à ce sujet « The Arabs and Zionism before World War II », Neville MANDEL, Berkley, University of California Press, 1976, p. 49, cité par Mathilde ROUVEL in « Les Clés du Moyen – Orient », 6 mars 2017.

[70]   Voir notamment à ce sujet « Middle East Perspectives : personal Recollections », Bassil MARDELLI, New York Universe, inc. 2010.

[71]   Il collabora pour le journal Al Asma-i, Al-Mouktataf, Al Hilal, Al Siyassa al Ousbou-iya.

[72]   Ecole Al Dastouryia, Al Watanniya, Le Nahda College.

[73]   David Issa publia un autre journal « Al Bilad » avant d’être nommé directeur de la publication du journal jordanien « Al Dastour ».

[74]   Voir à ce sujet « From Ambivalence to Hostility : the Arabic Newspaper Filastin and Zionism, 1911-1914 », Emanuel BESKA, Slovak Academy Press, 2016.

[75]   Ouvrage publié en langue arabe.

[76]   Il avait fondé ce journal en 1908. Mais avant, il écrivait dans le journal  égyptien, Al Moukattam, et le quotidien « Lissan Al Hal » libanais.

[77]   En étudiant notamment des textes qui n’étaient pas encore rendus publics par les auteurs et penseurs sionistes.

[78]   Ibid.

[79]         Cette résolution décréta « que le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Elle a été révoquée le16 décembre 1991 par la résolution 46/86, sous la pression du lobby sioniste, quelques mois avant la prise de fonction de Boutros Boutros-Ghali comme Secrétaire Général des Nations Unies.

[80]   Ibid.

[81]   Tels étaient, entre autres, les arguments avancés par Nisim MALUL, journaliste sioniste installé alors au Caire. Malul prétendait que les allégations de Nassar étaient exagérées que les sionistes n’avaient aucune ambition d’occuper la Palestine, ni de créer un Etat.

[82]   A ce sujet, il n’est pas inintéressant de citer davantage Claude Klein : « Qu’il s’agisse de pure ignorance, de méconnaissance ou d’oubli, l’Autre n’existe pas, car il ne doit pas exister là-bas. Il n’y a pas de place pour l’Autre dans le discours sioniste, pas plus qu’il ne saurait y en avoir dans la réalité sioniste ». Cité in « Un siècle d’Histoire : comment comprendre la persistance du conflit arabo – palestinien ? » Maher CHARIF, Cahiers de la Méditerranée, N°71, 2005, pp. 111- 128.

[83]   Al Karmel du 2 octobre 1914, p.1.

[84]   Ibid.

[85]   Al Karmel du 27 mars 1914, p. 2

[86]                Il avait en effet été accusé de la vente de villages entiers : Oum el Alaq, Al Ghaba et Saaruma.

[87]   Ibid.

[88]              Il organisa ainsi une conférence à Nablous à cet effet, en vue de lancer une organisation anti-sioniste et fût alors rejoint par un grand nombre de chrétiens de Haïfa.

[89]   Ibid.

[90]   Al Karmel du 17 avril 1914.

[91]   Ibid.

[92]   Voir infra.

[93]   Il s’agit d’une lettre adressée, le 2 novembre 1917, par le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de la Grande – Bretagne, Arthur Balfour, à Lionel Walter Rothschil, (petit fils de Mayer Amschel Bauer, qui a changé son nom en « Rothschild) et dont le père a été annobli par la Couronne britannique en raison de la très grande fortune dont cette famille disposait et qui, par cet intermédiaire, exerçait une très grande influence en Europe. Dans cette lettre, très brève, le ministre des affaires étrangères britannique promit au mouvement sioniste l’établissement d’un « Foyer national pour les Juifs » en Palestine. Autrement dit et selon la formule d’Arthur Koestler : « une nation promit solennellement à une deuxième le pays d’une troisième ».

[94]   Voir supra.

[95]   Toutes les régions riches en ressources

[96]   Les Arabes de religion juive ne composaient pas facilement avec leurs coreligionnaires immigrés qui ne partageaient avec eux ni les rites religieux, ni la culture, ni la mentalité, ni les traditions. Mais, progressivement, ils furent contraints à cohabiter avec eux pour deux raisons : une catégorie parmi eux se réjouissait de voir s’ériger un Etat juif dans lequel elles pourraient avoir des fonctions, tandis que l’autre catégorie craignait les pressions voire la violence que les groupes paramilitaires de la Haganah et plus tard l’Irgoun exerçaient sur eux. En effet, toute tentative de critique du sionisme par une personne de religion juive en Palestine était considérée comme un acte de trahison conduisant à des assassinats.

[97]   La laïcité prônée n’est pas identique à celle qui s’est développée en France depuis la Révolution de 1789, bien qu’elle en ait été inspirée. Il s’agit d’une séparation des religions de l’Etat, permettant ainsi aux différentes communautés religieuses de participer au pouvoir. La terminologie anglaise est plus appropriée pour définir cette notion, s’agissant d’une «sécularisation » de l’Etat et de la société. Sans tomber dans l’athéisme, cette laïcité socio-politique fait abstraction totale de la religion et du communautarisme. Le modèle prôné par les Palestiniens était donc différent de celui adopté au Liban : celui d’un Etat multiconfessionnel où le pouvoir et les fonctions étaient distribués entre les différentes communautés.

