Par Ali RASTBEEN
La civilisation a une durée inférieure a dix mille ans. cette période semble longue par rapport à la durée de vie des hommes mais ne représente pas grand chose par rapport à la durée d’existence de l’homme sur terre qui dépasse cent mille années et celle de l’apparition de la vie sur terre, supérieur à plusieurs millions d’années. L’accélération du mouvement de l’évolution de l’homme durant ces derniers siècles est plus rapide que celui qu’il a connu pendant plus de cent mille années.
Dans le processus de la conquête de la nature, l’homme dans sa recherche a dépassé les limites de la terre et tente de comprendre les lois de la création. Mais cet homme si curieux, lorsqu’il s’agit d’examiner ses relations avec la société dans laquelle il vit et avec l’humanité dans son ensemble, traverse sa période d’enfance.
Bien que le moteur de la conquête de la nature par l’homme réside dans son caractère de curiosité et de domination, à l’échelle des relations sociales et individuelles, ces caractères ont caractérisé les destructions qui constituent une part de son histoire. En ce qui concerne le passé, les destructions, la volonté d’agression et de domination de l’homme font partie de l’histoire. Cependant, l’humanité des deux dernières décennies est responsable de toutes les catastrophes survenues au cours de cette période et doit réfléchir sur les décisions à prendre en vue d’éviter les dangers qui la menacent, en particulier parce que le monde actuel est différent même du monde de la fin du XXe siècle que seul quelques années séparent.
Faiblesse de l’humanisme vevantl’esprit de domination
Les aventuriers qui, pour la première rois, grâce a l’astronomie, ont réussi à contourner l’Afrique pour trouver une nouvelle voie d’accès à l’Inde sans passer par les territoires de l’empire ottoman ont ouvert la voie à la découverte de nouvelles terres où ils plantèrent la bannière, l’ordonnance du roi d’Espagne et de l’Eglise, avant l’arrivée massive des migrants. Ils ont ainsi ouvert une nouvelle page dans l’histoire de la civilisation qui constitue en même temps le point de départ de l’histoire du Nouveau continent.
Pendant toute cette période alors que les acquis du savoir et des sciences jouaient un rôle important dans les conquêtes et les guerres, les savants et les philosophes ne jouaient aucun rôle dans les crimes commis contre l’humanité. Eux-mêmes étaient parfois sous la coupe du pouvoir dominant. Lors de la révolution du 14 juillet en France, elle-même influencée par le mouvement d’indépendance des immigrés en Amérique du Nord, la population se libère du joug de la monarchie et de l’Eglise et prend elle-même son destin en main. De nouveaux concepts issus des penseurs anciens ou nouveaux entrent dans le langage quotidien du peuple occidental et codifient les relations sociales avant d’être exportés vers d’autres territoires. La question de la nationalité et la question nationale, la liberté et les droits de l’homme, de même que les concepts d’indépendance, de souveraineté et d’égalité entre les hommes constituent l’axe de la vie individuelle et sociale et fondent le nouvel ordre social en Occident. Les XIXe et XXe siècle, bien que marquées par le renforcement des politiques coloniales de l’Europe, permettent en même temps le transfert de la nouvelle pensée européenne vers les territoires conquis qui, nés avec le colonialisme en constituent l’anti-poison.
Les guerres et les conquêtes coloniales semaient les luttes de domination en Europe. Cette volonté de domination aussi bien en Europe que dans certaines régions d’Asie et d’Afrique pour la conquête de nouveaux marchés et l’exploitation de matières premières, le commerce d’esclaves et les idéaux de la révolution industrielle se cristallisent dans Napoléon Bonaparte : la domination de la France capitaliste sur l’Europe et sur le monde connu. Napoléon était à la recherche de l’instauration d’un pouvoir unique sur le monde, l’idée que les anciens Romains n’avaient pas pu réaliser. Le général issu des flammes de la révolution nationale et capitaliste se fit appeler empereur. Cependant ses idéaux ne correspondaient pas aux nécessités de son époque. Lui-même et son idéal furent engloutis. Ce qu’il en reste est une nouvelle expérience d’un idéal ancien, celui de conduire la société humaine vers l’unicité, sans qu’il y ait encore une véritable connaissance de cette unicité et des conditions de sa réalisation.
