LES EFFETS DE LA POLITIQUE ETRANGERE DE L’ARABIE SAOUDITE

Ali Rastbeen                                                                                      

Président de l’Académie de Géopolitique de Paris

À elle seule, l’Arabie saoudite englobe une partie non négligeable des réserves pétrolières du monde, dispose d’une position stratégique sur trois routes maritimes internationales et constitue un des plus grands marchés de biens de consommation et les équipements militaires. Ces raisons suffisent à lui conférer une valeur inestimable aux yeux des hommes politiques américains.
Soucieux de renforcer sa participation à la mise en place des projets des États-Unis, elle poursuit la guerre au Yémen, maintient le blocus du Qatar, intensifie les différends avec les groupes palestiniens et fait croître la tension avec le Koweït, l’Oman, la Jordanie et l’Égypte.
L’avènement de ben Salman n’a pas conduit au renforcement des relations entre Riyad et les autres pays du monde et même les pays arabes limitrophes, mais au contraire ses décisions personnelles ont créés des tensions, des ruptures et même de nouvelles campagnes militaires contre d’autres pays.
L’Arabie saoudite compte principalement sur les États-Unis afin d’assurer sa sécurité, renforcer sa mainmise régionale et garantir la pérennité de la monarchie et tenter de se donner une influence considérable au sein du monde arabe et des pays musulmans. À cet effet, elle exploite ses énormes revenus pétroliers et son rôle actif au sein des organisations régionales telles que la Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe Persique et l’Organisation de coopération islamique.
Les relations entre l’Arabie et les États-Unis ne s’inscrivent pas dans celles qui régissent deux pays fondés sur des valeurs communes. Au contraire, elles traduisent une relation basée sur des rentes et des intérêts qui peuvent évoluer à chaque instant.
Les tensions régionales sont arrivées à leur maximum et l’Arabie saoudite est directement impliquée dans la plupart de ces dossiers et semble ne pouvoir s’en sortir honorablement.
Actuellement, presque toutes les puissances régionales – de la Turquie à l’Iran en passant par le Qatar, la Syrie, l’Irak et même l’Égypte, nourrissent des animosités manifestes ou cachées à l’égard de Riyad.


Saudi Arabia englobes a non negligible share of global petrol reserves, has a strategic position on three international maritime routs and constitutes one of the largest consumer markets for economic merchandise and military equipment. These reasons confer upon it a covetable value in the eyes of American politicians.
Keen on reinforcing its participation in United States regional deployments, it pursues war in Yemen, continues blocus against Qatar, intensifies quarrels between Palestinian groups and accelerates tension with Koweit, Oman, Jordan and Egypt.
As for the arrival of Ben Salman, not only his personal decisions didn’t lead to any reinforcing of relations between Riyad and other nations and even neighbouring Arab States, on the contrary tensions have ensued along with ruptured relations and even military campaigns.
Saudi Arabia counts mainly on the United States to ensure its security, reinforce its regional reach and guarantee the monarchy’s sustainability, and so attempts to maintain strong influence at the heart of the Arab world and Moslem countries. To this effect, its exploits its enormous petrol revenues and its active rôle at the heart of regional organizations such as the Arab League, the Persian Gulf Cooperation Council, and the Islamic Cooperation Organization.
Relations between Arabia and the United States are not those of two countries founded on shared values. On the contrary they translate a relationship based on annuities and interests that can change at any and every instant.
Regional tension has reached its boiling-point, and Saudi Arabia is directly implicated in these files, without honorable exit in sight.
Currently, almost all regional powers – from Turkey to Iran and passing thru Qatar, Syria, Iraq and even Egypt, nourish manifest or latent animosity towards Riyad.

l’arabie saoudite est une monarchie. L’État saoudien moderne, fondé en 1932 par Abd Al-Aziz bin Abd al-Rahman Al Saud, est gouverné aujourd’hui Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, né le 31 décembre 1935 à Riyad, est un membre de la dynastie saoudienne et l’un des fils d’Ibn Séoud. L’Arabie saoudite est le berceau de l’Islam et le foyer de ses deux grands lieux saints : La Mecque et Médine. La présence continue de troupes américaines en Arabie saoudite depuis la guerre du Golfe a suscité la colère de la population saoudienne et est considérée comme une provocation grave par les extrémistes musulmans, notamment par Oussama Ben Laden, le dirigeant d’al-Qaïda[1]. Deux attaques terroristes menées en 1995 et 1996 contre les forces militaires américaines postées en Arabie saoudite ont fait 24 morts et des centaines de blessés.

