Akbar ETEMAD
Fondateur et ancien président de l’Organisation de l’Énergie Atomique d’Iran.
Mai 2009
L’histoire du nucléaire iranien est longue, compliquée, escarpée et mal comprise. Certains même disent qu’elle est marquée par l’ambiguïté. Dans ce qui suit, nous essayerons d’apporter des éléments d’information, non seulement pour clarifier l’histoire, mais aussi pour situer le contexte dans lequel les activités nucléaires iraniennes continuent à se déployer.
I – Un bref aperçu historique
Remarquons d’abord que l’on peut reconnaître plusieurs périodes distinctes et foncièrement dissemblables de l’histoire du nucléaire iranien, à savoir :
- le début des activités d’enseignement et de recherche (dans les années ’60) ;
- le lancement d’un vaste plan de maîtrise de technologie et de construction de centrales nucléaires (1974) ;
- l’arrêt presque complet des activités à la suite de la Révolution de 1979,
- la reprise des activités au début des années ’90 ;
- la révélation des activités nucléaires iraniennes en 2002 et les réactions hostiles des grandes puissances, particulièrement en Occident.
Les débuts
C’est dans les années ’60 que les activités d’enseignement et de recherche dans le domaine nucléaire ont commencé en Iran. En effet, un centre de recherche créé à la Faculté des Sciences de l’Université de Téhéran a organisé des cours de physique et de chimie nucléaires au niveau de la licence, et des cours dans le domaine des applications de l’énergie nucléaire et, en particulier, l’utilisation des radio-isotopes dans la médecine, l’agriculture et l’industrie, ainsi que des cours élémentaires concernant les réacteurs nucléaires au niveau de la maîtrise.
Ce centre de recherche était doté d’un réacteur de recherche de type « swimming pool » d’une puissance thermique de 5MW fourni par les Etats-Unis, et comportait quelques laboratoires, en particulier pour l’étude et la production de radio-isotopes. Quelques-uns des spécialistes nucléaires ont acquis une première formation dans ce centre.
Le grand saut
Dans les premiers mois de 1974, l’Organisation de l’énergie atomique de l’Iran (OEAI) a été créée pour lancer un programme important de construction de centrales nucléaires et de maîtrise du cycle du combustible nucléaire.
Les motifs conduisant à cette décision peuvent être résumés comme suit :
- le Chah d’Iran plaidait toujours pour le remplacement du pétrole par d’autres sources d’énergie, en particulier pour la production d’électricité. Il considérait, à juste titre, que le pétrole est une matière première de grande utilité dans l’industrie chimique et qu’il est raisonnable de limiter, autant que possible, son utilisation comme source d’énergie. Pour produire de l’électricité à grande échelle, il fallait, donc, compter sur le gaz, le nucléaire et l’hydraulique ;
- à la suite de l’augmentation importante du prix de pétrole en 1973, l’Iran disposait de revenus suffisants pour lancer de grands projets d’infrastructure, et le secteur énergétique était prioritaire. En effet, la consommation d’énergie affichait une croissance de plus de 10% par an ;
- une vision à long terme de la politique énergétique impliquait une réinjection dans le domaine de l’énergie, des fonds provenant de l’exportation du pétrole. L’énergie nucléaire paraissait alors comme un choix incontournable. Non seulement l’expérience des autres pays engagés dans ce domaine démontrait que cette énergie était compétitive, mais en dehors du gaz naturel qui faisait aussi l’objet d’une attention particulière, il n’existait pas d’autres technologies ayant atteint un degré de maturité suffisant.
Le programme qui a pris corps à l’OEAI avait une vision ambitieuse à long terme et un caractère pragmatique dans l’application. La vision à long terme consistait à doter l’Iran d’une industrie nucléaire efficace pour atteindre un degré d’indépendance technologique souhaité.
Le pragmatisme et la progressivité des actions nous étaient imposés par l’insuffisance, en quantité et en qualité, des cadres spécialisés dont nous disposions, l’état peu avancé de l’industrie nationale, les insuffisances des infrastructures du pays et, surtout, la difficulté de trouver des sites convenables pour installer des centrales nucléaires.
Ainsi, il n’y a pas eu de plan préétabli d’installer une certaine puissance à une certaine date, et tout ce qu’on a raconté à ce sujet dans la littérature est sans fondement.
L’OEIA a entrepris un vaste programme de formation de spécialistes nucléaires et a fait appel aux chercheurs et ingénieurs iraniens qui, dans différents pays du monde, avaient acquis une expérience dans les domaines qui nous intéressaient. Ainsi, avant la Révolution, l’OEAI disposait d’un cadre de spécialistes et de chercheurs bien en place pour réaliser le programme qui prenait, petit à petit, forme. Nous disposions alors d’un millier de spécialistes ayant un diplôme de maîtrise ou de doctorat, et peut-être de l’ordre de deux mille autres au niveau de la licence.