[98]   Courant nationaliste arabe qui a donné naissance au parti Baa’th. Voir infra.

[99]   Le Wahhabisme et les Frères musulmans. Voir infra.

[100] Ernest Renan exerça une influence particulière sur lui.

[101] Les Perses, les Indiens, les Turcs, les Kurdes, les Asiatiques, les Européens de l’est (Bosniaques, Tchétchènes, Albanais), les Pakistanais, les Pachtounes, etc…

[102] « Mes Mémoires en Irak 1921-1941 », Beyrouth, 1967.

[103] Ibid.

[104] Le grec coexista avec les langues populaires locales : le syriaque (assyrien) et sa composante araméenne, l’hébreu…

[105]               « Les Samaritains : Histoire, Langue et Rites contemporains », Nablus, 1934.

[106] Il a surtout étudié l’histoire et les traditions des Samaritains de Nablus et dans une localité située à côté de cette ville, en détaillant leurs rites ancestral.

[107] « L’Union Nationale des Eglises en Palestine et en Jordanie ».

[108] Egalement de religion chrétienne.

[109] Il a également fait état des Samaritains de Nazareth et mis l’accent sur les liens entre Nazareth et l’Europe, en développant l’influence européenne sur l’architecture notamment celle de l’Eglise de l’Annonciation. Les travaux d’Assa’ad Manour sont développés dans l’ouvrage de Laura Robson « Colonialism snd Christianity in Mandate Palestine », University of Texas Press, Janvier 2011.

[110] Il lui emprunta même le titre de son livre « Le Réveil de la Nation Arabe » : « The Arab Awakening ».

[111] Voir supra.

[112] Ibid.

[113] Ibid.

[114] « La Question de Palestine, mission sacrée de civilisation », Henry Laurens, Tome II, 1922-1947, éd. Fayard.

[115]         Voir également à ce sujet « Hamufti Hagadol », Svi ELPELEG, éd. Misrad habitachon, 1989, p. 74-75.

[116] « Les Arabes et la Shoah : la guerre israélo-arabe des récits », Gilbert ACHKAR, Arles, Actes Sud (Sindbad), coll. « La bibliothèque arabe », 15 octobre 2009.

[117] Il a été reproché à Malcolm MacDonald de s’être longuement entretenu avec Georges Antonius, avant de se réunir avec la délégation arabe et que ce dernier l’aurait manipulé.

[118]            Le Lehi, l’Irgoun, la Haganah et le Palmah.

[119]             Begin était devenu Premier ministre d’Israël. Il conclut ensuite un accord de paix avec l’Egypte et obtint même le Prix Nobel de la Paix.

[120]            Du nom de son fondateur Abraham Stern (1907-1942). Cette organisation était considérée comme un « gang terroriste » par les Anglais. Elle effectuait notamment des « hold-up » et des actes terroristes contre des civils palestiniens. Stern avait d’ailleurs été abattu par la police anglaise.

[121] Itzhak Shamir est devenu Président de la Knesset puis ministre des affaires étrangères en Israël. Il joua un rôle lors de l’invasion israélienne du Liban en 1982 où les massacres de Sabra et Chatila ont eu lieu.

[122] Il ne retourna dans ce qui est devenu l’État d’Israël qu’après mai 1948.

[123] Certains auteurs, y compris israéliens, décrivent ce massacre comme un véritable nettoyage ethnique avec une véritable extermination de sa population. Voir W. KHALIDI, ibid. Des voies d’intellectuels sionistes s’élevèrent contre ce massacre à l’instar d’Albert Einstein ou Hannah Arendt comparant ces agissements commandités par Menahem Begin à ceux des nazis, dans  un article du New York Times du 4 décembre 1948.

[124] Journal of Palestine Studies, 18, 1, « Palestine 1948 », 1988, pp. 4 – 33.

[125] Ce nom aurait été donné par le haut commandement sionistes à un plan général d’opérations militaires.

[126] Ibid.

[127] Voir le texte de son intervention sur la toile : https://www.ujfp.org/spip.php?article6054 .

[128] Plus de 700.000 Palestiniens furent déportés sur un ensemble avoisinant 900.000 d’habitants.

[129] Arabes, Grecs, Arméniens, Albanais etc..

[130] Liban, Syrie, Jordanie et Koweït.

[131] Ce « gouvernement » a été proclamé et mis en place en septembre 1948 durant le conflit opposant les Palestiniens aux sionistes. Il fût dirigé par le mufti Al Housseini depuis la Bande de Gaza qui était alors administrée par l’Egypte, où plus de 100.000 Palestiniens ont fui lors des opérations militaires sionistes.

[132] Le 24 janvier 2020, la Cour Suprême israélienne a considéré que la pratique de tests ADN de judéité par les tribunaux rabbiniques israéliens est légitime, conduisant certains citoyens voire politiques israéliens à critiquer cet engloutissement racialiste qui risque, selon eux, à « transformer la judaïcité en identité raciale, plutôt que religieuse ou nationale ».

[133] Malgré le génocide subi par les communautés juives en Europe durant la Seconde guerre mondiale et jusqu’à nos jours, des rabbins juifs contestent le sionisme et le considèrent comme une hérésie.

