De : Ahmad Merei
Deputé syrien et
professeur à l’université islamique du Liban
Résumé français
Depuis 1973 l’Arabie Saoudite devient l’acteur principal régional au Moyen Orient. Elle se réserve un rôle principal en Syrie, comme au Yémen, défie la Turquie et s’empresse de reléguer l’Iran « à sa place ! » – ce qui s’avère facile vu les ravageuses catastrophes naturelles et politiques de ce dernier. Eu ces égards, l’Arabie Saoudite est soutenue officieusement si ce n’est officiellement, par les Etats-Unis et d’autres qui savent exploiter des régions en crises divergentes ; de ce fait elle connaît une importance mondiale qui ne s’ignore pas. C’est clair, en 2020 l’Arabie Saoudite soutenue et même propulsée par les Etats-Unis exploite la situation syrienne encore mieux que ce qu’elle réussit au Yémen et contre l’Iran.
Résumé anglais
Since 1973 Saudi Arabia is becoming the main regional actor in the Middle East. She reserves the right to a main role in Syria, as in Yemen, defies Turkey and spares no time « putting Iran in its place!” which is simple since the ravaging natural and political catastrophes of the latter. In these contexts, Saudi Arabia is officiously if not officially supported by the United States and others who know how to exploit regions smitten by diverging crises; as a result, Saudi Arabia acquires global importance of which all are aware. It’s clear: in 2020 Saudi Arabia exploits better the Syrian situation than the Yemeni War and that against Iran.
Après sa participation à la guerre d’octobre 1973, le Royaume d’Arabie Saoudite a réussi à soumettre l’Occident à un embargo total sur le pétrole et à envoyer des unités militaires en Syrie. Depuis le déclin du rôle de l’Egypte, suite aux accords de désengagement et de Camp David avec Israël, l’Arabie Saoudite est devenue la puissance régionale influençant le système officiel arabe et ses institutions.
Sa position fut renforcée par « la solidarité arabe », cri de ralliement en vogue à cette époque, par le financement de la guerre de l’Irak contre l’Iran, par son rôle central dans la Tempête du désert (nom donné aux opérations militaires réalisées par une coalition internationale) pour libérer le Koweït, par son intervention dans la guerre civile au Liban en soutenant les partis de la droite libanaise, par son partenariat avec la Syrie dans l’administration et la formulation des accords de Taif pour sortir le Liban de cette guerre et enfin, par son influence au sein de l’Organisation de libération de la Palestine. La place saoudienne dans la triade Syrie, Égypte et Arabie saoudite – qui dominait la scène politiqué avant le Printemps arabe -, se trouva ainsi renforcée. À partir de ce moment, le royaume saoudien a contrôlé l’Autorité palestinienne et son financement, et a prolongé sa mainmise au Liban à travers Rafiq Hariri – l’homme d’affaires qui fut ensuite assassiné en 2005 – et la fédération du 14 mars dirigé par son fils.
Par ailleurs, alors que les machines médiatiques saoudienne s’emballaient à répandre la doctrine wahhabite – bras « soft » en matière de contrôle et de domination -, l’Arabie Saoudite, avec l’opération militaire Bouclier de la Péninsule, protégeait le régime du Bahreïn. Elle renouvelait aussi ses contrats avec les groupes islamistes armés, jouait avec le Qatar un rôle pivot au sein du Conseil de coopération du Golfe pour convoquer et couvrir l’invasion de la Libye par le l’OTAN, menait une campagne pour suspendre l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe et œuvrait pour obtenir des résolutions du Conseil de sécurité pour envahir la Syrie à la manière libyenne.