En ce qui concerne les centrales nucléaires, quatre unités étaient en construction : deux à 30 km de Bushehr d’une puissance unitaire de 1200 MW et deux à Darkhouin à une quarantaine de kilomètres de la ville de Ahvaz et d’une puissance unitaire de 900 MW. La Société « Kraftwerk Union » (K.W.U.), filiale de la société allemande Siemens était chargée de la construction de la centrale de Bushehr, alors que la société française « Framatome » était en charge de la centrale de Darkhouin. Les deux unités de Bushehr devaient être opérationnelles respectivement en 1980 et 1981, et les deux unités de Darkhouin en 1982 et 1983. L’OEAI était aussi en pourparler avec K.W.U. pour la création de deux autres centrales d’une puissance totale de 4.800 MW.
Comme la centrale de Bushehr était au bord du Golfe Persique, une grande usine de dessalement d’eau de mer était en construction sur ce site. La société japonaise « Mitsubishi » était chargée de la construction de cette usine dont la capacité de production était de 200.000 m3 d’eau par jour. L’énergie thermique nécessaire pour le fonctionnement de cette usine provenait de la centrale nucléaire dont les plans étaient légèrement modifiés à cette fin. L’existence d’électricité et d’eau à profusion aurait permis la transformation de la région aride de Bushehr en un complexe industriel et agricole important.
En ce qui concerne le combustible nucléaire, les constructeurs des centrales avaient pris l’engagement de fournir le combustible nécessaire pendant 10 ans. D’autre part un plan important était mis en application pour la prospection et la production d’uranium. En outre, un accord fut conclu avec la société minière « RTZ » pour une participation iranienne dans l’exploitation des mines d’uranium en Namibie. D’autres accords concernaient la prospection et l’exploitation de mines d’uranium en Afrique et ailleurs, avec la collaboration de sociétés minières française et allemande.
L’Iran a acquis une participation de 10% dans le consortium « Eurodif », qui construisait une grande usine d’enrichissement d’uranium en France, avec droit d’accès à 10% de la production de cette usine. Il faut mentionner aussi un projet d’installation en Iran, d’une usine de fabrication de combustible nucléaire.
Sur le plan de la recherche et du développement, un effort important a été fait pour compléter les laboratoires et les équipements du centre de recherche nucléaire de Téhéran, qui était transféré de l’Université de Téhéran à l’OEAI. Dans ce centre, des projets avancés étaient mis à exécution. Parmi ces projets, il convient de mentionner celui de recherche portant sur l’enrichissement d’uranium par laser.
Un deuxième centre de recherche a été créé à Téhéran pour l’étude des applications des radio-isotopes.
D’autre part, un grand centre de technologie nucléaire était en construction à Ispahan, en collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique français. Ce centre devait être une structure d’appui technologique pour le programme de la production d’électricité nucléaire en Iran, en particulier dans le domaine du cycle du combustible.1
Précisons que le Chah d’Iran avait écarté l’option de recourir à la fabrication d’armes nucléaires, pour la simple raison que l’Iran jouissait déjà d’une supériorité militaire dans la région du Moyen-Orient. Un programme de fabrication d’armes nucléaires aurait créé un handicap majeur pour notre programme civil, du fait qu’il aurait amené les pays nucléaires à refuser toute coopération avec l’Iran.2
Le démantèlement
Dans les turbulences de la Révolution iranienne, l’énergie nucléaire était considérée comme une activité superflue et coûteuse. Les responsables fraîchement désignés à la tête de l’OEAI, emportés par leur ferveur révolutionnaire, trahis par leur manque de connaissance du domaine nucléaire ou encore confondus par des jalousies, se sont donné pour tâche d’arrêter l’exécution du programme, de démanteler les équipes de spécialistes en place et de réduire l’OEAI à un maigre noyau sans âme et sans mission.
Cet état de choses a amené la France et l’Allemagne à mettre fin à leur coopération et à arrêter les travaux de construction de centrales nucléaires et du Centre de technologie nucléaire d’Ispahan, invoquant tantôt les incertitudes liées au branle-bas postrévolutionnaire, tantôt le non paiement par l’OEAI des frais des travaux en cours.
L’attaque par l’Irak en 1980 et la pénétration de l’armée irakienne sur le sol iranien, enclenchant une guerre de huit ans, n’ont pas arrangé les choses : en fait pendant un long moment, les activités nucléaires n’ont pas pu reprendre de la vigueur.
La reprise
C’est vers la fin des années ’80 et au début des années ’90 que les autorités iraniennes ont décidé de reprendre les activités nucléaires. Cette reprise s’annonçait extrêmement difficile et hasardeuse, pour deux raisons principales :
- l’OEAI était très affaiblie par suite de l’arrêt des programmes et le départ, volontaire ou forcé, de la majorité des cadres compétents ;
- les pays occidentaux avancés dans le domaine nucléaire avaient effectivement arrêté toute coopération avec l’Iran, pour des motifs essentiellement politiques3.
Face au refus de coopération de la part des occidentaux, l’Iran n’avait d’autre choix que de se tourner vers la Russie ou la Chine.4 Un accord de coopération a été signé avec la Chine en 1990 pour le transfert de la technologie du cycle du combustible nucléaire. Cet accord a permis à l’Iran de se lancer dans la réalisation de certains projets, mais, au début de l’année 1996, les Chinois ont brusquement mis un terme à leur coopération, probablement sous la pression des Etats-Unis. L’Iran a dû alors poursuivre avec beaucoup de difficultés son effort dans le cycle du combustible, ne comptant que sur ses propres capacités.