Le royaume ultraconservateur saoudien de la péninsule arabique est l’un des principaux alliés et clients, au Moyen-Orient, des pays occidentaux. Berceau du wahhabisme et régi par la charia, sa version rigoriste de l’islam est accusée d’inspirer l’extrémisme sunnite, dont celui des djihadistes de l’État islamique. Sa défense a été d’en accuser le Qatar, mis au ban diplomatique en juin 2017. Très critiqué sur la question des droits de l’Homme, c’est l’un des pays qui pratique le plus la peine de mort, avec 153 exécutions en 2015. Le prince héritier Mohammed ben Salmane, dit « MBS », a consolidé son pouvoir et bousculé l’ancienne gouvernance du roi Salmane, son père, en lançant en novembre 2019 une purge sans précédent de dizaines de personnalités du monde politique, des affaires, et même des membres de la famille royale[2].

L’Arabie saoudite a toujours appuyé le droit à un État palestinien et a systématiquement réclamé le retrait israélien des territoires palestiniens occupés par Israël en 1967. L’Arabie saoudite n’a pas joué de rôle militaire important dans les guerres arabo-israéliennes : des troupes peu nombreuses ont pris part à la guerre de 1948, et l’Arabie saoudite n’a participé à aucune des guerres subséquentes (1967, 1973, etc.). Toutefois, depuis la guerre de 1967, l’Arabie saoudite verse des fonds annuels à l’Égypte, à la Jordanie et à la Syrie pour soutenir ces économies affaiblies par l’effort de guerre[3]. Lors de la guerre arabo-israélienne de 1973, l’Arabie saoudite a participé à l’embargo pétrolier influent contre les États-Unis en réaction à l’appui américain à Israël. L’Arabie saoudite, à l’instar de la plupart des pays arabes, a condamné la signature par l’Égypte d’un traité de paix avec Israël en 1978.

En 2002, la Ligue arabe a adopté l’initiative arabe de paix proposée par l’Arabie saoudite, laquelle prévoit la reconnaissance pleine et entière d’Israël et la normalisation des relations à condition qu’Israël se retire jusqu’à ses frontières de 1967, trouve une solution juste à la crise des réfugiés palestiniens et accepte l’établissement d’un État palestinien souverain[4]. Cette proposition a été réaffirmée par la Ligue arabe en 2007, mais ni Israël ni les États-Unis n’en ont fait grand cas[5].

L’avènement au pouvoir de Salman ibn Abdolaziz, l’actuel roi de l’Arabie Saoudite, a entraîné un certain nombre de changements profonds dans la structure politique, sociale et culturelle de ce pays, ayant un impact profond sur les questions régionales et internationales. Un des effets de ce changement a été un tournant progressif au profit de la troisième génération de la famille saoudienne en vue de préserver le pouvoir monarchique au sein de la famille Salman et la nomination en tant que prince héritier de Mohammad ibn Salman fils de Salman ibn Abdolaziz, parallèlement à la répression des prétendants parmi les autres branches de la famille. Ce changement de cap a produit de nombreux effets dans le climat culturel, politique et social de l’Arabie Saoudite.

Au moment de son avènement sur le trône, Salman ibn Abdolaziz a fixé les principes de la politique étrangère de l’Arabie Saoudite conformément aux critères suivants :

« Le renforcement des relations avec les pays limitrophes du Golfe Persique et la péninsule arabique, le respect du bon voisinage et de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, le soutien aux relations avec les pays arabes et islamiques et la consolidation de leurs intérêts communs, l’adoption d’une politique d’impartialité en vue de consolider les relations de coopération avec d’autres pays »[6].

