Patrick DOMBROWSKY
Directeur de l’Observatoire d’Analyses des Relations Internationales Contemporaines.
3eme trimestre 2011
Le Sahel est devenu désormais une zone grise et risque d’évoluer vers une zone de conflits. Avec l’implantation de l’AQMI et la pérennité du conflit au Sahara occidental, la recomposition géostratégique de cette région favorise des guerres qui sont une fragilisation supplémentaire des régimes politiques du Maghreb. En cas d’affaiblissement de ceux-ci, elles peuvent renaître ou s’intensifier, et leurs retombées affecteraient dans ce cas l’ensemble de l’aire saharienne.
The Sahel is now becoming a grey area and may develop into a conflict zone. With the rooted présence of AQIM (Al-Qaeda Organization in the Islamic Maghreb) and the durability of the conflict in Western Sahara, the geostrategic reorganization of this region stimulates the conflicts which further weaken the political regimes of the Maghreb. In case these become fragile, the conflicts may spring up again or regain intensity, and their impact would affect the whole Saharan area.
S’il est une région du maghreb où les événements du « printemps arabe » ne s’accompagnent pas de mouvements de révolte spectaculaires et d’une généralisation de la répression, c’est bien l’espace saharien. Le désert, en raison même de son dépeuplement, semble extérieur au vent de changement qui s’est emparé des zones habitées des États maghrébins. Par ailleurs, ce milieu naturel hostile est singulièrement impénétrable aux observateurs, et est de ce fait rarement présent sur les écrans radar de l’actualité internationale. En apparence, si les pouvoirs politiques maghrébins redoutent aujourd’hui certaines menaces, ce n’est pas dans le vaste espace désertique qui les sépare de l’Afrique noire qu’ils vont les trouver.
En apparence, seulement. Car s’il est évident que les caractéristiques géographiques et humaines de l’espace vide qui s’étend de l’Atlas marocain aux contreforts du Tibesti tchadien en font une zone de relatif calme géopolitique, de multiples enjeux stratégiques et plusieurs crises ouvertes ne doivent pas être négligés, qui pourraient prendre, dans les années à venir, une ampleur tout à fait significative. Dans le contexte actuel de fragilisation politique des États maghrébins, les tensions internes, aggravées par de multiples ressorts extérieurs, qui traversent la zone saharienne peuvent devenir des motifs graves de discorde et de troubles géopolitiques. Si le Maroc, l’Algérie, la Tunisie1, ont pour l’instant évité de verser dans le spectre de la guerre civile, ils ne doivent pas sous-estimer que le terreau est fécond pour que se développent de véritables guerres du désert, reposant sur des tensions depuis trop longtemps sous-estimées.
Trois conflictualités, en effet, existent d’ores et déjà dans la partie saharienne du Maghreb : le Sahara occidental, la question touarègue, et l’action déstabilisatrice de l’ancien Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), désormais connu sous le nom d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Ces trois ferments perturbateurs conjuguent leur présence dans une zone aux enjeux d’autant plus considérables qu’ils concernent des problématiques excédant largement la seule perspective saharienne et maghrébine. C’est pourquoi les guerres du désert saharien apparaissent comme des prolongements géopolitiques significatifs du devenir maghrébin dans son ensemble.
Des conflictualités anciennes et jamais éteintes
Le Sahara occidental
C’est dans le désert saharien que se déroule, aujourd’hui encore, l’un des plus anciens conflits de décolonisation du monde : celui dit du Sahara occidental. Ce vaste espace a une superficie équivalente à la moitié de celle de la France, mais n’est peuplé que d’un demi million d’habitants. Largement ouvert sur l’Océan Atlantique, il est un coin fiché au Nord de la Mauritanie, dont il prolonge naturellement une large partie du territoire. Longtemps sous l’influence des tribus berbères situées au Maroc, le Sahara occidental est devenu colonie espagnole à la fin du XIXe siècle2, jusqu’à ce que l’Espagne accepte d’en retirer ses troupes et son administration, durant la longue agonie du général Franco (novembre 1975). Un partage du territoire a alors été réalisé entre ses deux principaux voisins : le Maroc en annexa les deux tiers, la Mauritanie le reste. Ni l’Algérie, qui n’a qu’une très courte frontière commune avec le territoire, ni les rares populations locales, n’ont été consultées. Dès lors, et plus par souci d’empêcher la montée en puissance marocaine que par réelle volonté émancipatrice des Sahraouis3, l’Algérie a fortement pesé en faveur de la création d’un État indépendant dans les frontières jadis contrôlées par l’Espagne. Depuis la fin des années 1970, le conflit oppose principalement le Maroc au Front Polisario, seule organisation politico-militaire du territoire. Fortement soutenu par l’Algérie jusqu’au cessez-le-feu imposé par les Nations Unies en 1991, le Front Polisario n’a pourtant jamais eu la force suffisante pour résister à l’armée marocaine4, qui contrôle de fait l’ensemble du territoire. Tout au plus s’est-il cantonné à des escarmouches ponctuelles et des embuscades contre des détachements marocains, peu susceptibles de faire évoluer en sa faveur la situation sur le terrain. Le Maroc a répondu en érigeant en plein milieu du désert un « mur de sable », en plusieurs étapes successives, qui ne laisse qu’un cinquième du territoire (le moins peuplé et le moins pourvu en ressources) hors de sa souveraineté.
