Par: Farian Sabahi
Avril 2001
Dans la République islamique d’Iran, l’intérêt du régime est plus important que la loi islamique (dar johmur-e eslamie maslahat-e nezam az shariat mohemtar ast) et les contrats pétroliers en fournissent un bon exemple. Les événements récents en Iran précisent que l’élite administrative cléricale cherche à opérer sur le fil du rasoir: d’un côté, la capacité de Téhéran à développer des relations d’affaires industrielles et commerciales avec les associés européens qui ont émoussé en grande partie l’ effet des sanctions des États Unis. De l’autre, la réponse des factions Iraniennes à l’augmentation des relations commerciales internationales.
Ces relations commerciales sont principalement liées au sujet du pétrole. Les opérateurs internationaux entreprennent des projets de développement de gisements pétroliers et de gaz sous forme de contrats de rachats ou » buybacks « , où les promoteurs sont payés en pétrole. Plus en détail, selon les contrats de rachats signés jusqu’ à présent, les sociétés internationales agissent de manière semblable aux ingénieurs contractants. Quand la production est commencée, ils sont requis de remettre la responsabilité des opérations de nouvelles zones, ou de mettre en valeur les projets de redressement qu’ils ont développés, à la Compagnie Nationale de Pétrole Iranienne (NIOC).
Les contrats de rachats ont récemment été mis en cause. Les termes de tels contrats ont été discutés à la Conférence de Pétrole de l’Iran organisée le 4-5 novembre 2000 par l’Institut d’ Iran d’ Études d’ Énergie Internationales à Téhéran. La critique des contrats de rachats de l’Iran fut formulée dans un papier présenté par Bijan Mossavar Rahmani, Président de Mondoil Corporation. Selon lui, le contrat de rachat a eu « seulement un succès limité jusqu’ici parce que ce contrat ne représente pas la formule de choix risque – récompense, ni pour l’Iran ni pour les compagnies pétrolières «.
En même temps (novembre 2000), le réformiste qui a dominé un Parlement iranien – de plus en plus nationaliste (Majlis) a exprimé des inquiétudes sur le rôle joué par les compagnies étrangères dans le secteur pétrolier. Il a insisté pour débattre la validité des conditions de contrats de rachats pour de nouveaux projets afin d’aligner l’économie iranienne avec les marchés globaux. En février 2001 des obstacles parlementaires ont été levés: le Conseil du Discernement de l’Intérêt du régime, la plus haute cour d’appel législative d’Iran, a outrepassé la décision prise par le Conseil conservateur des Gardiens de la Révolution , selon laquelle les contrats de rachats ont soutenus une forme d’intérêt interdite en Islam, et a affirmé au lieu la légalité des contrats de rachats.
Le pétrole est la source principale de revenu de la République islamique et définit la lutte politique de l’Iran. Sur la scène internationale, l’attrait du pétrole en tant que ressource a amené l’Europe à coopérer avec la République islamique, et démantèle ainsi des sanctions des USA. Sur la scène intérieure iranienne, les contrats de rachats ont été utilisés comme une des nombreuses armes dans une lutte entre conservateurs et réformistes, et ont déployées des critiques du régime intérieur due au fait que, selon des interprétations strictes, les contrats de rachats ne sont pas conformes à la loi islamique.
L’Iran a la cinquième plus grande réserve prouvée de pétrole brut dans le monde (env. 90 bn de barils) et figure comme le deuxième producteur de réserves prouvées de gaz naturel (près de 23 trillions de mètres cubes) . La production de pétrole quotidienne est de 3.89 millions de barils. En 2001, le gouvernement projetait d’augmenter la production, mais en mars l’OPEP a approuvé une diminution d’un million de barils par jour (b/d) de son rendement, il s’agit de a deuxième grande réduction en quelques mois. La décision de l’OPEP vise à stabiliser les prix, et à obliger la République islamique à restreindre sa croissance de production cette année à 3.7 millions b/d de barils par jour. En conséquence, il n’y aurai aucune reprise de l’augmentation de production estimée à 9.5 % de la production produite pendant l’année 20002001.
Pendant ces quelques derniers mois, de nouveaux gisements de pétrole ont été trouvés. En février, NIOC a annoncé une découverte géante de pétrole en mer dans le Golfe, près d’Abadan, probablement aussi importante que la découverte récente à Azadegan (estimée à 26 bn de barils et des réserves récupérables de 5-6 bn de barils). Ces nouveaux gisements pétrolifères ont été mis en annonces publicitaires par la télévision iranienne afin de remonter le moral national qui a souffert face à un taux de chômage élevé.
