Colloque Afrique : dynamiques africaines Vendredi 20 octobre

Le Conseil scientifique de l’Académie de Géopolitique de Paris a organisé le Vendredi 20 octobre 2023 un colloque sur la question du Sahel, le développement du terrorisme, les guerres locales internes ou entre voisins qui mettent l’Afrique au-devant de l’actualité médiatique et politique. Plus d’un demi-siècle après les indépendances, la situation de l’Afrique apparaît très contrastée. Avec plus de deux milliards d’habitants à l’horizon 2050, une jeunesse dynamique et ouverte, des potentialités économiques importantes, des ressources minières incommensurables, l’Afrique continent de l’avenir peine à trouver une certaine stabilité et à répondre aux demandes sociales de ses populations. Sortie des années développementalistes postindépendance avec des réformes en demi-teinte, l’Afrique s’est très vite trouvée confrontée à de multiples problèmes socio-économiques et politiques qui ont accéléré des formes de désinstitutionalisation et ouvert des conflits autant internes qu’externes. Le colloque, appuyé par les travaux et analyses de spécialistes du continent, souhaitait éclairer les causes explicatives de cette évolution et les conditions qui permettront à l’Afrique en général et à certains pays africains, particulièrement concernés par des conflits qui durent, de retrouver la stabilité, la paix et le développement pour tous.

Le Président de l’Académie de Géopolitique de Paris a pris la parole en ouverture du colloque, après avoir accueilli les intervenants, invités et spectateurs. Son intervention :

L’Afrique est le second continent le plus vaste de notre planète. Elle englobe un cinquième des terres du monde. Dans l’histoire des civilisations, elle constitue le plus grand continent, en rivalité avec l’Asie. Les civili­sations de Chine et de l’Inde sont issues de l’Asie, tandis que l’Afrique a été le ber­ceau des civilisations égyptienne, éthiopienne et d’autres. Le voisinage de l’Afrique avec l’Asie et l’Europe a été à l’origine de liens anciens entre ces trois continents. L’Afrique s’étend au sud de la Méditerranée et le détroit de Gibraltar constitue le fossé naturel qui délimite le sud de l’Europe du nord-ouest de l’Afrique. Le canal de Suez relie l’Afrique à l’Asie et au désert de Sinaï qui a une place importante dans la littérature religieuse. Avant la construction de ce canal, les deux continents étaient attachés.  Deux mille ans se sont écoulés afin que la liaison entre la Méditerranée et la Mer Rouge se concrétise et que les deux continents se séparent. Cependant, l’Afrique était restée méconnue jusqu’au début du 19e siècle. C’est au cours de ce siècle que le colonialisme a réussi à explorer l’ensemble de ce conti­nent. Auparavant, le Nouveau monde a été découvert en contournant l’Afrique. Si autrefois les Grecs et les Romains affrontaient l’Égypte, Carthage et l’Éthiopie, en revanche, au Moyen Âge, les produits de la pêche et du commerce de la population de l’Afrique noire étaient à l’origine du progrès du commerce mondial.  La décolonisation a été une des incapacités de la Société des nations et plus tard de l’Organisation des nations unies, en vue d’établir un système mondial de la souveraineté des peuples. La Société des nations a limité son rôle en partageant les territoires de l’empire ottoman en Asie et en Afrique entre les vainqueurs de la guerre.

