Par Jean-Paul CHARNAY
Mont au Temple – Terre Sainte / Holy Land – Enclos Sacré (Harâmech Charif) : les trois dénominations reflètent les contradictions majeures de l’insertion israélienne dans l’univers araoe. Yasser Arafat voulait y reposer ; la montée d’Ariel Sharon avait lancé l’Intifada des mosquées. Et depuis la fin de la colonisation le Moyen Orient ne parvient pas à se restructurer. Soit quatre interrogations.
Les guerres israélo-arabes ont-elles été favorablesà l’Etatd’Israël ?
La guerre des Six Jours 1967 a été pour lui la plus brillante victoire tactique. Mais aussi une grande défaite stratégique car elle a causé chez les Arabes un choc psychologique inexpiable, et avivé l’insoluble (dans l’époque) problème de Jérusalem : unifiée ou double capitale ? Les passions chauvines exacerbant les exaltations religieuses ont surmultiplié les aspirations victimaires. Les « bombes humaines » sont filles de la désespérance induite par cette guerre ; ces désespérances induisent la politique sécuritaire de la droite israélienne qui ne peut répondre à la stratégie de jihâd offensif des organisations de combat (Hezbollah libanais, Hamas et Volontaires des Brigades des Martyrs de la mosquée Al-Aqsa palestiniens) que par une contre-offensive tactique démantelant humainement (« attentats ciblés ») et institutionnellement la force palestinienne, s’extrapolant au nom de la responsabilité collective, en réoccupation des zones autonomes, et destruction des maisons des combattants. Donc une stratégie de guerre qu’avait générée le douloureux passage de l’étoile jaune de la Shoah à l’étoile bleue du drapeau de David ! Le slogan « la paix contre les territoires » va-t-il se transformer en un nouveau slogan « la fin du rêve d’Eretz-Israël et du Troisième Temple contre la fin des islamo-kamikazes, désormais féminisées ? » les deux catastrophes se succèdent : Shoah, puis Nakba.
Au-delà du principe nationaliste et mystique de l’insécabilité de Jérusalem, la guerre de 1982, la montée de Tsahal à Beyrouth (opération Galilée) a montré la difficulté pour Israël d’occuper durablement une région excentrée de son centre vital : l’axe Jérusalem-Tel Aviv avec la bretelle de l’aéroport international de Lod – points qui, menacés par les armées arabes, justifieraient l’emploi (bien aléatoire eu égard à l’étroitesse des territoires) d’une arme nucléaire tactique. Cette guerre a mis en lumière la faiblesse d’un Eretz-Israël face à la démographie arabe. D’où les projets antagonistes du droit au retour réclamé par les Palestiniens, et de l’expulsion par Israël de ses « citoyens » arabes – leur transplantation vers les pays limitrophes (qui cantonnent dans des camps leurs réfugiés palestiniens), ou leur établissement dans une région organisée. Dans une certaine mesure : le retrait israélien hors de Gaza après celui du Sud-Liban préfigure la ghettoïsation d’Israël par le mur de sécurité – Grande Muraille de Chine, Mur d’Hadrien, Ligne Maginot… Par ses guerres, Israël maintient son implantation dans un milieu hostile, dont il ne parvient pas à obtenir l’acceptation en dépit de l’articulation économique : main-d’œuvre palestinienne/entrepreneuriat technologisé israélien. La géosociologie, les stratifications sociales des deux populations sont trop hétérogènes pour s’équilibrer aisément dans une formation fédérale. La « feuille de route » plus modeste que l’Accord de Genève sera-t-elle suffisante pour surmonter les négations – les haines – réciproques ? Par prudence, Israël n’est pas intervenu dans les deux guerres irako-américaines.
Les guerres irako-américaines sont-elles rationnelles ?
Que Saddam Hussein soit ou non tombé dans un « piège américain », la guerre irako-américaine de janvier 1991 avait été :
- une guerre irraisonnée : croyance qu’après la décolonisation et en dépit de l’affaiblissement du contrepoids soviétique, l’Occident n’oserait plus user de la politique de la canonnière, alors qu’avaient déjà eu lieu les attaques sur Tripoli, le réacteur irakien Osirak, sur les Palestiniens à Tunis ;
- une guerre ambiguë : si Saddam Hussein n’avait pas libéré les otages occidentaux du « bouclier humain », les bombardements américains auraient-ils eu lieu ?