Malgré tout, le programme réalisé jusqu’ici a été couronné de succès et on peut dire qu’à présent, l’Iran maîtrise de manière conséquente, la technologie en amont du cycle du combustible. Il s’agit de l’exploitation des mines d’uranium, des différentes transformations chimiques concernant les composés d’uranium, de l’enrichissement de l’uranium et de la fabrication du combustible.
La coopération avec la Russie porte sur l’achèvement de la première unité de la centrale de Bushehr. Un contrat a été signé en 1995 à cet effet, mais il s’agissait d’un projet difficile à réaliser à cause des problèmes techniques liés à l’adaptation du projet russe à la structure existante. Toujours est-il qu’après quatorze ans cette centrale n’est pas encore en fonctionnement. Tout récemment les tests des équipements de la centrale ont commencé à Bushehr et il a été annoncé que la mise en fonctionnement est prévue pour la fin de l’année 2009. La puissance de la centrale sera de 1000 MW.
L’OEAI a, également, d’autres projets en exécution. Mentionnons la construction d’un réacteur de recherche et d’essai des matériaux à eau lourde d’une puissance de 40 MWth près de la ville d’Arak, où une usine de production d’eau lourde fonctionne déjà. Ce réacteur est de type très avancé et lorsqu’il sera mis en fonctionnement, ce sera un succès technologique très important pour l’OEAI.
Il existe aussi un projet de construction de centrale nucléaire de type « eau légère pressurisée » (PWR). L’exécution de ce projet exige non seulement une expertise nucléaire sophistiquée, mais aussi la participation d’une industrie de pointe pour fabriquer les équipements de la centrale dont la puissance visée est de 360 MW.
L’ensemble de ces projets montre que l’OEAI a atteint un grand degré de maturité technologique et que les performances de l’industrie du pays sont à la hauteur des projets nucléaires avancés. Il faut aussi ajouter que la grande majorité des cadres scientifiques et techniques de l’OEAI et des industries qui participent à la réalisation des projets ont été formés dans les universités du pays. On peut alors conclure que le refus des puissances nucléaires occidentales de coopérer avec l’Iran dans le domaine nucléaire a eu, en fin de compte, un effet bénéfique extrêmement important pour l’Iran, en forçant ce pays à améliorer, de façon significative, son potentiel scientifique, technologique et industriel.
La révélation
Depuis qu’en 2002 le nouveau programme nucléaire iranien est connu dans le monde, une ère de suspicion et d’accusation a commencé et continue à ce jour. Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux, ainsi qu’Israël, ont lancé une campagne assourdissante sur la nature de ce programme. Ces pays soupçonnent l’Iran de vouloir se donner les moyens de fabriquer des armes nucléaires. L’argument avancé est que l’Iran garde depuis quelque temps le secret de l’étendue de son programme, et qu’en n’en informant pas l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), n’a pas respecté ses engagements dans le cadre du protocole de contrôle et des garanties signé avec l’Agence.
Il y a un débat de caractère technique et juridique sur le degré de manque de transparence du programme iranien, qu’il ne convient pas de traiter ici. Toujours est-il que, depuis 2003 l’Iran continue à coopérer avec l’AIEA et à soumettre au contrôle de l’Agence, ses nouvelles activités nucléaires. On connaît la suite : les différents rapports du directeur général de l’AIEA empreints d’une certaine ambiguïté, donnant lieu à des interprétations divergentes, l’envoi par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA du dossier iranien au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et les sanctions imposées par le Conseil contre l’Iran en demandant l’arrêt complet des activités d’enrichissement d’uranium.
Il y a eu une phase de négociations entre trois pays européens (le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne) et l’Iran, amenant ce pays à suspendre pendant un certain temps l’enrichissement d’uranium et la mise en application du protocole additionnel de l’AIEA, alors que l’Iran n’avait pas signé et ratifié ce protocole. Tout ceci n’a pas apaisé l’ardeur des pays européens qui n’ont alors rien proposé de solide et de convaincant en échange à l’Iran.5
Il faut ajouter que les Etats-Unis ne participaient pas directement à ces négociations, sauf lors d’une phase ultime, mais menait une lourde campagne, tambour battant, contre l’Iran en se réservant, même, l’option d’une intervention militaire en Iran. De son côté Israël attisait les flammes en demandant l’interdiction de toute activité nucléaire en Iran et en annonçant qu’il bombarderait les installations nucléaires iraniennes si ses desiderata n’étaient pas satisfaits.
Face aux rodomontades des pays occidentaux, les plus hautes autorités iraniennes ont toujours affirmé que l’Iran était membre du Traité de la Non-Prolifération des Armes Nucléaires (TNP) et n’avait aucunement l’intention de fabriquer des armes nucléaires et que le programme nucléaire iranien était entièrement orienté vers des applications civiles et que, n’en déplaise aux occidentaux, en vertu de l’article IV du TNP la maîtrise de la technologie nucléaire civile est le droit inaliénable du peuple iranien.