Les Nations unies de leur côté ont supporté, pendant une longue période, la présence d’un régime d’apartheid en Afrique du Sud.  Jusqu’à ce jour, les Nations unies n’ont pas encore joué un rôle efficace dans la défense des peuples des anciennes colonies. L’origine des crises dans les pays nouvellement indépendants de l’Asie et d’Afrique, devrait être recherchée, entre autres dans le manque de responsabilité et plus exactement dans l’incapacité de prendre des responsabilités de l’Organisation des nations unies. La poursuite de la vie tribale constitue la principale difficulté des autres pays africains. Les guerres tribales entre deux pays voisins ou au sein même d’un pays unique sont des événements courants. Même après l’indépendance de ces pays, cette situation se poursuit et bénéficie du soutien des puissances étrangères. À cette manifestation de la politique néocoloniale, il convient d’ajouter un autre élément, celui des coups d’État dus à la carence du système social, le soutien des puissances étrangères rivales et la tradition issue de l’héritage des anciens maîtres. Outre ces difficultés politiques internes et externes des États afri­cain, la pauvreté et la faim sont deux fléaux qui sévissent sur ce continent depuis l’époque esclavagiste jusqu’à nos jours. Il est à noter que ce sont plutôt les fauteurs de ces fléaux que les défenseurs de ce continent qui en bénéficient.

La principale difficulté du monde réside dans le système international qui le régit et dont la responsabilité officielle relève des Nations unies. Or, dès le début, cette Organisation, compte tenu de ses statuts, n’avait pas eu la possibilité d’être présente dans les domaines politique, économique, social et militaires dominants. La libre concurrence des puissances, dans le cadre de leur domination militaire, écono­mique et politique sur le monde est le facteur principal qui interdit un mouvement harmonieux de la civilisation. L’Afrique affamée, malade, en proie à des coups d’État et aux guerres inces­santes mêlées de génocides militaires et tribales, englobe les richesses les plus va­riées. Les insécurités et les conflits permanents dans la plupart des territoires de ce continent puisent leur origine dans la rivalité des puissances étrangères pour la mainmise sur ces richesses. Les ingérences ne se réalisent pas uniquement à travers des présences militaires ou des provocations internes. Une série d’organisations internationales tentent de dévier les efforts économiques des pays africains en instaurant des dépendances sécuritaires et militaires. Une série de ces aventures provient des recommandations de la Banque mondiale qui constituent des conditions préalables à l’octroi des emprunts. Ces mêmes recommandations dans le cadre des pays asiatiques qui se poursuivent depuis plus d’un demi-siècle y ont provoqué des résultats négatifs.

L’Afrique contemporaine se trouve dans une situation où elle peut accepter toute rivalité pacifique dans l’investissement et la collaboration économique. L’entrée de la Chine sur la scène africaine ne porte préjudice à personne, au contraire, c’est une contribution à la découverte d’ un continent qui, pendant plusieurs décennies, a subi des dommages naturels et humains assez conséquents. L’avantage des Chinois dans le cadre de la rivalité en Afrique est qu’ils sont étrangers par rapport aux an­técédents coloniaux du continent. Dans la crise financière et économique qui sévit encore dans le monde, les Chinois font partie des sinistrés de cette tempête soulevée par les puissances financières qui dominent le monde.  Ce colloque traite la question du Sahel et le développement du terrorisme, les guerres locales internes ou entre voisins qui mettent l’Afrique au-devant de l’actualité médiatique et politique.

Monsieur Bruno Drweski, maître de conférence habilité à diriger des recherches à l’INALCO est ensuite intervenu sur  « l’Afrique et la conflictualité géostratégique mondiale » :

 

Les derniers conflits en Ukraine, autour de Taïwan ou en Palestine tendent à faire oublier le rôle géostratégique de l’Afrique malgré les tensions dans le Sahel, au Congo ou en Centrafrique qui posent la question du maintien ou du renversement des alliances militaires et économiques existantes. L’Afrique est bel et bien le terrain de compétition entre les pays du bloc occidental et plusieurs puissances émergentes. Car l’Afrique occupe une voie de communication maritime incontournable entre l’Europe et l’Asie, elle possède des ressources naturelles importantes et son potentiel démographique en fait un continent prometteur en termes de dynamique et d’innovation. Ce qui devient d’ailleurs évident, si l’on voit les tentatives de plusieurs puissances d’y garder ou d’y implanter des bases militaires tout en cherchant à y développer des réseaux économiques. L’Afrique est donc un continent important pour des raisons à la fois de richesses mais aussi de position stratégique.

