L’ÉVOLUTION STRATÉGIQUE DU XXIE SIÈCLE : LA CHINE ET L’IRAN

Ali Rastbeen

Septembre 2007

L’ÉVOLUTION STRATÉGIQUE MONDIALE dont le terrain a été préparé à travers les événements survenus au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, s’est manifestée pendant la première décennie de notre siècle. Une évolution qui doit être étudiée sous des aspects différents. L’un d’eux consiste dans le changement inévitable des relations internes au sein du bloc occidental dans les nouvelles condi­tions internationales et ses nécessités qui réclament des transformations dans les politiques intérieures et étrangères de ce bloc, ce qui ne fait pas l’objet de la présente étude.

Il est relativement facile de saisir la nécessité de l’évolution des relations à l’in­térieur du bloc occidental à travers l’examen des événements depuis l’accord de Moscou en tant que représentant du traité de Varsovie d’une part et Washington, Londres et Paris, représentants de l’OTAN, la disparition des deux blocs d’Est et de l’Ouest qui, compte tenu des conditions du moment, ne pouvaient que conduire le monde vers une confrontation signifiant la civilisation actuelle.

Cet accord devait transformer certaines données. Or, parce que l’accord entre les dirigeants pour lever pacifiquement la muraille idéologique n’avait pas de garantie exécutoire, dès le début, l’Occident, fier d’une victoire sans guerre, a tenté de diriger les événements vers une voie différente de l’esprit de cette entente mondiale. Les événements de la fédération yougoslave n’étaient pas de simples aléas. Cependant, la tragédie afghane qui se poursuit encore, a couvert celle de l’ex-Yougoslavie, grâce à la formidable puissance médiatique occidentale en vue de son occultation.

L’évincement des Nations unies

La première erreur des puissances à la tête des deux blocs, dans une entente positive à l’origine, a consisté de vouloir écarter les autres États dans une affaire qui décidait de l’avenir du monde. D’ailleurs, jusqu’au terme de leur entente, elles n’ont pas permis aux peuples et aux organismes internationaux dont leur destin en était lié. Pendant une longue période de transactions, elles réussirent à régler leurs diffé­rends sans pour autant penser à y faire participer l’Organisation des nations unies. Ce fut un précédent, car les Etats-Unis prennent deux décennies plus tard, seuls la décision d’attaquer l’Irak en contournant les Nations unies et leurs alliés européens et faisant fi de la contestation internationale.

Puissance unique et domination mondiale

Pendant les trente années de la guerre froide, les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont été les champs de bataille des guerres locales et régionales. Cependant, la « paix armée » entre l’Otan et le pacte de Varsovie constituait un rempart face à la confrontation des deux blocs. Lorsque Moscou concéda la fin de la guerre froide pour se débarrasser des frais vertigineux que cette guerre lui imposait, on pensait que la période de la « paix armée » arrivait à son terme. Or, parce que le mur fut levé unilatéralement, le pacte de Varsovie disparut mais l’Otan resta en place.

