L’Inde et sa politique étrangère

Dans le cadre de son cycle d’études diplomatiques, l’Académie Géopolitique de Paris a organisé le 9 mai 2023 dans ses locaux, une conférence sur L’Inde et sa politique étrangère avec la présence exceptionnelle de son excellence l’Ambassadeur de la République de l’Inde en France, Monsieur Jawed Ashraf. La réunion a pu aborder l’ensemble des questions de la situation internationale actuelle et sur le moyen terme, sous l’angle plus particulier de la relation franco-indienne dont le développement des liens est croissant, notamment depuis l’inauguration du partenariat stratégique entre les deux pays depuis 1998 qui se concrétise également lors des actions communes dans la zone indo-pacifique.

La conférence à l’Académie a ainsi été l’occasion exceptionnelle pour Monsieur l’Ambassadeur de la République de l’Inde en France de livrer l’analyse et le point de vue indien des défis et enjeux tant politiques, stratégiques qu’économiques qui transforment le monde d’aujourd’hui et préparent celui de demain. La France et l’Inde développent des complémentarités stratégiques et des liens d’amitiés très puissants qui peuvent lui permettre de dépasser ensemble et unis la vague de déstabilisation internationale que connaît la scène internationale aujourd’hui.

Son excellence Monsieur l’Ambassadeur de la République de l’Inde en France, Monsieur Jawed Ashraf

Je tiens à vous présenter d’abord mes excuses car je n’ai pas eu l’opportunité au cours de mon carrière d’apprendre le français à un niveau suffisant pour m’exprimer ici devant vous dans cette langue, acceptez aussi mes excuses pour le retard dû à de mauvaises conditions de circulation.

Je suis ravi d’être ici, d’autant que ces derniers mois, nous avons assisté à de nombreux travaux de think-tanks, d’universitaires, d’hommes d’affaires autour de l’Inde, en Inde comme à Paris et cela reflète parfaitement l’importance stratégique que l’on accorde à ce pays. Comme vous le savez, nous allons fêter le 25ème anniversaire du partenariat stratégique entre le France et l’Inde, le premier partenariat stratégique que l’Inde a signé avec un pays extérieur, et pour fêter ce parcours incroyable, le premier ministre Modi sera l’invité d’honneur de la France, lors de la célébration de la fête nationale du 14 juillet à Paris.

Je vais tenter de vous présenter en sept points un bref tour d’horizon de la politique étrangère indienne, même s’il est toujours délicat de résumer.

Nous sommes, comme vous le savez, la nation la plus peuplée du monde, la 5ème économie mondiale et dotée de la croissance le plus rapide au monde, et bientôt nous figurerons au 3ème rang dans le classement économique mondial. Non seulement la population la plus nombreuse, mais constituée d’une énorme diversité. A titre d’exemples, notre constitution reconnaît vingt-deux langues différentes, avec leur système d’écriture propre. Nous avons des confessions, des cultures, des traditions diversifiées, qui coexistent sous l’égide de l’idée d’appartenance à une seule nation. Nous sommes la plus grande démocratie au monde, en vertu de notre démographie; nous disposons de plus de mille journaux d’information, environ sept cents chaînes de télévision, et nous bénéficions de structures indépendantes dans chacun des vingt-huit états, de notre fédération qui disposent d’appareils judiciaire, législatif et exécutif, autonomes, enfin notre pays jouit de la liberté d’opinion et de la presse.

Même si nous sommes la 5ème économie au monde, avec la croissance la plus dynamique grâce à une révolution numérique sans égal, nous devons quand même faire face à de nombreux problèmes en ce qui concerne l’emploi, la protection sociale, et les niveaux de revenus d’une grande partie de la population.