À cette étape, l’Iran devrait développer de nouvelles découvertes de pétroles et de gaz, et maintenir la production de ses gisements de pétrole qui vieillissent et mûrissent rapidement. Un des problèmes de l’Iran est l’augmentation de la consommation d’énergie domestique intérieure. En fait, entre 1980 et 1999 la consommation de produits raffinés bruts, a plus que doublé. L’accroissement de la consommation chancelante a été causée par les facteurs suivants : le revenu accru des exportations de pétrole brut a créé la richesse, a permis la subvention de prix d’énergie et a encouragé la consommation par foyer ainsi que le gaspillage ; le quadruplement de la population nationale, de plus de 16 millions en 1951 à 65 millions en 1999; urbanisation.
L’Iran devrait diminuer ses dépenses de production et améliorer l’efficacité de sa gestion par l’acquisition à l’étranger de technologies avancées et de savoir-faire, étant largement derrière ses concurrents tels que l’Arabie Saoudite. Puisque le régime est incapable de supporter l’investissement avec ses capitaux domestiques intérieurs, il doit attirer des sociétés étrangères.
Pour pouvoir doubler la capacité de production de pétrole de l’Iran pendant les 20 prochaines années et exploiter ses réserves de gaz, Téhéran s’attend à demander entre 20 et 50 bn de dollars de capitaux étrangers. Dans ce contexte, les investisseurs internationaux fonctionneront principalement en amont. Cependant, avant l’entrée sur le marché iranien, les sociétés étrangères sollicitent une protection légale contre la nationalisation et d’autre des droits de garanties leur permettant de rapatrier capitaux et profits convertissables en devises fortes.
A part les échecs dus à la structure légale et aux restrictions constitutionnelles sur les capitaux étrangers, les sociétés internationales investissant en Iran doivent faire face à deux autres problèmes cruciaux. D’abord, le terme des contrats de rachats est perçu comme étant trop court, la période de retour sur investissement est de cinq ans, tandis que la durée d’un projet est généralement d’environ 7-10 ans. Deuxièmement, les retours sur investissements peuvent être plus faibles que prévus dû au débordement de coûts fragilisant ainsi les investisseurs.
Un autre facteur important qui doit être pris en considération dans l’analyse du secteur pétrolier iranien, à savoir les relations est le rapport entre l’Iran et les USA. En raison de sanctions imposées par Washington qui pénalisent les sociétés investissant plus de 20 millions de dollars en Iran, les sociétés américaines sont actuellement incapables d’investir en Iran. Tout en craignant les représailles du Bureau de Contrôle d’ Actifs Étrangers (OFAC), et ainsi scrupuleuses dans le respect de la loi, les sociétés américaines s’opposent de plus en plus aux sanctions contre l’Iran.
Dans le contexte des sanctions américaines, en 1995, la société américaine Conoco a perdu le développement du projet Sirri d’aménagement des gisements pétrolifères A et E, qui ont finalement atterri dans les mains du français Total. Chevron a récemment dû faire comprendre qu’il n’avait pas l’intention de faire une offre sur les Parts de gisement Sud 9-12. Inutile de dire que les sociétés américaines payent chèrement la politique américaine.
Le 14 mars, un fonctionnaire du Ministère des Affaires Étrangères a annoncé que : « le gouvernement américain devrait apprendre de ses politiques échouées et donc renoncer à une attitude contraire aux règlements internationaux. Les sociétés américaines sont celles qui perdent le plus par de telles sanctions » . En outre, Robert Pelletreau, ancien Secrétaire d’ État adjoint américain pour les questions du Proche et Moyen Orient a affirmé : « il n’y a aucun doute que les USA et l’ Iran peuvent vivre l’un sans l’autre. Ils ont fait ainsi pendant plus de deux décennies, cependant, je dirais que les deux nations s’en sont appauvries. Ce n’est pas ce type de rapport entre les deux pays que les dirigeants de l’un et de l’autre voudraient concevoir s’ils pouvaient repartir de zéro » .