D’ailleurs, tout montre que le peuple iranien dans son ensemble, appuie les efforts du gouvernement dans cette voie et qu’il n’admet pas que la volonté de puissance d’un certain nombre de pays interdise à l’Iran l’accès à une technologie dont ils se sont eux-mêmes emparés et en ont fait, de surcroît l’instrument de leur puissance industrielle et militaire. Autrement dit, face à l’acharnement des puissances occidentales, l’exécution du programme nucléaire est devenue une cause nationale de première importance en Iran.
Dans les pays du Tiers-Monde et les pays musulmans, les activités nucléaires de l’Iran ont été accueillies par un consentement général. En effet, le Mouvement des non-alignés ainsi que l’Organisation de la conférence islamique ont appuyé la position de l’Iran en insistant sur le droit de ce pays de développer son programme nucléaire à des fins pacifiques.
Quant aux décisions du Conseil de sécurité, les autorités iraniennes les ont rejetées purement et simplement, en y discernant la volonté de puissance des pays occidentaux dans le cadre d’une politique visiblement discriminatoire. Ajoutons que la position de la Russie et de la Chine, en tant que membres permanents du Conseil de Sécurité, a été de modérer et, parfois, de contrecarrer l’ardeur des Etats-Unis et ses alliés occidentaux. Sans l’attitude modératrice de la Russie et de la Chine, les sanctions auraient été plus sévères.
Il est difficile de mesurer l’effet des sanctions sur l’économie iranienne, mais il est indéniable qu’elles ont gêné de façon sensible le développement économique du pays, surtout à une période où l’Iran fait déjà face à une crise économique pour des raisons internes.
Quant à la détermination du gouvernement iranien de poursuivre son programme nucléaire, il ne semble pas que les sanctions, ni d’ailleurs les menaces d’intervention militaire, aient pu avoir l’effet escompté.
II- Analyse politique de la crise
1- L’état actuel du TNP
L’ensemble des argumentations des pays occidentaux repose sur le TNP et le système de contrôle et garanties de l’AIEA qui en découle.
Le TNP était, en fait, un marché proposé par les trois pays architectes et dépositaires de ce traité (Etats-Unis, Union Soviétique et Royaume Uni) aux pays non détenteurs d’armes nucléaires. En échange d’un engagement de renoncer à l’arme nucléaire (article II), il y a la reconnaissance du droit inaliénable de tout pays membre du traité de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Cette reconnaissance s’accompagne de l’engagement de tous les membres à faciliter un échange d’équipements, de matériaux et de renseignements scientifiques et techniques en vue de l’utilisation civile de l’énergie nucléaire (article IV). De plus, les pays détenteurs d’armes nucléaires et reconnus comme tels par le traité (Etats-Unis, Union Soviétique, Royaume-Uni, France et Chine) se sont engagés à entreprendre, en toute bonne foi et dans un bref délai, les mesures nécessaires pour mettre fin à la course aux armements nucléaires, en vue d’un désarmement nucléaire faisant l’objet d’un traité de désarmement général et complet (article VI).
Un grand nombre de pays qui n’avaient ni le potentiel nécessaire, ni la motivation sécuritaire et politique pour fabriquer l’arme nucléaire ont adhéré à ce traité pour bénéficier des promesses qu’il comporte. Mais un certain nombre de pays potentiellement aptes à produire l’arme nucléaire (threshold countries), le jour venu, ont refusé d’y adhérer. On peut citer le cas de l’Inde, du Pakistan, de l’Afrique du Sud, de l’Argentine, d’Israël, de l’Egypte, de l’Algérie parmi d’autres. Certains de ces pays ont adhéré au traité beaucoup plus tard. Mais l’Inde, le Pakistan et Israël sont toujours restés à l’écart du traité. La Corée du Nord qui avait adhéré au traité s’en est retirée en 2003 en invoquant l’article X de celui-ci.
Depuis l’entrée en application du TNP, cinq pays ont procédé à des explosions nucléaires ou ont produit des armes nucléaires, à savoir : l’Inde, le Pakistan, Israël, l’Afrique du Sud et la Corée du Nord. L’Afrique du Sud a renoncé un peu plus tard à l’arme nucléaire et a rejoint le TNP.
En 1975, seulement quelques années après l’entrée en application du TNP, les pays détenteurs de la technologie nucléaire se sont réunis, à huis clos, à Londres pour imposer des restrictions draconiennes sur l’exportation de technologie, d’équipements et de matériaux nucléaires vers d’autres pays. Ainsi ce « Club de Londres » (Suppliers’ Group) n’a pas eu de scrupule pour faire fi de l’article IV du TNP, bafouant, par la même, l’espoir des pays qui comptaient sur un transfert de technologie pour l’utilisation civile de l’énergie nucléaire. Ainsi la première promesse du TNP a volé en éclats.6
Les décisions du « London Suppliers’ Group » n’ont pas manqué de soulever une vague de mécontentement et de protestations dans les pays qui espéraient pouvoir obtenir l’accès à la technologie nucléaire. Face à cette situation, une grande conférence internationale sur le transfert de la technologie nucléaire a été organisée à Persepolis et Chiraz en Iran, en avril 1977, à l’initiative de l’OEAI et avec la coopération de « American Nuclear Society », « European Nuclear Society » et « Japan Atomic Energy Society ».