Depuis l’indépendance de l’Inde, nous avons toujours poursuivi une politique étrangère indépendante et autonome avec un sens de la stratégie indépendante assez proche de celle de la France. Vous êtes ici tous familiers avec la stratégie du non alignement qui a été en vigueur en Inde pendant la guerre froide. Cette stratégie revendiquait la posture de se tenir à distance entre les deux blocs de l’après deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, nous préférons parler d’une stratégie de multi-alignement, c’est à dire une politique indépendante qui examine séparément nos relations avec chaque pays ou groupe de pays, et le moteur de cette politique se fonde sur les mérites, les valeurs, les principes que nous partageons avec nos potentiels alliés, en même temps que la protection de nos intérêts. En tant que pays en voie de développement, et en tant que démocratie, nous considérons que le Droit international prévaut et ce, depuis toujours, ainsi que le multilatéralisme, avec une volonté forte quand il s’agit d’examiner notre position dans le monde.

Comme tous les autres pays, nous devons faire face à trois défis, qui sont liés entre eux, le premier étant géographique, pour la pérennisation de nos frontières, le deuxième lié à la mondialisation qui génère un changement global des alliances et des pouvoirs, comme il s’en produit une fois par siècle, et la nécessité de maintenir les flux d’échanges constants. Et, en tout dernier lieu, le défi lié aux conséquences du changement climatique, entraînant le recours à de nouvelles ressources énergétiques, les nécessités alimentaires, le maintien du flux des échanges malgré un contexte général qui entraîne mécontentements et tensions, tels que nous les connaissons actuellement. Ces deux derniers défis sont liés. Pour nous, dans notre environnement immédiat, émerge la Chine comme leader mondial. Vue le passé historique que nous avons avec ce pays, nous considérons que les choix actuels de la Chine nous oblige à redéfinir les équilibres des pouvoirs mondiaux. Cela constitue un vrai dilemme qui influence notre gouvernance et nous amène à définir sept priorités dans notre politique étrangère ; sept objectifs qui sont autant de lignes directrices dans la politique extérieure de l’Inde.

Premièrement, sécuriser un environnement international qui maintienne notre croissance économique et garantisse notre souveraineté stratégique, en assurant indépendance et résilience à nos chaînes d’approvisionnement.

Deuxièmement, et lié à cela, améliorer notre système de défense et notre sécurité, selon deux axes : en construisant des coalitions d’une part, et en renforçant nos propres capacités militaires d’autre part.

En troisième lieu, priorité est donnée à notre localisation géographique dans le monde, nous devons veiller à consolider notre territoire, notre environnement national. Nous sommes dans une région du monde très troublée, maintenir une cohésion nationale est essentiel.

En quatrième lieu, nous devons sécuriser notre rayonnement économique et politique dans la zone Indo-Pacifique et y garantir la paix et la sécurité.

Autre priorité, influencer le tracé de la nouvelle carte du monde, car nous avons un rôle à jouer pour contribuer à façonner ce nouvel ordre. Notre voix doit se faire entendre et nous devons êtes plus forts, plus constants, y compris dans un monde où domine la communication via le numérique.

L’Inde est un grand pays, qui a un rôle de passerelle à jouer dans un monde de plus en plus fragmenté, pour faire partie de la construction de ce nouvel ordre international. D’ailleurs le thème de notre présidence du 17ème G20 à Bali en mars 2023 était « Une planète, une famille, un avenir ». Nous devons être partie prenante de la réforme en cours pour renforcer ce système multi-latéral qui a perdu beaucoup de son pouvoir et de sa pertinence.

Pour finir, il est évident que les relations avec les grandes puissances internationales sont une priorité pour l’avenir. Nous nous en sommes bien sortis avec les Etats Unis, la Russie, l’Union européenne, et singulièrement la France, qui est un de nos grands partenaires, ainsi que le Japon, et l’Australie. La seule zone où la diplomatie indienne peut faire défaut, ce sont nos relations avec la Chine. Il est crucial de se recentrer sur ces relations, dans un contexte d’émergences de nouvelles tensions.