Washington est entrain de mettre en oeuvre deux politiques contre l’Iran. Ainsi que déjà mentionnée, la première politique (de sanctions) a été démantelée par l’empressement de sociétés européennes à coopérer avec l’Iran. L’autre politique est plus efficace : les USA s’opposent fortement au passage des oléoducs et proposent la construction d’un oléoduc de 3 bn de dollars du Kazakhstan à Baku (Azerbaïdjan), jusqu’au terminal de Ceyhan sur les rivages méditerranéens de la Turquie. Ankara est un des principaux alliés américains dans la région et, comme cela fut largement annoncé par les médias internationaux, Ankara éprouve un grand besoin d’argent comptant pour surmonter sa crise financière et rembourser les prêts du FMI.
Le passage du pétrole par des oléoducs est une source de revenus et de royautés alors que le passage par le Bosphore est gratuit. Sur divers routes d’oléoducs les dépenses d’acheminement et de transport par baril diffèrent. L’option Baku-Ceyhan coûte 2.2 dollars tandis que l’option de Neka (le port de l’Iran sur la Mer Caspienne) au Golfe Persique est évaluée entre 1.2 et 2 dollars. Inutile de dire, que la position stratégique de l’Iran au carrefour entre le Moyen-Orient, le bassin de la mer Caspienne et l’Asie Centrale fait de son territoire, un des passages le plus efficace pour les oléoducs.
Selon Christophe de Magerie, le Vice-président de Total Fina Elf pour l’Exploration et la Production, « parmi les alternatives disponibles aujourd’hui (pour l’exportation pétrolière), deux sont plus sérieuses que d’autres, à savoir l’itinéraire vers le nord (en passant par le port de la Mer Noire russe de Novorossiysk) et l’itinéraire par le Turkménistan en Iran ». Et, il a ajouté que le choix de Total Fina Elf serait en passant par l’Iran.
Si les relations entre Téhéran et Washington n’étaient pas si tendues, les USA opteraient probablement pour le passage du pétrole par l’Iran. Dans un entretien récent le ministre des Affaires Étrangères iranien Kamal Kharrazi a déclaré qu’il y a « des chances d’ un changement de politique de la nouvelle administration américaine » vis-à-vis de l’Iran, mais a averti « qu’il est trop tôt pour juger » .
En réalité, à part les oléoducs passant par l’Iran, l’option la plus efficace pour la République islamique est actuellement l’échange de pétrole avec ses voisins du nord. C’est le système par lequel les exportations des Républiques ex-soviétiques à l’Iran seraient indemnisées par des volumes équivalents à ceux du Golfe Persique. C’est une option commode pour l’Iran parce que la grande majorité de sa population est concentrée dans des zones urbaines au nord du pays. Le besoin d’énergie est ainsi concentré au nord, alors que les gisements de pétrole les plus riches sont au sud, le long du Golfe Persique.
Le coût d’agencements d’échange pétrolier entre l’Iran et la Mer Caspienne est estimé être seulement de 2 dollars par baril et représente ainsi une solution financièrement avantageuse du problème de transport . Jusqu’ici, des échanges bruts ont été arrangés avec le Kazakhstan : le pétrole a été expédié au port iranien de Neka sur la Mer Caspienne pour une livraison à la raffinerie de Téhéran, en échange de quantités équivalentes de brut iranien pour le chargement à l’ Île de Kharg (dans le Golfe Persique). Cependant, l’entente fut arrêtée en raison du haut contenu de mercaptan du brut Kazakh . Selon Téhéran, les raffineries iraniennes pétrolières ont besoin d’une rénovation sérieuse pour être capable de traiter les catégories Kazakhes .
En même temps, les échanges par l’Iran ont été entrepris du Turkménistan. L’oléoduc a une capacité de 40.000 b/d barils par jour, qui a été rehaussé de niveau à 100.000 b/d barils par jour. Pendant que les affaires se développent, un projet est mis en étude pour un oléoduc de 350.000 b/d barils par jour. En fait, le Président Kazakh Nursultan Nazarbayev a demandé à Total Fina Elf et à la société italienne Agip de considérer un projet de transport à l’extérieur de l’arrangement Baku-Ceyhan .
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Malgré les sanctions américaines contre Téhéran, renouvelées par le Président américain George W. Bush, le 13 mars, beaucoup de pays ont montré un intérêt au pétrole iranien. Lors de la 14ème enquête annuelle effectuée pour des clients par des consultants d’exploration anglais de Robertson International de Llandudno, l’Iran fut évalué comme le second pays le plus attrayant pour les compagnies de pétrole internationales à l’occasion de nouvelles activités d’entreprises, juste derrière la Libye et avant l’Algérie.