La survie et la consolidation de l’Otan furent considérées comme la « victoire » de celle-ci. Dans la pratique, cette victoire sur le camp de l’Est est allée plus loin et, après 35 ans, les États-Unis ont pu apprécier le vrai goût de la victoire de la Seconde Guerre mondiale. Compte-tenu de sa puissance militaire sans rivale, Washington se lança dans la conquête du monde. Or, le poids de la puissance américaine se fai­sait également sentir sur les épaules de ses alliés européens qui ne pouvaient rester insensibles face à son influence grandissante. On n’avait pas encore fini de fêter l’avènement de la puissance unique mondiale que les États-Unis prirent en main l’initiative des événements en Afghanistan. De là, ils déployèrent leur ombre sur toute l’Asie centrale qui était en proie aux crises dues à la désintégration du régime idéologique de l’Union soviétique. Parallèlement aux événements de l’Afghanistan, Saddam Hussein qui attendait sa récompense promise pour sa guerre contre l’Iran, envahit le Koweït. Les Nations unies ont soutenu l’indépendance de Koweït. Les États-Unis, en tant que commandant des Nations unies se sont rendus dans la ré­gion du golfe Persique. Le Président et les commandants américains ont trouvé une occasion unique dans leur guerre contre l’Irak pour faire la propagande des guerres propres et sans danger. Les marines anglaise, française et russe, pour montrer leur soutien au Washington, se sont rendues sur place et ont assisté à la « guerre propre » et « sans danger » des États-Unis sur le sol irakien. Le littoral de l’Irak sur le golfe Persique s’est transformé en exposition des conséquences de la guerre propre et sans danger, cadeau de Washington. Ce ne fut qu’après le redéploiement de l’armée amé­ricaine sur le déroulement de la guerre que le monde a senti le goût de cette guerre propre et sans danger du Pentagone ! La démocratie et le nouvel ordre promis par les États-Unis à l’aide des guerres propres d’abord en Irak, puis pour le monde en­tier, suscitèrent de profondes inquiétudes.

Les premières inquiétudes

Ce fut suite aux comptes-rendus de la guerre en Irak que les observateurs euro­péens ont commencé à exprimer leurs inquiétudes face à l’instauration de la puis­sance unique des États-Unis et l’ont considérée comme un danger pour la paix. Les commentateurs politiques ont mis le doigt sur le danger incontrôlable de la puissance américaine et ont espéré avec perplexité le retour à une stratégie mondiale fondée sur l’existence de plusieurs puissances1. Ils s’inquiétaient de la domination absolue des États-Unis sur le monde. Cependant, ils négligeaient les changements qualitatifs qui ont eu lieu simultanément au sein de la puissance unique des États-Unis. Or, le pragmatisme régnant sur l’action de Washington avait, depuis la guerre froide, créé ses propres contradictions au sein de la stratégie américaine et la victoire des États-Unis sur son rival signifiait également la victoire sur ces contradictions internes.

Le fondamentalisme : Bush, « l’homme de fer »

Au cours du XXe siècle, le monde ne connaissait pas un danger appelé le fonda­mentalisme religieux. Ce fut à l’époque de la guerre froide que les États-Unis utili­sèrent la religion dans leur lutte contre le bloc de l’Est et la transformèrent en une arme qui, aujourd’hui, ne peut être comparée avec l’époque des Croisades. Jadis, le fondamentalisme religieux était localisé et confiné dans la région et n’avait qu’une action limitée. Parfois, les pays colonisateurs l’instrumentalisait ou le combattait.

Les États-Unis, ayant une vue à court terme, semèrent le fondamentalisme et formèrent non seulement des groupes terroristes fondamentalistes, mais encoura­gèrent leurs gouvernements amis au Moyen-Orient et dans l’Asie du Sud à soutenir cette politique. A travers cette politique, ces États qui ne sont nullement des États modernes poursuivent leur propre objectif en dehors de la capacité actuelle du sys­tème international. Avec le changement de l’orientation de la politique américaine, leur stabilité est mise en danger aussi bien de l’intérieur qu’à travers leurs relations avec les États-Unis.

Aujourd’hui, la vague fondamentaliste est en marche depuis l’Afrique jus­qu’aux frontières de la Chine ; depuis qu’il a détruit les acquis de plus d’un siècle en Afghanistan, il s’est dressé contre les États-Unis. Cela fait penser à Frankenstein sortit du laboratoire, mettant toute la ville en danger. L’événement du 11 septembre fut l’apogée de la politique américaine. Cependant, en guise de remède, Washington a ressuscité les Croisades et l’a annoncé par la bouche du président des États-Unis, traduisant un retour en arrière d’un millénaire.