Cette présentation est un reflet de nos objectifs qui se fondent sur la confiance, la transparence et la continuité. Comme vous le voyez, Monsieur le Président, j’ai déroulé mon propos en sept points. J’attends avec plaisir les questions de l’assemblée.

Débat avec la salle :
Ali Ratsbeen:
Quelle est la politique de l’Inde face à la crise entre la Russie et l’Ukraine ?

Ambassadeur : Je me doutais que ce serait la première question.
Avant toute explication, je précise que nous avons des contacts réguliers avec les deux belligérants. Nous avons un principe de fond : tous les pays doivent obligatoirement respecter l’intégrité et la souveraineté territoriale de tout pays, en accord avec la Charte des Nations Unies et le droit international.
Dès le début des hostilités, nous avons exprimé notre profond regret de voir le chemin du dialogue abandonné. A aucun moment, nous n’avons essayé de justifier, de défendre ou de rationaliser cet acte. Par ailleurs, nous avons de façon répétée demandé aux pays concernés de mettre fin à ce conflit, et de reprendre le dialogue et les négociations. Nous l’avons fait en partie, aussi bien au cours de nos conversations avec les présidents Poutine et Zelensky, leurs ministres et leurs conseillers. En outre, notre premier ministre a déclaré à la télévision que la Russie devait cesser ses activités et que notre époque ne pouvait tolérer un tel acte. Nous avons aussi aux Nations Unies et ailleurs condamné les crimes de guerre supposés, nous avons approuvé la demande d’investigations indépendantes sur ces crimes et fourni de l’aide à l’Ukraine, notamment du matériel médical, à la demande de Kiev. Nous avons bien sûr des relations avec la Russie, et nous n’imposons aucune sanction directe à la Russie, ni d’ailleurs à un quelconque pays, à l’exception de ce qui est décidé par les Nations Unies. L’Inde ne l’a jamais fait, pas même à l’égard du Pakistan ou de la Chine. Nous avons un long passé d’alliance avec la Russie. De longue date, nous avons des relations privilégiées avec la Russie. Elle a été un partenaire fidèle durant la guerre froide, comme vous le savez, alors même que ce n’était pas le cas des États Unis ou même des pays d’Europe qui ont pris parti pour une dictature militaire contre l’Inde, pratiquant le terrorisme d’état et responsable d’un des pires génocides au monde, celui du Bengla Desh. Nous avons un partenariat pour la défense de long terme avec la Russie, en ce qui concerne l’armement surtout l’équipement, y compris aujourd’hui. Dans le contexte géopolitique actuel, nous sommes très préoccupés par le rapprochement entre la Russie et la Chine et si les choix de la Russie vis à vis de l’Inde étaient dictés par les intérêts chinois, ce serait un véritable cauchemar pour nous sur le plan de notre politique extérieure et de notre stratégie. Je pense que nous avons à rester vigilants en ce qui concerne notre stratégie d’importation des ressources énergétiques depuis la Russie. Cette stratégie permet de maintenir les prix relativement bas, car la Chine et l’Inde sont les plus grands consommateurs de pétrole au monde. Tant que vous achetez aux producteurs traditionnels -Émirats, Venezuela, Norvège- nous pouvons maintenir des prix relativement bas, car les ressources sont limitées. Sinon nous serons contraints d’aller chercher ailleurs.

Pour conclure, je dirai que nous agissons selon nos intérêts, tout en informant nos partenaires américains et européens, et nous ne faisons rien pour soutenir l’effort de guerre russe, nous ne cherchons pas à tirer notre épingle du jeu face à cette situation ou à tirer partie de cette crise pour asseoir notre domination. J’aimerais, pour conclure, reprendre les termes du président Macron, lors de la conférence sur la sécurité à Munich, qui a dit que cette guerre fait courir le risque d’aboutir à un contexte géopolitique où le reste du monde serait dressé contre l’Occident. Et je pense qu’il faut travailler avec des pays qui ont le même état d’esprit que l’Inde pour échapper à ce risque.