- une guerre grotesque : les opérateurs américains de CNN filmant en direct à Bagdad ces bombardements ;
- une guerre fantasmagorique : Saddam Hussein affectivement suivi par les opinions publiques arabes affirmant ses victoires sur la Coalition en 1991, glorifiant sa guerre « mère des batailles » (umm al’Ma’arik, nom donné à une nouvelle mosquée de Baghdad où était exposé un Coran qui aurait été écrit avec son sang), « agression par les Trente pays » attaquant l’Irak (adwan al Talatinî) ;
- une guerre fratricide : coalition arabe contre un pays arabe, l’Irak envahisseur du Koweït, historiquement « province irakienne » détachée par la Grande-Bretagne de l’Irak ;
- une guerre inhumaine dans ses suites : répression de la révolte chute (Kerbala, 1991) ; peuple irakien sous-alimenté et sous-médicalisé par l’embargo sous marchandage du principe « pétrole contre nourriture ».
La guerre est non « terminée » en se poursuivant par des frappes répétées (quatre jours de bombardement, Desert Fox 1998) pour châtier sa résistance au contrôle international de ses armements. Après le 11 septembre 2001 les Etats-Unis recueillent la reconnaissance quasi-unanime, du Vatican aux pays arabes (sauf l’Irak) de leur droit à leur légitime défense : d’où la guerre en Afghanistan et la lutte contre les actions d’Al-Quaïda, puis la reprise de la guerre contre l’Irak, aboutissant à la chute du régime baassiste et au contrôle pétrolier, puis à une guerre asymétrique affrontant un jihâd volontaire d’attentats, d’embuscades (à l’algérienne ?) à une puissance de feu surmultipliée. Mais avait-il été rationnel de repousser de 1991 à 2003 la destruction de la dictature irakienne puis de repartir en guerre sans aval du droit international multilatéral ? Et des armes de destruction massive n’ayant pas été trouvées, demeure-t-il rationnel de jumeler la conversion de l’Irak à la démocratie par sa fragmentation ethno-religieuse : autonomie kurde, bastion sunnite en rébellion, majorité chiite qu’avait refoulée l’Angleterre. La crainte nucléaire qu’avait soulevée l’Irak se transpose dans un guérilla – une résistance prolongeant la guerre. Est-elle terroriste ?
Terreur nucléaire ou terrorisme international ?
Devant la menace d’une prolifération d’armes de destruction massive aux mains d’Etats dits « voyous », que deviennent les deux postulats de la dissuasion nucléaire classique :
- « L’arme atomique est destinée à ne pas être employée et si elle est employée ce n’est pas qu’elle a été mal employée, c’est qu’elle n’a pas été employée. »
- « La dissuasion repose sur la prise en compte de la compréhension par l’adversaire de la dissuasion, surtout s’il est irresponsable, afin qu’il parvienne à la responsabilité. »
Entre les deux Grands s’était établie une dissuasion pédagogique gage de la stabilité. La France avait inventé une dissuasion défensive de prestige à l’encontre de l’URSS, ainsi qu’une d’influence diplomatique vis-à-vis des Etats-Unis. Les bombes indienne et pakistanaise ont rétabli une dissuasion pédagogique. Israël maintient au niveau national une dissuasion de survie.
En d’autres termes la dissuasion classique jouait entre l’URSS et les Etats-Unis du fort au fort. Entre la France et l’Est du faible au fort, en réalité sous l’ombrelle américaine, mais avec possibilité pour la France d’agir (d’entraîner ?) les Etats-Unis. Entre Israël et les Etats arabes du fort virtuel au faible : bombe dans le basement avec le dernier fil à connecter – en réalité sous l’ombrelle américaine conventionnelle au cas où Tsahal serait démantelé. Entre l’Inde et le Pakistan du « petit fort » au « petit fort », d’où découle une dissuasion responsabilisée classique laissant subsister sans escalade une guerre sublimitée maintenant le Cachemire dans l’Union indienne : l’arme atomique a déterminé la désescalade du Pakistan, sauf dans le cas du « fou » s’évadant de la dissuasion classique vers l’utilisation tactique.
Comment énoncer l’équation de la dissuasion entre l’Amérique et les Etats qu’ils rangent dans l’Axe du Mal ? Du coté EU : dissuasion (ou arrêt par ABM) du « fort » au « fou », du démocratiquement juste au tyran injuste. Du coté des aspirants ( ?) à la possession d’une bombe : du national juste à l’impérialiste arrogant. Mais vu de l’extérieur : du fou au fou. Du pauvre au riche pour le « faire chanter », du civilisé au « barbare » afin de lui imposer ses valeurs. A l’inverse par le terrorisme international du « barbare » s’est établi un « déséquilibre de la terreur » au profit du faible dit fou contre le fort dont ni l’arsenal nucléaire ni les forces conventionnelles ne peuvent annihiler des réseaux de volontaires prêts à sacrifier leur vie. Mais ils peuvent réaliser la déstructuration d’une société : l’Afghanistan, l’Irak ont été réduits à l’état de vacuum juris. Ainsi s’opposent le perturbateur militaire et le perturbateur idéologique.