Malgré quelques montées de tensions conjoncturelles, le Maroc a ainsi sécurisé sa présence au Sahara occidental, en se mettant à l’abri des attaques surprises qu’il pouvait redouter. Il n’a pas pour autant réduit à néant la revendication du mouvement sahraoui. Il est certes difficile, dans un tel contexte, d’apprécier ce que peut être la volonté des populations elles-mêmes, qui oscillent entre une certaine volonté d’émancipation nationale, et le confort des retombées de la présence économique marocaine. Le référendum d’autodétermination, maintes fois réclamé par les Nations Unies, et annoncé par les parties au conflit, n’a jamais été organisé, chacun s’ingéniant à trouver des prétextes pour en différer la tenue. Le conflit semble désormais enlisé, mais les causes de son existence perdurent en fait, aggravées par le jusqu’auboutisme qu’on peut craindre de la part d’un mouvement qui, plus que jamais, constate à la fois la désaffection des populations, l’éloignement de ses alliés, et la consolidation des positions de son adversaire.
La question touarègue
Si le cas du Sahara occidental est celui d’un territoire sans peuple, la question des Touaregs relève du cas, plus classique, d’un peuple sans territoire. À l’origine, les Touaregs sont issus de populations berbères d’Afrique du Nord, ayant migré au travers du désert du Sahara, et dont de nombreux rameaux sont restés dans l’environnement désertique, perpétuant leur tradition nomade. Occupant une large partie du Sud-Est algérien, les régions les plus méridionales de Tunisie, et la Libye occidentale, leur zone d’implantation s’étend jusqu’au Sahel malien, nigérien et burkinabé. Un territoire immense, traversé de pistes de nomadisme séculaires, particulièrement difficile à contrôler par des États qui ont longtemps sous-estimé les problèmes de ces populations ni franchement rebelles, ni totalement soumises. Auparavant, la période coloniale française avait laissé aux tribus touarègues une assez large autonomie, et le droit de migrer librement sur l’ensemble de l’Afrique colonisée5, en échange du renoncement à toute revendication politique. Cette dernière, de toutes façons, n’a jamais été une préoccupation majeure des tribus6. Même lorsque les indépendances ont fait apparaître des frontières internationales tronçonnant les zones traditionnelles de migrations, le statu quo continua, grâce à l’incapacité des nouveaux États à assurer un contrôle efficace de leurs limites sahariennes. Seul le Mali fut, dès 1963, le théâtre d’affrontements assez violents où le pouvoir central n’hésita pas à utiliser d’abondance la force armée, d’autant plus volontiers que c’était pour lui le moyen d’intensifier son contrôle sur l’ensemble de la population.