Ce sont là une partie des principes annoncés dans la politique étrangère de l’Arabie Saoudite sous le règne de Salman ibn Abdolaziz. Il fut convenu que les Saoudiens opteraient pour une plus grande souplesse dans leurs discours religieux et leurs actions de bienfaisance. En renforçant progressivement son pouvoir dans les domaines politiques et économiques, Salman ibn Abdolaziz, théoricien de la politique intérieure et internationale de l’Arabie saoudite a assuré sa mainmise sur le contrôle du pays. Or, en raison de sa personnalité, il a entamé des actions qui étaient en contradiction absolue avec les bases de la politique étrangère des Saoudiens. C’est la raison pour laquelle nous constatons qu’aujourd’hui, soucieux de renforcer sa participation à la mise en place des projets des États-Unis et d’Israël, il poursuit la guerre au Yémen, continue le blocus de Qatar, intensifie les différends avec les groupes palestiniens et accélère la tension avec le Koweït, l’Oman, la Jordanie et l’Égypte.

Durant ces dernières années, l’Arabie saoudite, sous le nouveau pouvoir, a connu de nombreuses crises internationales dont la plupart puisent leur source dans la mauvaise politique des autorités de ce pays. Certaines de ces crises peuvent être énumérées comme suit :

L’intervention militaire au Yémen en 2015[7] ayant conduit à l’érosion de la puissance militaire et du budget de l’Arabie saoudite, provoque une crise humanitaire dans ce pays et conduit à l’augmentation du ressentiment général au sein de l’opinion publique mondiale à l’égard de l’Arabie saoudite. L’exécution du Cheikh Namar Bagher Alnamar, dignitaire chiite de ce pays en janvier 2016, assassinat dont les conséquences ont largement dépassé les frontières de ce pays, a conduit à des embarras et des affrontements régionaux ayant l’Arabie saoudite pour cible et dévoilant ses mensonges quant au respect des principes des droits de l’homme au niveau international. Cet acte a été l’une des raisons de la rupture des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite.[8]

La crise intervenue entre l’Arabie saoudite et le Qatar en 2017[9] a conduit à la rupture des relations entre Riyad et Doha et à l’interruption des liaisons terrestres et aériennes. Bien que cette rupture ait affaibli le Qatar en tant que rival traditionnel de l’Arabie saoudite, elle a porté gravement atteinte à l’Arabie saoudite et à ses alliés. Par sa poursuite, cette crise a préparé le terrain à une plus grande intervention des États-Unis dans la région et la vente d’armements aux deux belligérants.

L’arrestation de Saad Hariri, le Premier Ministre libanais en novembre 2017 lors de son voyage à Riyad[10] est un autre exemple de crise provoquée par l’incompétence diplomatique du nouveau pouvoir à Ryad. Un mois plus tard, sous les pressions internationales, Hariri était libéré et, une fois de retour, retirait sa démission.

La crise diplomatique avec le Canada suite aux critiques des autorités d’Ottawa concernant la situation des droits de l’homme en Arabie saoudite a conduit à l’expulsion de l’ambassadeur du Canada et la suspension des liaisons aériennes saoudiennes ainsi que le départ des étudiants saoudiens résidant au Canada[11].

L’assassinat de Jamal Khashoggi, journaliste saoudien opposant dans le consulat saoudien en Turquie, a porté, outre l’atteinte au prestige de l’Arabie saoudite, des dommages de plusieurs centaines de millions de dollars suite à la sortie des capitaux étrangers de l’Arabie saoudite et le blocus imposé contre ce pays[12]. Ceci, alors que dans les perspectives stratégiques de Mohammad ibn Salman, l’augmentation des investissements étrangers constituait un objectif à l’horizon 2030.

L’appréciation erronée par le régime de Al Saoud des évolutions et des soulèvements populaires dans différents pays arabes et africains et l’ingérence dans les affaires intérieures de ces pays, a principalement renforcé la colère des peuples de ces pays à l’égard des politiques de Riyad.

