Thèses sur l’Iran et l’électronucléaire

Professeur Hall GARDNER

Décembre 2005

Thèse I

L’électronucléaire n’est pas la vague du futur. La plupart des usines nucléaires seront des mausolées d’ici 20 ans ! Je reconnais le besoin que l’Iran ainsi que d’autres pays producteurs de pétrole aient de diversifier leur produc­tion d’énergie ; mais contrairement aux autres analyses dont l’argumentation fut présentée à la conférence, je n’investirais pas trop dans la technologie nucléaire. Ce dernier deviendrait beaucoup plus cher qu’actuellement prévu en raison des coûts de construction, du stockage des déchets nucléaires, ainsi que des réparations, sinon de la mise hors service de ces vieilles usines.

L’avenir est plutôt entre les mains de plusieurs différentes formes de res­sources d’énergie alternative. En janvier 2003, le Président Bush annonça son plan, en quatre phases, de $1.2 milliards, s’intitulant «Hydrogen Posture Plan.» Ce dernier, combiné à la révolution de la micro puce et d’autres tech­nologies alternatives ainsi que des méthodes afin de réduire la consommation de carburant, ajouter à cela des avantages fiscaux pour les consommateurs et les producteurs, devrait produire une nouvelle infrastructure d’énergie basée sur l’hydrogène d’ici 2030-40. Ceci suppose évidement que le plan obtienne un financement significatif et soutenu (en d’autres termes non réduit par les coûts de l’occupation de l’Irak ainsi que les autres coûts liés à la défense et aux fardeaux sociaux).

Non seulement le pétrole et le gaz peuvent devenir plus difficiles à extraire et devenir plus cher, mais il est aussi possible que l’approvisionnement

d’uranium n’aura qu’une durée de 50 ans au niveau des consommations courantes ; ce qui donnera aux investissements des usines nucléaires un court aperçu. D’ailleurs, on s’attend à ce que de telles dépenses augmentent avec la demande d’uranium, qui pourrait en 2006 dépasser les $40 par livre, ce qui est presque 300 pourcent d’augmentation depuis les années 90.1

Le futur de l’énergie ne réside donc pas dans l’énergie nucléaire, mais dans une combinaison d’énergie éolienne, géothermique, et solaire, en association avec les développements des technologies avancées pour des combustibles plus économiques, telles que des cellules hybrides gaz-électriques et de carburant, ainsi que la révolution de la micro puce, conçue pour économiser de l’énergie.

Une fois de plus, cela dépend de la nécessité d’investir fortement dans ces solutions alternatives – une perspective qui semble plus probable, étant donné qu’il semblerait que les coûts élevés du pétrole demeureront et que l’instabilité politico-économique continuera dans la plupart des principaux États pétroliers.

Thèse II

La République Islamique de l’Iran elle-même s’était opposée dans un premier temps au programme nucléaire du Shah, et avait refusé d’honorer les contrats établis avec la société Westinghouse, ce qui agaça Washington, qui avait déjà rompu ses relations avec Téhéran, après la détention du personnel de l’ambassade américaine. À ce moment-là, il y avait eu une alliance tacite entre les écologistes américains, le mouvement antinucléaire et les anti-impé­rialistes avec le mouvement anti-Shah.

Téhéran a alors entamé une reconsidération sur l’option nucléaire au début de la guerre 1980-88 entre l’Iran et Irak. L’attaque préventive d’Israël sur le site nucléaire Irakien d’Osirak en 1981, a effectivement amené Bagdad et Téhéran à accélérer l’option nucléaire. En 1982, deux ans de conflit sanglant avec l’Irak s’était déjà écoulés, l’Iran s’est tourné vers l’Inde, la Chine et le Pakistan pour un support technologique. Environ 15.000-17.000 étudiants iraniens ont été envoyés à l’étranger pour une formation dans la physique nucléaire.

Alors que l’Iran cherche à développer une capacité nucléaire, l’em­placement nucléaire de Bushehr fut « mystérieusement » bombardé ; il a été bombarde « six fois entre mars 1984 et novembre 1987 » comme l’a dit Richard Perle, conseiller de la sécurité nationale, pendant la « guerre des villes » entre l’Iran et l’Irak. En septembre 1985, l’Iran, la Syrie et la Libye ont annoncé qu’ils obtiendraient des armes nucléaires pour com­battre la « menace nucléaire » israélienne. Au même moment, l’Irak (et le Pakistan) obtenaient un soi-disant financement de l’Arabie Saoudite pour leurs programmes nucléaires.