Aujourd’hui, avec le développement de la multipolarité et en particulier le rôle grandissant des BRICS, nous voyons se développer une situation qui permet aux pays africains de jouer sur leur position et leurs richesses pour s’insérer de façon de plus en plus autonome dans le jeu entre les puissances, un peu comme ils avaient déjà su le faire à l’époque du monde bipolaire. Si la faiblesse de nombreux États en Afrique est réelle, on assiste au renforcement de certains autres en parallèle et à l’augmentation du rôle, de l’autonomie et de la puissance de leurs forces militaires. En incluant le rôle de ses diasporas, on peut estimer que l’importance de l’Afrique ne pourra que grandir aux cours des prochaines années, ce que toutes les puissances semblent constater et ce à quoi elles se préparent.

Les expériences des décennies postcoloniales semblent avoir convaincu une partie au moins des élites et des peuples africains que leur continent appartenait bien au vaste monde et ne pouvait plus se cantonner à un tête-à-tête avec les seules puissances occidentales, et en particulier avec leur ancien colonisateur. Des processus d’intégration régionale, voire de relance des conceptions panafricanistes, semblent à nouveau à l’ordre du jour, ce qui pourrait faire du continent africain à l’avenir un sujet de plus en plus autonome mais intégré dans le monde, en s’appuyant en particulier sur les atouts de sa géographie.

Madame le Docteur Delphine Lecoutre, politologue africaniste au Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) à Paris, ainsi qu’à l’IFG Executive Education Afrique (à Abidjan), sur le sujet : « Le coup d’État (30 août 2023) dans le cadre des élections générales (26 août 2023) au Gabon. Enjeux et perceptions de la mise en place du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) » :

Ce n’est pas tous les jours qu’on arrive à « stopper net » un régime dictatorial kleptocrate dirigé et géré par une bande de malfaiteurs violents dans un pays d’Afrique centrale où les Présidents de la République battent des records de longévité politique à coup de manipulations de Constitution pour faire un nnième mandat, d’élections truquées et de répression de leur population !

Or, c’est l’exploit réalisé par le groupe de militaires mené par le chef de la garde présidentielle et ancien aide de camp tant d’Omar que d’Ali Bongo Ondimba, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, au moyen d’un coup d’Etat à la fois militaire et institutionnel le 30 août 2023 dans le cadre des élections générales (présidentielles, législatives et locales) du 26 août précédent au Gabon.

On ne peut pas comprendre la trajectoire de ce coup d’état et de la mise en place d’une période de transition au Gabon sans faire un retour :

  • sur son contexte historique, sans regarder dans le rétroviseur politique par qui et comment le Gabon a été gouverné jusqu’au 30 août 2023 dans la mesure où le général Oligui Nguema, désigné Président du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) le 4 septembre 2023, dit avoir voulu – en fomentant son coup d’Etat militaro-institutionnel – déconstruire le Gabon d’Ali Bongo pour en reconstruire un autre « réapproprié par les Gabonais ».
  • et, sur le tripatouillage du processus électoral du 26 août 2023 à chacune de ses étapes, comme cela avait été le cas – à des degrés divers – dans toute l’histoire politique du Gabon.

L’objectif affiché des opposants au régime, auxquels la victoire a sans cesse échappé tant sous le régime d’Omar Bongo Ondimba que sous celui de son fils Ali Bongo Ondimba, était de pouvoir redéfinir du tout au tout la donne au plus haut sommet de l’Etat gabonais. L’opposition politique gabonaise avait d’ailleurs pour unique leitmotiv électoral « Tout sauf Bongo ».