Alors se pose le problème non plus de la destruction mutuelle assurée, mais de l’utilité de la sur-puissance (entraînant des déficits économiques néfastes pour son hyper-puissance (à l’encontre des autres). La sur-puissance est contre-productive dans la mesure où elle contrevient au principe de l’économie des forces et des moyens : insuffisance des effectifs en Irak. Or il ne s’agit plus seulement de s’assurer la maîtrise du continent mondial et de ses périphéries, mais de contrôler des flux démographiques, la sortie des zones pétrolifères enclavées vers les mers libres, la surveillance des transferts monétaires transfrontaliers au bénéfice de quelques cellules, de quelques groupuscules dormants susceptibles de fournir des volontaires pour des attaques suicides, ceci au-delà des liens non certains entre les résistances irakiennes et palestiniennes, et les nébuleuses islamistes en Occident. L’arme du pétrole avait été contrée par l’électronucléaire : comment contrer les attentats spectaculaires et les communautarismes exaltés ?
La mondialisation confortant le leadership états-unien se double de l’immixtion de l’ennemi dans l’intimité américaine : au sein de sa finance (les Tours) et de son commandement stratégique (le Pentagone) ; au cours de l’élection présidentielle du 02-11-2004 par les conseils directs donnés par Ben Laden aux citoyens américains.
Pour la première fois dans l’histoire (Pearl Harbor est au centre du Pacifique), les Etats-Unis apprenaient qu’ils ne constituaient plus un sanctuaire, au moment même où, contre ^éventuelle frappe balistico-nucléaire d’un Etat « voyou », ils voulaient dénoncer le Traité de 1972 encadrant la fabrication de missiles anti-missiles.
Mais c’est en suspicion des personnes que se renforcent les contrôles dans les aéroports (en deçà des flux de clandestins). Et contre les idéologies et les fois que s’établit une évaluation psycho-sociologique de l’expansion des idéologies radicales, et des conversions individuelles. Car, si « l’escalade » tellement redoutée au niveau nucléaire ne s’est pas produite, l’escalade au niveau du terrorisme a flambé : de l’auto-sacrifice-suicide à la décapitation sacrificielle d’otages voir égorgement « symbolique » d’une femme. Le terrorisme défensif, de résistance intérieure, s’est transformé en terrorisme offensif extérieur. Pourra-t-il obtenir la victoire sans restructuration populaire ?
Enfin, comment articuler les précautions du non transfert (ou non progrès) de technologie nucléaire avec les revendications des Etats non nucléaires ou en voie de nucléarisation civile et revendiquant :
- le droit au nucléaire scientifique : la recherche admise ;
- le droit au nucléaire énergétique (le nucléaire civil) : un développement moins polluant mais dangereux encadrant l’enrichissement du plutonium ;
- le droit au nucléaire militaire : dénié par les puissances nucléaires ;
À ce stade s’ouvrent pour les Etats-Unis (à la recherche de pétrole, et en froid avec l’Arabie Saoudite) les deux branches d’une alternative :
- ou parier que la tentation de la prolifération nucléaire (plus largement biologique et chimique) se tarira par assagissement de l’Iran, de la Libye et tabler sur les contrôles internationaux ;
- ou estimer que la tentation trop forte ne pourra être juguléeque par la destruction des sites (iraniens par frappes chirugicales) et destructurations des régimes ennemis pour convertir les peuplesà leurs valeurs – à leur arbitrage (Syrie). D’où la dernière interrogation :
– 39-La guerre américano-islamiste articule-t-elle un plus vaste système géopolitique ?