[134]            « Le scandale de Ben Gourion : Comment la Haganah et le Mossad ont éliminé des juifs », Naeim GILADI, A Dandelion Publication, 1998.

[135] Naïm Kalaschi a été approché par les sionistes et a travaillé secrètement pour eux en Irak, à l’instar d’Elie Cohen en Syrie. Il a été découvert par les autorités irakiennes et condamné à mort, ce qui l’a conduit à fuir son pays vers Israël où il servit dans l’armée de 1967 à 1970. Déçu et choqué du comportement des extrémistes sionistes, il devint anti-sioniste en rejoignant Black Panther des juifs Mezrahi. Il renonça ensuite à sa nationalité israélienne et s’installa aux Etats – Unis.

[136] A l’instar des chrétiens, les irakiens de religion juive disposèrent de députés au Parlement dès l’instauration de l’Etat sous le roi Fayçal.

[137]          Ibid.

[138] En effet, pionniers du nationalisme arabe et oriental, les Arabes de religion chrétienne ont toujours prôné des institutions politiques capables de leur préserver leur existence aussi bien religieuse qu’ethnique dans la mosaïque qui compose l’Orient compliqué. Animés par cette volonté, les nationalistes palestiniens majoritairement chrétiens d’abord, avant d’être rejoints par des compatriotes d’autres religions, misaient sur la laïcité de l’Etat et sur un modèle national culturel, en opposition à celui prôné et défendu par les sionistes, fondé sur des considérations religieuses (le judaïsme) mais surtout ethniques (la judéité)

[139] La Jordanie, le Koweït, l’Irak dans sa forme territoriale actuelle, la Syrie en tant qu’Etat, l’Arabie Saoudite…

[140] Lors de la création de la Ligue arabe, ses fondateurs s’opposèrent à toute assimilation du « monde arabe » au « monde islamique », en reprenant les idées et les arguments de Sati Al Hosri à ce sujet. Voir supra.

[141] Ces deux courants érigés en mouvements politiques concurrents sont entrés en conflits à partir de 1958, à l’occasion de l’union entre la Syrie et l’Egypte, en raison de rivalités en vue de dominer le monde arabe (du « leadership »  du monde arabe).

[142] Constantin Zreik est né à Damas en 1909 et mort en 2000 à Beyrouth où il consacra une grande partie de sa carrière, notamment en tant que Président de la prestigieuse Université Américaine de Beyrouth. Il avait fait ses études supérieures, en partie aux Etats – Unis, à l’université de Princeton et obtint un deuxième Doctorat de l’université de Mitchigan.

[143] Voir infra.

[144] Le fondateur du parti Baath, Michel Aflak, était influencé par les idées de Constantin Zreik, les deux étant syriens de confession chrétienne.

[145] Voir supra.

[146] Voir Supra.

[147] Shoah en hébreu.

[148] « Maana Al Nakaba » (le sens de la Catastrophe), Constantin Zreik, Beyrouth, 1948, p. 5 – 7.

[149] Ibid.

[150] Ibid.

[151] Voir « Al Waay Al Arabi », conférence donnée par Constantin Zreik en 1938.

[152] American University of Beirut.

[153] Jamiyat Al Arwa Al Wathka.

[154] 1949 à 1950.

[155] Le Mouvement des Nationalistes arabes.

[156] Voir supra. Georges Habache créa, avant le MNA un précédent mouvement dénommé les « Phalanges du sacrifice ».

[157] Ce mouvement réunit, en fait, quatre autres anciens étudiants qui avaient fait leurs études à l’AUB avec Habache et Haddad : Saleh Chebel (Palestinien), Ahmad Al Khatib (médecin Koweïtien qui eut une longue carrière politique dans son pays), Hamed Jabbouri (Irakien) et Hani Al Hindi (Syrien).

[158] Le Mouvement Nationaliste Arabe.

[159] Voir supra.

[160] La Syrie (Assyrie antique), l’Irak (Mésopotamie et Babylone), la Palestine, le Liban, une partie de la Turquie contemporaine ainsi qu’une partie du sud de l’Iran contemporain.

[161] Le nassérisme est un courant politique développé par Jamal Abdel Nasser qui participa au coup d’Etat contre la monarchie égyptienne. Ce courant prônait le pan-arabisme et réussit à s’étendre de l’Egypte vers la Syrie conduisant à une union confédérale syro-égyptienne entre 1958 et 1961, mais aussi vers la Jordanie, le Liban, l’Irak, le Yémen, la Libye… Il adopta des idées empruntées au baasisme avant d’entrer en conflit avec les Bassistes en raison de rivalités politiques. Le nassérisme se réclamait aussi du socialisme arabe qui est distinct du marxisme. Voir supra.

[162] A ce sujet, il n’est pas inintéressant de rappeler les idées de Michel Aflak pour qui le développement des peuples devra être effectué par les peuples eux – mêmes et non pas par l’Etat.

[163] Ibid.

[164] Du prénom de son fils aîné. « Jihad » est un prénom donné dans les pays arabes aussi bien par des chrétiens que des juifs ou des musulmans. Étymologiquement, il signifie la lutte : une lutte pas nécessairement physique mais aussi interne aux individus. Beaucoup de moines se donnaient ce prénom en rentrant dans les ordres en référence à ce combat interne et spirituel contre le mal. Cette même expression est également utilisée pour désigner la « guerre sainte ».

[165] Voir supra.