Alors que l’opposition politique avait dénoncé pendant plusieurs mois avant les élections elles-mêmes les multiples irrégularités entachant le processus électoral, le candidat unique de l’opposition, membre de la Plateforme Alternative 2023, Albert Ondo Ossa, ne pouvait pourtant revendiquer aucune victoire puisqu’aucune administration ou institution officielle ne la lui aurait reconnue dans la mesure où les élections ont été annulées par le CTRI.

Les militaires (futurs) putschistes avaient trois options au moment des élections, puis trois autres après leur coup d’Etat militaro-institutionnel.

Techniquement, les militaires ont pris le pouvoir à Ali Bongo Ondimba qui s’était déclaré vainqueur – via le Conseil gabonais des élections (CGE) « aux ordres » du régime en place – 18 minutes avant. Ce choix d’un coup d’Etat a signifié un retour à la case départ de la séquence politique : « plus de majorité, plus d’opposition », comme aime à le marteler le président de la transition. Ceci explique le choix du CTRI de dissoudre des institutions (Assemblée nationale, Sénat, Conseil Constitutionnel) pour les reconstituer avec des membres nommés par le général Oligui Nguema pour la durée de la période de transition au Gabon.

 

Monsieur Ilya Tikhonov, Deuxième secrétaire à l’Ambassade de Russie en France, s’est exprimé, sur le sujet : « La politique de la Russie en Afrique » :

 

La Russie a un partenariat de longue date avec l’Afrique, qui a connu son développement le plus dynamique au milieu et à la fin du XXe siècle. L’URSS a toujours été le champion le plus déterminé et loyal de l’indépendance des pays africains des puissances coloniales et néocoloniales. Cette assistance ne se limitait pas à l’aide politique et militaire. L’URSS a fait une contribution importante au développement socio-économique de l’Afrique.

Les relations entre la Russie et l’Afrique qui connaissent une nouvelle dynamique depuis le début du XXIe siècle se fondent sur l’intérêt mutuel ainsi que sur l’environnement international favorable. Nos pays partagent les mêmes principes du respect mutuel, de la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autrui, de la souveraineté. Il n’y a pas d’arrogance dans nos relations et aucune partie ne cherche à conditionner notre partenariat par des exigences d’ordre politique. En outre, la Russie et l’Afrique sont deux centres dans le monde multipolaire qui est en train de se forger actuellement. Nous soutenons activement les revendications africaines pour rendre le système actuel plus juste et représentatif sur la base du respect du droit international avec la charte des Nations Unies à son cœur.

Nous développons des relations tous azimuts – dans les domaines politique, social, culturel, etc. Les sommets réguliers Russie- Afrique sont censés structurer notre coopération. L’accélération du partenariat économique est actuellement au centre de notre attention. Nous constatons l’intérêt primordial des africain à leur propre développement. La Russie est prête à faire sa contribution en partageant avec nos amis africains nos savoir-faires et nos technologies, en accueillant davantage d’étudiants africains dans les écoles et les universités russes, en réalisant des projets d’infrastructure qui permettront d’accélérer le développement de l’économie en Afrique et hausser le niveau de vie.

La plupart des problèmes politiques et sécuritaires auxquels fait face le continent africain actuellement en large partie est dû aux activités irresponsable des anciennes métropoles aux époques coloniale et même postcoloniale comme cette fameuse intervention militaire en Libye en 2011 qui a déstabilisé l’Afrique Occidentale et Centrale. La Russie est à l’écoute des ses partenaires régionaux étant attachée au principe « Aux problèmes africains – les solutions africaines ».

Monsieur Jean-Blaise Gwet, ancien ambassadeur de France, chef d’entreprises et homme politique – Candidat à l’élection présidentielle 2025 au Cameroun, s’est exprimé sur le sujet : « La politique de la France en Afrique » :

L’Afrique Centrale et la France entretiennent une histoire commune depuis plusieurs décennies. Une histoire marquée par des liens étroits, multidimensionnels, avec des échanges et des interactions humaines, intenses et croisés[1].

