S.E.M Salman ELHERFI, Ambassadeur, Chef de la Mission de Palestine en France
Résumé
Les Etats-Unis de Trump ont balayé l’idée d’une solution à deux Etats, consacrée par les Accords d’Oslo, entre Israël et la Palestine. Cette solution concentre pourtant les espoirs persistants du peuple palestinien. En plus de mesures symboliques visant à rassurer la droite israëlienne, les Etats-Unis resserrent l’étau financier et humanitaire autour des Palestiniens. Dans ce contexte, il est difficile de croire en la bonne intention et l’équilibre supposément affiché par l’Accord du Siècle. Quel avenir pour les négociations de paix ? Quelles perspectives cette politique laisse-t-elle pour le partage des territoires palestiniens ?
Summary
Trump’s United States have jeopardized the idea of a two-states solution, stated in the Oslo agreements between Israel and Palestine. However, this solution still raises the hopes of the Palestinian people. In addition to symbolic measures taken to reassure Israel’s right wing, the United States have been tightening the financial and humanitarian ties around Palestinians. In such a dire context, it has become difficult to believe in a supposedly well-intended and fair deal. How will it shape future peace negotiations? What outlooks and possibilities still remain regarding the sharing of Palestinian territories?
Comme vous le savez sans doute, les négociations de l’OLP avec les administrations américaines successives ont commencé en 1976. Ces négociations ont connu des hauts et des bas, et se sont déroulées en plusieurs étapes, passant par les négociations de Beyrouth jusqu’en 1982, celles de Tunisie entre 1985 et 1988, ou encore par l’accord jordano-palestinien et la déclaration d’indépendance de 1988. Les années 1990 ont elles aussi été marquées par les accords d’Oslo sous l’égide des Etats-Unis d’Amérique (1993).
Un changement radical et tragique a eu lieu en 2017, avec l’arrivée de Donald Trump à la tête de la Maison Blanche. Son administration a adopté une série de décisions à l’encontre de notre Peuple, à commencer par le transfert de son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, et la fermeture de son consulat à Jérusalem (une mission américaine auprès des Palestiniens y avait lieu depuis 1944). Trump a décidé en effet de considérer Jérusalem comme la capitale unifiée de l’Etat d’Israël, de fermer le bureau de l’OLP à Washington DC, abandonnant sa reconnaissance du peuple palestinien et de son représentant légitime, comme s’il s’agissait d’un peuple inexistant.
L’administration Trump signe et persiste. Elle déclare légitimes les colonies de peuplement israéliennes placées sous souveraineté israélienne. Autrement dit, elle accepte et légitime l’annexion des territoires palestiniens occupés par Israël, en flagrante violation des principes fondamentaux du droit international et de toutes les résolutions pertinentes de l’ONU, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies en tête.
L’administration américaine a effacé d’un trait de plume la question des réfugiés en redéfinissant le statut du réfugié palestinien en fonction de ses propres intérêts, mettant en doutant leur nombre (considérant qu’il n’y en avait pas plus de 200 000 en 1947, décédés aujourd’hui et ne pouvant hériter de ce statut). Parallèlement, cette administration exerce d’énormes pressions et de chantages sur les pays qui accueillent ces réfugiés afin qu’ils s’y installent de façon permanente et définitive, devenant à terme citoyens de ces pays d’accueil. L’administration américaine ne s’est pas arrêtée là, mais a appelé les Nations-Unies à réduire la part du budget de l’UNRWA, voire à supprimer l’organisme.
Dans sa guerre visant à affamer le peuple palestinien, le gouvernement Trump a coupé toutes ses contributions financières (840 millions de dollars par an) au budget de l’Autorité nationale palestinienne. Ces contributions constituent un engagement juridique des États-Unis au titre des accords conclus et non une aide ou un don, car elles correspondent au coût de l’occupation, payé par les pays donateurs à la place d’Israël, la puissance occupante chargée des besoins et du bien-être de la population sous sa domination, et ce en vertu des Conventions de Genève et des normes internationales. Cette administration partiale a coupé également l’aide aux institutions éducatives et médicales palestiniennes, visant plus particulièrement les hôpitaux de Jérusalem Est et les bourses octroyées aux étudiants palestiniens par les universités américaines aux États-Unis et à l’étranger.
Ne rencontrant aucune pression internationale, l’administration Trump poursuit son plan et donne sa bénédiction à l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain et des hauteurs de la Cisjordanie pour des raisons dites sécuritaires. Cela signifie in fine le plein contrôle par Israël de près de 85% de la Cisjordanie, et la mise à mort de la solution de deux Etats, car il ne restera plus que quelques ghettos palestiniens isolés en Cisjordanie, près du grand ghetto de Gaza. En fin de compte, Israël contrôlera effectivement 85% des territoires palestiniens occupés, contrairement à ce qui a été convenu au niveau international, à savoir la création d’un État palestinien aux côtés de l’État d’Israël sur tous les territoires occupés le 4 juin 1967, soit 22% de la Palestine historique. Rappelons que le plan de partage de l’ONU (résolution 181) de 1947 prévoyait de céder environ 45% du territoire de la Palestine à l’État de Palestine et 55% à l’État d’Israël. Aujourd’hui, les Palestiniens ne possèdent plus que 15% de leurs terres.
Aujourd’hui, et après toutes ces actions unilatérales et illégales, Trump affirme vouloir résoudre la question palestinienne par un formule magique « la Paix économique ». Ceux qui veulent résoudre le problème détruisent-ils la solution des deux États et légitiment-ils le vol et l’occupation du territoire d’autrui par la force ? Si les propos des Etats-Unis sont sincères, où seront appliqués ce plan du siècle et cette paix économique ? Sur quelle terre ? Sans doute sur la planète Mars ! Nous ne le savons pas encore car le contenu de l’affaire du siècle n’a pas été dévoilé officiellement. Ce que nous savons en revanche, c’est que ceux qui veulent aider les Palestiniens sur le plan économique ne les affament pas, et ne soutiennent pas le vol par Israël de leur argent en saisissant les taxes de l’Autorité palestinienne. Ceux qui prétendent aider le peuple palestinien ne financent pas les crimes quotidiens d’Israël contre notre Peuple qui lutte pour sa liberté devant le regard parfois complice d’un monde qui semble avoir oublié qu’il est fait avant tout de chair et de sang avant de devenir un monde multi-identitaire, multiculturel et multi religieux.
Par conséquent, nous appelons ce monde à ne pas suivre aveuglement la politique coloniale et raciale d’Israël et des Etats-Unis, et de rejeter les tentatives de ces derniers d’affamer notre Peuple afin qu’il capitule devant leur crime du siècle. La stratégie israélo-américaine vise à rayer le Palestinien de la carte des nations, nier son existence et mettre fin à sa juste cause et à ses droits nationaux légitimes, y compris son droit à l’autodétermination. Israël et son allié américain imposent à notre peuple une nouvelle politique d’Apartheid visant à éliminer à jamais la cause palestinienne.
Mais la volonté et la fermeté de notre peuple et sa lutte pacifique constituent notre force et notre seule arme face à l’impérialisme et à l’Apartheid. Et nous restons convaincus qu’il existe en ce monde des personnes libres qui partagent nos valeurs et notre volonté de préserver la crédibilité du droit international, seul garant de la paix et de la stabilité dans un monde menacé par la monté de l’extrémisme et du populisme.