Jacques Cheminade :Lors des échanges entre Qin Gang et votre ministre des affaires étrangères Jaishankar, au G20 puis à Goa, a vu le jour le désir d’une coopération économique pour aboutir à une stabilisation de la situation. Compte tenu de la présence de Modi en France, pensez vous que la France puisse jouer un rôle de catalyseur, dans l’esprit des non alignés et par delà du système dollar dominant actuel ?

Ambassadeur : Oui, notre ministre des affaires étrangères a rencontré son homologue chinois à Goa, en marge du G20 également, parallèlement, depuis la crise frontalière Chine-Inde, déclenchée en 2020, l’Inde a organisé dix-neuf ou vingt réunions entre hauts dignitaires militaires et ministériels. Aussi longtemps qu’il y aura une crise frontalière avec un énorme déploiement de troupes sur la ligne de contrôle, et ce, en violation d’un accord préalable, il sera difficile d’avoir des relations normales avec la Chine. Pour revenir au 2ème point de votre question, on peut remarquer que souvent des événements internationaux d’ampleur ont des conséquences auxquelles on ne s’attendait pas. Ainsi, la crise militaire en Europe à la fois brutale et tragique pour vous, a justifié une réponse européenne et américaine. Mais, dans le reste du monde, de nombreux pays ont commencé à remettre en question un ordre mondial qui jusqu’alors paraissait immuable, y compris certains mécanismes de pouvoir concernant le Swift, le dollar, le fait qu’un pays puisse bloquer les réserves d’un autre pays, même si nous comprenons la position des États Unis et de l’union européenne, en la matière. Il faut savoir que les Émirats Arabes Unis et d’autres pays arabes ont remplacé le dollar par d’autres devises, et a invité l’Inde à faire de même, ou à trouver des alternatives au modèle Swift, tout cela montre qu’il y a un danger de fragmentation à ce niveau également. Et cela se répercute aussi sur l’énergie atomique où l’Agence de l’Énergie Atomique reste une institution de référence pour les pays de l’OCDE. Or, aujourd’hui les ressources en énergie renouvelable sont plus présentes hors les pays de l’OCDE. Il y a un volume commercial beaucoup plus important, par exemple 85% de l’énergie renouvelable provient de Chine. C’est une configuration absolument inédite et c’est la même chose pour les nouvelles technologies comme les semi-conducteurs. On ne peut nier cette nouvelle donne et nous devons donc développer cette idée de Global South, avec les pays du Sud qui partagent les même contraintes: le ralentissement économique généralisé, l’inflation, la dette, la faim dans le monde; nous devons tous nous rassembler pour faire face à à ces défis que sont la sécurité alimentaire, la santé, l’énergie, et je pense profondément qu’il ne faut pas demander quelque chose en contrepartie à tous ces pays, c’est ainsi qu’il pourra y avoir un retour de confiance en la coopération au niveau mondial. Je souhaite que nous traitions chaque pays comme nous traitons nos partenaires européens, car c’est ainsi qu’il sera possible de revenir à une cohésion, pour redonner une crédibilité à un nouvel ordre mondial. Un des éléments déterminants, ce serait d’amener la Chine et les Etats Unis à travailler ensemble.

Jacques Cheminade: Mais les chaînes d’approvisionnements entre Chine et États Unis sont liées, par-delà la politique affichée de confrontation, n’est-ce pas ?