La guerre américano-islamiste s’exalte-t-elle entre Judéo-Croisés trop nantis et fous de Dieu persuadés de la légitimité canonique et patriotique de leurs actes, fut-ce en dérive de leur morale « normale » ? Elle avait commencé avec la Révolution iranienne en 1979. Mais la plupart des Américains n’en avaient pas encore conscience. Le « nine eleven » (11-09-01) la leur révélait par une vision fantasmagorique: les corps lancés à travers le vide préférant l’écrasement au brûlement. Elle s’étendait depuis l’Albanie et le Kosovo, non réglés par les Européens, jusqu’aux Philippines où les rangers patrouillent contre le groupe Abu Sayaf. Elle suit les limes musulmans par le Kurdistan, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan, la Malaisie, l’Indonésie. La guerre américano-islamiste à réalisé depuis la révolution iranienne de 1979 l’une des grandes
inversions géopolitiques de notre temps. Durant la période coloniale puis la décolonisation les Arabes avaient lutté contre les métropoles européennes. L’implosion de l’URSS et la chute de l’anti-impérialisme soviétique semblaient favoriser l’extension de l’influence américaine. Mais la Russie n’accommodait pas la CEI dans ses relations avec ses ex-républiques musulmanes d’Asie Centrale, ne s’accrochant pour des raisons de transits pétroliers qu’au Sud -Caucase (Tchétchénie et ses appendices : confrontation Ingouchie/Ossétie du Nord et sécession Abkharzie-Ossétie du Sud contre la Géorgie américanisée). Dès lors l’Amérique se trouvait en première ligne face à toutes les frustrations arabes et musulmanes.
La guerre américano-Islamiste ne conjugue-t-elle pas les deux grandes théories géopolitiques du XIXème siècle : l’anglo-saxonne postulant que la maîtrise du monde appartient aux thalassocraties détentrices du Sea Power ; la puissance de terre postulant que cette maîtrise appartient à qui contrôle le Heartland, le coeur de l’île mondiale eurasiatique ? Or les Etats-Unis établissent cette double maîtrise. Par la Méditerranée orientale, la Mer Rouge, le Golfe et l’Océan indien, l’US Navy borde les régions sud du continent islamique. En s’implantant en Turquie, en Irak, au Pakistan, en Afghanistan, l’US Army « tient » le coeur du continent mondial, avec les points de sortie du pétrole : la péninsule arabique, la Caspienne (Géorgie, Azerbaïdjian, outre la Tchétchénie laissée aux Russes), l’Asie centrale vers le Kazakhstan, et au-delà vers les confins occidentaux de la Chine et ses populations ouighoures, musulmanes.
Est-il donc légitime de rabattre les doctrines de dissuasion du non emploi nucléaire sur la vastitude des doctrines géopolitiques classiques ? Mais par la Turquie et les Balkans (Bosnie-Herzégovine, Albanie, Kosovo), l’Amérique leader de l’OTAN conjoint cette ligne à la « diagonale tragique » de l’Europe affrontant l’Europe de l’ouest et l’Europe de l’est, l’Europe maritime et l’Europe continentale, sur cette Europe médiane qui court du Cap-Nord (Norvège) au Bosphore. Or, l’extension de l’Union européenne aux ex-démocraties populaires risque de transformer celles-ci traumatisées par des décennies de servitude soviétique en « Etats clients » des Etats-Unis – au grand dam de l’indépendance européenne. L’extension de l’Union vers l’Est atteindra-t-elle la Turquie, donc le Kurdistan au-delà, voire Israël, outre les fractures ukrainienne et géorgienne inquiétant la Russie ? Le gigantisme et l’hétérogénéité déstructureraient l’Europe. En ce cas l’Irak, qui n’est pas particulièrement islamiste mais très pétrolier, ne serait qu’un point de suture, non un épicentre dans cette prise d’appuis ceinturant le continent eurasiatique. Le Monde tenu en son centre terrestre et surveillé en ses périphéries marines pour une démocratisation et un respect des droits de l’homme susceptibles de s’appliquer à toutes les structures sociales, à toutes les civilisations : l’Afghanistan et l’Irak d’abord déstructurés, puis transformés en démocraties émergentes susceptibles d’irradier vers la Syrie, l’Iran ?
Inversement les guerres des Balkans (Bosnie, Kosovo, Macédoine) et de la Caspienne (Haut-Karabakh, Tchétchénie) réveillaient les irrédentismes ethno-religieux comprimés durant le communisme. Les Volontaires de Dieu passaient d’un front à l’autre, affirmant la nécessité d’une charîa intégrale. Une sorte de Brigade Internationale Islamique voulant combattre auprès des Talibans en Afghanistan. L’appui américain allait aux populations musulmanes dans la guerre du Kosovo à l’encontre de la purification ethnique serbe, tandis qu’échouait en Somalie Vopération Restore Hope (1992) montrant les limites du droit d’ingérence. Mais serait-il légitime de mettre en perspective historique l’Amérique du big stick de Théodore Roosevelt, salvatrice des démocraties européennes de Wilson et Franklin Roosevelt, du hard power de Reagan vainqueur de « l’empire du mal », de Bush promoteur des droits de l’homme et de la sécurité de la planète contre « l’axe de mal ».