Dans la crise syrienne, l’Arabie saoudite avait initialement communiqué avec
l’État syrien et conseillé le président Bachar el-Assad de changer de politique
intérieure et extérieure, à défaut de quitter le pouvoir et de céder sa place à
un autre pour initier le changement. Plus tard, le royaume a été un levier du
financement et de l’armement de l’opposition. Bandar ben Sultan devint le
leader en charge d’une mission dangereuse dans la crise syrienne. Le ministre
des Affairesétrangères Al-Jubeir jouait le rôle de porte-parole de
la campagne la plus féroce jamais menée contre la Syrie.
Les factions de la soi-disant Armée libre se sont formées et ont œuvré sous contrôle saoudien et l’Armée de l’islam, « Jaych al-Islam ». Cette dernière était dirigée par Zahran Alloush, chef de la brigade salafiste et du Front islamique, bras militaire du royaume dans la capitale, dans sa proche campagne et dans l’est de la Ghouta. Bandar Ben Sultan (1) lui-même dirigeait depuis de la Jordanie le bureau des opérations appelé Mok (2) et travaillait en coordination étroite avec la Turquie (3). Riyad pilotait et finançait aussi les médias, la guerre diplomatique et politique, puis supervisait l’opposition, ses délégations et son gouvernement de transition (4).
Des conférences internationales ont eu lieu sous les auspices d’officiers saoudiens, mais l’Arabie Saoudite n’a pas été en mesure de faire éclore une force équilibrée et directrice, qui laisserait des traces indélébiles dans la guerre syrienne, au niveau stratégique comme au niveau tactique, et n’a donc pas atteint son objectif premier : faire chuter le régime du président Assad.
1- Bandar bin Sultan, Emir et diplomate saoudien. Il a occupé plusieurs postes de 1983 à 2005. Il a été ambassadeur saoudien aux États-Unis d’Amérique. En 2005, il a été secrétaire général du Conseil national saoudien. Il a assumé la présidence des services de renseignement saoudiens en 2012, et en 2015, il a été nommé consultant et envoyé spécial du Gardien des lieux Saints, le Roi Abdullah bin Abdulaziz Al Saud.
2- MOC (Military Operations Command) Le Commandement des opérations militaires créé en 2013 est un bureau militaire externe géré par les États-Unis d’Amérique, la France, la Grande-Bretagne, la Jordanie et certains États du Golfe, visant à fournir diverses formes de soutien aux factions dites de l’Armée libre (armement, formation et des salaires) installée à Daraa, à Quneitra et aux campagnes de Damas et d’Alep.
3- La Salle MOC susmentionnée était connue en Turquie sous le nom de Salle M0M, qui a progressivement élargi son soutien aux factions armées combattant dans le nord de la Syrie, en leur fournissant les anti-blindés américains Tao puis les lanceurs à distance B 21.
4- Ce gouvernement formé en 2013 par l’opposition armée syrienne, vise à se substituer au gouvernement syrien en place à Damas. Ghassan Hito a été élu à sa tête, par des membres de la Coalition nationale.
Au Yémen, l’Arabie saoudite avait pris position pendant le Printemps arabe contre son allié traditionnel le président Ali Abdallah Saleh. Elle co-parrainait une conférence nationale avec des ambassadeurs américain, britannique et français pour planifier un changement radical du pouvoir en place. Elle a essayé d’imposer une division du pays en six gouvernorats mais le duo Houthis – Ali Abdallah Saleh a refusé de démembrer le Yémen. Riyad a répliqué par une guerre féroce toujours en cours, soutenue par une coalition arabo-musulmane et officieusement dirigée des États-Unis.