Les raisons de l’insuccès de la politique étrangère saoudienne

Depuis plusieurs décennies, la politique étrangère de l’Arabie saoudite souffre de l’affaiblissement et de la vieillesse des autorités politiques de ce pays. Cependant, sous le règne de Malek Salman, au cours des quatre dernières années, grâce au désir du pouvoir saoudien et à l’approbation du gouvernement américain pour le transfert du pouvoir aux mains de la nouvelle génération, Mohammad ibn Salman devint prince héritier et, dans ce cadre, de nombreux appareils dépendant du pouvoir, furent placés sous son égide. Ainsi, une vague effrénée de rajeunissement a envahi les équipes, les objectifs politiques et les plans exécutifs de l’Arabie saoudite. Mohammad ibn Salman n’avait que 32 ans lorsqu’il a réussi à écarter ses rivaux puissants et traditionnels à l’instar de Mohammad ibn Nayef de la scène politique de l’Arabie saoudite pour devenir lui-même héritier du trône. Outre le fait que dans l’ancien système monarchique aucune importance n’était accordée à cette couche de jeunes princes saoudiens, il ne disposait pas d’expérience significative sur la scène politique de ce pays à l’exception des deux années passées sous le règne de son père.

L’inexpérience politique de ce jeune saoudien, conjuguée au comportement et au caractère idéaliste et ambitieux de Mohammad ibn Salman ont introduit une mixture amère de décisions affectives et passives dans la politique étrangère de l’Arabie saoudite. Des projets dont le pouvoir saoudien s’efforçait de démontrer leurs avantages dans les domaines militaire, économique et culturel ont vu le temps démontrer leur inanité, alors qu’ils ont coûté des milliards de dollars à l’État saoudien. En guise d’exemple, il convient de signaler la campagne militaire saoudienne au Yémen présentée comme devant aboutir dans le délai d’un mois et qui entre maintenant dans sa sixième année. Outre les lourdes dépenses économiques et militaires engagées, aucun horizon ne se dégage vers la perspective d’une victoire saoudienne. Au contraire, Riyad tente de sortir de ce bourbier de manière honorable sans avouer sa défaite.

L’objectif 2030 et la création de la cité post moderne Neom entamée avec des dépenses s’élevant à plusieurs centaines de milliards de dollars, a démontré sa futilité deux ans plus tard, de sorte que Salman ebn Aziz, le monarque d’Arabie saoudite a mis un terme à la vente de 5 % des parts de la société pétrolière Aramco qui devait financer ce projet faramineux à l’horizon 2030. Ce faisant, selon certaines sources, le contrôle de Mohammad ben Salman sur certains milieux économiques saoudiens a fortement diminué.

L’examen des résultats obtenus en matière de la politique étrangère de l’Arabie saoudite depuis l’avènement de ben Salman traduit le fait que ses décisions personnelles n’ont pas conduit au renforcement des relations entre Riyad et les autres pays du monde et même les pays arabes limitrophes. Bien au contraire, elles ont été accompagnées de tensions, de ruptures des relations et même de campagnes militaires contre d’autres pays.

Les effets de la politique étrangère improvisée de ben Salman ont éloigné, l’un après l’autre, les anciens alliés de l’Arabie saoudite. En effet, le facteur du déclin de la politique étrangère de l’Arabie saoudite réside dans le caractère même d’un prince jeune et inexpérimenté qui a pris les rênes du pouvoir dans ce pays. Ben Salman a un comportement individualiste qui prend des décisions sans consultation dans les domaines vitaux du pays et, lorsqu’il est en colère, ne recule devant aucune décision scandaleuse.

Par ailleurs, Ben Salman cherche de temps en temps à provoquer une crise au niveau national ou international afin de s’attirer les attentions et rester ainsi en tête des affiches des médias.

La dépendance politique vis-à-vis des États-Unis

Un des éléments agissant sur la politique étrangère de l’Arabie saoudite réside dans le soutien apporté par les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, à ce pays et sa dépendance vis-à-vis des projets américains dans la région. Ces relations remontent à la visite du Président américain Roosevelt avec Abdolaziz Ben Saoud, fondateur du nouvel État de la famille Saoud en Arabie.[13]

L’Arabie saoudite compte principalement sur les États-Unis afin d’assurer sa sécurité, renforcer son influence régionale et garantir la pérennité de la monarchie de la famille Saoud. Le facteur pétrole a joué un rôle prédominant et mystérieux dans les relations d’intérêt entre l’Arabie saoudite et les États-Unis qui a conduit ces derniers à garantir la sécurité de la première.