L’aventurisme et la défaite

Par compassion avec les États-Unis, après l’événement du 11 septembre, le mon­de a suivi prudemment la guerre des États-Unis contre le « califat islamique » des Talibans. Un califat issu de la politique américaine au service des objectifs économi­ques et militaires de Washington, qui, en même temps, étend l’ombre de l’Améri­que sur l’ensemble de l’Occident et sur l’Asie centrale. Le débridement du chef des Talibans installé en place par les États-Unis à Kabul, qui rêvait de l’instauration du califat islamique fondamentaliste sur l’ensemble de l’Asie centrale, suscita la réac­tion sévère de Washington en vue de le révoquer. Le régime militaire du Pakistan qui avait placé ses espoirs dans les événements qui se déroulaient en Afghanistan, se trouva, en raison de cette décision, dans une situation qui mit en danger l’existence même de ce pays sans avoir pu bénéficier de la situation afghane.

L’aventurisme de la Maison Blanche à travers une guerre débutée dans le golfe Persique pour s’étendre à l’est au centre de l’Asie a démontré que l’inquiétude des observateurs européens quant à une puissance mondiale unique n’était pas sans fondement. Les États-Unis – malgré le soutien de Londres – se sentirent rapide­ment très seuls dans la voie qu’ils avaient choisie. L’aventurisme de l’équipe de Bush a ébranlé les fondements de la sécurité mondiale. L’orgueilleuse armée américaine s’est enfoncée dans les marécages de la guerre irrégulière difficile à s’en sortir indem­ne2. La négligence des organismes internationaux et des leviers du système mondial conjuguée à la violence de l’armée américaine a présenté une image obscure de cette puissance absolue retirant toute possibilité de confiance internationale à l’égard de Washington. Le héros de la violence et le prétendant chrétien des nouvelles Croisades et de la guerre du Bien contre le Mal a été obligé de faire marche arrière. Cette défaite aventurière, auquel vint s’ajouter l’enfoncement dans les bourbiers, ne portèrent pas seulement préjudice à la crédibilité des États-Unis dans le monde mais assombrit également les relations de cette puissance mondiale avec ses alliés, tout en ayant des conséquences profondes sur les politiques nationale et sociale américaines.

Londres, en tant qu’allié des États-Unis, eut également sa part dans cette défaite et le Premier ministre de ce pays fut discrédité.

L’horizon futur…

Aujourd’hui, on peut affirmer que dans l’horizon politique du monde, le mono­pole de la puissance n’a plus sa place. De nouveaux facteurs ont fait leur apparition sur la scène politique et qui doivent marquer l’avenir. Malgré leur diversité, ces facteurs se trouent sur la même longueur d’onde. Le premier facteur est l’extension et la mondialisation de la technologie moderne qui, parallèlement, élargit la science moderne. Aujourd’hui, les exportations des pays en développement, ne se limitent plus à des matières premières ou des articles fabriqués. L’exportation de la technolo­gie et des cerveaux s’est répandue à travers le monde. Depuis plus d’une décennie, les mathématiciens indiens répondent aux besoins scientifiques et techniques des États-Unis. Le XXIe siècle est le « siècle de l’informatique » et de la « cybernéti­que »3. Le monde actuel est devenu si réduit qu’on entend la voix d’une personne se trouvant au pôle nord comme si elle se trouvait à notre voisinage. On aperçoit les images d’un cosmonaute sur une autre planète, dans notre propre chambre.

Depuis le début du XXe jusqu’au début du XXIe siècle, une telle évolution ne peut plus laisser la place aux violences, aux massacres et aux destructions et ouvre un horizon nouveau aux objectifs de la civilisation contemporaine.

Premièrement, il s’agit de la domination des sciences et technologies sur les inconnus d’un satellite qui a été le berceau de l’humanité. La préservation de l’en­vironnement est un phénomène qui a pris de plus en plus d’importance durant les dernières décennies. Aujourd’hui, le milieu scientifique est moins inquiet du danger des armes nucléaires que de celui qui peut provenir de la nature et menace la terre de destruction. Un danger qui, même s’il ne détruit pas la planète dans sa globalité, lui infligea une destruction majeure. Il est évident qu’il faudrait ménager notre terre pour assurer notre existence. Dans ces conditions, l’évolution mondiale des sciences et des technologies doit avancer vers la préservation du globe qui devient progressi­vement la principale préoccupation de notre époque.