Coordination saoudite-américaine
Parce que l’islam était un obstacle à la colonisation, Londres a appliqué le plan hexagonal de monsieur Hamfer (5), un espion britannique au Moyen-Orient, qui visait à diviser la communauté musulmane en créant une version revisitée de l’islam sous la forme d’une école wahhabite initiée par Muhammad bin Abdul Wahhab. Ce sont des enseignements qui sous-estiment la personnalité du Prophète et celles de ses successeurs, qui déforment le Coran et la Sunna prophétique, répandent le chaos et le terrorisme et combattent à la fois les autorités ottomanes pendant la Première Guerre mondiale et les descendants du Prophète de la région du Hijaz (1). C’est ce même wahhabisme qui donnait naissance à al-Qaïda afin de combattre l’armée soviétique en Afghanistan et qui entache aujourd’hui le Royaume saoudien avec sa religiosité conservatrice, son pouvoir absolu, son injonction de stricte adhésion à la foi wahhabite et son opposition tribale intransigeante au développement, tel que le rejet de la démocratie.
L’Arabie Saoudite, par le biais de ses médias, continuait à diffuser largement l’islam wahhabite tout en émettant des fatwas pour justifier sa politique étrangère. Grâce au soutien américain, le sectarisme religieux est renforcé et l’Arabie saoudite a pu résister aux forces progressistes et aux mouvements d’opposition, mais le coup fatal aux relations américano-saoudiennes fut le bombardement des tours jumelles en 2001.
Cela a incité le président George W. Bush à envoyer ce message au ministre des Affaires islamiques d’Arabie saoudite en mai 2002 : « Il existe actuellement des différences réelles entre
———-
(5)- Monsieur Humphrey, Mémoires de Monsieur Hamfer, l’espion
britannique dans les pays islamiques, Dar al-Funun pour l’impression, l’édition
et la distribution, Beyrouth, 2005, pp. 75-83
l’Arabie saoudite et l’Amérique, car quinze des
personnes qui ont perpétré ces attaques sont des diplômés des instituts et
écoles religieuses parrainées par le gouvernement saoudien ! » (6).
Guerres d’Afghanistan et chute de Bagdad
Il ne fait aucun doute que les Américains ont profité des attentats du 11 septembre pour pousser Riyad à restructurer ses relations avec Washington. Dans la foulée, ils proposent des initiatives de paix au Moyen-Orient qui vont dans le sens de la politique israélienne, comme cela s’est produit en mars 2002. Riyad a également soutenu l’occupation de l’Iraq en avril 2003, lancée pour affaiblir l’axe de la résistance, et mené des attaques sectaires contre l’Iran conformément aux souhaits occidentaux.
Bien que les soi-disant révoltes du printemps
arabe en 2010 aient constitué une menace interne pour la sécurité du Golfe, en
révélant des problèmes de justice sociale et de transformation démocratique,
l’Arabie saoudite a opté pour mettre le Conseil de coopération
du Golfe au service de la stratégie américaine du soft power. Riyad en a ainsi
profité pour s’affirmer comme leader du monde arabe : elle a
transformé la Ligue des États arabes en un instrument de sa politique
extérieure. Durant le même temps, elle a formé et employé des groupes
djihadistes-wahhabites en Syrie, en Irak, au Liban et en Libye, a mis fin
au consensus politique en cours au Yémen, et mis la sourdine sur les exigences
légitimes du peuple bahreïni.
Cette tendance d’hégémonie de Riyad s’est manifestée selon trois lignes
stratégiques :
1- l’islam wahhabite comme arme efficace dans les pays arabes et islamiques : sa mission étant de répandre les enseignements de Muhammad bin Abdul Wahhab ;
2- l’hostilité à l’axe de la résistance, qui englobe les pays occidentaux et leurs alliés en Orient : sa mission est de déclencher des conflits intercommunautaires sunnite-chiite pour soulager Israël
3- l’organisation des Frères musulmans, formation sunnite dirigée par la Turquie contre l’axe de la résistance : sa mission principale est la normalisation des relations avec Israël ; Riyad et Ankara ont même opté pour plus de coopération en annonçant la création du Conseil de coopération stratégique.
Ce n’est que plus tard qu’éclata un conflit retentissant entre Riyad et Ankara suite à l’affaire Khashoggi et à l’hostilité des Frères musulmans qui ont perdu le pouvoir en Egypte à la suite d’un coup de force soutenu par Riyad et Abou Dhabi.