L’Arabie saoudite englobe une partie non négligeable des réserves pétrolières du monde, dispose d’une position stratégique dans trois routes maritimes internationales et constitue un des plus grands marchés de consommation pour les marchandises économiques et les équipements militaires. Ces raisons lui confèrent un statut très attractif aux yeux des hommes politiques américains. En outre, la convergence des objectifs et des buts de la politique étrangère de Riyad avec les États-Unis au cours des dernières décennies a accordé une importance particulière aux rapports et aux relations entre ces deux pays. En échange, les Saoudiens comptent sur le soutien américain pour maintenir le pouvoir de la famille Saoud sur le trône malgré leur position anti-démocratique et les dangers régionaux qu’ils envisagent comme une menace.

Conformément à cette stratégie, au cours des dernières décennies, l’Arabie saoudite n’a pas été capable de résister face aux décisions américaines et pendant la guerre froide a toujours affiché son opposition face aux rivaux de Washington.

Comptant sur le soutien américain, l’Arabie saoudite a formé une nouvelle alliance dans la région contre l’Iran et tente, notamment grâce à une campagne financière dirigée vers les autres pays de la région, de les entraîner dans ses politiques régionales agrées par les États-Unis.

Tout en étant lié au système occidental, l’Arabie saoudite tente de se donner une influence considérable au sein du monde arabe et des pays musulmans. À cet effet, elle utilise ses énormes revenus pétroliers et son rôle actif au sein des organisations régionales telles que la Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe Persique et l’Organisation de coopération islamique.

L’Arabie saoudite est le plus grand importateur d’équipements militaires au Moyen-Orient, dont une part importante des exportations militaires américaines. Grâce à sa politique d’iranophobie, les États-Unis ont transformé l’Arabie saoudite en une base de son expansion économique. Compte tenu de nombreux contrats financiers et économiques s’élevant, au cours des dernières années, au montant sans précédent de 450 milliards de dollars, l’Arabie saoudite a joué un rôle considérable dans la sortie de crise économique des États-Unis.

La dépendance de l’Arabie saoudite vis-à-vis des États-Unis est telle que les décisions stratégiques de pays, même contraires aux intérêts de Riyad, sont liées aux injonctions de la Maison Blanche. L’exemple flagrant est celui de l’augmentation des exportations pétrolières saoudiennes réclamées par les États-Unis en vue de compenser la baisse des exportations pétrolières iraniennes et a permis la baisse du prix du pétrole. Compte-tenu de l’importante insuffisance budgétaire de l’Arabie saoudite, cette politique a fait subir des dommages considérables à l’économie de ce pays.

C’est en raison de cette dépendance que Donald Trump, malgré les relations stratégiques avec les autorités saoudiennes, poursuit son comportement abaissant et humiliant à l’encontre des autorités saoudiennes. Le comportement de Donald Trump, contraire aux principes et aux critères diplomatiques à l’égard du régime saoudien, semblent provenir en premier lieu, de son caractère particulier. Or, ce comportement démontre que dans les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, cette dernière se trouve dans une grave situation d’infériorité.

En effet, les relations entre l’Arabie et les États-Unis ne s’inscrivent pas dans celles qui régissent deux pays fondés sur des valeurs communes. Au contraire, elles traduisent une relation basée sur des rentes et des intérêts qui peuvent se modifier à chaque instant. L’objectif visé par les États-Unis est celui d’assurer la sécurité d’approvisionnement en pétrole des marchés internationaux.

Politique extrémiste à l’égard des voisins

Durant ces dernières années, Riyad a fondé un des principes structurels de sa politique étrangère sur l’intervention directe dans les affaires intérieures des pays voisins pour, ainsi, hisser l’Arabie saoudite au rang de puissance principale de la région. Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, ben Salman a subi de lourds échecs.

Plus le pouvoir de la famille Saoud à Riyad dépend de la politique américaine dans la région, plus elle tente d’imposer son hégémonie sur les pays arabes et musulmans de la région. Mohammad ben Salman a suivi la politique du « tout ou rien » et demande aux pays voisins de suivre les plans de Riyad. Dans le cas contraire, il conviendrait de cesser toute relation avec eux. Un des exemples flagrants dans ce domaine réside dans la crise actuelle entre Qatar et l’Arabie saoudite survenue à la suite des désaccords entre les deux pays dans certains dossiers régionaux.