Lors de cette conférence, des avis presque unanimes ont été exprimés contre les décisions du club des fournisseurs de Londres, non seulement de la part des responsables et spécialistes des pays importateurs de la technologie nucléaire, mais également par les responsables de l’industrie nucléaire dans les pays exportateurs.7
Quant à la deuxième promesse du TNP, depuis quarante ans, aucun effort sérieux n’a été entrepris dans le sens d’un désarmement nucléaire total. Bien au contraire les pays nucléaires, surtout les Etats-Unis, ont continué à développer et à raffiner leurs armements nucléaires. D’ailleurs les Etats-Unis ont refusé de ratifier le Traité d’Interdiction Complète des Essais Nucléaires (TICE). Ainsi, la deuxième promesse du TNP est restée lettre morte.
Qu’est-ce qu’il reste alors du TNP ? Il reste seulement l’engagement des pays non nucléaires, de renoncer à l’acquisition d’armes nucléaires (article II) et de se soumettre au contrôle de l’AIEA et à son système d’inspection (article III). Que reçoivent-ils en échange ? Rien. Le TNP devient ainsi un instrument de ségrégation. Il en résulte un contexte dans lequel un petit nombre d’Etats s’arrogent un droit qu’ils refusent à la grande majorité des pays du monde. Il s’agit d’un système d’apartheid technologique qui va à l’encontre des idéaux et des principes de base de l’Organisation des Nations Unies.
Et même de l’AIEA, qu’en reste-t-il ? Cette agence avait pour mission la promotion de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, en assistant les pays les moins avancés pour qu’ils accèdent à la maîtrise de la technologie nucléaire. Une autre mission de l’agence consistait à contrôler les activités nucléaires des pays membres pour qu’elles ne dévient pas vers des applications militaires.
Or, avec les restrictions draconiennes imposées par les pays détenteurs de la technologie nucléaire, l’agence n’a plus rien, ou pas grand-chose, à offrir aux pays moins avancés. Il reste donc seulement la mission de contrôle qui évolue, sous l’impulsion des pays nucléaires, vers un concept de plus en plus contraignant mettant un frein à tout échange de connaissances, d’équipement et de matériaux dont un pays moins avancés a besoin pour exécuter un programme nucléaire digne de ce nom, sans subir la contrainte coûteuse d’un contrôle envahissant et sans devenir dangereusement dépendant, pendant longtemps, des pays fournisseurs.
Il n’est donc pas étonnant de voir souvent dans la littérature de langue anglaise l’expression répugnante de « U.N. watchdog agency » pour dire l’AIEA.
2- Le coût de la non-prolifération
Il est clair que la non-prolifération a un coût économique et financier. Pour être équitable, ce coût aurait dû être entièrement à la charge des pays détenteurs d’armes nucléaires, du fait du privilège dont ils jouissent et qu’ils se réservent à eux-mêmes par le biais du système de non-prolifération. En réalité, ce sont les pays non détenteurs d’armes nucléaires qui supportent toujours les coûts, ceci à cause du pouvoir discrétionnaire qui reste la prérogative des pays détenteurs de la technologie.
Pour être plus clair, citons quelques exemples.
- Les modalités de l’exercice du contrôle de l’AIEA sont extrêmement encombrantes et contraignantes pour tout pays soumis à ce contrôle. Ceci occasionne des frais qui ne sont pas du tout négligeables.
- La politique des pays nucléaires est d’empêcher l’accès d’autres pays à la technologie de l’enrichissement de l’uranium et du retraitement de combustibles usés, tout en conservant eux-mêmes le monopole du marché. Il est clair que, du point de vue économique, ceci constitue un avantage considérable pour les pays fournisseurs, au détriment des pays récepteurs qui deviendraient, de fait, des clients forcés des pays nucléaires.
- Plus redoutable encore est l’état de dépendance des pays récepteurs par rapport aux pays fournisseurs. Le fonctionnement d’une centrale nucléaire qui s’étend sur plusieurs décennies est tributaire de l’approvisionnement en combustible pendant un temps considérable. Il est clair que le pays qui doit importer son uranium enrichi d’un autre pays, reste toujours soumis aux aléas des décisions de nature politique ou économique du pays fournisseur. C’est un risque immense, car la construction d’une centrale nucléaire nécessite des investissements énormes et l’interruption de son fonctionnement, à cause du manque de combustible, occasionne des pertes économiques directes mais aussi indirectes par le manque de puissance électrique dans le réseau de distribution entraînant éventuellement des coupures de courant.
- Pour l’achèvement de la centrale nucléaire de Bushehr, un accord fut conclu avec la Russie pour la construction de la centrale et la fourniture du combustible. Or le moment venu, les Russes ont exigé que le combustible usé qui sortira de la centrale soit renvoyé en Russie parce qu’ils craignent que si le combustible reste en Iran, les Iraniens pourraient manipuler le combustible pour en extraire le plutonium afin de fabriquer l’arme nucléaire. L’Iran, n’ayant pas d’autre choix, a dû accepter cette exigence et a pris l’engagement de livrer aux Russes les combustibles usés. Toutefois ce combustible a un prix, parce qu’il contient de l’uranium faiblement enrichi et du plutonium, les deux éléments pouvant être utilisés comme combustible pour alimenter des centrales nucléaires, ce qui se fait actuellement, en France par exemple, de façon courante.