Deuxièmement, l’apparition de nouveaux pays en Asie, Afrique, Amérique et le nouveau continent qui, grâce à leur développement, ont ouvert un nouveau cha­pitre parmi les pays développés et prétendant leur suprématie. A l’est et au sud de l’Asie, la Chine, l’Inde, la Malaisie et la Corée du sud font parmi ces pays émer­geants. Il en fut de même lorsqu’au XXe siècle, le Japon a rejoint les pays inspirant à la supériorité. La présence de ces nouveaux pays confère à l’évolution mondiale, un aspect nouveau. Ils deviennent des modèles pour des pays qui tentent de se libérer des vestiges des dominations du XIXe et XXe siècles.

L’horizon de l’ordre mondial est lié à ces trois facteurs qui agissent de manière indépendante et simultanée.

La lutte contre les discriminations

La Seconde Guerre mondiale n’a pas réussi à substituer les anciennes relations coloniales par des relations équitables et logiques. A la fin du siècle dernier, les pays étaient divisés entre le Nord et le Sud. Les pays du Sud étaient tenus en bride par ceux du Nord.

Naturellement, cette division des peuples en classes, entretenait l’ancienne lutte anti-coloniale. C’est ainsi que pendant une période de cinquante ans après la guerre, on a assisté à des guerres locales, régionales et intérieures. De même, l’affrontement entre les deux blocs et leur rivalité ont créé des conditions de croissance et d’émer­gence d’un certain nombre de pays qui se trouvaient dans ces sphères de puissance. Lorsque la Chine se sépara du bloc de l’Est, Washington et l’Europe ont tenté de remplir le vide de ses relations avec Moscou. Les pays satellites de l’Occident ont reçu la permission de commercer avec la Chine. Les États-Unis eux-mêmes ont accepté de ne pas porter la candidature de Taiwan de devenir membre de l’Organi­sation des nations unis tout en devenant un des principaux partis dans le commerce avec la Chine. Cette même relation fut établie entre les pays européens et Pékin. Les relations des États-Unis et de l’Europe avec la Chine atteignirent un tel degré que vers la fin du XXe siècle, la Chine devint membre de l’Organisation mondiale du Commerce, tandis que Moscou n’a pas encore obtenu cet avantage.

Deux phénomènes particuliers

A travers les conflits entre l’Occident et Moscou, la Chine, dirigée par le Parti communiste, est devenue le principal parti du commerce avec les pays occiden­taux et, du point de vue international, a étendu son influence jusqu’au cœur de l’Afrique. L’Inde, doté d’un régime parlementaire, a suivi le même chemin que la Chine. La croissance économique de ces deux pays et leurs succès dans le domaine commercial ont relégué au second plan le Japon qui, jusqu’à la fin du XXe siècle, était considéré comme modèle de développement.

La Chine possède le plus grand nombre des bons d’emprunt émis par le gouver­nement américain. Ses exportations vers les États-Unis dépassent de 50 milliards de dollars celles des États-Unis vers la Chine4. La Chine domine de la même manière les marchés mondiaux. Ce qui est survenu en Chine, où un régime communiste s’est lié aussi largement avec l’économie capitaliste, constitue un exemple pour tous les pays qui tentent de se libérer de la discrimination et de la dépendance vis-à-vis de l’Occident.