Cependant, depuis la guerre entre l’Iran et l’Irak, les Iraniens ont signé un contrat avec la Russie pour construire un réacteur à Bushehr, et ont promis d’acheter les cinq réacteurs additionnels fabriqués en Russie dans les années 90, une fois que le réacteur de Bushehr fut achevé. Cette tentative devait attirer les Russes à soutenir le programme nucléaire iranien, tout comme le Shah avait promis de commander les réacteurs américains et allemands dans les années 70.

Alors que la technologie nucléaire russe s’est peut-être améliorée sensiblement depuis Tchernobyl, il n’est pas très clair si l’Iran a l’intention de devenir dépendant de l’expertise nucléaire russe. Tout comme le pro­gramme du Shah, le programme de l’énergie nucléaire de l’Iran vise à pro­duire 7.000 mégawatts dans 20 centrales nucléaires d’ici 2025, selon une décision prise par le Conseil Iranien d’énergie atomique en août 2004.

Il semble ainsi raisonnable que Téhéran accepte l’aide européenne ou internationale pour son programme nucléaire, sans demander le contrôle national de l’enrichissement de l’uranium. Téhéran réclame qu’il peut enrichir l’uranium et le vendre à un prix 30% moins que des socié­tés multinationales. S’il est vrai, alors ce facteur devrait être considéré dans des négociations diplomatiques.2

Thèse III

S’il s’échappe à l’environnement, la radiation nucléaire (que cela soit sous la forme d’atome de paix et de guerre) représente une forme de génocide génétique. Les nuages radioactifs de Tchernobyl sont toujours pendus au-dessus de nous – même s’ils ne peuvent pas être perçus.

Il y a des préoccupations légitimes concernant la sûreté de l’usine de Bushehr, qui a été « bombardée mystérieusement » pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak et qui est une cible potentielle « terroriste » ou sujet à des tremblements de terre, en supposant qu’elle ne fuit pas pour raison technique. La sûreté de l’usine n’est pas garantie : L’usine de Bushehr (une usine de 1000 mégawatts construite par les Russes et érigée à la place des conceptions architecturales allemandes) est certainement la source d’inquiétude de son voisin, le Kuweit, aussi qu’a de l’intérieur de l’Iran.

Thèse IV

Être en possession d’une capacité ou option d’armes nucléaires n’a pas empêché les guerres de contestations mutuelles ou de changement de régi­me provoqué par la dissidence et la résistance internes. L’arsenal nucléaire massif de Moscou conçu pour la surpuissance n’a pas empêché l’Union Soviétique d’imploser. Le programme nucléaire de Pretoria n’a pas empêché l’Apartheid en Afrique du Sud (avec ces sept ou huit bombes nucléaires) de s’effondrer suivant la décision du président de Klerk’s d’abandonner le pro­gramme en 1993, avant la victoire de Nelson Mandela. Malgré les efforts du Shah pour développer une infrastructure nucléaire (les réacteurs provenant de Westinghouse et de Siemens), ainsi que les menaces d’acquérir l’armement nucléaire au milieu des années 70, n’ont pu empêcher la révolution isla­mique…

Si le gouvernement iranien croit pouvoir écarter l’opposition populaire, par le développement de réacteur nucléaire, il est douteux qu’il réussisse. Un vaste investissement dans l’énergie nucléaire aurait plus de chance d’aggra­ver, plutôt que d’améliorer, les tensions socio-économiques.

Thèse V

Les Américains ont été traumatisés lorsque les militants iraniens ont pris en otage le personnel de l’ambassade américaine. Cela était comme si l’Amérique elle-même avait été tenue en otage. Une hostilité considé­rable s’est installée, car personne ne s’attendait à ce que les otages soient détenus pendant 444 jours. De différentes manières, le mouvement néo­conservateur des partisans de Reagan a gagné sa force en dénonçant la faiblesse discernée du Président Carter ainsi que son incapacité à résoudre la crise.

Alors que les néo-conservateurs partisans de Reagan avaient rassemblés leur support électoral dans le Sud et dans l’Ouest des Etats-Unis, le Président Carter perdait les élections. Le Président Carter était alors perçu comme étant faible et impuissant, alors que Ronald Reagan se complaisait dans la gloire. Pour compléter le tout, le personnel de l’ambassade des Etats-Unis rentrait le jour de l’inauguration de Reagan, de sorte que le Président Carter ne sera jamais gratifié, humiliant ainsi les Démocrates.