Croyant le problème résolu, les Iraniens voient les Russes revenir à la charge en exigeant que les frais de transport des combustibles usés soient pris en charge par l’Iran. Or le transport, à quelques milliers de kilomètres, du combustible usé, fortement radioactif, n’est pas une mince affaire et comporte des coûts importants. Cette fois aussi, les Iraniens ont dû céder au diktat des Russes.
Il est clair que si la Russie, par précaution, voulait empêcher l’Iran de disposer des matériaux fissiles contenus dans le combustible usé, elle aurait dû accorder une compensation pour la valeur de ces matériaux (buy back policy) et assumer les frais du transport des combustibles usés du site de Bushehr jusqu’en Russie.
3- Le désordre
La lettre du TNP exige que les pays détenteurs de la technologie nucléaire facilitent tout transfert de technologie, d’équipements et de matériaux, aux membres non nucléaires de ce traité, pour leur permettre de procéder à l’utilisation civile de l’énergie nucléaire. L’esprit du TNP impose une règle de conduite aux pays nucléaires qui consiste à s’abstenir de toute collaboration avec les pays qui ont refusé d’adhérer au TNP.
Or en fait, c’est le contraire qui se passe. Tout en imposant des limitations draconiennes à tout transfert vers beaucoup de pays membres du TNP, les pays nucléaires affichent une attitude différente envers les pays qui ont refusé de signer le traité et qui, de surcroît, ont procédé à des explosions nucléaires et ont constitué un arsenal nucléaire.
- L’Inde n’est pas membre du TNP et a procédé à des explosions nucléaires. Au lieu d’être punie et mise à l’écart de toute coopération dans le domaine nucléaire, elle fait l’objet de convoitise de la part des pays détenteurs de technologie nucléaire. Les Etats-Unis et la France ont déjà signé des accords de coopération avec ce pays qui constitue un marché potentiel importa
- Le Pakistan, également, non membre du TNP et ayant fabriqué des armes nucléaires, est l’allié des Etats-Unis et reçoit chaque année des milliards de dollars d’aide pour servir ses intérêts politiques.
- Israël, encore un pays ayant refusé de rejoindre le TNP, a constitué un arsenal nucléaire, et ce qui est pire, avec l’aide de la France et des Etats-Unis. D’ailleurs on n’a pas entendu une voix officielle s’élever, dans les pays occidentaux, contre l’armement nucléaire israélien.
- La Corée du Nord aussi a procédé à une explosion nucléaire, après avoir dénoncé le TNP. Il y a, de temps en temps, des pourparlers sous l’égide des Américains, pour amener la Corée du Nord à renoncer à son programme nucléaire mili Ces démarches, effectuées mollement et sans contrainte pour la Corée du Nord, continuent depuis des années sans résultat.
Remarquons que l’Inde et le Pakistan sont en conflit sur le problème du Cachemire, qu’Israël est depuis soixante ans en guerre avec ses voisins ou certains de ses voisins, et que la Corée du Nord est issue d’une guerre qui a abouti à la division de la Corée et dont les séquelles maintiennent la tension dans la région.
C’est dans ce contexte que le Conseil de sécurité, sous l’impulsion des puissances occidentales, a décidé que l’Iran devait cesser ses activités d’enrichissement d’uranium et du cycle du combustible. En pratique, ceci veut dire une interdiction de toute activité nucléaire en Iran. Car dans la situation politique actuelle, il est exclu que l’Iran puisse faire confiance aux pays nucléaires pour lui fournir le combustible nécessaire pour son programme.
Citons un fait que beaucoup ignorent ou feignent d’ignorer, pour justifier la méfiance des autorités iraniennes envers les promesses ou même les engagements des pays occidentaux. L’Iran a obtenu une participation de 10% en investissant dans le consortium européen « Eurodif », bien avant la Révolution iranienne. Eurodif construisait alors une usine d’enrichissement d’uranium en France. Cet actionnariat donnait à l’Iran le droit de se procurer les services d’enrichissement de l’uranium, au moins jusqu’à 10% de la capacité de l’usine.
Mais quelques années après la Révolution, les autorités françaises ont notifié à l’Iran que le gouvernement français n’autorisait pas l’exportation de l’uranium enrichi vers l’Iran. Il faut préciser que l’usine d’Eurodif produit de l’uranium faiblement enrichi (de l’ordre de 4 à 5%) qui ne peut être utilisé que pour alimenter les centrales nucléaires.
Dans ce contexte, il est normal que les autorités iraniennes décident de se lancer dans un programme hasardeux et coûteux pour maîtriser la technologie de l’enrichissement de l’uranium, pour ne compter, dans l’avenir, que sur leurs propres moyens.
Or c’est surtout ce programme qui a soulevé un tollé assourdissant dans les pays occidentaux conduisant aux résolutions du Conseil de Sécurité pour interdire l’enrichissement de l’uranium en Iran et imposer des sanctions économiques dont souffre seul le peuple iranien.