———-
(6)- Youssef Ibrahim Al-Jahmatni, Islam and the West (Saudi-American relations by a example), Dar Houran, Damascus, 2003, p. 219
Le 2 mars 2016, l’Arabie saoudite poussa le Conseil de coopération du Golfe à classer le Hezbollah comme organisation terroriste, classification approuvée par la Ligue arabe le 11 Mars 2016. À partir de ce moment, Riyad n’a eu de cesse de s’acharner dans la diabolisation et l’appel à l’isolement du Hezbollah, et à entraver toute solution politique au Liban, en Syrie et au Yémen.
En même temps, en août 2016, la Conférence du Conseil des savants musulmans à Grozny (Tchétchénie) affirmait que le wahhabisme n’avait rien à voir avec l’islam. De son côté, le président iranien Hassan Rouhani appelait Riyad, lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies le 28 septembre 2016, à mettre fin aux politiques de division à l’encontre des musulmans et à la diffusion de l’idéologie de la haine. L’Arabie saoudite riposta par des opérations militaires dans le Golfe arabe sous le nom d’opération du Bouclier du Golfe 1, en octobre 2016.
En somme, la stratégie occidentale a profité de l’idéologie salafiste wahhabite pour entraver tout projet unitaire arabe et mettre en place, en créant Daech, le soi-disant émirat islamique.
Rivalité Syro-saoudienne
La crise syrienne est l’une des arènes clés du conflit politique qui se profile dans la région entre la stratégie saoudienne et le projet iranien montant. L’ampleur du soutien saoudien à l’opposition armée syrienne montre clairement que la survie ou non du régime syrien affectera directement les alliances et l’influence de l’Iran et de l’Arabie saoudite dans la région.
En fait, l’Arabie saoudite estime que le renversement de l’actuel régime syrien conduirait au déclin du rôle iranien dans la région et à la survie au Liban d’un Hezbollah affaibli, sans frontières ouvertes pour le soutenir. L’Iran quant à lui, cherche à maintenir des investissements politiques et économiques vieux de plusieurs décennies en Syrie et au Liban, afin de renforcer sa position sur la ligne du conflit arabo-israélien.
La rivalité régionale entre l’Iran et l’Arabie saoudite, en particulier en Syrie, est à la base du conflit syro-saoudien. Celui-ci porte en lui d’autres formes de concurrences, de sorte qu’on peut dire que la question de la survie du régime syrien ou de sa chute aura des répercussions majeures, ausein de l’Etat iranien comme de l’Arabie saoudite, dont les rapports sont déjà caractérisés par des niveaux de tension et de controverses jamais atteints.
L’Arabie saoudite renforce donc sa position en s’opposant à l’influence iranienne par le biais d’alliances arabes, notamment en soutenant le régime du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Elle s’emploie à former une alliance arabe sunnite qui pourrait contrer l’expansion iranienne et aboutir à la chute de régime syrien en y finançant l’opposition armée.
L’Arabie saoudite a visiblement réussi à faire valoir ses allégations à l’encontre de l’Iran, avec son intervention militaire à Bahreïn et au Yémen. Elle a également réussi à déplacer son conflit régional avec Téhéran sur le marché mondial du pétrole, où une vague de divergences et de menaces entre les deux pays a fait surface.
L’Arabie saoudite et la guerre syrienne
La position saoudienne sur la crise syrienne n’a pas été surprenante, les tensions entre les deux pays étant anciennes et les divergences de points de vue importantes sur toutes les problématiques régionales arabes mentionnées précédemment. La position saoudienne a toutefois atteint un niveau d’hostilité culminant à l’égard de la Syrie, avec l’annonce de la volonté de Riyad de renverser le régime.
