Loi divine et lois séculières

Jean Michel VERNOCHET, journaliste, écrivain et politologue

COLLOQUE : LAICITE & ISLAMS
Actes du colloque-Conference proceedings
Jeudi 04 juin 2015
Assemblée Nationale
National Assembly

Le débat sur la laïcité dans les sociétés postindustrielles semblait en sommeil depuis la séparation en 1905 de l’Église et de l’État. Un divorce qui ne se fit pas sans violences matérielles et morales. La Constitution française de 1958 en son Article Ier inscrit la laïcité dans ce que l’on a désormais coutume de nommer le “Pacte républicain”, cela en tant que garantie de l’unité nationale. Or le débat relatif à la laïcité vient brutalement de refaire surface en France à propos de l’Islam et à propos de tout ce que le puritanisme laïciste considère comme des manifestations ostentatoires d’appartenance confessionnelle, lesquelles seraient le cas échéant attentatoires à l’ordre public.

Resterait, et c’est la toute la question de savoir où placer le curseur entre respect des libertés individuelles et immixtion légitime ou tolérable des lois dans la sphère privée. L’on a ainsi vu il y a peu une collégienne se faire sanctionner en raison d’un jupe jugée trop longue. À ce stade de censure, la sanction légale de l’expression jugée exagérée d’une confession – en l’occurrence musulmane – dans l’espace public, semble bien ici empiéter indument sur l’indispensable respect des droits de la personne, c’est-à-dire des libertés élémentaire au sein d’un État se voulant démocratique.

Notons d’ailleurs que dans l’esprit des défenseurs d’une République laïque – hormis pendant la sinistre période de la Convention et l’administration des affaires publiques osue le règen de la Terreur – il n’a jamais été question d’empêcher le simple citoyen de pratiquer ni même d’affirmer ostensiblement son appartenance à une religion quelconque, pas plus en privé qu’en public, le principe de laïcité ne s’appliquant a priori qu’à l’État, et à l’État seul. Principe neutralité censé protéger la sphère publique de influence religieuse parce que jugée pernicieuse. La foi ressortant certes d’un choix libre, mais essentiellement individuel.

Disposition louable, mais restrictive car la croyance religieuse en soi peut très légitimement être assimilée à n’importe quelle autre option idéologique. Or la diversité dans le choix d’une conception du monde ou d’une autre, avec ou sans divinité, ne peut exister que dans le respect réciproque et dans les limites tracées entre chaque credo en vue d’établir et de maintenir une saine coexistence entre des visions non réductibles les unes aux autres, voire souvent antagonistes. L’expérience prouve que cet équilibre est aujourd’hui rompu. Ntre propos n’est pas d’instruire le procès de tel ou d’untel néanmoins, de ce point de vue, la question se pose de la liberté de blasphémer le Dieu ou la foi d’autrui ? Une liberté qui s’exprime généralement de façon singulièrement sélective et se déguise en “droit” sous couvert de libre expression ? Reste que la garantie des libertés publiques et individuelles sont étroitement liées au traitement strictement égal réservé à tous. Aussi, tout comme en économie libérale, il s’agit pour l’État de prévenir toute constitution de monopole. Autrement dit, de veiller à ce qu’aucune religion transcendante ou non, à ce qu’aucun religion laïque n’avance masquée de laïcité sous couvert d’idéologie libertaire, en réalité le plus souvent prompte à restreindre la liberté de croire comme bon il semble. La première et la dernière des libertés réelles.

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