L’Iran : A la recherche d’une voie

En Iran, où, à la suite de la révolution de 1978, un régime idéologique et théo-cratique a pris le pouvoir, la politique et les méthodes adoptées par les Chinois atti­rent l’attention particulière des dirigeants dans leur lutte contre l’Occident. Compte tenu de ses différentes capacités du point de vue géopolitique et des réserves souter­raines, ce pays a été convoité depuis la Seconde Guerre mondiale par les différentes puissances planétaires. Il compte parmi les dommages subis de la part de ses voisins et alliés des États-Unis et de l’Occident, une guerre de huit ans contre l’Irak. Pour surmonter le blocus qu’il subit depuis 25 ans de la part des Américains, il cherche des alliés parmi les rivaux des États-Unis. Les difficultés auxquelles doivent faire face l’Iran est à la hauteur de la situation qui règne dans le golfe Persique.

Les attentes irréalisables des États-Unis à l’égard de l’Iran

Les États-Unis ont joué le rôle principal dans le changement du régime mo­narchique en Iran. Or, le régime qui lui succéda, réprimant l’idéologie occidentale qui, agissait à l’époque en Iran, se retourna lui-même contre cette idéologie en poursuivant les objectifs suivants : 1) épurer l’armée de l’influence extérieure (qui se trouvait sous contrôle américain pendant la monarchie) ; 2) épurer administration de l’influence étrangère ; 3) orienter la culture vers les sources religieuses ; 4) asseoir la direction religieuse à la place de la direction militaire. Le nouveau régime a rem­placé, durant 29 ans, les lois civiles par des lois religieuses.

Le rôle clef de l’Iran dans la région, en particulier, sur les plans stratégiques, consiste à considérer que pour préserver leurs intérêts, les Etats-Unis et l’Occident, font qu’ils ne peuvent se passer facilement de ce pays, vu également qu’historique­ment les relations très proches entre le régime monarchique et les États-Unis.

Les deux principaux obstacles dans l’entente entre les États-Unis et l’Iran, sont ceux qui déterminent les fondements de la diplomatie américaine dans la région : la reconnaissance d’Israël et la charte des Droits de l’homme. Ces deux éléments constituent en réalité des lignes rouges dans la politique de la République isla­mique. Sans doute, les « droits de l’homme » parrainés aujourd’hui par les États-Unis, constituent un éventail trop large pour empêcher l’entente entre les deux pays, malgré son manque de concordance avec un régime théocratique. Dans les relations entre l’Occident avec la Chine et avec la Russie, cette question a plutôt pris aujourd’hui un aspect anecdotique. Le pragmatisme américain dispose de dé­finitions différentes pour les droits de l’homme en Israël et les droits de l’homme en Syrie. Cependant, dans ses relations d’amitié avec Israël, les États-Unis ne sont prêts à aucune concession. Les relations entre Israël et la Chine ne peuvent lais­ser Washington indifférent de même que les relations entre Israël et Moscou. Or, Téhéran ne peut accepter une telle relation.

Les portes ouvertes chinoises – la « recherche d’amis » par l’Iran

La grande différence entre la politique des « portes ouvertes » de la Chine et celle de « recherche d’amis » de l’Iran réside dans le fait que la Chine, y est par­venue progressivement pendant une période de soixante ans en prenant toutes les précautions. Pour parcourir ce chemin, la Chine a supprimé l’obstacle de l’idéo­logie. L’horizon géostratégique de la Chine couvre plusieurs questions : la volonté dominatrice des États-Unis en tant que première puissance mondiale, en particulier dans la région de l’Océan atlantique – ensuite à l’égard du Japon et les difficultés qu’il provoque dans son voisinage, la crise de Taiwan – qui est encore loin d’être résolue – la puissance militaro-économique du Japon qui occupe la seconde place dans l’économie mondiale, les politiques multiples des États-Unis visant à renforcer l’Inde contre la Chine, le conflit entre l’Inde et le Pakistan, deux de ses voisins. Or, la Chine ne néglige jamais de rechercher des voies d’entente avec les États-Unis en tant que première puissance mondiale5.