[166] Cette conception non-confessionnelle de la société et des institutions politiques est différente de celle des Etats multi-confessionnels comme le Liban ou Chypre.

[167] Ahmad Jibril avait vécu en Syrie où il était devenu officier dans l’armée, avant de fonder en 1959 le « Front de libération palestinien » qui donna naissance au FPLP (Front Populaire de la Libération de la Palestine).

[168] Les Palestiniens considérèrent alors les Jordaniens et le roi Hussein comme des adversaires compte tenu de l’alliance de ce dernier avec les Américains et Israël. Ils voyaient en lui le successeur du roi Fayçal qui a été tenté par un rapprochement avec Chaim Weizman. Pour eux, le roi Hussein était animé à la fois par son intérêt de sauvegarder l’existence de son Etat et par son désir d’étendre son autorité sur les autres Palestiniens, étant entendu que les Jordaniens étaient Palestiniens avant la création de la Jordanie.

[169] Le baasisme, le nassérisme, etc.. Il convient de rappeler que le socialisme arabe était, de prime abord, opposé au marxisme pour les raisons développées plus haut. Voir supra. Par ailleurs, Jamal Abdel Nasser se rapprocha du maréchal Tito, de Nehru voire de Monseigneur Makarions, Archevêque et Président de Chypre afin de former avec eux le Mouvement des Non – Alignés, afin de garder une certaine distance avec le marxisme athéiste de l’ex-Union soviétique.

[170] Comme il a été indiqué dans les développements précédents, par opposition aux tendances religieuses islamiques, les chrétiens étaient attirés par les idées et les projets politiques qui pouvait remettre en cause ces tendances. Le Fatah, dont les membres étaient de confession musulmane et dont certains ont été proches, avant la création de ce mouvement des Frères musulmans, ne leur paraissait pas totalement fiable.

[171] « La résistance palestinienne et les situations arabes », N. HAWATMEH, Dar Al Taliaa, Beyrouth, 1969.

[172] Hawatmeh était hostile au nationalisme arabe, voire à toute forme de nationalisme telle qu’elle soit.

[173] Front populaire pour la libération de la Palestine et le Front démocratique de la libération de la Palestine, appelés également « le front du refus », car plus radicaux que le Fatah et refusant son ouverture sur Israël. Il convient de rappeler qu’il a également été créé d’autres groupes paramilitaires et politique de résistance palestinienne à l’instar du Front de libération arabe, d’obédience irakienne certes mais qui contribua à des opérations à l’encontre d’Israël, ou encore le groupe « septembre noir » qui effectua la prise d’otage lors des jeux olympiques de Munich en 1972.

[174] Cette expression était utilisée afin d’éviter la légitimation de l’Etat d’Israël.

[175] Par ailleurs, d’autres actes confortèrent ce sentiment notamment les crash d’avions provoqués par des attentas, ou encore des attentats en Israël contre des civils.

[176] Mgr Cappucci était de nationalité syrienne. Il avait néanmoins épousé la cause palestinienne jusqu’à sa mort survenue le 1er mai 2017. Il s’est considéré, jusqu’à sa mort, comme responsable de sa communauté melkite (grecque – catholique) de Jérusalem qu’il n’a cessé de défendre et dont la situation se dégradait de plus en plus en raison des pressions que les Israéliens exercent en particulier sur les chrétiens en vue de les faire quitter le pays et de faire en sorte que le conflit israélo-palestinien se résume à un conflit israélo-musulman.

[177] En 1973, lors d’un sommet des Chefs d’Etats de la Ligue des pays arabes tenu à Alger, l’OLP avait déjà été reconnue comme le seul représentant légitime du peuple palestinien.

[178] Notamment lors de la guerre du Liban.

[179] Conscient de la douleur toujours ressentie en France au sein des communautés juives en raison des persécutions et du drame qu’elles ont subi ainsi que leurs coreligionnaires en Europe au cours de la Seconde guerre mondiale, François Mitterrand restait sensible à ce sujet. Il ne se permettait pas d’aller plus loin vis-à-vis de la Résistance palestinienne pour éviter l’incompréhension de sa position en France, ce qui aurait provoquer des polémiques et des critiques à son encontre. Néanmoins, son engagement contre l’antisémitisme dans son pays ainsi qu’en Europe rassurait les Palestiniens qui étaient en quête d’une ré-émigration des communautés juives européennes installées dans leur pays par le truchement de l’OSM.

[180] Entretien télévisé avec Monsieur Jean-Jacques Bourdin sur la chaîne BFM du 16 février 2015.

[181] Voir infra.

[182] Elias Sanbar décrit l’OLP comme « un arbre avec un tronc central comprenant les principes de base, le droit des Palestiniens à avoir un Etat et une multitude de branches : les variantes commununiste, nassérienne, baasiste, nationaliste et maoïste de l’organisation ». Voir « Palestine, 1948. L’expulsion », Elias SANBAR, Paris, les Livres de la Revue d’Etudes Palestiniennes, 1985.

[183]       Elle rejetait également toute forme de gouvernement se rapprochant ou facilitant les théocraties, les formules ethniques ou raciales, l’exploitation d’une population par une autre.

[184] La Charte de l’OLP prévoyait à cet égard une « Palestine démocratique, non confessionnelle où chrétiens, musulmans et juifs bénéficieront de la liberté de culte, travailleront et vivront en paix, jouissant de droit égaux ».