On voit donc un grand désordre dans ce qu’on conçoit abusivement comme l’ordre nucléaire mondial. En effet le TNP, par son application limitative et discriminatoire est devenu un moyen de mainmise des pays nucléaires sur les activités nucléaires de caractère civil dans le monde. En fait, ces pays exploitent le traité au gré de leur politique internationale et de leurs intérêts économiques. La crise autour du nucléaire iranien en constitue un cas flagrant.
Alors il ne faut pas s’étonner de voir un analyste éminent de la géostratégie, Michael MccGwire, écrire en 2005 : « Signé en 1968, le Traité de Non-Prolifération Nucléaire était perçu comme un exemple inespéré de succès dans la coopération internationale. Aujourd’hui, il ressemble plutôt à une dent de sagesse dont la racine est pourrie et l’abcès empoisonne le corps de la politique internationale. » Plus loin il ajoute : « Une vue cynique (de l’administration américaine) est que quoique furent les intentions originelles, le TNP est maintenant un instrument commode de la politique étrangère américaine. »8 Le cas du nucléaire iranien illustre bien ce que Mcc Gwire a écrit dans un langage sans nuance.
4 – L’égalité, la légalité et la légitimité
Dans le contexte international actuel, l’égalité n’existe pas. Cinq pays jouissant des privilèges exorbitants au sein de la communauté internationale, étant membres permanents du Conseil de sécurité avec droit de veto, se sont arrogés le droit de posséder chacun un arsenal nucléaire. Ils dénient, en même temps, l’accès d’autres pays à la technologie nucléaire pour les applications pacifiques. Cette logique est poussée même au point de prendre des mesures contraignantes contre un pays (l’Iran en l’occurrence), non pas en se basant sur des faits avérés mais simplement sur une suspicion obsessionnelle.
En fait, les pays disposant d’armes nucléaires se donnent la bonne conscience d’être dans leur droit, non seulement d’en disposer, mais aussi d’améliorer, de raffiner, de rendre plus flexible à l’utilisation leur armement.
Quant à la légalité, il faut préciser qu’il n’y a aucune loi internationale, aucun traité, aucun engagement qui limiterait le droit de tous les pays de disposer de la technologie nucléaire civile. L’article IV du TNP insiste même sur le « droit inaliénable » et sans discrimination de tous les membres du traité de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. De quel droit parle-t-on, donc, lorsqu’on demande à l’Iran de renoncer à l’activité du cycle de combustible ?
Les activités nucléaires iraniennes sont soumises aux contrôles de l’AIEA et cette agence n’est jamais arrivée à conclure que le programme nucléaire iranien possède une composante militaire. L’AIEA, sous la pression des puissances occidentales, demande à l’Iran d’avoir accès aux sites militaires pour inspection. Or l’accord de contrôle de l’Agence ne concerne que les sites et installations nucléaires définis et annoncés comme tels. Il est clair qu’en demandant d’étendre son inspection aux sites militaires, l’agence dépasse largement ses prérogatives. Il est également clair qu’aucun pays souverain n’accepte d’ouvrir ses sites militaires aux inspecteurs étrangers. L’Iraq de Saddam Hussein a eu l’imprudence de le faire et on a vu le résultat.
Les activités nucléaires iraniennes se poursuivent, donc en toute légalité, jouissant en même temps d’une très grande légitimité. En effet, il y a un consentement général en Iran sur la nécessité de poursuivre le programme nucléaire, d’autant plus que ce programme est mené sans aides extérieures. De plus, l’opposition des puissances nucléaires a transformé l’exécution de ce programme en une cause nationale de première importance. Les Iraniens, de quelque tendance politique qu’ils soient, réalisent que le développement de la technologie nucléaire contribue à élever le niveau scientifique et technologique du pays. De plus, la volonté de résistance face à l’intervention des puissances étrangères s’avère comme un ciment qui consolide la cohésion nationale.
Puisqu’on parle de légitimité, laissons de côté, pendant un moment, l’attitude déraisonnable des puissances occidentales, pour parler des gesticulations d’Israël face au programme nucléaire iranien. Les autorités israéliennes annoncent, dans un langage sans nuance, qu’elles ne laisseront jamais l’Iran poursuivre son programme nucléaire et ceci en utilisant tous les moyens dont ils disposent, y compris les moyens militaires. Il faut se demander en vertu de quelle légitimité l’Etat d’Israël se permet de prendre une telle position contre la souveraineté d’un pays ?
Israël est un pays qui a refusé de signer le TNP, n’est pas soumis au contrôle de l’AIEA, a fabriqué l’arme nucléaire et est en guerre contre ses voisins depuis soixante ans. Ce pays qui, dans l’ordre nucléaire mondial est, en quelque sorte, un pays « hors-la-loi » se permet de prendre une position aussi belliqueuse qu’absurde contre les activités légales et légitimes d’un pays qui, au moins depuis deux siècles n’a attaqué aucun pays, tout en ayant été attaqué plusieurs fois. Mais le mal serait encore moindre si Israël, dans son attitude envers l’Iran, ne jouissait pas de l’appui tacite des puissances occidentales.