L’avancée de la science et son rôle libérateur
Les victoires remportées par la science, son extension et son développement qui avaient abouti à la révolution industrielle, ne s’arrêtent guère et obligent les institutions traditionnelles du pouvoir à les suivre. La science et la philosophie qui en découle, mettent en cause l’arme dangereuse de la « foi » qui durant des siècles s’était donné le droit de vie ou de mort sur les hommes. Sans ce préalable, la science ne peut s’épanouir. C’est en surmontant cette première étape que la science fraye son chemin dans la nature. Les différentes branches scientifiques se séparent une par une de la philosophie et suivent leur propre évolution et la philosophie utilise les acquis des sciences pour expliquer les différents aspects de l’existence.
L’étude de la nature par les sciences, qui se limitait à sa connaissance conduit à son apprivoisement. A la fin du XIXe siècle, la science a une nouvelle image de l’existence. La théorie des espèces de Darwin tente d’expliquer l’histoire de la vie sur terre. Les centres scientifiques qui avaient réussi à se débarrasser du joug de l’Eglise, mettent leur savoir au service de l’homme. Dans les conditions où le monde était régi par le soif de la puissance, il était naturel que le savoir soit mis davantage au service des industries de la guerre qu’au service de la concentration des marchandises et du développement des communications. Les puissances rivales ne pensaient qu’à renforcer leurs arsenaux.
L’avancée rapide des sciences et de des techniques plaça les savants et les philosophes au premier rang de la lutte sociale. De même qu’elle contribua au développement des puissances dans un climat de rivalité, elle provoqua des besoins à l’échelle des sociétés et conduisit à des confrontations entre les classes. Des humanistes ont tenté de mettre en place des coopératives pour atténuer la pression de l’exploitation nationale. Le point culminant de cette évolution fut l’apparition du socialisme en tant que théorie établie et affinée dès la seconde moitié du XIXe siècle par Marx et Engels. Le mouvement créé à la base et qui englobait de manière identique l’Angleterre, précurseur de la révolution industrielle, la France et l’Allemagne et qui connut son apogée avec la Commune de Paris, encouragea les intellectuels européens et fournit aux recherches scientifiques et philosophiques de Marx en économie politique une telle ampleur qu’elles devinrent pendant plus de 150 ans le moteur des mouvements révolutionnaires. Il a été le premier à théoriser le gouvernement unique mondial. L’attrait de cette idée fit que cinquante ans après lui, les intellectuels révolutionnaires russes mirent en place cette idée sur presque un sixième de la planète. Dès le milieu du XXe siècle, le monde fut divisé pendant plus de trente ans en deux camps : le libéralisme et le communisme. Dans les années 80, après plus de 74 années d’affrontement avec le capitalisme, Moscou déclara la dissolution du camp communiste et devint lui-même membre du club des sept puissances capitalistes.
Le début de la crise de l’Etat-nation
L’idée principale qui a marqué cette période a été celle de la nécessité de remplacer les Etats nationaux par un Etat unique mondial. Cette idée a été développé par des intellectuels mus par l’humanisme philosophique grandissante et par les avancées scientifiques du XIXe siècle. Aucune science ne reconnaît de limite à son extension et lorsqu’il s’agit de faire des analyses ponctuelles, la science pend en compte les liens temporels et spatiaux : du plus petit vers le plus grand. De la composition des petits éléments soumis au général proviennent la loi qui les régit et qui lie les détails pour en faire un tout. L’avancée des sciences humaines a joué le rôle principal dans la genèse de l’idée de l’Etat mondial qui remplacerait les Etats régionaux et nationaux et ferait disparaître les frontières et les discriminations. Marx avait dans l’esprit une mission supérieure à la simple analyse du monde : celle de sa transformation, et dans un cadre plus restreint, le changement de l’ordre qui régissait les sociétés humaines. Les mouvements sociaux radicaux de l’Europe se rendirent à ses idées et le socialisme radical se noua à la révolution.