L’Arabie saoudite avait en fait pris position contre tous les mouvements protestataires arabes dès 2010, y compris ceux dirigés contre le régime libyen, adversaire connu de Riyad. Elle s’est opposée partout où elle l’a pu à la voie du changement et a même condamné le recours aux armes par l’opposition. La position saoudienne n’a pas dévié de cette politique anti-printemps arabe au début des protestations populaires en Syrie, car à l’époque, le royaume coopérait encore avec la Syrie et cherchait à pousser Bachar al-Assad à rompre ses liens avec l’Iran et à rejoindre le soi-disant « consensus » arabe. L’Arabie saoudite s’est appuyée pendant longtemps sur son arme la plus efficace, les pétrodollars, pour tenter d’amener la Syrie à coopérer dans ce domaine.
Nous avons montré que la politique officielle saoudienne, en début de crise, était favorable au gouvernement syrien. Riyad est même allé encore plus loin en annonçant le 7 avril 2011 par la voix de Mohammed al-Jasser, gouverneur de l’Autorité monétaire de l’Arabie saoudite (la banque centrale) un soutien financier de 140 millions de dollars pour contribuer au développement de la Syrie. Il était par ailleurs question de débloquer d’autres prêts. Puis le royaume a changé subitement de politique, avec le discours du roi Abdullah bin Abdul Aziz prononcé le 7 août 2011 et dans lequel il déclare qu’aucune religion ni aucune morale ne justifie ce qui se passe en Syrie et où il annonce le rappel de l’ambassadeur saoudien en Syrie pour consultation.
Le 5 mars 2012, la position saoudienne vira totalement en faveur de la rébellion et la rupture des relations entre les deux pays fut définitive. Le roi saoudien adressa alors des conseils au président Assad : vous allez dans la mauvaise direction et vous devriez corriger votre politique. Si vous n’avez pas un plan pour le faire, laisser la place à quelqu’un d’autre. Riyad dénonça également la position de certains pays, qui ont ignoré « les revendications du peuple syrien », comme la Russie et l’Iran, les accusant d’entraver l’action internationale et critiquant l’utilisation par la Russie du veto au Conseil de sécurité.
Le 24 février 2012, le retrait de la délégation saoudienne lors de la conférence des Amis de la Syrie en Tunisie confirma le durcissement du positionnement du royaume en faveur de l’opposition syrienne. Le ministre saoudien des Affaires étrangères Saud al-Faisal déclara : « ma conscience m’oblige à être honnête. Ce qui a été réalisé jusqu’à présent n’est pas à la hauteur de l’ampleur de la tragédie et de ce que nous devrions accomplir. Pourquoi assistons-nous à la conférence des Amis de la Syrie ? Avons-nous vraiment soutenu le peuple syrien libre et patriotique, maître d’une civilisation ancienne ? Ou bien allons-nous nous contenter d’annonces symboliques et d’actions molles ? Allons-nous accepter qu’il soit la victime de la tyrannie et de la criminalité ? »
S’en suivit le retrait de la mission saoudienne du Comité arabe d’observation des événements en Syrie le 23 janvier 2012. De même, le prince Saoud al-Faisal exigea que la deuxième conférence des Amis de la Syrie qui s’était tenue à Istanbul en mars 2012, soit un tournant dans la gestion de la crise syrienne, insistant sur la nécessité d’alléger les souffrances humanitaires du peuple syrien en lui fournissant un minimum de défense légitime devant « la machine de guerre mise en place par le régime ». Puis Riyad exigea que les pays membres du Conseil de coopération du Golfe financent le soi-disant Conseil national syrien d’opposition pour pouvoir payer les salaires des soldats dissidents affiliés à la soi-disant Armée syrienne libre.