Une relation ancienne qui se caractérise avant toute chose par des rapports humains très poussés, qui participent par ailleurs à l’identité de la France par le biais des diasporas de nationalité française, d’origine africaine. Tant il est vrai, qu’un bon nombre de français ont une origine qui les rattache à l’Afrique, autant en sens inverse, plus de 150 000 Français et Françaises sont établis en Afrique sub-saharienne et près de 500 000 dans l’ensemble du continent[2].

Quoiqu’on dise, l’avenir, la croissance économique et l’industrialisation pérenne de la France, sont intimement liés à ceux de l’Afrique Centrale en particulier et de l’Afrique en général. Bien que la Russie et le groupe Wagner, occupe de plus en plus des positions pour sécuriser au premier chef, les cercles du pouvoirs de ces clients et partenaires Africains, il n’en demeure pas moins aujourd’hui, que la prospérité et la sécurité de l’Afrique centrale en particulier et de l’Afrique en général, conditionnent largement la sécurité et la prospérité de la France.

Donc, il me semble utopique et prématuré de voir la France, tourner les pages d’une aussi belle et longue histoires multidimensionnelles avec l’Afrique en générale. Une longue histoire commune, appuyée surtout par des relations humaines  intenses et croisés, malgré le sentiment anti-français grandissant, qui peut-être se justifie à raison ou à tort, par la maturité africaine, qui n’est cependant pas contre la France en tant que telle, mais qui souhaite peut-être, que la France et l’Afrique repense à une nouvelle forme de coopération France-Afrique, gagnante-gagnante pour chaque partie, dans une nouvelle diplomatie multilatérale plus ouverte et dans le respect de la souveraineté de chaque peuple.

En matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, bien qu’il existe de nouveaux partenaires dans le domaine de la défense en République Centrafricaine, il n’en demeure pas moins, que les défis de la France et ceux de l’Afrique sont communs et rendent illusoires un engagement, une vigilance et des stratégies qui ne se limiteraient qu’à un certain nombre de pays.  Car, Il n’en demeure pas moins, que la paix et la sécurité de toute l’Afrique Centrale et de l’Afrique en générale, déterminent aussi la stabilité de la France.

Au regard de plusieurs éléments exposés dans ce travail, il en ressort clairement que les liens entre la France et les pays d’Afrique Centrale en particulier son long dans l’histoire et multidimensionnels,  contrairement à la Russie nouvellement venue dans un pré carré Français, conquis depuis des décennies. Tant il est vrai que tout reste à construire dans cet espace économique très riche en ressources naturelles, tel le cas de la République Centrafricaine exposée ci-dessus, mais c’est également un continent qui dispose des ressources humaines diversifiées et qualifiées, avec un potentiel de développement économique, politique et social à fort potentiel de développement.

Au moment, où le monde vit une inflation galopante due à la pénurie du Blé Ukrainien et Russe d’une part, et de la crise du Gaz et pétrole Russe en Europe, d’autre part, plusieurs pays aux rangs desquels, la Chine, la Corée, la Russie, les États-Unis se bousculent déjà aux portes de l’Afrique Centrale et de l’Afrique en général, alors que la France qui y est depuis perd de plus en plus du terrain.

De mon point de vue, ce serait un aveu d’échec de la politique et de la diplomatie française de ces dernières années en Afrique, que de voir la France plier bagage de certains pays d’Afrique pour laisser place aux nouveaux venus. Au lieu de penser partir aussi facilement de pays d’Afrique, de mon point de vue, il serait plus judicieux à la France, de consolider sa politique en Afrique centrale, mais plutôt de repenser à des nouvelles formes de coopérations avec les Pays Africains ceci au bénéfice de toutes les parties.