Sous l’influence des conditions qui régissaient les relations inter-européennes, le droit international fut codifié et la création du tribunal international de La Haye démontra que les gouvernements, issus de la révolution industrielle et du nationalisme européen, avait surpassé le stade de la loi de la jungle dans leurs relations réciproques et que pour le règlement des différends frontaliers et des conflits, ils avaient accepté l’arbitrage de juges qu’ils avaient eux-même nommés. Les jugements de ce tribunal relatifs à quelques différends portant sur des frontières maritimes et terrestres, officialisèrent son rôle. Or, le droit international et le tribunal de La Haye restèrent passifs face aux contradictions entre les puissances et l’apparition des crises économiques dont la seule issue semblait être la guerre. A cela venait s’ajouter l’idée défendue par certains penseurs qui voyaient dans les guerres un moyen de contrôler la population et d’éviter sa concentration. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que le président des Etats-Unis s’est rendu à la Conférence de la paix de Paris avec le projet de la création de la Société des Nations. Avec l’aide des juristes, cette institution fut fondée sous l’égide des puissances victorieuses à laquelle se rallièrent les autres Etats du monde. Différentes questions cruciales tel que le règlement des différends entre Etat, le contrôle du destin des anciens territoires d’Afrique appartenant aux Allemands et du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord appartenant à l’empire ottoman ainsi que l’examen de la situation des colonies furent placés à l’ordre du jour de cette institution qui devait agir pour maintenir la paix et défendre les droits des petits pays face aux grandes puissances. Les plus grands juristes du monde épaulés par le tribunal de La Haye ont participé à la codification des programmes et des principes qui géraient la Société des Nations.
Le début d’une coordination internationale
Ce fut la réponse apportée, après la fin de la guerre, par les puissances victorieuses aux attentes de leurs peuples et ceux du monde. Or, les radicaux européens qui, avant la guerre, s’y étaient opposés farouchement, dès la troisième année de la guerre, accueillirent favorablement la révolution d’Octobre survenue dans l’empire tsariste afin d’instaurer le pouvoir mondial de la classe ouvrière, en prenant comme point d’appui l’apparition du premier Etat ouvrier du monde.
La Société des Nations, première expérience du droit international, contrainte de prendre en compte les intérêts des grandes puissances coloniales, devint une passerelle vers le néo-colonialisme. Une partie des territoires du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’empire ottoman fut mis sous protection de la France et de la Grande-Bretagne en tant que prise de guerre. L’espoir de voir apparaître une paix durable disparut.
Bien que la création de la Société des Nations, fut le premier pas vers l’expérience de la solidarité internationale des peuples, la guerre sino-japonaise, la guerre menée par l’Italie en Ethiopie, la répression de la jeune république d’Espagne en Europe avec les soutien de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon espérant un nouveau partage du monde, ne laissèrent aucun répit à la paix mise en oeuvre sous l’égide de la Société des Nations. Vingt-deux ans plus tard, éclata soudainement la Seconde Guerre mondiale dabs laquelle la Société des Nations se trouva à la place d’un observateur impartial des attaques rapides et de l’avancée des troupes allemandes pour la conquête de l’Europe. Seules les îles britanniques résistèrent face aux bombardements sans relâche de l’armée allemande. Les six années de la guerre mondiale dont les conservateurs espéraient qu’elle se transforme en guerre des idéologies et conduise le nazisme de Berlin contre le communisme de Moscou, placèrent tout d’abord les Allemands, en quête de victoire, côte à côte avec le communisme, avant de conduire le capitalisme blessé à l’union avec le communisme et au sacrifice de l’idéalisme nazi.
De nouveaux espoirs
Avec la fin de la guerre et la capitulation des armées allemande, italienne et japonaise, ce fut une nouvelle fois le président de la République des Etats-Unis qui prit en main l’initiative de la création de l’Organisation des Nations unies. La charte des Nations unies, à la préparation de laquelle avaient participé les plus grands juristes de l’Europe et des Etats-Unis pour combler les vides juridiques qui avaient conduit la Société des Nations à la défaite, fut présentée à San Francisco à l’assemblée constituante composée des représentants de tous les pays ayant participé à la guerre dans le camp des alliées. Son approbation fut un événement historique.