[185] Il s’agit d’un projet établi par la Haganah sous la direction de Ygal Yadin, responsable des opération de cette organisation paramilitaire sioniste, en vue de déporter les Palestiniens en 1948. A ce sujet, on eut se reporter à l’ouvrage de Beny MORRIS, « The birth of the Palestinian refugee problem 1947 – 1949 », Cambridge, Cambridge University Press, 1987. L’auteur revient sur les massacres commis et sur la nécessité d’indemniser les Palestiniens déportés en reconnaissant un droit de retour pour eux. Par ailleurs, le Centre des Archives sionistes de Jérusalem (Central Zionist Arhcives) a fait état de ce projet. Voir « Protocols of the meetings of the Jewish Agency Executive » publié par ce centre.

[186] Voir à cet égard la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations unies du 24 octobre 1970 qui dispose notamment relativement au droit des peuples à la résistance nationale : « lorsqu’il réagissent et résistent à une telle mesure dans l’exercice de leur droit à disposer d’eux-mêmes, ces peuples sont en droit de chercher et de recevoir un appui conforme aux buts et aux principes d la Charte ».

[187] Résolution du 12 décembre 1973.

[188] La Jordanie puis le Liban.

[189] En 1969.

[190] La guerre du Liban a débuté par un conflit entre l’Armée et les combattants de l’OLP en 1973, ensuite lors d’un conflit avec ces derniers en 1975, avant de se transformer en imbroglio qui a permis à Israël d’envahir ce pays mais aussi à la Syrie de l’occuper.

[191] Cette position a été adoptée progressivement dans les années 80. Elle a été officialisée en 1988.

[192] Préalablement et au milieu des années soixante, une autre génération de chercheurs et d’intellectuels palestiniens avaient émergés, parrainés notamment par l’OLP, le FPLP, le FDLP mais aussi le parti Baa’th. Le principal centre de recherche était le « Centre de Recherches Palestiniennes » qui était situé à Beyrouth et qui a fermé après 1982 à l’issue du départ de l’OLP du Liban. Ce centre fournissait les outils et les moyens financiers pour les auteurs et chercheurs mais constituait également un lieu de rencontre, de débats et de formation (une sorte de « think tank »). Parmi les principaux auteurs qui ont publié dans ce centre, nous citons Abdelwahhab Kayyali, auteur de « L’Histoire de la Palestine à la fin du XIXème siècle » qui revient sur le phénomène de migration des communautés juives en Terre Sainte qui constitue le point de départ de la question palestinienne, contrairement à ce que la propagande sioniste essayait alors de mettre en exergue : un problème lié à la décolonisation de la Palestine, avec la fameuse thèse « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Un autre chercheur, Sami Hadawi, faisait quant à lui commencer l’histoire contemporaine de la Palestine à partir de 1948, date de la déportation des Palestiniens.

[193] Polyglotte et très cultivé, Michael Tarazi a été le Conseiller juridique de l’OLP. Il penchait pour la création d’un Etat palestinien comprenant Israël, la Cisjordanie et Gaza où les différentes communautés religieuses jouiront de droit égaux, en conservant leurs traditions. Cette idée a été également défendue par Ali Abou Nehme, un autre intellectuel palestinien dans son ouvrage intitulé « Our State : Courageous proposal to end the Palestinian – israeli conflict ».

[194] Leila Shahid a été déléguée générale de l’Autorité palestinienne à Paris entre 1994 et 2005, mais aussi ambassadrice de son pays auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg entre 2005 et 2015. Elle avait été la présidente de l’Union des étudiants palestiniens en France en 1976.

[195] Elias Sanbar a fait sa thèse de doctorat en France avant de rentrer au Liban et s’engager dans les mouvements de résistance palestinienne. Il a enseigné le droit international public à l’université de Paris VII puis à l’université de Princeton aux Etats – Unis. En 1993, il entra au Conseil national palestinien et négocia pour la paix entre les Palestiniens et les Israéliens, à Madrid puis à Washington. Proche de Leila Shahid, il participa aux travaux de lancement du Tribunal Russel sur la Palestine, un « tribunal d’opinion » en vue de mobiliser l’opinion publique en faveur de la cause palestinienne et aboutir à un règlement du conflit israélo-palestinien. Il fonda toutes ses actions sur le droit international public et sur l’avis de la Cour Internationale de Justice mais aussi sur la pléthore des résolutions des Nations unies. IL est actuellement ambassadeur de la Palestine auprès de l’UNESCO.

[196] Voir supra.

[197] Les milices chrétiennes libanaises mais aussi la milice du mouvement chiite libanais AMAL avec lequel l’OLP entra en conflit militaire.

[198] « Sharon : un destin inachevé », Daniel HAÏK, éd. L’Archipel, Paris.

[199] Par les services secrets israéliens qui ont réussi à inflitrer la résistance palestinienne depuis les années 70, comme ils l’ont fait au sein des autres pays arabes. Vois infra.

[200] Selon les déclarations de Yossi Milmann, analyste israéliens des affaires sécuritaires, au journal israélien Maariv. Le projet Oranim a également été révélé par l’ancien Premier ministre israélien, Yehud Barak, dans un entretien accordé à ce même journal israélien.