L’Arabie saoudite qui a placé tous ses œufs dans le panier de dépendance vis-à-vis de l’Occident, ne veut guère investir sur le potentiel de l’union des pays musulmans de la région pour leurs intérêts communs. Au contraire, elle tente d’inscrire la stratégie de ces pays dans la conformité avec les plans américains et occidentaux qui, dans certains cas, sont mêmes contraires aux intérêts nationaux de l’Arabie saoudite. La motivation principale de ce comportement saoudien est celle de pérenniser le pouvoir de la famille Saoud en Arabie. Conscient de cet état de fait et en l’exploitant, le Président américain a, à plusieurs reprises, déclaré que sans le soutien américain, Riyad ne pourrait survivre même pas une semaine face à ses opposants intérieurs et régionaux.

Les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran sont un autre élément de cette hégémonie et dictature régionale. Plus l’Iran a assoupli ses positions dans les dossiers régionaux pour s’approcher de Riyad, plus ce dernier s’est entêté dans ses politiques agressives. Sans nul doute, les États-Unis continuent à exploiter cette situation en vue d’augmenter ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite, aux Émirats et aux autres régimes dépendants du littoral du Golfe Persique. Cette politique de diktat est également percevable dans l’attaque militaire de l’Arabie saoudite contre le Yémen sous couvert de coalition militaire.

Lors d’une intervention ouverte dans les affaires intérieures de Yémen, l’Arabie saoudite a soutenu le président en fuite de ce pays et qui lui était inféodé, mais qui ne disposait pas d’assise populaire, a entamé une guerre de 6 ans contre le Yémen, provoquant des dizaines de milliers de victimes et la plus grande catastrophe humanitaire de l’époque contemporaine[14].

De même, Mohammad ben Salman n’a pas réussi à affaiblir le Hezbollah libanais en renversant le gouvernement de ce pays et n’a pas pu persuader l’organisation autonome de la Palestine à accepter le projet du président américain Donald Trump surnommé « L’accord du siècle »[15].

Pendant un laps de temps, l’Arabie saoudite a tenté de réaliser ces objectifs stratégiques grâce à des alliances avec certains pays à l’instar des Émirats et de Bahreïn. Or, au regard des positions saoudiennes et des actions divergeant visiblement entre ces pays dans certains dossiers, il est impossible que les hommes politiques des deux pays puissent arriver à une position commune. Bien que pourvus de techniques modernes et d’armements sophistiqués, les Émirats ne bénéficient pas d’une situation confortable pour préserver leurs intérêts à l’étranger.

Un des facteurs de l’impasse de la politique étrangère de l’Arabie saoudite peut être observé à travers le changement du poste de l’ambassadeur de ce pays aux États-Unis. Durant les derniers mois, occupant différents postes gouvernementaux, Rima Bint Bandar ebn Sultan, une tumultueuse femme saoudienne, est devenue le sujet des différents médias.

En tant que fille de Bandar ben Sultan, le plus ancien ambassadeur de l’Arabie saoudite aux États-Unis, ce poste lui a été transmis par Khaled ebn Salman Al Saoud, le frère cadet de Mohammad ben Sultan, âgé de 30 ans.

La courte durée d’occupation de ce poste par Khaled à l’ambassade de l’Arabie saoudite aux États-Unis et son rôle négligeable durant les deux dernières années dans les relations particulières entre l’Arabie saoudite et les États-Unis démontrent qu’il n’a pas pu jouer un rôle significatif dans ce poste et que la parenté avec la famille royale ne peut être considérée comme un critère déterminant dans l’attribution des postes gouvernementaux.