Monsieur le Colonel (H) Raymond H. A. Carter, Docteur en Droit public, en Droit pénal international et titulaire d’un Ph. D. en Relations internationales et Diplomatie, s’est exprimé sur le sujet : « Le continent africain. Criminalité, mauvaise gouvernance et insécurité : des solutions ? » :

Malgré le souhait de tout Homme de vivre en sécurité, la société devient de plus en plus criminogène dans un monde qui se métamorphose, où les conflits se multiplient et où l’insécurité grandit sur l’ensemble des continents. L’Afrique, qui n’échappe pas à cette règle, est confrontée à cette même logique au sein du tryptique de la criminalité constitué par le crime organisé, le terrorisme et les crimes de guerre, génocides et crimes contre l’humanité. Et notre concept de terro-criminalité, permets de l’analyser et d’en mieux appréhender notamment les différences sur le terrain entre faux terrorisme et vrai banditisme.

La criminalité internationale organisée, à travers plusieurs types de trafics illicites (drogues, armes, êtres humains, etc.), y fréquente activement un terrorisme de plus en plus violent, y massacrant de nombreuses populations civiles et désorganisant de nombreuses régions (Sahel, etc.) d’où l’État se retire, y provoquant notablement migrations en interne et émigrations. Les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, accompagnant certains autres crimes, y sont ponctuellement déplorés au sein de conflits spécifiques, frappant, femmes, enfants et vieillards tout en détruisant les villages et les campagnes. L’idéologie terroriste est mise en avant pour légitimer et cacher de nouvelles formes de banditisme que le concept de terro-criminalité permet de mettre en évidence dans plusieurs pays du Sahel notamment. L’évolution de cette criminalité est une conséquence due à la fois à ces activités criminelles, alliées à une mauvaise gouvernance principalement due à la corruption qui s’imprime, ici comme ailleurs, de façon dangereuse au sein de la société africaine, devenue le terrain de jeu de la communauté internationale, où se rencontrent et s’entrecroisent des néo-colonisations menées par plusieurs pays (Chine, Russie, Turquie, États-Unis d’Amérique, etc.), renforcées et contrôlées par de puissants lobbysmes supra-internationaux, liés à la globalisation et l’universalisme pour la plupart, et où les Droits de l’Homme permettent souvent de tenir le coupable pour innocent, sans, à proprement parler, y punir l’iniquité.

L’insécurité grandit dans une Afrique fragilisée par la présence d’une communauté internationale active (financement, lobbies, etc.), une mauvaise gouvernance entretenue au sein d’une société où ethnocratie et démocratie se superposent à travers un néo-présidentialisme à l’africaine qui facilitent les coups d’état, gangrénée par intérêts personnels et corruption qui frappent une population ébranlée et parfois abandonnée entre les protagonistes en course vers un pouvoir atrophié, vivant dans la peur et obligée de quitter leurs villages, en conséquence de ces activités criminelles orchestrées par ces criminels qui se jouent des lois et s’allient pour mieux s’implanter in situ et répandre la mort physique et sociale, entretenant ainsi fausse décolonisation et pseudo indépendance. Des solutions existent, comme nous l’avons vécu, mais ne sont pas forcément menées à termes pour des raisons plus personnelles que collectives, la déstabilisation et l’insécurité profitant à un minimum de leaders au grand dam d’une population abandonnée entre les mains des desseins funestes de ceux qui les desservent. Cui bono ?

On peut se demander aujourd’hui si le Grands blocs et la communauté internationale, ainsi que certains leaders locaux, souhaitent vraiment que l’Afrique se sécurise et se développe, alors qu’une homogénéité de catastrophe s’y accentue de plus en plus. Ne serait-il pas temps qu’un accompagnement international responsable, au profit d’une population affaiblie et fatiguée prenne place ? C’est la question à laquelle nos frères africains devront répondre avec nous.