L’Europe est entrain de ronger la part de gâteau pétrolier iranien à l’Amérique. Entre la fin du mois de février et le début du mois de mars, les dirigeants iraniens ont reçu le Premier ministre italien Giuliano Amato, le ministre britannique du Bureau du Cabinet Marjorie Mowlan – la mission diplomatique britannique la plus importante en Iran depuis la Révolution de 1979 – ainsi que d’autres fonctionnaires de haut rang venant de Cuba, de l’Ukraine, de l’Autriche, de Chypre, de Turquie, de Pologne et de Bahrayn. D’autres pays sont également impliqués : pauvre en ressources énergétiques, le Japon a développé une politique précise envers l’Iran et a signé des contrats.
Parmi d’autres, l’Italie a jusqu’ici bénéficiée d’ une position privilégiée. Tandis que l’Allemagne reste le fournisseur le plus important de l’Iran, en l’an 2000 l’Italie a amélioré sa position de meneur en devenant le premier partenaire de l’UE avec Téhéran avec des ventes totales de 3.3 bn d’euros, consolidées par une dernière augmentation de 25 % des exportations italiennes d’une valeur de 842 millions d’euros. En outre, en l’an 2000 les importations italiennes de pétrole brut iranien sont montées à 11.7 %.
La position pôle de l’Italie est due en partie aux liens historiques, et en partie aussi, aux relations politiques développées ces dernières années. Rome a une forte expertise dans des missions difficiles ainsi qu’une longue tradition d’ouverture vers des pays isolés. En mars 1998, le ministre des Affaires Étrangères italien, Lamberto Dini, a visité l’Iran, suivi trois mois plus tard par le Premier ministre Romano Prodi, et a ainsi obtenu l’ouverture des portes de la République islamique. En mars 1999, le Président iranien Muhammad Khatami a fait un voyage officiel à Rome, sa première visite dans un pays occidental depuis qu’il avait été élu en mai 1997.
Le 16 janvier 2001, le ministre des Affaires Étrangères italien, Lamberto Dini, a rencontré à Rome son homologue iranien Kamal Kharrazi. Ils ont défini les rapports entre les deux pays comme étant « excellents », non seulement en ce qui concerne les échanges commerciaux, mais aussi du point de vue politique et culturel. Dini a expliqué que l’Italie a joué un rôle principal dans la contribution d’un nouveau pays évaluant le du taux de risque de l’Iran. Il a aussi suggéré la possibilité de permettre l’immigration d’ouvriers iraniens.
Le 8 février 2001, le Président de la Société Nationale de Pétrochimie (NPC) et le Vice-ministre du pétrole Muhammad Reza Nematzadeh ont participé à un séminaire à Milan organisé par la NPC, Federchimica et Istituto per il Commercio Estero (ICE) sur les potentiels et les perspectives de l’industrie pétrochimique iranienne. Le haut potentiel de ce secteur étant exposé, il a été noté que les investissements de SACE (l’agence d’assurance italienne pour les exportations) en Iran sont actuellement insuffisants.
Dans un entretien, Nematzadeh a déclaré que depuis 1997, deux phases ont été conclues dans le projet de développement de l’industrie iranienne pétrochimique visant à amener sa capacité de production de 15 à 40 millions de tonnes. La troisième phase vient de commencer et suppose se terminer vers la fin de l’année 2005. Ce développement est concentré sur des activités en aval et peut compter sur un marché intérieur de consommation de 65 millions de personnes. Le coût total est de 10 bn de dollars. L’investissement principal sera payé par la NPC, alors que 20 % seront couverts par des entreprises communes (joint-ventures) avec des sociétés étrangères, parmi lesquelles des sociétés italiennes bénéficiant d’un rôle privilégié.
Selon Guido Venturini, le directeur de Federchimica, les sociétés italiennes jouent un rôle significatif en Iran en raison de trois facteurs. D’abord, puisque l’Italie a besoin de produits chimiques de base, avec le développement de l’industrie chimique, Téhéran a le potentiel de devenir un associé important pour Rome. Deuxièmement, des marchés locaux offrent des occasions intéressantes et, troisièmement, l’Italie joui de bonnes relations diplomatiques avec la République islamique.