Personne n’ignore que la nomination de Rima au poste de l’ambassadrice de ce pays aux États-Unis, constitue non seulement son attachement aux politiques de Mohammad ben Salman, mais également un effort de Riyad en vue d’améliorer son prestige en accordant davantage de libertés aux femmes de ce pays. Et cela alors que des dizaines d’activistes politiques féminins qui depuis des années militent pour l’attribution des minimums de droits aux femmes en matière de droit de conduire ou de voyager, croupissent dans les prisons de la famille Saoud en subissant les pires tortures.[16]

Les conditions actuelles prévoient une mission extrêmement difficile à assumer pour la politique étrangère saoudienne. Riyad espère combler les dommages subis suite à ses politiques erronées. L’une d’elles a été l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, opposant saoudien et citoyen américain, tué dans l’enceinte du consulat de l’Arabie saoudite à Istanbul et dont le corps a été découpé avant d’être brûlé.[17]

Dans le cadre de ce dossier, nous pouvons observer que Riyad essuie de nombreuses critiques ; les analystes sont d’avis que même si les États-Unis, soucieux des accords portant sur des milliards de dollars avec l’Arabie saoudite, continuent à maintenir le silence, ils ne pourront pas s’y réfugier indéfiniment compte tenu de la pression de l’opinion publique et des opposants au gouvernement sans oublier le fait que Jamal Khashoggi a été un citoyen américain.

En outre, les tensions régionales atteignent des niveaux d’exacerbation maximale dans un grand nombre de dossiers où l’Arabie saoudite est directement partie prenante ; elle ne pourra s’en sortir honorablement. Le choix de la fille de Bandar ben Salman comme nouvelle ambassadrice de l’Arabie saoudite aux États-Unis et le remplacement du ministre des Affaires étrangères peuvent être considérés comme des moyens pour sortir de cette situation. Mais il semble peu probable que ces changements cosmétiques et à seule fin de communication puissent y remédier. Un autre défi pour l’Arabie saoudite est de réussir à justifier vis-à-vis de ses opposants les contrats militaires avec l’Occident et les États-Unis.[18]

La politique étrangère de l’Arabie saoudite se trouve également dans une impasse à propos de la guerre menée au Yémen, puisqu’elle ne peut persuader l’opinion publique mondiale de la légitimité de cette guerre. Sans doute, l’une des priorités de la nouvelle équipe diplomatique de l’Arabie saoudite consisterait à améliorer l’image de ce pays auprès de l’opinion publique internationale gravement atteinte à la suite de l’assassinat de Jamal Khashoggi, des crimes de guerre commis pendant la guerre au Yémen, en Syrie et au Bahreïn pour obtenir des nombreux pays qu’ils normalisent enfin leurs relations avec l’Arabie saoudite.

Par ces biais, l’Arabie saoudite tente de modifier sa vitrine de sa politique étrangère et ses activités diplomatiques. Mais les analystes relèvent que les relations entre l’Arabie saoudite et les États-Unis ne connaîtront pas de bouleversements particuliers suite à ces changements. De nombreux observateurs internationaux sont d’avis que les prises de décisions de l’Arabie saoudite sur le plan international se font aux échelons supérieurs et qu’elles sont gérées par le prince héritier Mohammad ben Salman et que si le changement d’un ambassadeur ou du ministre des Affaires étrangères constituent une modification provisoire dans la vitrine de la politique étrangère de Riyad, ils ne peuvent néanmoins rendre à l’Arabie saoudite son prestige perdu suite aux politiques extrémistes de ben Salman.

Pourtant soucieuses de mobiliser les régimes arabes de la région, les politiques de Mohammad ben Salman ont porté des résultats contraires et renforcé la mobilisation des opinions publiques qui expriment leur rejet face aux politiques régionales, les répressions et les crimes de ce pays dans la région. Ses politiques erronées ont engagé ce pays sur plusieurs fronts incontrôlables même par la puissance des pétrodollars saoudiens, parce que ces derniers ne peuvent répondre ni aux exigences de ces guerres ni aux rivalités locales et régionales complexes. Actuellement, presque toutes les puissances de la zone, de la Turquie à l’Iran en passant par le Qatar, la Syrie, l’Irak et même l’Égypte, nourrissent des animosités manifestes ou cachées à l’égard de Riyad. Ben Salman s’est créé, au-delà de ses moyens, un grand nombre d’ennemis sans pour autant choisir de bons alliés. Pour y répondre, il a choisi une nouvelle politique dangereuse, celle de la normalisation des relations avec Israël. Or, cette politique du jeune prince héritier attire des critiques de plus en plus nombreuses de l’opinion publique et renforce la position de ses rivaux.