C’est toutefois la période des grandes sécheresses sahéliennes du milieu des années 1970 qui vit la question touarègue se généraliser à l’ensemble de la région. Chassés par la famine, de nombreux jeunes partirent dans les États voisins, notamment en Libye, où le régime du colonel Kadhafi se servit d’eux dans ses aventures extérieures (par exemple au Tchad). Par solidarité musulmane, beaucoup s’enrôlèrent aussi dans les mouvements plus ou moins armés d’Algérie, du Liban, de Palestine7. Le changement du contexte international au seuil des années 1990 provoqua finalement leur retour au Sahara, mais dans un contexte radicalement différent : les États de la région étaient désormais fragilisés par leur difficile démocratisation (Mali, Niger) ou par l’insurrection islamiste en Algérie. Par ailleurs, les exilés et les combattants touaregs s’étaient rassemblés au fil des années dans un grand nombre de mouvements politiques plus ou moins radicaux, plus ou moins islamisés, et plus ou moins instrumentalisés par des acteurs extérieurs à leur cause. À partir de la deuxième moitié des années 1990, la lutte touarègue fut donc de moins en moins un combat pour la reconnaissance des droits de la population touarègue à plus d’autonomie qu’un pion dans l’affrontement géopolitique nouveau qui, dans toutes les terres musulmanes, opposait désormais l’Occident et les représentants de l’islam politique radical. Le désert saharien, dans ce contexte, devint un espace de plus en plus propice aux coups de main spectaculaires contre les représentants des États locaux, censés soutenir la cause occidentale. Et, comme lors de la période précoloniale, les frontières étatiques perdirent toute signification aux yeux des combattants des différents mouvements touaregs. La vague unification de ces derniers au sein d’une Organisation de la Résistance Armée, à la fin des années 1990, semble avoir à nouveau laissé la place à la fragmentation au gré des objectifs du moment : un Mouvement National pour la Justice apparut en février 2007 au Nord du Niger, suivi par un Groupe du 23 mai au Nord du Mali quelques mois plus tard. L’Alliance touareg Niger-Mali, annoncée par la suite, n’a pour sa part guère de réalité sur le terrain et les groupes combattants sont de plus en plus morcelés, tandis que les territoires algérien et libyen servent de refuge après les coups de main menés au Sahel, sans que les gouvernements concernés (surtout celui de l’Algérie) puissent y mettre le holà.
La mouvance GSPC-AQMI
Contrairement aux groupes touaregs, d’abord sahéliens puis utilisant l’espace saharien comme arrière-pays de leur combat, l’implantation principale des mouvements islamistes radicaux, à peu près fédérés aujourd’hui au sein d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), est le désert du Sahara. Et c’est à partir de cette implantation qu’ils mènent des opérations de plus en plus éloignées dans les États du Sahel, et jusqu’au Tchad ou au Nigeria. Issu à l’origine d’une des multiples scissions du Groupe Islamique Armé (GIA) algérien, principal acteur de la quasi-guerre civile qu’a connue ce pays durant les années 1990, le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) a changé de nom en janvier 2007, lorsqu’il s’est inféodé à la nébuleuse Al Qaida, paraît-il avec l’approbation expresse d’Oussama Ben Laden lui-même. Contestant la violence tous azimuts pratiquée par le GIA, qu’il jugeait contre-productive auprès des populations, le GSPC mena la lutte uniquement contre les symboles du pouvoir, principalement en Algérie. Ce n’est que progressivement qu’il étendit son aire d’action, qui englobe désormais tout l’espace saharien, de la Mauritanie au Tchad, et du Sahel aux Aurès algériens. AQMI apparaît donc désormais comme la principale des branches géographiques composant Al Qaida8. Le groupe a clairement pris l’Occident (donc, en ces terres qui furent jadis siennes, la France en première ligne) comme cible de ses actions. Les gouvernements locaux ne sont visés que parce qu’ils sont réputés soutenir la politique de l’Occident, notamment dans sa lutte contre l’islamisme et le monde musulman. Attentats-suicide contre des symboles des régimes politiques en place, et enlèvements donnant lieu à la négociation de rançons, sont les deux moyens d’action privilégiés d’AQMI. Ils ont l’avantage de ne pas dresser le mouvement directement contre les populations, même si la répression policière s’abat souvent aussi contre elles.
Intensément pourchassés, les responsables d’AQMI, pour la plupart algériens, changent très fréquemment. L’ensemble du mouvement y perd une certaine lisibilité dans la conduite de son action, mais y gagne une image de solidité paradoxale : tout nouveau coup dur est aussitôt compensé par la montée en puissance d’une nouvelle génération de chefs. Selon les spécialistes, ceux-ci peuvent s’appuyer sur un considérable trésor de guerre financier : on parle de plus de cent millions d’euros, rassemblés grâce aux rançons obtenues suite aux enlèvements d’otages occidentaux, mais aussi grâce à la mise en place de plusieurs trafics, dont ceux des armes et de la drogue. Le combat d’AQMI s’avère donc doublement déstabilisateur dans l’aire saharienne. Il met aux prises des États dotés de ressources faibles ou fragilisées par les évènements actuels, face à un mouvement très riche et débarrassé des contraintes budgétaires propres aux structures étatiques. Même sans stratégie ponctuelle claire, AQMI est donc appelé à être durablement un pôle de déstabilisation majeur de la zone saharienne, à l’intérieur de laquelle on voit mal comment pourrait être vaincue sa guerre.
