Ali ALYAMI Ph.D.
Executive Director, center for Democracy and Human Rights in Saudi Arabia (Directeur du Centre pour la démocratie et les droits de l’homme en Arabie Saoudite)
3eme trimestre 2012
Résumé :
L’arabie Saoudite joue un important rôle économique, religieux et sécuritaire dans la vie des musulmans et non musulmans à cause de sa place centrale dans et pour l’Islam, sa possession de grandes quantités de pétrole et son statut spécial d’exportateur majeur de doctrines léthales, de terroristes suicides et d’extrémistes religieux.
Des institutions et savants musulmans ont considéré le wahhabisme comme une menace mortelle pour les musulmans et non musulmans comme l’ont constaté des savants de l’Université Al-Azhar du Caire, Egypte, l’ancien Président d’Indonésie Dr. Abdulrahman Wahid et même certains anciens extrémistes religieux saoudiens.
Pour ces raisons, l’Arabie Saoudite préoccupe davantage les décideurs, les think tanks, les organisations des droits de l’homme et les militants pour la démocratie.
La démoralisation et la stabilité de l’Arabie Saoudite ne concernent pas uniquement les intéréts des saoudiens sans droits démocratiques mais aussi ceux de la communauté internationale, en particulier les démocraties.
Abstract:
Because of its centrality to Islam, its possession of large quantities of petroleum and its status as a major exporter oflethal doctrine, suicide bombers and religious extremists, Saudi Arabia plays a major economic, religious and security role in Muslim and non-Muslims countries.
Muslim scholars and institutions considered the Wahhabi doctrine as a mortal threat to Muslims and non-Muslims. This fact has been stated by scholars of the Al-Azhar University, Cairo, Egypt, by former president of Indonesia, Dr. Abdulrahman Wahid and even by some former Saudi religious extremists.
Considering the above, Saudi Arabia ranks high in the minds andpolicies of decision-making officials, think tanks, human rights groups and pro-democracy activists.
Saudi Arabia’s demoralization and stability are not only in the best interest of the disenfranchised Saudis, but also of the international community, especially democratic societies. The current Saudi rulers are unfit to preside over an important country; therefore the time for a new leadership to guide Saudi Arabia out of its current dangerouspath into a democratically governed country is overdue. Western regimes, media and societies can influence events in Saudi Arabia. It’s now the time !
L’ autocratique dynastie régnante, la Maison des Saoud et sa source de légitimité et sa base de pouvoir, à savoir l’Establishment religieux ascétique et antimoderne, composé de descendants de Mohammed Ibn Abdul Wahhabi, fondateur de la mortelle doctrine révisionniste et expansionniste Wahhabi, est engagée dans une farouche rivalité pour la supr ématie dans le royaume comme à l’étranger.
Le pacte historique intelligemment établi entre les fondateurs de la doctrine saoudi-wahhabite a bien servi les dynasties régnantes actuelles depuis leur fondation au xvie siècle.
Le pays qui devait devenir le Royaume d’Arabie Saoudite fut fonfé à Nedj, la région la plus enclavée, pauvre et isolée de la vaste étendue de la Péninsule Arabique. A partir d’ici, les ancétres des monarques actuels d’Arabie Saoudite ont formé une union dans l’intention d’envahir et de conquérir les vastes régions économiques et stratégiques lointaines de l’immense Arabie, de la mer rouge vers l’ouest jusqu’au golfe persique à l’est et tout le reste entre ces 2 points.
Les fondateurs de cette Alliance ont enrôlé des nomades farouches et guerriers de leur region, leur promettant nourriture et paradis. Ils les ont armés et formés à mener une longue et dure « guerre sainte » contre les autres tribus d’Arabie. Bien que le but annoncé de leurs conquétes de villages et camps de nomades sans défense par des fantassins Saoudi/wahhabites bien armés et endoctrinés (les Muwahidun, plus tard aussi connus sous le vocable Ikhwan ou frères) ait été de « purifier l’Islam et de le restaurer à ses origines glorieuses », les vrais objectifs des Saoudi/Wahhabites étaient économiques et politiques.
