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Nicolas Richoux
Général en deuxième section du corps des officiers généraux. Consultant défense sur LCI, Historien (doctorat en histoire antique). Auteur de l’ouvrage L’armée romaine, première armée moderne, Paris, Pierre de Taillac, 2022.
Résumé : La guerre en Ukraine est une guerre moderne présentant des caractéristiques très actuelle et marque une rupture dans l’ordre mondial. Les constantes en sont le retour du combat de haute intensité mené par des corps blindés mécanisés, le rôle primordial de l’artillerie et on voit apparaître la numérisation de l’espace de bataille et le cyber offensif et défensif.
Mots clefs : Artillerie, Corps blindé mécanisé, Drones, Économie de guerre, Hybride, Logistique, Numérisation du corps de bataille, Renseignement, Stratégie.
Abstract: The war in Ukraine is a modern war with very current characteristics and marks a rupture in the world order. The constants are the return of the high intensity combat led by mechanized armored corps, the primordial role of the artillery and we see appearing the digitalization of the battle space and the offensive and defensive cyber.
Keywords: Artillery, Mechanized Armored Corps, Drones, War Economy, Hybrid, Logistics, Battlefield Digitization, Intelligence, Strategy.
Beaucoup de commentateurs ne voient dans le conflit ukrainien qu’une guerre du XXe siècle qui serait conduite au XXIe. L’incapacité des deux parties à l’emporter et la fixation durable du front, les duels d’artillerie et les combats de tranchées actuels nous ramèneraient à la bataille de Verdun et à l’impossible domination du champ de bataille de la Première Guerre mondiale. Rien n’est moins vrai. Même s’il peut être observé des caractéristiques qui rapprochent cette guerre de celles du siècle dernier, la déflagration qui a actuellement lieu sur les marches est de l’Europe présentent d’indéniables signes de modernité qui la distingue nettement des deux conflits mondiaux du XXe siècle.
Il convient ensuite de souligner que cette guerre reste une guerre d’agression. Même si l’on entend ça et là que ce conflit aurait pour origine des responsabilités la Russie, il est important de rappeler qu’une victime, même imparfaite, reste une victime et qu’un agresseur reste un agresseur. La Russie, pourtant garante de l’ordre international avec un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU, a depuis 2014 agressé son voisin au mépris de toutes les règles de droit international.
L’échec russe de février 2022
En février 2022, persuadés d’être accueillis en libérateurs, les Russes ont envahi l’Ukraine lors d’une opération assez semblable à celle qui prévalut lors de « l’annexion » autoproclamée de la Crimée en 2014. C’est la fameuse « opération militaire spéciale ». Négligeant l’emploi du mot guerre, cette dénomination trahit l’erreur d’appréciation initiale du président russe sur le rapport de forces en présence et sur la volonté ukrainienne de résistance.
Mais ces objectifs, quels étaient-ils au début du conflit ? Ont-ils été définis avec précision ? Quels sont-ils aujourd’hui ? Force est de constater qu’ils n’ont pas été édictés clairement et qu’ils semblent devoir encore évoluer au gré des développements des opérations et des revers militaires : « L’opération militaire spéciale se déroule selon le plan et les objectifs seront atteints » entend-on encore régulièrement. Cette absence témoigne au minimum d’un défaut de doctrine, mais peut-être et surtout d’un certain désarroi face à une situation non conforme aux attentes et aux prévisions. Or, comment remporter la victoire sans avoir une idée claire de ce que l’on veut réellement atteindre ?
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