[201] Voir supra.

[202] Certains auteurs indiquent que cet agent était irakien, notamment un ancien responsable du Mossad qui révéla cet assassinat. Néanmoins, dans son livre Striking back, le spécialiste israélien de l’espionnage, Aaron Klein, indique cet agent était palestinien.

[203] Ibid.

[204] Ibid.

[205]       Il a été suivi par d’autres personnalités politiques arabes à l’instar du ministre tunisien des Affaires étrangères, Rafik Abdelsalem, qui avait réclamé, en 2012, la constitution d’une commission d’enquête internationale pour faire la lumière sur cette affaire. Sur son blog au Figaro du 5 juillet 2012, le journaliste français, Georges Malbrunot commenta cette initiative : « Ce n’est sans doute pas neutre qu’une telle requête vienne du pays où l’OLP d’Arafat avait établi son QG, jusqu’à son installation dans les territoires palestiniens autonomes en 1994.

                Auparavant, la Tunisie de Ben Ali entretenait, en effet, des relations secrètes avec le Mossad. Ces liens avaient notamment permis de compter sur une certaine bienveillance des policiers locaux quand un commando israélien était allé tuer Abou Jihad en 1988, ce proche collaborateur d’Arafat responsable à l’époque de l’organisation externe de la première Intifada. Dans certains pays, le Printemps arabe n’en finit, décidément, pas de solder les comptes du passé… ». (https://blog.lefigaro.fr/malbrunot/2012/07/arafat-la-france-sait-mais-ell.html)

[206] Cette opération avait obtenu l’aval de l’ancienne ministre de la défense de l’Etat hébreu, Tzipi Livni.

[207] Voir supra.

[208] En 1994, il reçut avec Itshak Rabin le Prix Nobel de la Paix.

[209] « Israel Created Two of Its Own Worst Enemies – Hamas and Hezbollah », Donald NEFF,  in Washington Report on Middle East Affaires, November 2002, pages 20-21.

[210] Dans un article intitulé « Un siècle d’Histoire : comment comprendre la persistance du conflit arabo – palestinien ? », Maher Charif, cite le professeur en sociologie, Gershon Shafir, qui dans son livre « Land, Labor and the origins of the israeli-palestinian conflict 1882-1914 », explique les raisons qui avaient permis aux communautés juives installées en Terre Sainte de coexister entre elles : « la deuxième vague de l’immigration juive a créé, sur la base des mots d’ordre « occupons la terre », « occupons le travail », un type de colonie de peuplement qui, parallèlement à l’expulsion forcée ou à l’extermination des populations autochtones, a permis aux colons juifs l’appropriation d’un sentiment d’homogénéité culturelle et ethnique. Pour lui, les conditions particulières du conflit autour de la terre et du marché du travail entre les colons juifs et la population arabe palestinienne sont à l’origine des caractéristiques les plus typiques de la société israélienne ». Ibid.

[211] Cette stratégie de nourrir un sentiment de peur de la guerre ou des attaques palestiniennes en Israël pour maintenir la cohésion des communautés juives est identique à celle qui provoque chez les communautés juives de la diaspora la peur de l’antisémitisme et des persécutions, en vue de les attirer vers Israël et légitimer l’existence de cette entité à leurs yeux.

[212]          Conflits entre séfarades, ashkénazes, arabes de religion juive (mezrahims), falashas, juifs orthodoxes, juifs conservateurs, hassidims, Mitnagedim, etc.. A cela sont venus se greffer les Russes de religion juive à l’issue de la disparition de l’ex-Union soviétique et dont la judéité reste contestée…

[213] La plupart des universités arabes comptent des professeurs palestiniens, libanais et syriens. Par ailleurs et durant leur lutte armée, les organisations palestiniennes avaient maintenu leur avancée culturelle et intellectuelle en développant des centres de recherches et en multipliant les publications de haut niveau, aussi bien dans les pays arabes qu’en Occident, en particulier en France (avec la Revue d’Etudes Palestiniennes ou le Centre d’Etudes Palestiniennes de Beyrouth).

[214] Cela est perçu dans les pays du Golfe, notamment au Koweït, où les fortunes palestiniennes se sont constituées.

[215] Voir « Reframing Negotiations : New Approaches to a Two-State Solution for the Israeli-Palestinian Conflict », Center for Middle Eastern Studies, Harvard University, 2014. Lors de son intervention à ce colloque, George Assousa souligna : « Israël craint un Etat palestinien moderne, développé avec une élite intellectuelle chrétienne, musulmane et juive ». En effet, les juifs (en particulier les arabes de religion juive) pourront intégrer un tel Etat laïc et démocratique influencé par les modèles occidentaux, grâce à l’ouverture des frontières entre les deux pays à l’issue de la paix.

[216] Voir à ce sujet « Hamas Israel’s own creation », Shlomo ALEGRA, blog du Times of Israel, 3 décembre 2018. (https://blogs.timesofisrael.com/hamas-israels-own-creation/ ).

      Voir aussi l’analyse de Donald NEFF, « Israel Created Two of Its Own Worst Enemies – Hamas and Hezbollah », Ibid..

[217]       Shlomo ALEGRA souligne : « During the eighties clashes between secular and Islamists supporters became more common and there was a rift growing in Palestinian society between secularists and Islamists.