L’alliance Saoudi/wahhabite voulait conquérir richesses et pouvoir et ne pouvait atteindre cet objectif sans faire appel aux farouches nomades du désert et les endoctriner à croire qu’ils se battraient et mouriraient pour « Dieu » , une tactique encore en vigueur aux fins de répandre la haine et la violence contre les autres musulmans et non musulmans de par le monde.
A l’issue d’une conférence sans precédent sur « le Wahhabisme est une grave menace pour l’Islam et la Communauté Internationale » tenue au Caire, Egypte le 08 Mai, 2010, une assemblée de chercheurs, d’historiens et de spécialistes musulmans issus des plus éminents en matière de mouvements musulmans de la Mosquée la plus prestigieuse Al Azhar, l’Université Islamique la plus ancienne et la plus prestigieuse et d’autres horizons, a publié un communiqué condamnant la doctrine inventée par les Saoudi/ wahhabites comme « une menace pour l’Islam et la Communauté internationale ». Les conférenciers en ont appelé les musulmans et non musulmans à combattre la doctrine Wahhabite de « tous les moyens disponibles car celle ci représente un danger mortel pour le monde.
La conférence d’Al-Azhar des experts musulmans crédibles n’est pas la seule autorité musulmane à avoir prévenu les musulmans et non musulmans des dangers que constitue la doctrine Saoudi/wahhabite. Certains parmi les spécialistes de cette doctrine tel Dr Ahmed Subhy Mansour et d’autres savants, hommes politiques et auteurs musulmans y/c l’ancien officiel extrémiste wahhabite se sont prononcés contre le crédo wahhabite. L’ancien Président de l’Indonésie Dr Abdulrahman Wahid, un savant musulman à la téte du pays musulman le plus peoplé a déclaré : « que musulmans et non musulmans se doivent d’unir leur force pour défaire l’idéologie wahhabite. »
Les inventeurs de ce crédo ayant fait appel à cette doctrine pour intimider, subjuguer, conquérir et dominer les peuples pendant des décennies, ont appris comment l’utiliser pour étendre leur influence et réaliser leurs buts au delà de leur vaste royaume dans le désert. Actuellement, aucun pays ou communauté arabe, musulman et non musulman n’est pas infecté par la doctrine mortelle wahhabite. Ceci s’explique par le fait que financer et exporter cette doctrine est de plus en plus devenu le centre la politique étrangère saoudienne, directement ou indirectement, en particulier en Europe et aux Etats Unis mais aussi dans les pays non arabes d’Afrique et d’Asie.
Le gouvernement saoudien et ses oeuvres religieuses dévotes gagnent au moins ouvertement, la sympathie, la bonne volonté et les faveurs dans beaucoup de pays, notamment en finançant des écoles religieuses des mosquées, des organisations musulmanes, islamiques et arabes et des départements d’études islamiques des grandes universités occidentales et aussi des projets humanitaires et d’autres œuvres sociales, particulièrement pour les musulmans pauvres dans le monde.
Les dirigeants saoudiens peuvent mobiliser leurs sympathisants ainsi acquis à faire la promotion de leurs intéréts dans les sociétés musulmanes et non musulmanes comme ils le font au Pakistan et aux Etats Unis.Ils peuvent par exemple mobiliser leurs bénéficiaires obligés pour faire pression sur leurs gouvernements, compagnies et autres institutions que ceux-ci favorisent le gouvernement saoudien et ses intérêts. Un exemple : à savoir le gouvernement saoudien soutient des groupes salafistes dans le monde entier, mais surtout dans les pays arabes ayant succombé au mouvement pro démocratique du printemps arabe.
Cependant, comme la plupart d’alliances fondées sur la nécessité et la convenance telles que NATO et Varsovie, le pacte Wahhabi/saoudien, naguère supposé impénétrable voire irremplaçable, semble partir à sa désintégration à cause des nouveautés illuminantes de la modernité dont l’impact sur le développement humain a été bloqué, écarté et présenté par beaucoup de dirigeants saoudiens comme « un complot des infidèles pour détruire les valeurs traditionnelles et religieuses » suprêmes préconisées par les partisans saoudi/wahhabites. On a débattu et débat encore de cet insignifiant argument alors que toutes indications au niveau domestique régional et mondial tendent à confirmer l’entrée irréversible sans précédent dans une nouvelle ère de mondialisation des informations et d’aspirations humaines partagées pour la justice économique et sociale, la liberté d’expression, de religion, la responsabilité et la transparence.