Que l’on accepte ou non la thèse de Gary Sick (qui explique que le directeur de la campagne de Reagan, devenu le directeur de la CIA, William Casey, aurait organisé l’affaire), il est quand même étrange que les otages aient été relâchés le jour de l’inauguration de Reagan. De nombreuses allégations ont étaient faites (ce qui incluent des membres de l’administration du George Bush, Jr. a présent), mais il n’y a eu aucune enquête approfondie sur cette affaire.

La révolution iranienne a ainsi représenté un enjeu international majeur, qui a aidé les néo-conservateurs partisans de Reagan, a accédé au pouvoir. Simultanément, la révolution Chiite iranienne contribua à déclen­cher le renouvellement du mouvement religieux Sunnite, au Pakistan et Arabie Saoudite, et ainsi qu’à travers le monde islamique, en opposition à l’Iran.

D’une part, il y a eu la déclaration de l’ex-Président iranien Bani Sadr comme quoi l’ex-Conseiller de la Sécurité National, Zbigniew Brzezinski, aurait donné le feu vert à Saddam Hussein pour l’invasion Irakienne de l’Iran.

(Peut-être serait-il possible de demander à Saddam Hussein, maintenant déte­nu, si ces allégations sont véridiques, et s’il peut en apporter les preuves ?). Les actions Irakiennes, faisaient suite au soutien iranien pour des groups kurdes et chiites, à l’intérieur de l’Iraq, alors que Saddam Hussein lui-même convoitait le Khûzistân iranien.

D’autre part, non seulement les partisans de Reagan ont obtenu que le personnel de l’ambassade soit relâché, mais l’administration de Reagan a de ce fait aussi ouvert la porte à Israël pour vendre des armes à l’Iran, ce qui pré­parera les évènements de l’affaire Iran-Contra.

Peu importe que les Etats-Unis ait donné oui ou non le feu vert à l’Irak pour attaquer, ou si les Etats-Unis initialement soutenaient l’Iran, car il est maintenant clair que Washington s’était engagé dans une stratégie de « balance de pouvoir », dont le but était d’affaiblir l’Irak et l’Iran, et d’empêcher que ni l’un ni l’autre n’en ressortie « vainqueur. »

En 1982-83, une fois que l’Iran commençait à faire des avances, avec quelques forces offensives par des Kurdes irakiens, les Etats-Unis se pen­chaient d’abord vers l’Irak (avec l’envoie spécial de Donald Rumsfeld se ren­dant en Irak, en 1983). Non seulement les Etats-Unis ont ignoré les atroci­tés et crimes de guerres commis par les Irakiens, mais ont aussi retiré l’Irak de la liste des États soutenant le terrorisme. Donc, Washington considérait Saddam Hussein comme le « moindre mal » en comparaison avec l’Ayatollah Khomeyni – et devait donc empêcher une victoire iranienne.

Ironiquement, l’affaire Iran-Contra (dévoilé en 1986), dans lequel des ventes d’armes à l’Iran auraient aidé a récoltée des fonds secrets pour les Contras Nicaraguayens, engagés dans le combat contre le gouvernement sandiniste, a presque failli provoquer la chute de Ronald Reagan – car le Congrès demandant une investigation en faisant appel au grand jury, en 1986-87.

Suite à l’invasion irakienne en août 1990, le Président Bush père optait pour une intervention en 1991, pour le retrait de Saddam Hussein du Kuwait. Mais, le Président refusa d’aller a Bagdad, afin d’éliminer Saddam Hussein une fois pour toute. Puis le Président Bill Clinton faillit à l’élimination de Saddam par coup d’état et a commencé un bombardement systématique en 1998. En même temps l’administration Clinton a essayé d’amorcer un dia­logue avec le régime iranien après l’élection du Président Khatami en 1997. Toutefois les excuses de Madame Albright quant a l’intervention américaine de 1953 contre le Premier ministre, Mohammed Mossadegh, n’ont pas été considérées adéquates par les autorités Iraniennes, pour commencer de véri­tables négociations.

Malgré le fait que quelques uns des ex-partisans de Reagan avait soute­nu fortement Saddam Hussein dans les années 80, vers 2001-03, l’adminis­tration de George Bush, Jr. optait pour le renversement du régime Irakienne. En effet, non satisfait de la défaite et du renversement du régime des Taliban en Afghanistan, George Bush, Jr. manipula largement les attaques du 11 sep­tembre 2001, sur le World Trade Center et le Pentagone, pour se venger contre Saddam, après que son père avait été critiqué pour ne pas être « aller à Bagdad.» La recherche d’Oussama Ben Laden est donc passée au second plan, l’objectif principal étant de renverser le régime de Saddam.