Pour démontrer l’importance de ce document historique il suffit de rappeler que ce fut la première charte à être approuvée unanimement par les représentants des peuples du monde dans laquelle il était indiqué explicitement
que cette assemblée était l’émanation des peuples. La charte commençait par la phrase « Nous, peuples unis… ». La substitution des Etats par les peuples entraînait un sens juridique dans le droit international qui était le fruit d’une réflexion précision et non du hasard. Cette substitution comportait en elle de grands espoirs. Le rôle des grands juristes dans l’élaboration de la charte d’une institution mondiale défenseur de la paix, de la sécurité et des droits des peuples et l’insistance sur le concept de « l’homme libre » provoqua cet espoir prématuré selon lequel le monde tendait vers l’uniformisation civique et politique.
L’accueil réservé à la création de l’Organisation des Nations unies à travers le monde, ouvrit de larges perspectives sûres et sereines. On pensait que des dispositions juridiques dans les relations entre les Etats et le renforcement des pouvoir de l’ONU, le risque de nouvelles confrontations serait écarté. Or, très vite, il s’avéra que les pays victorieux de la Seconde Guerre sont en train de se dresser face à face à l’intérieur de l’Organisation et que les contradictions externes irréfutables telles que l’apartheid en Afrique et la question coloniale se transforment en animosité au sein même de l’institution.
Retour des conflits et guerre froide
Le mouvement de gauche radical en Asie et en Afrique qui, en dehors de l’Organisation des Nations unies, mettait en cause les accords entre les grandes puissances sur le partage du monde, substitua en Chine, les Etats-Unis à la place du Japon dans la guerre civile. Plus tard, lors de la guerre de la Corée, les Etats-Unis y débarquèrent des forces, après avoir essuyé une défaite en Chine. Le territoire coréen libéré du colonialisme japonais, se partagea en deux territoires du Nord et du Sud. Au Conseil de Sécurité, les Etats-Unis bénéficiant de l’absence du représentant soviétique, jouant la politique de la chaise vide, lors du vote, prirent en main la bannière de l’Organisation des Nations unies pour faire débarquer de forces en Corée. Ils y sont toujours présents. En Europe, la Grèce fut le lieu de bataille des forces radicales avec les soldats américains. Les mouvements des radicaux fut sévèrement réprimé. Malgré les recommandations explicites de la Charte des Nations unies, le régime raciste de l’Afrique du Sud poursuivait sa politique jusqu’aux dernières années du XXe siècle avec la bénédiction et le soutien des pays coloniaux. En Asie et dans les colonies françaises libérées du joug des Japonais, les mouvements d’indépendance radicalisés combattaient d’abord les forces françaises et ensuite américaines. Les difficultés dues à la confrontation des colonialistes et des mouvements d’indépendance dont on espérait qu’elles seraient résolues de manière pacifique et sous l’égide de l’ONU, à l’instar de l’Indonésie, ex-colonie hollandaise, conduisirent rapidement dans la pratique à la consolidation des deux blocs Est et Ouest. L’étendue de cette confrontation était telle que lors des élections législatives en Italie, la marine de guerre américaine s’approcha des côtes de ce pays. L’opposition la plus flagrante fut le mur de Berlin : de chaque côté de ce mur veillaient pendant des années les forces antagonistes. L’assouplissement des politiques coloniales permit la création d’un certain nombre de petits Etats dépendants en particulier en Afrique. Ceux-ci, une fois entrés au sein de l’ONU se transformèrent en machine de vote pour les aspirations de Washington. La guerre froide s’intensifia.
La guerre froide, sans pouvoir résoudre les difficultés du monde en ajouta d’autres. Les usines d’armement ont été les seuls à profiter de la guerre froide qui, ici ou là, était accompagnée de guerres civiles et régionales ou de l’action des petits pays pour acquérir leur indépendance. Les industries de l’armement accaparaient la principale partie des budgets des pays tout en élargissant leur influence mondiale. La guerre froide a provoqué, sans doute, en Europe qui était limitrophe du bloc de l’Est, l’instauration de certaines lois portant sur le bien-être social. Ces conditions perdurèrent jusqu’à la fin de cette guerre. Or, la politique de l’épanouissement des industries d’armement, sans aucune logique économique, a placé le bloc de l’Est dans une situation où la direction de ce bloc, avant une troisième guerre mondiale, a entamé des discussions avec le bloc rival pour décider de son autodissolution et de se lancer dans une concurrence mondiale sans se soucier des frontières établies à la suite de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire les mêmes frontières qu’avant la Première Guerre mondiale.