Dans l’ensemble, la modernité semble gagner sur le terrain malgré l’opposition farouche de l’Establishment religieux wahhabite sans le soutien continu duquel la monarchie Saoudienne et son système pourraient s’effondrer plus tôt que prévu. Certaines altesses saoudiennes commencent à céder aux demandes de changement et à accorder davantage d’attention à l’incapacité du Royaume d’exécuter les traités et chartes internationaux tels que la Charte de l’ONU des Droits de l’homme, le Comité Olympique International, les conditions d’adhésion à l’OMC… Sur le plan domestique, certains princes et princesses dirigeants reconnaissent la demande croissante de libéralisations, en particulier par une jeune génération de femmes et d’hommes qui passent plus de temps à discuter des afaires du monde sur le réseau social et YouTube qu’à prier ou lire le Coran, De leur côté, l’Establishment religieux continue à mettre l’accent sur l’interprétation ancestrale et l’application de l’islam dans chaque aspect de la vie du peuple au xxie siècle. L’attitude et les pratiques religieuses des religieux demeurent aujourd’hui identiques à celles du fondateur de leur mouvement réjectionniste d’il y a presque 3 siècles et ils continuent à insister que la liberté individuelle et l’aspiration pour la libération du joug du totalitarisme étoufant sont l’antithèse de l’islam qu’ils tiennent pour le seul système qui puisse garantir le gouvernement éternel
Bien que les objectifs de l’élite gouvernante saoudi/wahhabite demeure le même contrôle total sur la vie politique, économique et religieuse du pays, de sa population et de sa richesse, les approches et méthodes de contrôle s’effondrent visiblement. Au plan interne, les nobles saoudiens ont maintenu leur domination sous prétexte qu’ils ont à cœur les intérêts du peuple. Ils ont créé un Conseil consultatif National sans pouvoir, continué à augmenter subventions et distributions, conservé les traditions tribales telles les danses du sabre et les fêtes nomadiques annuelles (janadriyah),toléré des élections municipales de façade et désigné une femme symbole du petit peuple à un poste ministériel.
Les nobles saoudiens sont notoirement mondains. Beaucoup de leur propres enfants passent le gros de leur temps loin du royaume et partagent les sentiments modernes de la jeune génération. Certains sont même devenus fort critiques des méthodes de gouvernance de leurs parents, de la police religieuse, du système judiciaire et éducatif et de l’oppression des femmes. La famille régnante saoudienne se rend compte petit à petit que son avenir ne réside pas dans la poursuite dépassée de son association avec et dépendance de l’Establishment religieux pour le besoin de la légitimité et de la survie mais au contraire, dans les mains de la modernité, le partage du pouvoir et les saoudiens tournés vers le monde, en particulier les jeunes hommes et femmes de moins de 30 ans d’âge.
In globo, les monarques saoudiens font usage de leur influence diversifiée afin d’obtenir le soutien à leur politiques domestiques draconiennes et la protection des menaces extérieures. Parmi les instruments les plus efficaces du régime se trouve, en première place sa position dominante dans le cartel pétrolier OPEC. Grâce à leur considérable capacité à produire, raffiner et exporter plus de pétrole que les autres pays producteurs, les saoudiens se servent de leur pouvoir pour réguler la production et les prix. De surcroît, ils prêtent l’argent aux trésors occidentaux, interviennent dans des conflits inter et intra arabes et musulmans au nom de l’Occident, inventent le dialogue interreligieux international (quoique dans la duplicité) achètent d’énormes quantités d’armes dont ils n’ont pas besoin et ne les utilisent que pour soumettre leur population. Plus sérieusement, les dirigeants saoudiens étendent leur influence en exportant leur modèle austère d’islam wahhabite et grâce à leur aide financière généreuse aux moquées, aux écoles et charités musulmanes dans le monde. Ils envoient aussi des dizaines de milliers d’étudiants saoudiens dans des centaines d’universités dans le monde. En outre, ils octroient des dizaines de millers de bourses aux étudiants musulmans afin qu’ils étudient dans des écoles religieuses saoudiennes et rentrent chez eux pour y répandre la doctrine wahhabite.