Ironiquement, ces évènements ont généralement joués en faveur de l’Iran, ce qui n’avait pas été le cas pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak. Peu importe les relations précédentes entre l’Iran et les Etats Unis, l’élimination de Saddam Hussein et des Talibans pourrait finalement ouvrir la porte au com­promis potentiel avec Téhéran – si les puissances et intérêts des récalcitrants fondamentalistes des deux cotés peuvent être neutralisés.

Thèse VI

Dans le second mandat de Bush, l’administration s’est engagée dans une nouvelle stratégie multilatérale, en partie due au fait qu’elle s’est retrouvée enliser dans le « maintien de la paix » en Irak et qu’elle a désormais besoin d’un soutien international, peu importe d’où il provient. En conséquence, les Etats Unis actuellement suivent l’exemple européen en ce qui concerne les négociations avec l’Iran. Mais il n’y a aucune certitude que l’approche européenne réussira, en particulier si la stratégie iranienne continue à osciller, et semble être au point mort pour le moment (appelant souvent à un arrêt « provisoire » de son programme nucléaire) – ce qui éveille la suspicion des américains.

En février 2005, le ministre français de la Défense, Michele Alliot-Marie, a déclaré que les négociations ont été entravées par le manque de confiance des deux côtés : « les Européens ne veulent rien céder, aussi longtemps que les Iraniens n’accepteront pas les contrôles exigés… Et les Iraniens ne veulent en aucun cas renoncer à leur programme nucléaire d’enrichissement étant incertains d’obtenir quelque chose de tangible en retour. »

Si certaines preuves permettaient de prouver la duperie iranienne, il s’avérerait peu probable que l’Iran pourrait diviser la politique des Etats-Unis et de la troïka européenne, c’est à dire l’Allemagne, la France et l’Angleterre. L’affaire pourrait être présenter devant le Conseil de sécurité de l’ONU, car les Etats-Unis et l’Union européenne recherche un moyen pour coopérée, après l’échec de l’Irak. De plus, avec de bonnes incitations, la Russie pourrait se rap­procher des Etats-Unis et de l’Union Européenne. La Chine s’abstiendrait pro­bablement.

De cette perspective, l’ONU pourrait décider de mettre en place des sanctions contre l’Iran, et les Etats-Unis chercheraient alors à renforcer son maintien sur l’Iran. Cependant, en même temps, il serait difficile d’imposer un régime de sanctions à l’Iran. Ceci dérangerait les pays qui cherchent à faire commerce avec l’Iran (Turquie, Japon, Chine, Russie). De plus, étant donné l’économie souterraine générée le marché noir en technologie d’énergie nucléaire, plus l’expertise Iranienne lui-même, il serait probablement difficile de bloquer le développement nucléaire.

En même temps, les sanctions internationales mécontenteraient la population générale qui cherche l’accès aux biens de consommation occiden­tale. Ce fait a pu pousser le régime à reconsidérer ses politiques, mais ne sera pas le facteur décisif.

Thèse VII

Les Etats-Unis maintiennent de diverses options en ce qui concerne la question de la prolifération nucléaire, et si les Etats-Unis continuent à craindre que l’Iran développe des possibilités d’armes nucléaires. Les Américains crai­gnent qu’en possédant une capacité atomique, l’Iran déstabilisera la région entière, et pourrait contrarier, en plus Israël, de ses relations avec l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Pakistan – et l’Irak également. Il est impératif de sou­ligner que ce ne serait ni dans l’intérêt des USA— ni de l’Iran.

Les options militaires des Etats-Unis vont des actions secrètes, à des attaques anticipées et des bombardements ciblés, pour diriger une interven­tion militaire. Alors que l’Amérique s’est enlisée en Irak (en Afghanistan avec l’OTAN), une intervention directe semble très improbable. Des attaques ciblées sont de même très incertaines étant donné que de telles actions pour­raient promouvoir la déstabilisation de l’Iran, la région, et ainsi forcer le prix du pétrole à escalader.

Des actions militaires moins évidentes, comprenant des actions secrètes et du sabotage, ne peuvent cependant pas être entièrement exclues.