La volonté impérialiste américaine
L’Organisation des Nations unies a franchi des pas importants pour atteindre l’idéal du monde uni. La charte des droits de l’homme définissant l’homme libre et ses droits, les déclarations complémentaires sur les libertés, son organisation dans tous les domaines économiques, sociaux et politiques, les différentes commissions culturelles, économiques et sociales de l’Organisation, la prise sous tutelle des pays nouvellement indépendants et les anciennes colonies qui continuent à être les scènes de bataille entre les anciens colonialistes et les nouveaux prétendants, la richesses du droit international renforcé par les décisions de l’organisation et les organes qui en dépendent, l’expérience de 50 ans de concentration de la direction du monde, ne sont pas négligeables. La prospective de ses différents organes préparent le terrain vers la mondialisation : La voie de la préservation de l’Humanité sur terre.
Les principaux obstacles face au développement de l’Organisation des Nations unies et de ses organes, ont été les grandes puissances et principalement les Etats-Unis qui, dès le départ, ont tenté de s’ingérer dans la nomination des autorités et des cadres de l’Organisation et de sa politique. Ils sont allés jusqu’à suspendre leur participation financière au budget de l’Organisation. Aujourd’hui, l’Etat américain doit plusieurs milliards de dollars à l’Organisation. Dans l’annulation des décisions du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale de l’Organisation, la volonté américaine est décisive. La principale cause de la poursuite de la crise au Moyen-Orient et donc de la propagation du terrorisme réside dans le fait que les Etats-Unis empêchent l’application des décisions du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale et apportent leur soutien inconditionnel à la violation des droits du peuple palestinien par l’Israël et cela depuis quarante ans. Le dernier coup – le coup de grâce au cœur de l’Organisation – a été la décision du président Bush fils de déclarer la guerre à l’Irak, dont les conséquences constituent le principal sujet actuel de la politique mondiale.
Or, il ne faut pas permettre la défaite de l’Organisation des Nations unies face aux attaques des néo-conservateurs américains. Il faut contrecarrer la politique menée par Bush fils dont le centre de gravité se situe au Moyen-Orient et dans l’Asie Centrale, une politique (fondée sur le concept de l’espace vital) qui réanime celle des nazis à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Si l’apparition des néo-conservateurs sur la scène politique est un phénomène nouveau, leurs revendications sont beaucoup plus anciennes et à l’époque contemporaine datent du lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, elles constituaient également l’axe d’action des expansionnistes. Lorsque le régime hitlérien envoyait des milliers de Juifs dans les fours crématoires et propageait la doctrine de la suprématie raciale, il s’efforçait de faire reculer l’histoire et atteindre les mêmes objectifs que les néo-conservateurs d’aujourd’hui qui, aux Etats-Unis, prêchent la guerre des civilisations, la réanimation des Croisades et le lancement de guerres préventives : un monde sans problème, le règne sur des âmes mortes !
Cette volonté avait fait son apparition chez les milieux militaires américains au lendemain de la guerre, lorsque les conditions étaient plus favorables, mais était restée sans suite. A l’époque, les deux explosions nucléaires à Hiroshima et à Nagasaki avaient plongé ces milieux dans un envoûtement pour la conquête du monde et endeuillé la planète et en particulier les savants qui se sentaient coupables d’avoir prêté leur savoir à de telles fins. La réaction ne se fit pas attendre. Ils lancèrent le mouvement international de la condamnation des armes nucléaires. Ils s’activèrent pour limiter les arsenaux militaires car, plus que quiconque, ils étaient conscients du danger qu’ils créaient pour le monde. Ils utilisèrent leur renommée pour lancer ce mouvement.