                According to the Truth Seeker, ” As the fighting between rival student factions at Birzeit grew more violent, Brig. Gen. Shalom Harari, then a military intelligence officer in Gaza, says he received a call from Israeli soldiers manning a checkpoint on the road out of Gaza. They had stopped a bus carrying Islamic activists who wanted to join the battle against Fatah at Birzeit. “I said: ‘If they want to burn each other let them go,’” recalls Mr. Harari.

                Israeli Military thinking during the time figured it would be great if the Islamists and Socialists were to continue fighting each other since it would take away their focus on fighting Israel ». Ibid

[218] Cet acte a été commis par un extrémiste israélien.

[219] En référence à Essedine Al Qassam, un dignitaire religieux sunnite syrien (1882 – 1935) qui intégra le soufisme de rite Tidjani avant d’être influencé par les idées réformistes et par le salafisme lors des études à l’université Al Azhar. Al Qassam s’intéressa à la Palestine et était partisan d’une lutte armée pour régler le problème palestinien. Sous le mandat britannique, il constitua une brigade paramilitaire et entra en conflit avec les Anglais où il trouva la mort à Jenine lors d’un combat. Il devint ainsi un martyr de la cause palestinienne.

[220] Making Ennemies, Brendan O’NEILL, The American Conservative.

[221]          Voir « Hamas Israel’s own creation » de Shlomo ALEGRA, ibid. L’auteur souligne : «During the early 1970s the greatest enemy to Israel was known as the Palestinian Liberation Organization who was known for waging terror attacks on Israeli civilians and targets all over the world.

                The PLO was known for being a Socialist organization whose sole purpose was the elimination of the state of Israel along with the establishment of a socialist state of Palestine where the constitution would be run by secular Marxism rather than Islam ».

[222] Ibid.

[223]       « If Israel would have kept him in custody for his whole sentence perhaps Hamas would not have gotten to do the about of damage they did during the first intifada ». Ibid.

[224]      « Segev later told a New York Times reporter that he had helped finance the Palestinian Islamist movement as a “counterweight” to the secularists and leftists of the Palestine Liberation Organization and the Fatah party, led by Yasser Arafat (who himself referred to Hamas as “a creature of Israel.”).”

                General Segev himself even admits to funding Hamas himself with Israeli taxpayers money that was later used to kill the same people who were funding them.

                In 1987 when an Israeli military truck collided with a Palestinian vehicle killing four Palestinians in the car accident the first Intifada started.

                In the same year of 1987 during the Intifada Hamas was founded and even staged its first attack on Israel in 1988, abducting and killing two IDF soldiers ». Ibid

                Voir également à ce sujet « Le grand aveuglement », Charles ENDERLIN, éd. Albin Michel, Paris, 2016.

[225] Ibid.

[226] Cité notamment par Edward HENDRIE dans son livre « Bloody Zion », Great Mountain Publishing, 2012.

[227] Article paru dans L’Humanité du 23 mars 2004.

[228] Israël avait préalablement adopté cette stratégie en Cisjordanie, en encourageant les Frères musulmans, pour effrayer la monarchie hachémite, fragiliser son pouvoir et, de ce fait, la maîtriser.

[229] Comme il a été expliqué dans  les développements précédents, même si certains membres fondateurs du Fatah, y compris Yasser Arafat et Khaled Al Wazir (Abou Jihad) aient été proches dans leur jeunesse du mouvements des Frères musulmans voir en aient fait partie, ce mouvement politique (né avec des idées de droite en raison de l’appartenance de certains de  ses membres aux Frères musulmans) avait aussitôt et dès la création de l’OLP adopté une idéologie laïque, le conduisant à pactiser avec le FPLP et le FDLP.

[230] « Terrorism and Homeland Security », Jonathan WHITE, Wadsworth, 7ème édition.

[231] Israël a eu recours à cette stratégie à l’encontre des membres influents des organisations nationalistes palestiniennes. Voir supra.

[232] Cette opération reçut l’aval du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Elle a eu lieu en septembre 1997 à Amman (Jordanie). Des agents israéliens munis de faux passeports canadiens injectèrent un poison dans l’oreille de Khaled Mechaal. Mais ces agents furent arrêtés. Le roi Hussein de Jordanie menaça l’Etat hébreu de rompre ses relations avec lui et de juger ces derniers, à moins qu’Israël fournisse l’antidote de ce poison. Le gouvernement israélien s’exécuta alors, en sauvant la vie à Mechaal.

[233] Des missiles furent lancés sur son véhicule à parti d’hélicoptères de combat, en Cisjordanie.

[234] Des soldats israéliens camouflés tirèrent sur lui à bout portant.

[235] Curieusement, cette opération était intervenue alors que le Fatah avait trouvé un accord avec le Hamas en vertu duquel ce dernier s’était engager à ne plus procéder à des attaques en Israël.

[236] Les plus énigmatiques et connus parmi ces agents, nous citons Ahmad Khamis Bioumi, Libanais, natif de Saïda qui avait établi un réseau d’agents et d’informateurs au profit du Mossad, permettant à ce dernier d’obtenir des renseignements très précis sur les des localités sensibles de l’OLP au Liban.