Simultanément, la Chine s’inquiète de la montée des idéologies religieuses et des nationalismes dans l’Asie centrale. Elle s’attache à renforcer sa coopération avec la Russie pour créer une alliance en vue de préserver l’Asie centrale de l’influence américaine6. Elle poursuit également une politique d’amitié avec d’autres pays, en particulier ceux du golfe Persique – tout en gardant la priorité pour sa politique d’entente mondiale avec les États-Unis. De même, la Chine tente de s’attirer l’ami­tié et la confiance des pays africains.

La Chine accueille favorablement la mondialisation de l’économie en tant qu’un processus inévitable. Elle considère que, malgré les tentatives des États-Unis de préserver le monopole de la puissance mondiale, un système multipolaire finira par s’installer dans les relations internationales. La Chine évalue la puissance mi­litaire russe capable de tenir tête aux États-Unis, tandis que l’Union européenne serait capable, par une indépendance relative économique et militaire, de rivaliser avec la puissance américaine, tandis que le Japon, en tant que deuxième puissance économique mondiale, serait un puissant concurrent de cette superpuissance émer­geante.

La Chine, énorme puissance montante, constitue le premier choix de l’Iran, à la recherche d’alliés en vue de faire face à l’axe dominant des États-Unis et d’Israël dans le Grand Moyen-Orient rêvé par l’administration Bush. Or, ce choix iranien, aurait-il également l’approbation de Pékin ?

Aujourd’hui, la Chine, grâce à toutes ses capacités, attire les pays détachés du camp occidental, de la même manière que les États-Unis du début du XXe siècle constituaient l’espoir des pays libérés du colonialisme européen. L’Iran du XXXe siècle, y fonda également son espoir pendant vingt ans, jusqu’en septembre 1941. Lorsque ce pays fut attaqué par les troupes anglaises et russes, Réza Chah demanda l’aide de Roosevelt qui lui répondit que son pays doit se soumettre à l’occupation7.

Sans doute le XXIe siècle est différent du XXe, et l’époque des superpuissances est révolue. Les alliances régionales dans les conditions actuelles du monde ont pris un sens différent et peuvent défendre l’Organisation des nations unies et sa charte, et résoudre d’autres questions que les simples intérêts des sociétés extra-nationales.

* Président de l’Institut International d’Etudes Stratégiques de Paris, directeur éditorial de la revue Géostratégiques. Auteur de plusieurs articles et publications portant sur la géostratégie et la géopolitique internationale, spécialiste de l’Iran et des questions stratégiques et énergétiques au Moyen-Orient.

Notes

  1. Notre article, « Vers l’Etats unique mondial », Géostratégiques N°6, janvier 2005.
  2. Ekovich Steven, « Les Etats-Unis : de la défense du libéralisme au nécessaire libéra­lisme de la défense », Géostratégiques N°4,
  3. C’est une méthode interdisciplinaire qui étudie l’évolution dynamique des systè­
  4. World Development Indicators, The World Bank, divers numéros. Voir également, François Gaudemont, Chine Etats-Unis : entre méfiance et pragmatisme, Paris, La Documentation Française, 2001.
  5. Yves Viltard, La Chine américaine, Paris : Belin, 2003.
  6. Mikhail Lukin, « Peace Mission 2005 : A 1970s Template for Sino-Russian Peacekeeping », Moscow Defense Brief, n° 2, 2005. La Chine et la Russie conviennent de renforcer leur coopération économique et culturelle, Zinhua, 05/07/2007. « Le traité traduit l’aspiration commune des deux peuples au maintien d’une amitié qui se transmet de génération en génération ; le développement des relations amicales sino-russes dans tous les domaines correspond non seulement aux intérêts des deux peuples, mais favorise également la sauvegarde de la paix, de la stabilité et du déve­loppement sur les plans régional et mondial », 2001. Voir également, Yang Baoyun, La Chine et la Russie », Outre Terre, N°4-2003-03. pp.181-188.
  7. Roux Jean Paul, Histoire de l’Iran et des Iraniens : Des origines à nos jours, Paris :

Fayard, 2006.

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