Monsieur le Professeur Aïssa Kadri, professeur honoraire à l’Université Paris-8, s’est exprimé sur le sujet : « Les migrations intra-africaines : quelles perspectives ? » :

L’approche des migrations africaines, du point de vue européen, s’appesantit davantage sur la question de celles-ci dans leur dimension de rapport à l’Europe, entendue comme destination privilégié ultime. Les discours autant politiques que médiatiques dominants construisent alors celle-ci comme menace. Les thèmes et problèmes qui affichent de manière désinhibée le stigmate anti-immigré, deviennent récurrents, reproduits à l’envi, selon des schèmes et des stéréotypes qui font fi autant de l’histoire profonde que des contextes actuels des circulations inter-régionales africaines, méditerranéennes et internationales.

La contribution présentée ici souhaite déconstruire ce narratif dominant, à partir de données objectivées, soit d’abord, que 80% des migrations sont internes à l’Afrique (Selon le rapport officiel de 2020 de l’OIM). Que les africains circulent d’abord en Afrique. En saisissant les causes et les logiques de ces circulations, elle propose ensuite, de voir comment celles-ci peuvent être envisagées dans la perspective d’un développement solidaire africain.

Madame le docteur Amina Taibouni, enseignante au CEDS-HEIP, à l’IFG Executive Education (Groupe OMNES) et à l’Université Paris-Cité, s’est exprimé sur le sujet : « La dette africaine : qu’en est-il réellement ? » :

Le sujet de la dette africaine est crucial. L’endettement reste un défi majeur pour de nombreux pays car des niveaux d’endettement élevés peuvent entraver la croissance économique et le développement. Aujourd’hui, une vingtaine de pays africains sont surendettés ou en voie de l’être et plus de quarante ans après la crise de la dette des années 1980,  les pays d’Afrique subsaharienne craignant une nouvelle crise appellent à l’annulation de la dette.

En Afrique subsaharienne, la dette publique atteignait fin 2022 , 56 % du PIB, au plus haut depuis les années 2000 et sa composition s’est complexifiée avec une augmentation notable de la part des créanciers privés qui en détiennent 40 %.   Durant la pandémie de Covid-19, plusieurs initiatives d’allègement de la dette ont été mises en place par le G20, le Club de Paris et les institutions multilatérales pour permettre aux pays africains de concentrer leurs ressources sur la lutte contre la pandémie.   La Chine, la Russie   participent également aux efforts visant à alléger le fardeau de la dette des pays africains. Le Groupe de la Banque mondiale défend activement des solutions globales à l’endettement reposant sur la suspension, la réduction, la restructuration de la dette.  Aussi   recommande-t-il aux pays africains de favoriser une gestion transparente de leur dette et de mettre en place des politiques économiques saines pour garantir un avenir plus prometteur. Cependant, au-delà du surendettement dans beaucoup de pays africains,   l’Afrique forte de sa diversité, de ses ressources humaines et naturelles, se montre résiliente avec une croissance moyenne qui devrait se stabiliser à 4,1% en 2023- 2024.

Monsieur Jure Georges Vujic, Directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb et Chercheur à l’Académie de Géopolitique de Paris, s’est exprimé,  sur le sujet : « L’Afrique à la croisée des chemins : entre seconde décolonisation et nouvelles néo-dépendances »:

Qu’est ce qui fait l’actualité du continent africain ? il s’agit de la convergence de trois facteurs: tout d’abord, le contexte de la mutation de l’ordre international avec  la rupture de l’équilibre depuis 1945 provoquée par la guerre en Ukraine, les fortes potentialités géoéconomiques et démographiques de l’Afrique, puis en dernier lieu, la réalité des lacunes et faiblesses structurelles et institutionnelles des pays africains  face ā l’influence croissante de nouvelles puissances étrangères qui se sont implantées sur le continent africain. En effet, sur le plan géopolitique,  l’Afrique est au cœur d’une concurrence internationale acharnée,  caractérisée par le poids et l’influence croissante du rôle géopolitique et géoéconomique de la Chine, la Russie et des États-Unis. Toutefois, cette nouvelle donne, peut constituer pour les États africains une opportunité,  afin de diversifier leurs partenaires en vue d’atteindre leurs objectifs de développement économique continu et durable, et de redéfinir leurs stratégies de coopération internationale. Cependant,  ā la  suite d’ une série de coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger et au Gabon, qui pour une grande partie des opinions politiques locales sont porteuses de promesses en tant que levier d’une forme néo-souverainiste de « seconde décolonisation », l’avenir des transitions  et des consolidations démocratiques reste incertain, qui pourront  se solder, soit par une restauration de statu quo ex ante, soit évoluer vers une forme de néo-dépendance ā l’égard des pôles d’influence des nouvelles puissances étrangères présentes sur le continent africain.