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L’autre versant de la lame de couteau, sur lequel l’élite administrative iranienne fonctionne, concerne la réaction des factions, en Iran, face à l’augmentation des relations d’affaires industrielles et commerciales entre l’Iran et l’Europe. Fin février, le Premier Ministre italien Giuliano Amato et le Ministre de l’Industrie Enrico Letta ont voyagé à Téhéran. Leur voyage a eu une signification particulière puisqu’il s’est déroulé pendant une période très délicate. En fait, pendant la dernière année, l’élite administrative cléricale des conservateurs dirigée par le Guide Suprême Ali Khamenei – et contrôlant le Conseil de Gardiens, le Conseil du Discernement de l’Intérêt du régime, les Gardes Révolutionnaires, le pouvoir judiciaire, l’armée et l’appareil de sécurité – ont fermé environ trente bureaux de presse et ont jeté des dizaines de journalistes et d’intellectuels en prison. Parmi d’autres, la cour révolutionnaire a mis en doute Ahmad Bourghani, haut fonctionnaire du Ministère de la Culture et des Conseils Islamiques, qui est aussi le Président de l’Association d’ Amitiés entre l’Italie et l’Iran.
Perçu – par les médias et députés italiens – comme une violation des droits de l’Homme, Amato et Letta étaient demandé d’annuler leur voyage en République islamique. Grâce à un compromis avec les forces politiques intérieures et la communauté des affaires, ils ont pu se rendre en Iran, mais ont dû écourté leur visite : « une mission qui devait durer deux ou trois jours fût » brûlée » en quelques heures. Néanmoins, le temps était suffisant pour Giuliano Amato et le Président iranien Muhammad Khatami pour parler de démocratie, des droits de l’Homme et des affaires». Encore une fois, les politiciens italiens ont fourni un bon exemple de Realpolitik.
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En outre la présence de petites et moyennes entreprises faisant des affaires avec des homologues iraniens, la présence économique italienne est liée aux produits pétrochimiques. Par exemple, ensemble avec l’Ingénierie LG de la Corée du Sud, on a attribué à l’Italien Snamprogetti des contrats d’ingénieur pour construire une usine de production de carbone monoxyde et une usine acétique dans la zone spéciale de Bandar Khomeyni. Pour les licences, l’ingénierie, le matériel, l’équipement et l’assistance technique, Snamprogetti recevra 40 millions de dollars pour un projet de 22 mois, à réaliser en association avec les consultants locaux de la firme Sazeh. Récemment l’Italien Saipem a proposé à l’Iran et à l’Inde la construction d’un gazoduc direct qui économiserait au moins 2.000 millions de dollars, en comparaison avec des propositions d’autres modes d’acheminement.
Parmi les acteurs italiens, ENI joue le rôle principal. Jusqu’en 1995, ENI détenu par le monopole public intérieur du gaz, le programme ENI a d’abord été lancé en novembre 1995. En tant que partie de son programme de privatisation, on attend l’accord du Ministère Italien des Finances, pour se défaire des 30.4 % de participations restants à l’ENI. Selon le » Times « , l’italien ENI « se hérisse maintenant avec des objectifs d’une performance attrayante pour la croissance de production, et appliquerait des diminutions de coût sévères pour engendrer des profits supérieurs à 2003 », ceci, « étant donné que le total de l’année dernière a donné lieu à un bénéfice et un bénéfice net qui a doublé de 5.77 milliards à 10.77 milliards respectivement, et que les ventes sont montées en flèche de 55 % jusqu’à 47.9 milliards. ENI a gagné de la crédibilité comme une société faisant du profit dans la Grande Ligue Pétrolière ».
La stratégie de l’ENI peut être résumée par son PDG Vittorio Mincato : « les grandes fusions n’ont pas changé les problèmes de base de l’industrie pétrolière ». En fait, au lieu de fusionner comme d’autres grandes sociétés pétrolières l’ont fait, ENI a préféré passer à l’acquisition de Bornéo Britannique et Lasmo, tenant toujours son rang parmi les géants pétroliers. ENI a gardé sa propre identité et s’est concentré sur des investissements.
Dans quels pays fonctionne l’ENI ? Ses intérêts vont loin au-delà du marché italien et du bassin de la Méditerranée. Le marché italien en amont est mûr et son aval devient de plus en plus étroit. Selon des analystes, le nombre de stations à pompes diminuent et leurs ventes annuelles diminueront de 1.5 à 2.5 millions de litres. En même temps, leurs nombres devraient augmenter en Amérique du Sud (le Brésil) et dans les pays voisins de l’Italie, tel que la France, la Suisse, le sud de l’Allemagne et l’Autriche.