Ambassadeur :Il faut vous rappeler que l’Europe et l’Inde, ce sont des milliards de personnes qui vivent en démocratie, nous pouvons donc ensemble contribuer à créer une situation où il y a plus d’équilibre au niveau mondial, notamment sur trois points essentiels :
– La résilience des chaînes d’approvisionnements
– Des investissements économiques renforcés par la souveraineté des nations
– La création d’un pôle qui pourrait rééquilibrer un monde de plus en plus menacé par la bipolarité.
C’est pourquoi, sous l’égide des Nations Unies nous allons en Inde mettre en place des accords et un conseil sur le commerce et les technologies, avec l’Union européenne également. Nous avons en effet des investissements et des intérêts communs. Les nouvelles générations indiennes ne s’y trompent pas, à Delhi, et ailleurs, il y a de plus en plus de jeunes étudiants, chercheurs intéressés par les perspectives qu’offrent les pays d’Europe. Ce sont deux régions du monde qui croient en la multi-pluralité, et cela se perçoit déjà au plan économique et technique.

Pierre Joxe :

Deux termes m’ont interpellé dans votre brillant exposé. Pouvez vous, Monsieur l’Ambassadeur, nous préciser ce qu’englobe pour vous la zone Indo-Pacifique et nous donner votre idée personnelle de ce qui constitue le Sud mondial ou global. Quelqu’un ici a mentionné Rangoon à ce propos.
Ambassadeur :

Ambassadeur: Excellente question. La géographie physique est immuable, la géographie politique varie selon les circonstances historiques. Ainsi, pendant l’ère coloniale, on parlait du Moyen, du Proche Orient, etc, et il y avait toujours un point de référence, c’était Londres. Pendant la guerre froide, on a parlé de la région Asie Pacifique, englobant notamment le Japon, la Corée et la Chine, une fois de plus les termes étaient du point de vue de Washington D.C, c’était la référence absolue même si on ne savait pas toujours ce que recouvrait cette appellation. Aujourd’hui, la géopolitique reflète la période de transition dans laquelle nous nous trouvons. Pour moi, personnellement, le terme Indo-Pacifique émerge tout particulièrement comme pertinent. C’est un retour à une période historique antérieure à la colonisation, car ça a été le premier unificateur régional que ce déterminant, L’indopacifique pour définir une zone qui s’étend de la côte est de l’Afrique à la côte ouest des États Unis.
Auparavant, les Français considéraient qu’elle s’arrêtait en Polynésie, pour les Américains elle commençait en Inde. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord sur ses frontières géographiques et il y a une logique qui sous-tend et unit toute sa région car elle partage les mêmes intérêts commerciaux, un trafic maritime commun et des préoccupations en matière de sécurité, cela est fondamental car cela façonne notre géopolitique et les défis qui en découlent. C’est vrai en effet que lorsqu’on regarde le tracé de la mousson, lorsqu’elle se propage, elle nous relie tous, des pays arabes à l’Afrique, en passant par l’Amérique et la Chine, de plus il y a des milliers d’années que les Indonésiens se rendaient à Madagascar pour le commerce des épices. On peut dire que c’est la colonisation et la guerre froide qui a tout brouillé. Je la vois comme une région unie, et si nous faisons de bons choix, nous pouvons nous appuyer sur cette unité régionale pour renforcer l’unité dans le monde. Tous les pays sont d’accord aujourd’hui pour s’y reconnaître. A titre d’exemple, si jamais il y avait un conflit dans le Pacifique opposant une alliance menée par les Etats Unis à la Chine-j’espère que cela ne se produira pas- cela aurait un impact sur l’Océan indien et sur tous les pays de la région. Car la Chine va essayer de protéger ses routes commerciales, en face d’autres puissances vont essayer d’entraver ces routes.
Deuxième point: en ce qui concerne le Sud Global, ce n’est pas seulement un terme économique, cela représente tous les pays, tous les peuples qui trouvent qu’ils n’ont pas assez de voix à l’échelle mondiale alors qu’ils sont affectés au premier chef par les événements géopolitiques mondiaux.
En janvier dernier, notre premier ministre a organisé une réunion appelée Global South en réunissant cent vingt cinq pays venant de l’est, de l’ouest, du sud et également du nord du monde, des pays qui avaient le sentiment de manquer de représentation à l’échelle internationale. Bien sûr, le G20 existe, et c’est l’organisation la plus diversifiée, même si elle ne représente pas tous les pays, pas plus que la plupart des institutions issues des Nations Unies.
Ce vocable ne concerne pas seulement les pays dont le PIB se trouve en dessous d’un certain seuil, les moins avancés, mais aussi les pays qui ne prennent pas part au débat sur les grandes questions internationales. Et cela pourrait inclure les pays du nord qui ont été mis à l’écart, ou contournés, lors des débats mondiaux.Ce serait une manière de donner une voix aux pays qui, avec l’accélération de la mondialisation, en ont été dépossédés.
C’est donc un terme recouvrant un concept précis.