      Un autre Libanais débuta son travail au profit du Mossad à l’âge de 17 ans, éloignant tout soupçon contre lui : Ibrahim Sina. Il intégra, par la suite, le Hezbollah où il devint membre durant plus de dix ans. Sina communiquait au Hezbollah des renseignements très précis sur une milice chiite libanais rivale (le mouvement Amal) durant le conflit entre ces deux organisations. En même temps, il transmettait des renseignements au Mossad aussi bien sur Amal que sur le Hezbollah, notamment sur des questions opérationnelles relatives à ce dernier. Sina a été soupçonné d’avoir donné des renseignements relatifs à Abbas Moussaoui permettant son assassinat par l »armée israélienne en 1992 au Liban.

      Citons également d’autres agents énigmatiques à l’instar d’Amina Daoud El Mufti, de nationalité jordanienne qui a été convertie au judaïsme et a épousé un pilote de l’air de l’armée israélienne (Moshe Pirad). Après la mort de son mari durant une opération militaire israélienne où son avions a été intercepté par l’armée syrienne, elle se voua aux services du Mossad qui l’envoya au Liban. Elle réussit alors à infiltrer les camps palestiniens en prétendant qu’elle était médecin et qu’elle comptait soigner les habitants et les blessés das ces camps. Elle fut démasquée en 1975.

      Enfin, il n’est pas inintéressant de citer le Palestinien Ibrahim Saïd Chahin qui devint colonel au sein du Mossad avant d’être démasqué par les services égyptiens en 1974. Il fut condamné à mort et exécuté au Caire.

[237] Selon une étude réalisée par Amjad ARRAR, intitulée « Les agents de l’étranger… Les doigts des assassinats » et publiée dans la revue  émiratie, Al Bayan, les agents palestiniens du Mossad comptent plus de 2.000. Lors de la deuxième Intifada, plus de 750 agents découverts ont été exécutés à Gaza.

[238] Ancien Vice-Président de Syrie sous Hafez El Assad.

[239] Moustaaribines : ceux qui maîtrisent l’arabe.

[240]         Ce reportage souligne également : « Le phénomène des « moustaaribine » n’est pas nouveau. En 2000 notamment, deux Israéliens avaient été tués à Ramallah, accusés de faire partie de cette unité spéciale qui entraîne ses membres à se déguiser en Palestiniens pour se fondre dans la foule et y mener des opérations militaires ou de renseignement. Les « Moustaaribine » sont Juifs, Arabes israéliens, Druzes ou bédouins, ils parlent arabe comme les Palestiniens et leur ressemblent physiquement. Impossible donc de les reconnaître ». (https://www.europe1.fr/international/les-moustaaribine-ces-espions-israeliens-que-redoutent-les-palestiniens-2528361).

[241] Yehidu Menuhin a été anobli par la reine d’Angleterre en 1993, en obtenant le titre life peer de Lord Menuhin of Stoke D’Abernon.

[242] Il convient de rappeler à ce sujet que durant la guerre entre l’Iran et l’Irak qui était alors considéré par Israël comme étant la principale puissance à abattre, compte tenu de ses avancées militaires, financières et technologiques, l’Etat hébreu soutenait Téhéran et livrait des armes aux Iraniens. Voir Shlomo ALEGRA, ibid.

[243] Telle est la position de l’aile religieuse de l’Iran : le chiisme duodécimain soutient les opprimés et les « déshérités ».  Durant la guerre en Syrie, le Hezbollah d’obédience chiite est allé défendre les chrétiens à Maaloula lorsqu’ils étaient menacés par Daech.

[244] Voir supra.

[245]             https://deep-news.media/tag/yitzhak-segev/

[246] « Terre Sainte » du 20 décembre 2018.

[247] Dans une déclaration faire à l’AFP et reprise dans Le Point du 29 avril 2017, Ahmed Youssef, un cadre du Hamas indiqua que ce nouveau texte était « plus modéré, plus mesuré et permet de se prémunir contre les accusations de racisme, d’antisémitisme ou de contravention au droit international« , un enjeu majeur pour le mouvement, déclaré « terroriste » par les États-Unis et l’Union européenne.

[248] Le fondateur du Hamas, le Cheikh Yassine avait esquissé de son vivant cette reconnaissance.

[249] Cette décision allait de soi au moment où Mohamed Morsi a été destitué en Egypte et où le maréchal Sisi est arrivé au pouvoir en 2013.

[250] Voir supra.

[251] RTBF – « Notre stratégie non – violente face à Israël est un échec ». Leila SHAHID.

[252] Une appartenance à une fondation religieuse inaliénable.

[253] Cité in Maram du 25 juin 2015.

[254]       Institute for Middle East Understanding – IMEU.

[255] Il convient de rappeler que les Palestiniens chrétiens ne bénéficient pas du traitement réservé à la communauté druze en Israël. Ces derniers occupent de hautes fonctions notamment au sein de l’armée.

[256] En appelant les Occidentaux à préserver la sécurité de leurs citoyens de religion juive, en lutant contre l’antisémitisme, ils proposent le retour des juifs occidentaux à leurs pays d’origine, d’autant que les raisons qui avaient conduit ces derniers à émigrer vers la Palestine sont totalement révolues.

[257] Ceux sont les pays arabes qui comprennent des communautés chrétiennes influentes politiquement qui s’opposent à la normalisation avec Israël, craignant que le modèle ethnocratique israélien encourage les aspirations communautaristes et donc fondamentalistes dans la région.

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