Ces dernières années le marché italien a représenté 60 % des profits de l’ENI et les autres marchés les 40 % restants. Dans un proche avenir, ENI projette de compter sur des marchés étrangers pour 70 % des profits. Les nouvelles frontières de l’ENI se déploient aussi loin qu’ en Asie Centrale, en Indonésie, en Mer du Nord, le Golfe du Mexique et en Afrique Occidentale. Dans ce cadre, l’Iran peut représenter 6 à 8 % des réserves de l’ENI, juste derrière la Libye, ceci étant dû également à l’accord de juillet 2000, avec NIOC, pour le développement des quatrième et cinquième phases du gisement pétrolier au Sud du Golfe Persique .
Selon Mincato, la présence de l’ENI en Iran est « le résultat d’une action silencieuse, constante et articulée » . En fait, l’ENI, a délaissé l’Iran en 1979. Les sanctions américaines ont imposé des désavantages majeurs aux sociétés américaines. À ce moment, AGIP, qui appartient à ENI, a signé les premiers accords pour les gisements pétrolifères de Doroud, la grande exploitation de gaz dans la Partie (Pars) Sud du Golfe Persique (juillet 2000), et pour l’obtention d’un contrat récent à Balal. Bientôt, ENI aura, en Iran, des « contrats de rachats » pour une valeur de 400 millions de barils.
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Les pays étrangers ne fournissent pas seulement des investissements directs à la République islamique. En fait, selon le Ministre Délégué Iranien de l’ Énergie, Muhammad Reza Na’amat, qui est aussi le Directeur Général de la Société des Produits Nationaux Pétrochimiques iraniens (NPC), les gouvernements de l’Italie, de l’Allemagne et de la France ont accordé à l’Iran des prêts pour un montant total de 550 millions de dollars, afin de développer l’industrie de produits pétrochimiques, avec une attention spéciale sur la formation professionnelle du personnel . En outre, en février 2001, la Banque Nationale d’Italie Banca Nazionale del Lavaro a signé avec la Banque iranienne Markazi Jomhuri pour 100 millions de dollars de lignes de crédits couvertes par SACE (l’agence d’assurance italienne pour les exportations) afin de financer 85 % des contrats d’exportation vers l’Iran, impliquant des petites et moyennes entreprises italiennes.
Quelles sont aussi les conséquences du secteur de l’énergie sur la politique intérieure iranienne ? Puisque le prix du baril a une énorme influence sur le budget du gouvernement, le pétrole a un impact énorme sur la mise en oeuvre de la politique intérieure. L’arrivée de Khatami au pouvoir, en août 1997, a coïncidé avec une baisse importante du prix du pétrole qui a atteint 10 dollars par baril. Un tel prix aussi bas a entraîné l’arrêt de quelques projets liés au développement de la production, ainsi qu’enrayer des stratégies à court terme en vue de créer des opportunités d’emploi. De surcroît, Khatami a dû faire face à une sécheresse sévère ainsi que le paiement de dettes étrangères à court terme, laissées par le gouvernement Rafsandjani.
Plus en détail, quelles sont les conséquences politiques de l’appui international au front réformiste ? Un article conservateur a mis en doute l’appui Occidental aux réformistes, et a fait une référence explicite à l’ Italie : « Toutes les affirmations et déclarations publiées durant les deux dernières années par l’UE, le Parlement européen, les parlements occidentaux, et les gouvernements étrangers, ont condamné la situation des droits de l’Homme en Iran, et ont ouvertement soutenu des mesures de réformes et les réformistes. Le dernier exemple était la visite à Téhéran du Premier Ministre italien, qui a soutenu les réformistes en Iran ».
En même temps, un éditorial publié par l’hebdomadaire conservateur iranien, Shoma, a fortement critiqué le Président Muhammad Khatami pour sa franchise envers quelques pays européens, mais aussi pour s’être comparé à l’ex-Président russe Gorbatchev : « votre Excellence M. Khatami, aimez vous être un Président soutenu par l’Allemagne et l’Italie ? Ne devrions-nous pas avoir honte du soutien pourvu par des étrangers ? Aimez vous vraiment voir que la faction que vous avez choisie pour diriger votre gouvernement est louée et protégée par des médias étrangers ?. C’est l’Ouest qui a besoin de notre marché de 63 bn de dollars et de notre position stratégique ! ».