Une zone aux enjeux considérables
Aux temps de la colonisation, la possession de la zone saharienne n’avait d’intérêt que territorial : l’immensité du désert rendait plus imposante encore la présence extérieure de la métropole, et donc son prestige, comme en témoignait la massive tache rouge des planisphères antérieurs aux indépendances des années 1960, quand le Sahara constituait l’essentiel de l’Afrique Occidentale Française. Ce n’est que vers la fin de la période coloniale qu’une utilisation stratégique des immensités désertiques se développa, avec les premières découvertes d’hydrocarbures, et l’utilisation du Sud algérien pour les essais atomiques précédant la mise au point de la bombe nucléaire française. Curieusement, les premières décennies de l’indépendance africaine firent perdre de vue l’intérêt stratégique du désert aux nouveaux États. Hormis l’exploitation gazière par l’Algérie, et un soupçon de tourisme exotique au Maroc, les États maghrébins négligèrent longtemps la potentialité stratégique de cet espace qu’ils partageaient avec les États du Sahel, selon des frontières aussi rectilignes sur la carte qu’imprécises sur le terrain. Même le refus marocain d’abandonner le Sahara occidental au mouvement sahraoui se fit d’abord plus pour des raisons de fierté nationale que pour parvenir à une quelconque supériorité géopolitique. Il en va aujourd’hui différemment, tant les déserts de manière générale, et celui du Sahara en particulier, revêtent désormais une importance stratégique essentielle. Et ce pour au moins trois raisons, qui sont toutes les trois affectées par les conflictualités existant dans les déserts du Maghreb.
La moindre sécurisation des frontières
Malgré les théories récentes qui ont longuement développé, à tort, l’idée de la disparition des États en tant qu’acteurs essentiels des relations internationales, ceux-ci sont bel et bien toujours au centre des enjeux géopolitiques contemporains. Et la question de leurs frontières reste vitale pour leur sécurité9. Or, dans les aires désertiques, le contrôle des limites frontalières est par nature particulièrement problématique et aléatoire. Les États sahariens possèdent donc des territoires largement ouverts sur tous les flux qui, dans le monde contemporain, fragilisent les économies et les sociétés : immigration, trafics divers, réapparition de pratiques nomades… Dans le cadre des conflictualités sahariennes, l’impossibilité de matérialiser efficacement le tracé des frontières rend particulièrement complexe la lutte contre l’adversaire. A contrario, pour imparfaite qu’elle soit, la frontière de fait dressée par le Maroc avec la série de « murs de sable » isolant toujours un peu plus le Front Polisario a beaucoup contribué à l’atténuation du conflit.
Le contrôle de nouvelles ressources
Si des gisements anciens sont exploités depuis longtemps dans la zone saharienne (le gaz en Algérie, le phosphate au Maroc…), ce désert recèle bien d’autres richesses, dont l’exploitation et la vente seront essentielles à l’économie des États concernés. Le Nord-Est du Mali, tout le Nord du Niger, l’ensemble de la zone saharienne de l’Algérie, sont parsemés de potentialités minières importantes : pétrole, uranium, minerais divers, y compris certaines « terres rares », phosphates… Pour des États fragiles ou affaiblis par les tensions sociales actuelles du monde arabe, une prompte mise en valeur de ces ressources serait un appréciable atout économique. Hélas, la plupart des gisements concernés sont dans les territoires affectés par les conflictualités de la région. Ils en sont donc bien évidemment un élément aggravant. Tant parce que chacun des belligérants ambitionne de contrôler pour lui seul la totalité de la manne, que parce que les personnels étrangers envoyés sur place pour aider à la mise en valeur des gisements constituent d’appréciables cibles de guerre10, susceptibles d’être retirées si leur sécurité n’est pas suffisamment garantie.
La constitution de « zones grises »
Ces espaces, échappant à tout contrôle par des acteurs internationaux traditionnels, constituent des abcès de fixation de toutes les sources d’instabilité. C’est dans les zones les plus désertiques de l’Est afghan qu’Oussama Ben Laden avait édifié l’essentiel des camps d’entraînement et des structures de formation qui donnèrent naissance à la plupart des dirigeants gravitant au sein de la nébuleuse Al Qaida. C’est dans l’arrière-pays désertique de Somalie que les chahabs de ce pays empêchent toute reconstruction étatique, et contribuent à la déstabilisation de l’ensemble de la corne africaine et des mers adjacentes. Pour le moment, la constitution de telles zones échappant à tout contrôle géopolitique ne semble pas acquise dans le désert saharien. Mais d’ores et déjà, la perméabilité de la frontière entre le Sud algérien, le Mali et le Niger est d’autant plus préoccupante qu’elle est le lieu d’action principal d’AQMI, sur fond de conflictualité touarègue. L’incertitude qui pèse sur la solidité des États maghrébins face à la contestation sociale de leur population augure mal de leur capacité à résister à la constitution progressive de zones échappant totalement à leur contrôle, à l’abri des étendues désertiques.