Les minorités totalitaires contre une authentique vie politique
L’Amérique, axe militaire victorieux, détenteur de ressources inépuisables d’armements et de fonds d’une part, et l’Amérique, lieu de concentration de savants et d’intellectuels ayant fui le régime nazi, d’autre part, constituaient le pôle principal de cette bataille. A la veille de la grande confrontation, le camp de la défense de la paix remporta la victoire. Or, la création du front des savants qui, à l’initiative d’Einstein devait être officialisée du 10 au 12 janvier 1946 lors du Congrès national des savants américains, invité à cet effet, fut largement contesté par le pouvoir qui prit toutes les mesures afin de contrecarrer cette initiative et empêcher que le peuple américain et les peuples du monde entendent l’appel des savants américains. Plus tard, fut publié le brouillon de l’appel qu’Einstein avait préparé pour ce congrès. Dans cet appel, Einstein fait clairement état d’une nouvelle période de terreur qui commençait et déclarait que « la grande majorité des savants sont conscients de leur responsabilité en tant que chercheurs et citoyens du monde » et « ne sont pas tombés victimes de la folie actuelle qui menace notre avenir et celui de nos enfants ». Il affirme qu’il « est terrorisé à l’idée que le militarisme et l’impérialisme conduisent à des changements dans la vision politique du monde de la part des Etats-Unis ». Il ajoute : « Ce qui agit dans ce sens ne reflète pas les sentiments et la volonté profonde du peuple américain… Ces événements traduisent la volonté d’une minorité puissante qui utilise sa puissance économique en vue de contrôler la vie politique du pays » et insiste sur le fait que « si l’Etat avance dans cette direction, il incombe aux savants de ne pas baisser les bras face à ses demandes immorales même s’il a le soutien de l’appareil judiciaire ». Il conclut : « Il existe une loi non écrite qui est celle de notre conscience, une loi qui est plus valable que tous les lois codifiées par Washington ». Il prône la grève et le manque de collaboration en tant que dernières armes pour faire obstacles à ces desseins abjects.
La position clairvoyante et judicieuse d’Einstein à l’égard de l’avenir du monde fut étouffée par tous les moyens. Einstein fut isolé et même accusé de folie.
Terrorismes et Etats inquisiteurs
Ceci est un bref aperçu des premières luttes des savants américains et ceux d’autres pays du monde, au cours des cinquante dernières années du XXe siècle contre l’agression et le militarisme, qui se sont poursuivies en Europe. L’époque du macartisme, celle de la « chasse aux sorcières » ressemble fort à celle de « l’Inquisition » dans l’histoire de l’Eglise. La mise en place de régimes militaires dictatoriaux et le soutien aux régimes tribaux dans les territoires ou les peuples combattaient pour leur indépendance et leur liberté était la poursuite de cette époque. Face aux radicalismes, symboles de la résistance nationale contre l’exploitation, les Etats-Unis utilisèrent le terrorisme d’Etat et le terrorisme religieux, soutenant les dictatures militaires et le despotisme traditionnel. Les Etats-Unis développèrent les terrorismes religieux. Ils encouragèrent leurs alliés dans la région du Golfe Persique et au Pakistan à transformer leur pays en lieu de formation des terroristes. Ils rallièrent à cette politique la mafia internationale de la drogue, de sorte qu’en Turquie et au Pakistan, les autorités supérieures de l’Etat devinrent les principales piliers du trafic de stupéfiants. Cette mafia était présente en Afghanistan lors de l’affrontement entre les deux blocs dans l’Asie du Sud-Est. Après la disparition du monde bipolaire, les grains semés par les Etats-Unis poussèrent sur le territoire de ce pays même et se trouvèrent entre les mains des néo-conservateurs de la Maison Blanche pour atteindre le « nouvel ordre mondial ». Or, l’empressement et l’égoïsme des nouveaux conservateurs qui entraînent avec eux le Premier ministre « socialiste » anglais, dévoilèrent rapidement aux yeux du monde entier les objectifs de ce « nouvel ordre mondial » à travers la présence militaire des Etats-Unis dans le Golfe Persique, la première attaque contre l’Irak, l’installation des forces militaires au Moyen-Orient, au Proche-Orient, dans la Mer Caspienne et l’Asie Centrale.