M. HAOUAT: Il semble qu’après la chute de l’URSS, l’hégémonie américaine s’est accrue. Comme vous le savez, l’Inde a été un pays moteur pour les pays non alignés. Elle a toujours fait face à la Russie et aux États Unis. Le monde a donc besoin de l’Inde aujourd’hui pour fédérer les non-alignés.

Ambassadeur : Nous sommes en train d’entrer dans une époque ni unipolaire, ni bipolaire mais bien multipolaire. On va aller davantage vers des relations inter étatiques d’avant la révolution industrielle, il y a deux cent cinquante ans, où la convergence et la coopération prendra le pas sur la compétition. Les états partenaires ou amis formeront des alliances partielles sur des points particuliers. Je pense que l’Europe et l’Inde ont un rôle fondamental à jouer pour établir les fondations de cette nouvelle stratégie mondiale, avec l’aval des E.U et de la Chine certes mais sans exclure le Brésil, le Mexique, l’Indonésie, l’Afrique du Sud et le Japon.
Notre objectif est de contribuer à l’émergence de ce nouveau monde, plus instable, fait de tendances différentes avec des partenariats multiples sur des projets ponctuels où les pays s’allient, s’affrontent, s’associent, coopèrent au coup par coup, grâce à l’émergence des technologies de diffusion qui favorisent ce système multipolaire.
Notre succès dépendra bien sûr de notre progression économique, dans ce nouveau monde de transition, qui implique, comme toute époque de transition, une époque de turbulences ordinaires inhérentes à toute période de transition.
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Patrick Bruno : La Chine et la Russie sont très présentes en Afrique. Quelle est la diplomatie indienne à l’égard de l’Afrique ?

Ambassadeur : Historiquement, nous avons toujours eu des relations rapprochées avec l’Afrique et cela ne passe pas seulement par la lutte contre le colonialisme et contre l’apartheid. Nous avons quarante-huit ambassades sur 54 nations africaines, quarante-cinq sont opérationnelles à ce jour et notre objectif est d’aller vers cinquante prochainement Nous avons de nombreux programmes d’aide au développement en nous centrant sur la formation des cadres de santé, ainsi que dans l’agriculture et l’éducation. Nous avons mobilisé 35 000 personnes depuis 2015 pour ce programme.
Par ailleurs l’Inde a signé des accords commerciaux avec trente-quatre pays d’Afrique, continent dont le commerce est en plein essor au plan mondial. Au cours des dernières années, notre vice-président et notre premier ministre ont visité de nombreux pays africains, et nous organisons aussi un sommet indo-africain régulièrement tous les cinq ans, le dernier a eu lieu en 2015. Le prochain aura lieu prochainement, décalé à cause du Covid.
Nous sommes perçus par les Africains comme un pays indépendant, qui a une meilleure compréhension des enjeux africains, plus tournée vers le transfert des connaissances, dans le souci d’autonomiser la population et non pour accroître une arrière pensée hégémonique, nous sommes donc, par ce souci d’indépendance à l’égard des blocs, sur la même longueur d’ondes que les nations africaines. D’ailleurs le déploiement de nos ambassades fait partie et témoigne de cet engagement.
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