le sujet des rapports géostratégiques entre l’Arabie saoudite et le Liban

Le neuvième orateur, Elie HATEM, Avocat, professeur à la FALCO (Faculté Libre de droit, d’économie et de gestion de Paris) a traité  » le sujet des rapports géostratégiques entre l’Arabie saoudite et le Liban »
Partie 14; Actes du colloque : Où va l’Arabie saoudite?
Le 10 mars 2016
Assemblée nationale :
Académie de géopolitique de Paris

Mr. Hatem déclare que les rapports entre l’Arabie saoudite et le Liban illustrent ces ambiguïtés et subtilités auxquelles s’ajoutent les intrigues des interventions occidentales, notamment américaines, dans cette région du monde. C’est à partir de la déstabilisation du Liban, en 1975, que l’Arabie saoudite a entrepris des rapports avec lui. A l’issue des sommets de la Ligue arabe, de Ryad et du Caire, cette dernière décida la création d’une force d’intervention militaire composée essentiellement de soldats syriens avec d’autres contingents : saoudien, émirati, soudanais et libyen. Néanmoins, le rôle politique et militaire de l’Arabie saoudite était restreint. En 1979, alors que le mandat de cette force était prolongé, les troupes saoudiennes ont quitté le Liban, ainsi que les trois autres contingents émirati, soudanais et libyen. Seul le contingent syrien composa alors la Force de dissuasion arabe dont les financement était supporté par les Emirats et l’Arabie saoudite : 80 millions de dollars par mois. Le rôle de l’Arabie saoudite était alors édicté par la Ligue des pays arabes et concentré sur des efforts pacificateurs du pays du Cèdre. Riyad se contentait d’envoyer des aides aux populations civiles (aussi bien libanaise que palestinienne) ainsi que des émissaires pour calmer les tensions.

Progressivement, le Royaume saoudien lié, aux Etats – Unis par le Pacte de Quincy, s’est vu attribué un rôle plus important au Liban.

L’Arabie saoudite s’est vue confiée ce rôle de pacification du Liban. Ces dispositions des « Accords de Taëf », obtenus sous l’impulsion de Riyad, ont donné à l’Arabie saoudite un rôle actif dans ses relations avec le Liban. Ce rôle s’est renforcé par l’attribution du poste de Premier ministre, en 1992, à Rafiq Hariri, de confession sunnite, qui avait fait fortune au Royaume saoudien et en a obtenu la nationalité. Il avait renoncé à celle de son pays d’origine, le Liban, ce qui est obligatoire en cas d’acquisition de la nationalité saoudienne : le droit saoudien n’admet pas la double nationalité. Loin encore d’un scénario d’un conflit sunnite-chiite dans la région, l’Arabie saoudite soutenait Rafiq Hariri, inféodé alors à la Syrie et en bons termes avec le Hezbollah. Cela ne peut s’analyser et s’expliquer que par le fait qu’il était nécessaire, à l’époque, en permettant au Hezbollah de garder son organisation militaire,de laisser une mèche de conflit allumée à la fois entre le Liban, la Syrie et Israël mais aussi de préparer les germes d’un conflit ultérieur entre les sunnites et les chiites que les Etats-Unis prévoyaient depuis 1979 à grande échelle au Moyen – Orient.

Le 14 février 2005, un attentat – suicide d’une très grande ampleur visa Rafiq Hariri qui fut tué sur le champ avec le cortège qui accompagnait son véhicule blindé. Le conflit l’opposant au Président de la République, Emile Lahoud, proche de Damas, a tourné les regards vers la Syrie aussitôt accusée de ce meurtre. Un Tribunal international et exceptionnel fut alors créé pour déterminer les responsables de cette opération.

Dès cet attentat, les relations entre l’Arabie et la Syrie ont connu une rupture. En mars 2005, le Président de la République syrienne, Bachar El Assad, a été convoqué par le roi Abdallah. Ce dernier lui demanda le retrait de ses troupes du territoire libanais, en application de la résolution 1559 de l’ONU, mais aussi de cesser l’aide de son pays au Hezbollah ainsi qu’au Hamas palestinien.

Les rapports entre le Liban et l’Arabie saoudite s’inscrivirent dans cet état d’esprit d’un conflit irano-saoudien par Etats ou groupes militaires et politiques interposés

Les troupes syriennes quittèrent alors le Liban définitivement.

L’Arabie saoudite soutient alors la « coalition du 14 mars », dirigée par le fils de Rafiq Hariri, Saad (né à Ryiad), qui a été nommé Premier ministre en 2009. La tension a augmenté entre les deux nouveaux courants libanais. Après avoir proféré des accusations à l’encontre de la Syrie relativement à l’assassinat de Rafiq Hariri, le Hezbollah est pointé du doigt. Cela s’analyse par une volonté de créer de nouvelles tensions au Liban entre les deux communautés sunnite et chiite.

En 2006, en prétextant d’attaques contre son territoire par le Hezbollah, Israël est intervenu militairement au Liban. Il s’est attaqué aussi bien aux régions où se situent les positions du Hezbollah qu’aux autres régions libanaises, détruisant toute l’infrastructure du pays qui s’est reconstruit progressivement depuis 1990. L’objectif de cette opération était également de créer une véritable dissension entre les Libanais, en imputant au Hezbollah (qui représente désormais la communauté chiite) la responsabilité du désastre subi par le pays, en raison de ses provocations de l’Etat hébreu. Mais cette tentative s’est vouée à l’échec et n’a pas conduit à un affrontement franc entre chiites et sunnites.

Dépourvue de milice, la communauté sunnite s’est néanmoins vue constituer une organisation militaire issue du « Mouvement du Futur » dirigé par Saad Hariri : Fath Al Islam. Ce groupe a reçu de la part de Saoudiens des aides financières en vue d’octroyer des armes à ses membres mais aussi une formation religieuse dispensée par des imams salafistes, à l’instar du Front Al Nosra. Des heurts sporadiques ont alors éclaté aussi bien dans la capitale que dans le nord du pays, aux alentours de la ville de Tripoli. Les relations entre le Hezbollah et ses alliés avec la Syrie se sont alors renforcés. Le Hezbollah envoyait des troupes pour aider l’armée syrienne dans sa lutte contre le terrorisme mais aussi pour protéger les communautés chrétiennes victimes, en premier plan, des attaques terroristes.

Dans ce contexte et compte tenu de cette situation, les discours véhéments entre les protagonistes se sont élevés, notamment entre le Hezbollah, les membres de « la coalition du 8 mars » et l’Arabie saoudite. Ce qui a conduit cette dernière à décider de suspendre son programme d’aide à l’armée libanaise d’environ 4 milliards de dollars et à menacer les banques libanaises à retirer ses dépôts, ainsi que ceux des autres pays du Golfe placés sous son autorité. Riyad ainsi que d’autres capitales des pays du Golfe ont demandé à leurs ressortissants de quitter le pays du Cèdre. Des centaines de milliers de libanais, qui travaillent aussi bien en Arabie saoudite que dans les autres pays de cette région, risquent d’être expulsés en cas d’aggravation de cette crise. En vue d’équilibrer cette situation, l’Iran vient de proposer au gouvernement libanais de pallier cette situation, en lui procurant une aide destinée à son armée.

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