Enfin, peut-on articuler, à l’est de la Chine, le théâtre du Centre Asie islamique, avec la Corée du Nord et les mouvements islamistes du Sud-Est asiatique ? Les capacités balistiques et nucléaires de la Corée du Nord inquiètent la Russie, la Chine, et les alliés protégés (stratégie périphérique) des Etats-Unis : la Corée du Sud, Taïwan et le Japon : soit six pays qui, sauf percée technologique toujours aléatoire en matière d’ABM, de systèmes anti-missiles, veulent cantonner Pyong-Yang dans une politique de marchandage – la Chine monnayant sa surveillance contre sa revendication sur Taïwan.
Dès lors surgissent des soupçons : l’Amérique ne se sert-elle pas de l’islam comme d’un instrument géopolitique destiné à affaiblir les autres pays, fussent-ils ses alliés, afin d’éviter l’apparition d’une puissance qui lui serait peer competitor, une puissance concurrente : Israël contre le nationalisme arabe, les Balkans contre la cohésion européenne, l’Afghanistan puis la Tchétchénie contre la Russie ?
En fait, la diagonale de la Destruction Mutuelle Assurée (MAD) dont l’inscription topographique passait par le rideau de fer et l’interception spatiale au-dessus de l’Atlantique et de l’Alaska s’est cicatrisée par l’implosion de l’URSS. Les doctrines géopolitiques classiques (Sea Space Power / Heartland) ne coïncident plus avec la dispersion des Etats de « l’axe du mal ». Il faut considérer les systèmes d’armes comme des écosystèmes. Une conception géopolitique globale devrait articuler les trois binômes stratégiques contemporains, le binôme satellite/informatique ; le binôme ergonomie du combattant encore conventionnel, professionnalisé mais hautement technologisé (appareils sensoriels, mini-drones,…) ; le binôme service de renseignements/terroristes combattants de l’ombre protéiformes, de l’avion au cutter ou au couteau de plastique à la suit-case bomb – la mallette nucléaire – la substance radioactive ou l’aérosol bioterroriste dont la « militarisation » stratégique exigerait les laboratoires et les finances d’un Etat « terroriste ».
d’ou les contradictions des Etats arabes quant a la lutte contre le terrorisme. Les gouvernements arabes le condamnent a la conférence de Charm-el-Cheikh du 3 mars 1996 et par l’accord du 22 avril 1998 mais réservent le droit d’une résistance légitime. Mais des couches entières des opinions populaires considèrent les combattants du Jihâd égyptien, de la Qaïda (la Base) de Ben Laden, du Hezbollah (Parti de Dieu) libanais, du Hamas(Harakat al moqawama al-Islamiyya : Mouvement de la Résistance Islamique) palestinien comme les héros de l’islam, les hommes de la résistance arabe. C’est moins le choc des civilisations que la fracture politique et le schisme religieux a l’intérieur des pays musulmans qui s’exaspèrent actuellement.
A l’inverse la mutation de la terreur nucléaire, apparemment focalisée autour de quelques conflits régionaux fait place, pour les démocraties nanties, a la terreur du terrorisme international idéologiquement négateur et géographiquement aléatoire. La déstructuration du Moyen Orient réagira-t-elle sur la structuration de l’Occident ?
Soit donc, a nos quatre questions, quatre propositions :
- plus Israël est contraint de se maintenir par la force, moins il s’insère dans l’environnement ;
- plus irrationnelles paraissent les guerres irako-américaines, plus elles dégagent une rationalité supérieure dissuasive pour les régimes divergents ;
- plus une restructuration militaire veut « convertir » le monde, plus elle exacerbe une perturbation idéologique aléatoire et sacrificielle ;
- plus se durcit l’abcès Jérusalem-Baghdad, plus il s’implante dans la « diagonale tragique », dans l’axe ouest-est ceinturant l’île mondiale, le continent eurasiatique.
Jean-Paul CHARNAY président du centre de philosophie de la stratégie CNRS – Université Paris-IV Sorbonne
Ufr-O-UL
(*) Voir Stratégie générative : de l’anthropologie à la géopolitique, PUF 1992 ; « Le nucléaire en Orient », dans Technique et Géosociologie, Anthropos-Economica 1984 ; Llslam et la Guerre ; de la guerre juste à la révolution sainte, Fayard1986. Traumatismes musulmans : entre charia etgéopolitique, AFKAR, 1993 ; Frustrations arabes : entre Chawra et géosociologie, Al Bouraq, 1993 ; LaCharîa etl’Occident, l’Herne, 2001 ; Principesdestratégie arabe, 2e éd., L’Herne , 2003 et l’ouvrage collectif Terrorisme et culture : Cahiers de la Fondation pour les études de défense nationale, 1981