Développement de la mondialisation économique
Les conditions politiques et économiques des deux dernières décennies du XXe siècle avaient placé à l’ordre du jour la question de la mainmise sur le processus de la mondialisation du capital et la nécessité d’une réorganisation au début du XXIe siècle. Le premier acte de ce programme fut la concentration des grandes sociétés financières, de production et de services à travers le monde qui s’est traduit par une suppression soudaine d’une large partie du potentiel humain travaillant précédemment dans ces grandes sociétés et par des dividendes versées aux détenteurs de leurs capitaux. Suite aux effets sociaux néfastes de ces bouleversements, leur rythme s’est poursuivi mais avec une moindre cadence. Leurs objectifs généraux poursuivis sont les suivants : suppression d’une plus grande partie du potentiel humain aussi bien dans la production que dans les services, avaler les petites entreprises autochtones et les intégrer dans le système global, étendre le monopole sur les marchés mondiaux, diminuer les charges fiscales…
La disparition des frontières commerciales au profit de la libre circulation des capitaux tel que : l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui joue le rôle de l’arbitre dans le commerce international, dirigée par les Etats-Unis, la création des groupements régionaux sous l’égide des établissements financiers, tel que la Banque mondiale pour le développement et le Fonds monétaires mondial et la politique qu’ils poursuivent régulent le mouvement de la « mondialisation ».
L’assaut soudain de la concentration des grands établissements financiers, de production et de services contre les positions des classes moyennes en Europe et aux Etats-Unis, qui bénéficiaient auparavant d’un marché de travail assuré, a concouru à la mobilisation contre la planification mondiale des conservateurs. Dès les dernières années de la fin du XXe siècle, un mouvement se crée pour contrecarrer ces projets, observant à la loupe les actions politiques et économiques des conservateurs à travers le monde. Cela dans un climat de radicalisme politique qui n’avait plus rien à proposer mais qui très vite a ouvert son chemin vers un mouvement mondial actif. Des associations, syndicats et partis (les Verts, les socialistes et les communistes) se sont joints à ce mouvement et l’ont consolidé en tant qu’une alternative pour la paix, pour les droits de l’homme et la défense des acquis sociaux obtenus durant les cinquante années qui nous séparent de la guerre. Ces acquis sont mis en cause par la droite dans des pays comme l’Allemagne, la France et l’Angleterre qui, à l’instar des Etats-Unis, tentent de les séparer du mouvement mondial.
Dans cet assaut, l’arme des conservateurs demeure les avancées extraordinaires dans les domaines technologiques et scientifiques. Des avancées qui ont transformé la distance entre les lieux de prises de décisions situées à New York ou à Londres avec les régions les plus reculées d’Afrique et d’Asie en un espace qui sépare deux bureaux situés dans un même immeuble. La technologie moderne permet aux bureaux de planification d’observer les moindres richesses dans les terres, les mers et les océans et encourage la convoitise des monopolistes.
Dans un monde unidimensionnel oU la concentration du pouvoir financier a progressivement transformé les chefs d’Etat en exécuteur des projets de ces concentrations, les présidents des républiques se déplacent d’un pays à l’autre et appliquent des politiques au service de ces établissements. Les gouvernements sont vidés de leur contenu populaire. Sans doute, la soumission des gouvernements à l’égard des intérêts économiques et financiers n’est pas nouvelle. Mais la forme actuelle de cette soumission est telle qu’elle a mis profondément en cause l’aspect populaire des pouvoirs politiques. L’examen du programme appliqué par l’administration du président Bush fils, apporte plus d’éclaircissement sur ce sujet.
L’avancée de la technologie, source d ‘espoir
Cependant, les avancées scientifiques et technologiques ne signifient pas la concentration du pouvoir entre les mains des monopoles. Mais ceux-ci profitent des capacités du monde unipolaire actuel. N’ayant pas la capacité de répondre aux besoins de la civilisation, à l’étape actuelle de la technologie et du savoir, ils précipiteront le monde dans le gouffre.
