Avant-propos
Dans le cadre des activités académiques et scientifiques pour la promotion des Etudes géostratégiques, le Conseil scientifique de l’Académie de Géopolitique de Paris consacre cette édition spéciale de sa conférence internationale 2012 à la Géopolitique de la ville de Nadjaf.
Désignée Capitale de la Culture islamique pour 2012 par l’ISESCO, ville sainte de l’Islam, haut lieu religieux du chiisme, la ville de Nadjaf Al-Ashraf constitue un carrefour religieux et économique incontournable en Irak. Elle est également le centre du pouvoir politique en Irak et son poids culturel et religieux ne cesse d’accroitre son influence politique au Moyen-Orient. Elle abrite le mausolée de l’Imam Ali, divers centres scientifiques et écoles religieuses. Ainsi, elle est devenue la référence religieuse de la communauté chiite d’Irak et des pays islamiques. Berceau des décisions religieuses chiites, ses Imams décrètent des fatwas que suivent des millions de musulmans à travers le monde. Son université religieuse porte le nom de «cité scientifique» et est considérée comme le noyau des mouvements scientifiques et littéraires de l’Irak.
La ville de Nadjaf résonne d’une manière particulière aux yeux du monde chiite. Elle était le site privilégié de la Marjaîya avant que Qom n’en prenne le relais. Devenue une ville étendue sur le plan économique et culturel, sa population s’est fortement accrue grâce au tombeau de l’Imam Ali qui a donné à la ville un intérêt historique et économique d’envergure dans la région En appréhendant « l’espace comme enjeu géopolitique et géostratégique», cette édition spéciale procède à une analyse géopolitique de la ville dans un contexte géostratégique qui redonne une vitalité exceptionnelle aux dynamiques urbaine, politique et économique.
Cette réflexion permet de compléter et d’actualiser l’analyse de la problématique de la coopération territoriale au sein des villes saintes et de leur place dans la configuration géopolitique de l’Islam. L’exemple de la ville de Nadjaf et de son impulsion internationale comme « modèle chiite» de stabilité repose sur les structures mises en place à travers des projets de coopération transfrontalière (acteurs à l’origine de l’impulsion, base légale, durabilité…) et constitue à ce titre une référence importante dans l’harmonisation des rapports communautaires et la sécurisation de l’espace urbain. Néanmoins, la diplomatie religieuse menée par le clergé chiite pose un regard nouveau sur ce que pourrait devenir Nadjaf, un centre de formation théologique et politique crédible aux yeux des chiites et du monde musulman ?
Dans la perspective de la stabilisation de la région, la ville de Nadjaf joue également un rôle crucial de carrefour de dialogue intercommunautaire de cultures variées. Sa capacité actuelle d’accueil de populations venues du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique pose un certain nombre de questions à savoir le poids du pouvoir religieux dans le processus de décisions politiques, l’adaptation des mouvements de populations, les structures de médiation, la coopération régionale et internationale de la Ville sainte, etc.
L’originalité du but du colloque et la pertinence recherchée invitent à comprendre le choix de l’ISESCO à désigner Nadjaf, Capitale de la Culture Islamique pour2012 et à discuter d’un sujet qui n’a pas encore fait l’objet d’études, à savoir le rôle des villes saintes dans la sortie de crises et de conflits. A cette fin, le Conseil scientifique de l’Académie de Géopolitique de Paris a tenu à réunir une rencontre internationale et un débat entre les meilleurs spécialistes irakiens et français pour présenter cette ville millénaire et mesurer les dimensions de son rayonnement géostratégique, culturel et religieux dans la reconstruction de l’Irak et en d’autres termes de son poids exceptionnel dans le monde islamique.
Ali RASTBEEN
Président de l’Académie de Géopolitique de Paris