Les guerres du désert saharien, certes, ne sont pas les plus élevées sur l’échelle de l’intensité conflictuelle. Mais elles existent dans un contexte qui ne peut qu’être aggravant. En effet, ces guerres sont une fragilisation supplémentaire des régimes politiques du Maghreb. En cas d’affaiblissement de ceux-ci, elles peuvent renaître ou s’intensifier, et leurs retombées affecteraient dans ce cas l’ensemble de l’aire saharienne, bien au-delà de l’espace strictement maghrébin. Il est donc géopolitique-ment important, pour les États de la région comme pour l’ensemble de l’équilibre africain et donc mondial, de chercher à contrôler ces conflictualités. Les États maghrébins, à cet égard, manquent singulièrement d’outils pour y parvenir. Leurs rivalités (l’opposition entre l’Algérie et le Maroc sur l’affaire du Sahara occidental en est le meilleur exemple), leur longue indifférence face à la fragilité chronique de leurs voisins sahéliens, et surtout leur incapacité à se rapprocher dans un organe de coopération régionale digne de ce nom11 ne permettent pas d’être réellement optimiste quant à leurs chances de juguler les menaces résultant de ces guerres du désert.
Raison de plus, bien évidemment, pour la communauté internationale ne les oublie pas.
Notes
- De justesse dans ce dernier cas, grâce à la chute relativement rapide du régime Ben Ali. L’Algérie, pour sa part, a connu des années de guerre civile durant la décennie précédente, mais la situation s’est considérablement apaisée.
- La domination espagnole sur cette portion du Sahara a été entérinée lors de la conférence de Berlin, qui en 1885 a vu les puissances européennes se partager le territoire africain en différentes zones de domination coloniale.
- Ce terme n’est pas une donnée ethnique, mais politique. Il est apparu le 27 février 1976, avec la proclamation de la République Arabe Sahraouie Démocratique qui est depuis lors la structure, reconnue par une quarantaine d’États seulement, qui représente la base d’un éventuel futur État indépendant.
- En août 1979, la Mauritanie a décidé de rétrocéder au Front Polisario la partie du territoire qu’elle possédait ; en seulement quatre jours, le Maroc en prit le contrôle en totalité.
- C’est en 1906 que les Français prirent le contrôle de la totalité du Sahara occidental, de l’Océan Atlantique jusqu’à l’actuel Tchad inclus.
- Lorsque, en 1958, la France caressa l’idée de conserver son influence sur les territoires sahariens par la création d’une Organisation Commune des régions sahariennes, plus ou moins rattachée à l’Algérie française, les chefs tribaux refusèrent cette perspective, qui aurait pourtant conduit à la possible création ultérieure d’un État touareg.
- On en retrouva même combattant en Afghanistan, contre l’occupation soviétique !…
- Il est bien sûr encore trop tôt pour préjuger de ce que deviendra la mouvance dans son ensemble, après la mort de son fondateur et chef charismatique Ben Laden. On voit mal toutefois en quoi cette disparition atténuerait les motifs objectivement locaux de la révolte d’A Ce mouvement devrait donc rester, à avenir prévisible, une composante majeure de la géopolitique du désert saharien.
- Il n’est sans doute pas anodin que même au sein de l’Union européenne, où a pourtant été poussé le plus loin l’affaiblissement de la frontière comme marque territoriale et barrière entre les États, la nécessité de dresser à nouveau des limites que chaque État aura la possibilité de faire respecter souverainement soit revenue au centre des débats.
- La France est un des principaux pays concernés par cet aspect du problème, comme l’a montré l’enlèvement de sept employés d’Areva en septembre 2010 au Niger.
- On pense ici, bien évidemment, à l’échec magistral constitué par l’Union du Maghreb Arabe, incapable de parvenir au moindre résultat sur quoi que ce soit depuis sa création en 1989 : cela fait plus de dix-sept ans que les cinq chefs d’État concernés ne se sont pas réunis en sommet dans le cadre de cette « union » fantomatique !…