Comme mentionné au début de cet article, le pétrole définit la lutte politique de l’Iran. Cependant, l’incertitude politique et la pression de différentes factions représentent un risque. En fait, l’Iran est riche en réserves, mais son secteur d’énergie est caractérisé par un vieillissement des gisements de pétrole en grand besoin de technologies qui ne peuvent pas être fournies par les sociétés locales.
Quelles seront les conséquences des élections présidentielles du 8 juin sur le secteur pétrolier ? Tenant compte de la présence de deux factions principales – les réformistes dirigés par Khatami et les conservateurs (aussi appelé par les médias « le droit religieux ») représentés par le Guide Suprême Ali Khamenei – on doit se rappeler que tous ceux qui auront le droit de poser leur candidature aux élections appartiendront, d’une façon ou d’une autre, à l’établissement politique. En fait, les candidats doivent être approuvés par le Conseil des Gardiens.
Khatami doit encore confirmer sa présence sur la scène politique pour sa réélection, mais ses adversaires reconnaissent « les dégâts que la perte de M. Khatami causerait à la légitimité intérieure de la République islamique ainsi qu’a la crédibilité externe ». Le retrait de Khatami de la scène politique pourrait mener à l’apparition d’un mouvement de réforme radical ne voulant pas « accepter un compromis avec l’élite cléricale, et prêt à prendre en considération les demandes d’une révision rivale du système politique dans la rue ».
En tout cas, on ne peut éviter d’observer deux faits. D’abord, bien que le Président Muhammad Khatami ai passé dix ans à Hambourg en tant qu’imam de la mosquée locale Chia, avec un passeport diplomatique de la monarchie iranienne, il est un produit de la Révolution Islamique de 1979. Il est plus attrayant pour la jeunesse iranienne ainsi que pour les étrangers et, quoique « l’habit ne fait pas le moine », il porte toujours le costume des cléricaux mollahs.
Cependant, en trois ans et demi à la tête des affaires, Khatami n’a jamais osé faire un discours fort contre l’emprisonnement continuel des journalistes et des intellectuels. Dans le meilleur des cas, il a exprimé « ses regrets ». Il est vrai, que Khatami n’a pas bénéficié des faveurs de Khamenei comme son prédécesseur Rafsandjani : le Président réformiste n’a pas été régulièrement responsable de la prière du vendredi, et on lui a seulement permis de courtes apparitions à la Télévision Nationale iranienne contrôlée par des conservateurs.
Deuxièmement, en vingt-trois ans, une nouvelle élite est apparue. Ce nouvel uléma est devenu de plus en plus impliquée en politique et, pour s’enrichir ainsi que pour préserver leur pouvoir, ils ont développé de l’intérêt pour les activités économiques. Ils jouent maintenant un rôle principal dans le » bonyad » (fondations, ou conglomérats charitables islamiques), étant positionné dans une zone grise entre le secteur public et privé, et qui possèdent 80 % des actifs du pays, et produisent moins de 20 % du Produit National Brut.
Pour conclure, trois dernières considérations doivent être tenues en compte. D’abord, le pétrole est, et restera, la ressource principale de la République islamique. Cette réalité contraste avec les discours de l’élite cléricale au commencement de la Révolution, quand ils ont fortement condamné la dépendance aux exportations pétrolières comme une politique négative conduite par le schah. Deuxièmement, l’élite au pouvoir n’a aucun intérêt de manquer l’occasion de s’enrichir et d’augmenter ainsi leur puissance par la distribution de richesse à leurs filiales.
Troisièmement, la guerre Irak – Iran (1980-1988) a causé des dégâts sévères aux raffineries iraniennes. En conséquence, les produits pétrochimiques – comme l’essence pour l’aviation -doivent être importés. Étant donné le manque de technologie adéquate et la faiblesse du secteur iranien privé, dans les années à venir, la République islamique aura annuellement besoin de 10 bn de dollars d’investissements étrangers pour se maintenir, en ce qui concerne le développement de son secteur d’énergie, notamment pour la production de gaz. Dans les circonstances présentes, les « contrats de rachats » (buybacks) permettent aux sociétés étrangères de recevoir du pétrole pour des investissements, sans entrer en conflit avec la constitution interdisant des concessions minières aux étrangers.
12 avril 2001