Monsieur Sébastien Périmony, Responsable du bureau Afrique de l’institut Schiller, s’est exprimé sur le sujet : « épidémie de putsch ou révolution populaire en Afrique de l’Ouest ? » :

Selon certains, l’Afrique connaîtrait une épidémie de putschs militaires, toutefois si l’on regarde l’histoire récente des 60 dernières années l’Afrique est le continent à avoir subi le plus de coup d’état et de putsch, le plus d’assassinats de ses dirigeants et ce dans le silence complice de l’occident de manière générale, et de la France en particulier. La réponse est simple : le néocolonialisme ou comme on le caractérise en France : la « Françafrique ».

En effet, le néocolonialisme n’a eu de cesse de déstabiliser tous les dirigeants qui ont voulu remettre en cause les accords de coopération militaire et les accords de coopération monétaire avec la curatelle du Franc CFA imposée à 15 pays jusqu’à aujourd’hui. Mais les choses changent, et les accords militaires sont déjà caducs dans plusieurs pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger … et bientôt les accords monétaires connaîtront le même sort.

Nous reviendrons sur les exemples du passé, qui avaient déjà mené ce combat contre le néocolonialisme, comme Modibo Keïta au Mali ou Thomas Sankara au Burkina Faso, tous deux mis à mort. Nous montrerons que ce qui se passe en Afrique n’est pas une épidémie de putsch mais bien une renaissance culturelle et scientifique, comme l’avait rêvé Cheikh Anta Diop en son temps. Grâce à une jeunesse conscientisée par des nouveaux leaders panafricanistes et des médias alternatifs devenus aujourd’hui le moteur de ces révolutions populaires. Nous ferons le bilan catastrophique de la Françafrique en Afrique de l’Ouest en regardant de plus près le rapport de l’ONU sur les indices de développement humain et comprendront plus facilement les raisons de la colère des peuples africains.

Enfin nous alerterons sur les nouvelles formes de néocolonialisme, en développant le concept que nous avons créé pour l’occasion, à savoir l’ « écolonialisme ». En présentant succinctement les récents ouvrages paru sur ce sujet comme « L’invention du colonialisme vert » de Guillaume de Blanc ou plus récemment « Décolonisons la protection de la nature » de Fiore Longo, cela permettra de comprendre les mises en garde répétées de l’Institut Schiller contre les mouvements malthusiens, qui depuis le rapport NSSM 200 de Henry Kissinger ou le rapport « Halte à la croissance » n’ont eu de cesse de promouvoir une politique de sous-développement de l’Afrique utilisant l’argument fallacieux de la surpopulation.

Les intervenants ont alors pris les questions du public. Un débat s’en est suivi. À l’issue du débat, le Président de l’Académie de Géopolitique de Paris a mis fin au colloque, après avoir remercié tous les intervenants et spectateurs pour leur participation active et riche, ainsi que pour leur présence.

[1]  MINISTERE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ETRANGERE. France Diplomatie. Les Enjeux de la diplomatie française en Afrique. [En ligne]  Disponible sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/afrique/les-enjeux-de-la-diplomatie-francaise-en-afrique/  (Consulté le 15 Avril 2022)

[2]  Ibid.

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