Au XXIe siècle, en l’absence des empires militaires, religieux et de l’impérialisme financier, l’horizon d’une gestion unique se dessine. Si la folie du pouvoir des monopoles ne transforme pas le monde en un arsenal et donc ne le conduit pas à sa perte, l’avancée de la technologie, en dehors de tout radicalisme, permettra à la réalisation du rêve de l’histoire de la civilisation.
Lorsque Bush père, pendant la première guerre contre l’Irak, qualifiée par le Pentagone de « guerre propre », fit allusion du « nouvel ordre mondial », cela réveilla chez certains observateurs politiques le souvenir du « nouvel ordre » des nazis. Une décennie plus tard, Bush fils, faisant référence à la guerre du Bien contre le Mal et de «l’axe du Mal », entraîna le monde dans la guerre et dévoila la nature du « nouvel ordre » basé sur la logique de la guerre préventive en dehors de l’Organisation des Nations unies. Or, il fut prouvé, sur le front de la guerre en Irak, que les néo-conservateurs, malgré leur capacité de destruction, sont incapables de mener à bien leur objectif. L’odeur des réserves pétrolières du Moyen Orient et de l’Asie Centrale qui les a enivré ne peut que conduire le monde dans le précipice de la guerre.
Le projet de la « démocratie pour le Grand Moyen-Orient » stipulé par les néo-conservateurs qui revivifie les frontières du califat abbasside au cours du premier millénaire chrétien, démontre l’intégrisme de cette clique. Leur observation passive à l’égard des crimes commis par l’Israël en Palestine est loin de leur attirer la confiance des peuples. Tous les facteurs d’insécurité et de la répression, contraires à la charte des Droits de l’Homme sont développés avec le soutien des Etats-Unis et des trusts pétroliers et de l’armement. Saddam fut soutenu par les Etats-Unis tant qu’il servait leur politique et le jour ou il fallait le supprimer, ils ne furent pris par aucun remord. Cette même position est valable pour l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, le Sultan et sa famille doivent être sacrifiés au profit du projet du Grand Moyen-Orient. Dès les années 90, l’Israël a joué son rôle dans le cadre du projet du Grand Moyen-Orient et continue à massacrer les Palestiniens.
Une future domination de la Maison Blanche par les néo-conservateurs, ne laisse plus place à une discussion sur l’avenir du Moyen-Orient. Il convient alors à réfléchir au sombre avenir de l’Humanité. Cependant, si Bush fils quitte la scène politique, une occasion se présentera pour une victoire en faveur des larges efforts entrepris par les ennemis des néo-conservateurs au profit de l’idéal mondial. Il faut se forcer à faire de sorte que l’avenir du monde se trace au sein de l’Organisation des Nations unies, en renforçant ses pouvoirs et en diminuant le pouvoir des grands pays au profit des plus petits Etats.
Toujours un espoir
Dans une telle situation, ou les forces populaires indépendantes, en tant que leviers des peuples réunis au sein des Nations unies, auront la mission de contrôler les directives internationales, l’Organisation des Nations unies se dirigera vers la mise en place d’un gouvernement mondial unique. C’est alors que la civilisation mondiale fera disparaître les frontières et l’intégrisme, les richesses du Moyen-Orient appartiendraient à l’ensemble de l’humanité, de même que celles de l’Extrême Orient, de l’Europe et de l’Amérique… Les océans et les mers seront exploités par le peuple du monde. Le Koweit, l’Irak, les Emirats et l’Arabie Saoudite ne seront plus la propriété de quelques familles autochtones et des monopoles internationaux.
Dans une telle perspective, l’Inde et le Pakistan ne guerroieront plus pour le Cachemire qui aurait pu, durant ces années, jouer un rôle culturel indépendant. Les territoires tribaux seront les premiers objectifs de développement économique et culturel. Les chefs de tribus afghanes ressuscités par les Etats-Unis, le cauchemar du pouvoir chiite instauré en Iran grâce à cette même politique, seront à jamais disparus. Tous ceux-ci ne peuvent se réaliser que si les conservateurs internationaux soient écartés du pouvoir et qu’un nouveau radicalisme ne voit le jour pour les contrecarrer.
président de l’Institut international d’études stratégiques