Les raisons du soutien saoudien à l’opposition syrienne
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’Arabie saoudite a soutenu l’opposition syrienne, notamment :
1- le désengagement de la Syrie des affaires libanaises : cela permettrait à l’Arabie saoudite d’être le seul acteur arabe influent au Liban
2- casser l’alliance entre la Syrie et l’Iran qui est la plus ancienne et la plus puissante au Moyen-Orient : Riyad considère que cette alliance est devenue une menace pour la stratégie saoudienne dans la région
3- trouver un terrain pour le rétablissement de l’accord de Taif au Liban en affaiblissant le Hezbollah
4- faire face à la puissance Qatarie grandissante dans les sphères arabe et régionale
5- établir un régime en Syrie qui serait un partenaire fiable pour la région du Golfe.
L’Arabie saoudite a également trouvé dans la crise syrienne une opportunité stratégique pour réduire l’influence iranienne au Levant et faire barrage à son expansion dans le Golfe. Riyad a aussi profité de la guerre en Syrie pour exiger que le régime syrien change de politique extérieure et adopte une position similaire à celle de l’Arabie saoudite dans le cadre de son alliance avec les États-Unis, alliance qui vise à affaiblir l’Iran et à atteindre les objectifs suivants :
1- réduire l’influence iranienne dans la région : la chute du régime syrien limiterait la menace d’une hégémonie iranienne à l’encontre de l’Arabie Saoudite, d’abord, et du monde arabe et musulman en second lieu ; et priverait l’Iran du plus puissant de ses alliés arabes
2- faire prévaloir l’axe soi-disant modéré conduit par l’Arabie Saoudite face à la Syrie, fer de lance de l’axe de résistance régionale. En fait, l’Arabie saoudite profite de la marginalisation de l’Egypte, affaiblie par ses conflits internes, pour assoir son leadership dans le Moyen-Orient
3- poursuivre la concurrence entre l’Arabie Saoudite et le Qatar pour le leadership du monde arabe
4- répondre à des motifs religieux : l’Arabie saoudite se considère comme le centre de l’islam et ne voulait donc pas continuer à rester les bras croisés face à ce qu’elle appelle « des actes de violence » contre le peuple syrien.
5- devenir une force régionale centrale et puissante face aux rôles grandissant de la Turquie et de l’Iran au Moyen-Orient.
Conclusion
Bien avant le Printemps arabe, dès 1989 et loin d’une vision stratégique commune, la Syrie et l’Arabie Saoudite ont entretenu des relations assez volatiles, parfois perturbées, parfois sereines, en fonction des événements successifs qui ont ravagés le Moyen-Orient. Depuis 2012, en s’alignant sur la stratégie américaine visant à obtenir la destitution des régimes arabes hostiles à l’Occident et Israël, Riyad s’est placé comme acteur principal dans le conflit syrien.
Références
1 – Amin Hoteit, Quand l’Arabie saoudite cherche une guerre avec l’Iran, l’atteindra-t-elle ? Dar Al-Muhajjah Al-Baidaa, Beyrouth, 2012.
2- Tim Anderson, The Dirty War on Syria, voir: Nahid Hashem, Damascus Research Center, Damas, première édition.
3- Samah Al-Olaywi, The Future of the Middle East and the Features of a New World Order, Al-Zain Human Rights Publications, Beyrouth, 2018.
4- Abdul-Fattah Al-Rashdan, Jawad Al-Hamad, Prospects for Saudi Foreign Policy in the Era of King Salman bin Abdulaziz, Center for Middle Eastern Studies, 2015.
5 – M. Hamfer, mémoires de M. Hamfer, l’espion britannique dans les pays islamiques, traduction: c. C, Dar al-Funun pour l’impression, l’édition et la distribution, Beyrouth, 2005, pp. 75-83.
6 – Youssef Ibrahim Al-Jahmatni, Islam et l’Occident (relations saoudo-américaines à titre d’exemple), Dar Houran, Damas, 2003.
7- Hisham Kotaite, The Conspiracy Open in Syria (Exposing the Black Plans with Documents and Numbers), Dar Al-Muhajjah Al-Bayda, Beyrouth, 2012