De toute façon, ni les pressions et les interventions des puissances occidentales, ni les menaces d’intervention militaire par Israël, n’ont entamé la détermination de l’Iran à continuer son programme nucléaire.
5- Une lueur d’espoir
Dans sa campagne électorale présidentielle, le candidat Barack Obama a su trouver un nouveau langage, nettement plus réaliste et encourageant, envers l’Iran. Il a préconisé l’établissement d’un dialogue direct avec l’Iran pour arriver à rétablir une sorte de relation entre les deux pays, en vue de réduire l’extrême tension qui caractérise leurs relations depuis trente ans.
Devenu Président, Barack Obama a envoyé un message de félicitations au peuple et aux autorités iraniens à l’occasion du Nouvel An iranien. Dans ce message il a rendu hommage à la culture humaniste de ce peuple et a utilisé un langage conciliant envers l’Iran, en suggérant l’ouverture d’un processus diplomatique en vue d’un rapprochement entre les deux pays.
La réaction iranienne à ce message n’a pas tardé à venir. Par la voix de la plus haute autorité de son Etat, l’Iran se déclare prêt à envisager un rapprochement avec les Etats-Unis à condition que ceux-ci modifient radicalement leur attitude belliqueuse envers l’Iran héritée des précédentes administrations américaines. Cela veut dire qu’il reste encore beaucoup de choses à élucider.
Mais dorès et déjà, on peut penser que l’Iran s’attend, pour commencer, à ce que les sanctions du Conseil de sécurité soient levées et que le dossier du nucléaire iranien soit renvoyé à l’AIEA, pour que le programme nucléaire iranien puisse se développer dans un cadre légal normal.
Cependant, on peut constater que l’administration américaine n’est pas en phase avec la rhétorique du Président. En effet, les sanctions sont toujours en place et elles ont même été renforcées tout récemment. Il y a aussi des déclarations dissonantes, ci et là, qui montrent que l’équipe mise en place ne suit pas exactement, ou pas encore, la vision politique du Président et résiste à un changement d’attitude envers l’Iran. Est-ce une position de marchandage ou une conception politique propre à un « establishment » au sein du parti démocrate dont l’actuelle équipe dirigeante est issue ? Il faut attendre encore quelques mois, pour y voir un peu plus clair. Il paraît très probable que l’on va s’orienter vers une politique de « changement dans la continuité » de la part des Américains, avec toutes les ambiguïtés et les incertitudes qui en découlent
De toutes les façons, on ne voit pas comment les Etats-Unis peuvent faire face à une situation extrêmement compliquée dans une région tourmentée qui s’étend des rives de la Méditerranée orientale jusqu’aux confins des montagnes de l’Hindu Kuch et les vallées du fleuve Indus. Dans cette région, l’Iran est une puissance incontournable parce qu’il jouit d’une position clé sur les plans géographique et politique. En se frayant un chemin de compromis avec l’Iran, et en s’assurant d’un certain degré de coopération de ce pays, les Etats-Unis arriveront, peut-être, à calmer les esprits et à trouver des issues, pas trop défavorables, à un certain nombre de problèmes dont ils se sont accablés.
Notes
- Pour l’histoire du programme nucléaire iranien avant la Révolution de 1979, voir : Akbar Etemad, « Barnâmeie Energie Atomie Iran » (Le programme d’énergie atomique de l’Iran), interview par Gholam Reza Afkhami (en langue persane). L’ouvrage est épuisé mais on peut retrouver le texte sur le siteWWfis-iran.org
- Pour une discussion concernant le programme nucléaire iranien, surtout sous l’angle de la non-prolifération, voir : Akbar Etemad, chapitre 7 (Iran), dans « A European Non-Proliferation Policy, Prospects and Problems », Clarendon Press, Oxford, 1987
- Akbar Etemad : « Nucléaire iranien : quelques questions aux Européens », Le Monde, 20 janvier 2005
- Pour une discussion sur les activités nucléaires iraniennes depuis la Révolution, voir : Reza Khazaneh, « Iran : avancées et maîtrise des programmes nucléaires », politique étrangère, 4 : 2008, IFRI
- Pour une présentation détaillée de la crise du nucléaire iranien, voir : Jahangir Amuzegar, « Nuclear Iran : Perils and Prospects », Middle East Policy, XIII, N°2, Summer 2006
- Pour une présentation des différents aspects des décisions du « London Suppliers Group » voir : Bertrand Goldschmidt et Myron B. Kratzer, « Peaceful Nuclear Relations : A Study of the Creation and the Erosion of Confidence », World Nuclear Energy, Toward a Bargain of Confidence, The Johns Hopkins University Press, Baltimore and London, 1982
- « Proceedings of the Conference on Transfer of Nuclear Technology », Persepolis and Chiraz, Iran, 10-14 Avril 1977, Vol. 1 à 4. Publications Division, Atomic Energy Organization of Iran, voir : Akbar Etemad, Inaugural Speech (Vol.1), voir aussi « Persepolis Prospectus for Peaceful Nuclear Power » par les presidents des trois sociétés nucléaires américaine, européenne et japonaise, vol.4
- Michael Mcc Gwire, « The RiseandFalloftheNPT:An Opportunity forBritain », International Affairs, 81, 1 (2005), 115-140