Les observateurs relèvent que l’ensemble des analyses démontrent que si ben Salman poursuit ce chemin, il perdra probablement non seulement la chance de monter sur le trône de l’Arabie saoudite, mais mettra également en péril l’avenir politique de la famille saoudite. 


[1]. Blanchard, Christopher M., « Saudi Arabia: Background and U.S. Relations », Congressional Research Service, 14 juin 2010.

[2]. L’Express, 11 12 2019.

[3]. U.S. Department of State, « Background Note: Saudi Arabia », Bureau of Near Eastern Affairs, 5 avril 2010

[4]. « Text: Arab Peace Plan Background and U.S. Relations », Congressional Research Service, 14 juin 2010

[5]. BBC News, « Orthodoxy and Radicalism in Saudi Arabia », Center 2002, 22 mars 2005

[6]. Jeune Afrique 28 juin 2012 Laurent De Saint Perier

[7]. Le Monde, 25 Mars 2015 Hélène Sallon

[8]. Le Figaro 4.01.2016

[9]. Les Échos 5 décembre 2017 Adrien Lelièvre

[10]. France 24, le 06.11.2016 20h00

[11]. Le Figaro, le 6 Aout 2018

[12]. C News, le 14.12.2019

[13]. AFP, 21 10 2018, 15h38, « L’Arabie saoudite et les États-Unis, une relation basée sur la sécurité et le pétrole ».

[14]. Le 26 mars 2015 une coalition sous commandement de l’Arabie saoudite intervient militairement au Yémen pour rétablir le gouvernement de M. Hadi. Trois ans plus tard, cette campagne s’est fortement engagée pour mobiliser l’Égypte, la Jordanie, le Soudan, le Pakistan et le Maroc. La Ligue arabe a aussi exprimé un soutien total à cette coalition.

[15]. Le président palestinien Mahmoud Abbas a réitéré, lundi 2 février, son rejet du prétendu « accord du siècle » américain. « Nous rejetons le plan américain, et nous le rejetterons lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU », a déclaré Abbas dans un discours lors de sa présidence de la réunion hebdomadaire du gouvernement, à Ramallah.

[16]. La princesse Rima Bint Bandar bin Sultan bin Abdulaziz a travaillé comme conseillère au bureau de SAR le prince héritier. Elle a également travaillé comme sous-secrétaire à la planification et au développement à la General Sport Authority. Elle a obtenu son baccalauréat ès arts du Mount Vernon College de l’Université George Washington aux États-Unis en 1999 et est devenue la première femme à détenir une fédération multisports au Royaume grâce à son poste de présidente de la Fédération saoudienne des sports communautaires

Parmi ses réalisations, elle travaille aux côtés du ministère de l’Éducation pour établir une éducation sportive pour les filles dans les écoles et la participation des femmes à de nombreuses compétitions sportives. La princesse Rima Bint Bandar Bin Sultan a joué un grand rôle dans l’attention et la sensibilisation à un problème de santé majeur, le cancer du sein.

[17]. Après six mois d’investigations, une experte des droits de l’Homme de l’ONU a réclamé le 11 septembre 2019, l’ouverture d’une enquête sur la responsabilité du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, dans le meurtre de Jamal Khashoggi, estimant que les preuves étaient suffisantes.

[18]. Middle Est Eye : Frank Andrews le 5 avril 2019. Les États-Unis ont conclu pour au moins 68,2 milliards de dollars d’accords portant sur des armes à feu, des bombes, des systèmes d’armes et des entraînements militaires avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) depuis le début de leur guerre au Yémen – des milliards de plus que ce qui avait été rapporté auparavant – selon les données recueillies par un think tank américain.

Cette somme colossale inclut, pour la première fois, les accords d’armement tant commerciaux que gouvernementaux et montre que l’implication des États-Unis dans cette guerre désastreuse pourrait être plus importante que ce que l’on croyait. En fait, les dépenses en armement auraient pu financer dix-sept fois l’appel humanitaire lancé par l’ONU pour le Yémen en 2019 – qui s’élevait à 4 milliards de dollars.

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