D’autre part, l’Establishment religieux coifé par le Mufti, l’autorité religieuse suprême, tient à son approche dogmatique sans concession. Les religieux ont été formés et conditionnés à croire que c’est Satan, les infidèles et les « mécréants » qui seraient derrière l’évolution des hommes vers le besoin pour le développement et la curiosité de connaître et d’étendre leur vision au-delà des manuels et traditions musulmans ! Pour les muftis, la terre restera plate ! ils s’opposent à tout ce qu’ils interprètent comme contraire à l’islam à la sauce wahhabite ! ils ont leur raison pour s’accrocher à leur totalitarisme religieux car leur légitimité et crédibilité seront remises en cause comme anachroniques si l’on accepte la liberté individuelle, l’égalité des femmes et respecte les autres croyances et même les autres sectes et écoles de l’islam.
En conclusion, après des décennies de soutien et d’alliance voire de dépendance avec les religieux dans le but d’asseoir leur légitimité et contrôle sur la vie de la population, la dynastie Saoudienne en est arrivée à la conclusion à savoir que la modernité et ses innovations incessantes, ses exigences et son impact irréversible sur la population dans droits est en train de gagner. Des exemples éclatants de cette réalité sont irrépressibles, en particulier parmi les femmes, les hommes jeunes et les minorités religieuses. Les Saoudiennes sont mieux instruites et prennent conscience de leurs droits usurpés, devenant ainsi plus confiantes de leurs droits qu’elles estiment bafoués par le système au nom de la religion. A l’instar de leurs consoeurs de par le monde, la génération de Facebook du Royaume wahhabite n’est plus autant intéressée par les prières et traditions qu’aux emplois bien rémunérés, aux divertissements sociaux, aux rencontres mixtes et aux libertés d’expression et de mouvement, Leurs aspirations sont irréversibles, incontrôlables et ne peuvent plus être ignorées.
De surcroît, les muftis sont en train de défier une ligne rouge ce qui a provoqué une punition rapide et impitoyable en 1929 par le premier monarque de la dynastie Saoudienne. le Roi Abdul Aziz. En effet, les religieux wahhabites ont eu recours à des attaques physiques arbitraires et excessives sur la population, comme ils le font encore de nos jours. Plus dangereusement, ils ont envoyé leurs partisans fanatiques massacrer des chiites innocents dans leurs temples sacrés de Karbala et Najaf ! Ceci n’a pas du tout arrangé les Britanniques qui étaient en train de coloniser l’Irak à cette époque ! Ces derniers ont menacé d’envahir l’Arabie Saoudite et de punir les muftis si le Roi n’interdisait pas leurs actes. Ce dernier a obtempéré et envoyé ses troupes impitoyables écraser les meneurs de troubles.
Les choses n’ont pas changé depuis et aujourd’hui encore les religieux wahhabites poursuivent leur action d’harassement, d’intimidation, d’autres actes illégaux et leur chasse contre des familles innocentes jusqu’à leur mort malgré l’interdiction décrétée par les autorités. À noter cependant que les princes régnants sont en train de perdre contre la détermination de l’Establishment religieux wahhabite au pays comme à l’étranger car celui-ci a réussi à nouer des relations puissantes avec des islamistes dans beaucoup plus de pays que ne souhaiterait la monarchie saoudienne et ceci devient un contentieux sérieux entre les saoudiens et leurs alliés wahhabites. Il est connu que le Roi Abdullah et son prédécesseur le Roi Fadh ont tenté en vain de tenir les religieux. En fait, un de ces religieux a même accusé le Roi d’avoir menti sur une consultation que ce dernier a dit avoir avec un groupe religieux important.
Ceci étant dit, nous ne devrions pas supposer que la famille royale saoudienne accepte, de plein gré, de partager le pouvoir avec la population. La différence entre les dirigeants autocratiques et théocratiques ne concerne pas la nature mais la manière de maintenir le contrôle. Contrairement au passé quand les subordonnés religieux du Roi n’ont pas osé mettre en cause l’autorité, la sagesse et la suprématie royales, l’Establishment religieux a gagné beaucoup de pouvoir à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Contrairement à la guerre de 1929, personne n’est plus sûre que les conflits futurs entre la monarchie saoudienne et ses alliés religieux puissent être gagnés rapidement.