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Tarik Mira
Ancien Député algérien et Sociologue
Tous les processus de légitimation mis en place en Algérie se sont fait sur la base de l’octroi. L’idée de l’élection d’une assemblée constituante n’a jamais été pratiquée en dehors de l’année 1963 dans des conditions peu respectueuses de la démocratie. Par ailleurs, la légitimité historique est plus ou moins mise en avant malgré l’éloignement chronologique de la lutte de libération nationale. Cet évènement fondateur ne cesse tourmenter l’esprit national.
L’enlisement politique dont est l’objet l’Algérie est à l’image de ses institutions surannées, manquant de de légitimité. L’armée directement ou indirectement joue le rôle de gardienne des lieux.
All the processes of legitimization set up in Algeria were done on the basis of granting. The idea of electing a constituent assembly has never been practiced, except in the year 1963, in conditions that were not very respectful of democracy. Moreover, historical legitimacy is more or less put forward despite the chronological distance of the national liberation struggle. This founding event does not cease to torment the national spirit.
The political stalemate of Algeria is a reflection of its outdated institutions, lacking in legitimacy. The army directly or indirectly plays the role of guardian of the place.
Depuis l’accession de l’Algérie à la souveraineté internationale, le pays a vécu sous le monopartisme et multipartisme et connu plusieurs constitutions. Les changements constitutionnels indiquent des permanences et des évolutions sans rupture. On peut parler d’involutions sans risque tant les permanences sont importantes et la prégnance de la lutte de libération nationale toujours présente.
Les différents processus de légitimation de l’exercice du pouvoir ont pour fondement les constantes nationales comme valeurs quelle que soit l’idéologie qui sous-tend le fonctionnement du système politico-constitutionnel. Et, derrière, cette machine politico-administrative l’armée est derrière le rideau grâce à son bras séculier : les services de renseignement qui jouent le rôle de police politique.
I/ La période du monopartisme
C’est en cette période décisive pour l’avenir du pays que l’armée va avoir un rôle central dans la décision politique et contribuer à asseoir son pouvoir pour une période quasi ininterrompue jusqu’à cet instant.
Grâce à sa lutte de libération nationale, l’Algérie a été le phare des peuples brimés et opprimés du tiers monde. Ce capital symbolique offre un statut politique de premier ordre qui n’arrêtera pas les luttes internes. Dans ce chaos inaugural, l’armée des frontières se saisit du pouvoir par la force des armes contre une partie des wilayas de l’intérieur qui demeuraient fidèles au Gpra (gouvernement provisoire de la république algérienne), proclamé le 19 septembre 1958 et internationalement reconnu.
Comment alors légitimer cette situation inattendue ? La jeune Armée de libération nationale sortie vainqueur de son bras de fer avec le Gpra va imposer son calendrier et son homme. Par ailleurs l’Assemblée constituante, élue dans des circonstances douteuses et frauduleuses le 20 septembre 1962, sera suivie de la nomination du premier gouvernement de l’indépendance proclamé le 25 du même mois.
La tenue du premier congrès post indépendance du Fln – parti unique – le 16 avril 1964 confirme la puissance de l’armée avec la reconduction de son chef comme ministre de la défense nationale et membre du nouveau Bureau politique.
Le pouvoir apparent est entre les mains d’un civil, notoirement connu qui plus est, mais déjà l’armée s’installe par la répression contre les opposants et fait valoir son ambition dans la construction de l’État.
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