Thèse VIII

Afin d’obtenir le consentement iranien pour des contrôles européens ou internationaux sur le cycle de combustion nucléaire iranien, les Etats-Unis devront peut être finalement s’engager dans des négociations directes avec le régime, et ainsi commencer à brisé l’isolement de ce dernier, comme cela avait été recommandé par le négociateur en chef de l’AIEA, Dr. El-Baradei. Dans la perspective de ce dernier, les Etats-Unis doivent agir plus directement, et donc offrir plus, de même pour les Européens, afin d’obtenir une plus gran­de confiance.

Les efforts pour dissuader l’Iran de contrôler son propre cycle d’enrichis­sement nucléaire, pourrait signifier une reconnaissance du régime et non pas un changement de régime (sans toutefois rejeter l’idée d’une réforme plus concrète du régime) – étant donné les conditions négociées appropriées et les assurances conditionnelles de sécurité menant aux garanties de sécurité. L’option d’accorder des garanties de sécurité de l’ONU à l’Iran, associées à une reconnaissance diplomatique des Etats-Unis, et mettre fin aux sanctions interdisant tout investissement et tout commerce américain, par un processus étape par étape, serait peut être une possibilité – mais seulement si les condi­tions s’avèrent acceptables.

De telles conditions incluent, entre autres, l’abandon du control natio­nal iranien de processus d’enrichissement, ainsi que de tous les programmes de développement d’armes nucléaires. Parmi les problèmes géopolitiques, il s’agit de restreindre le soutien iranien au Hezbollah, en assumant qu’un accord puisse avoir lieu en ce qui concerne la présence continue d’Israël au Liban. D’autres conditions peuvent inclure la reconnaissance de l’État d’Israël, ainsi que des étapes claires vers un accord de paix israélo-palestinien. L’Iran a déclaré qu’il soutiendrait un accord de paix avec Israël, sur lequel les Palestiniens seront d’accord.

Les cas de l’Ukraine, de l’Afrique du Sud et de la Libye, offrent un espoir de compromis, ces trois derniers ayant abandonné pour différentes raisons leur programme nucléaire. Peut être que l’exemple le plus notable est l’Ukraine, à qui on a donné des garanties de sécurité en 1994, par chacun des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. L’Ukraine obte­nait des garanties de sécurité de l’ONU après qu’elle ait renoncé à ses armes nucléaires en dépit (ou en raison) des craintes d’attaque de la Russie, et en réponse aux pressions et aux incitations communes des Etats-Unis et de la Russie.

Le fait que l’Ukraine ait renoncé à ses capacités d’armes nucléaires, n’a pourtant pas empêché toute « réforme de régime » paisible et démocratique une décennie plus tard en 2004, avec sa révolution « orange ». Alors qu’il est encore possible pour les Etats-Unis d’amorcer des pourparlers avec l’Iran, les Etats-Unis ne peuvent pas empêcher de continuer les réformes à l’intérieur de l’Iran, par exemple, ce qui fut proposé à cette conférence, en vue de la puis­sance excessive du « Conseil des Gardiens », ainsi que le besoin de l’Iran de s’engager dans d’autres réformes démocratiques. En d’autres termes, le manque actuel de pratiques démocratiques en Iran ne devrait pas servir de prétexte aux Etats-Unis pour ne pas entamer le processus d’engagement diplomatique.

La question nucléaire devrait être l’inquiétude principale de Washington ; mais c’est aux Iraniens, et non pas aux Etats-Unis, de réformer leur système de gouvernance. Téhéran joue la carte nucléaire comme facteur de pouvoir politique pour gagner la reconnaissance de Washington. Mais cela n’empêchera pas les réformes sociales et politiques de s’accélérer. La problé­matique est de savoir si les USA peuvent accorder à l’Iran la reconnaissance diplomatique par un processus étape par étape de garanties de sécurité sou­tenues par l’Onu sans permettre à Téhéran de développer son armement nucléaire et autres armes de destruction massive.

Si la rationalité pouvait régner, l’élimination de Saddam Hussein et des Talibans, et les étapes vers la réalisation de la feuille de route pour la paix, un véritable accord de paix entre les Israéliens et les Palestiniens, pourrait susci­ter l’espoir d’une réconciliation américano-iranienne après maintes années d’hostilité et d’amertume.

De plus, alors que l’établissement « d’une zone libre d’armes nucléaire » serait une possibilité improbable, du fait qu’Israël continuera à soutenir une force nucléaire de dissuasion non déclarée, il est possible que les États du Moyen-Orient, y compris Israël et l’Iran, puissent accepter un accord « contra première utilisation » des armes de destruction massive.

Il est également possible qu’Israël puisse accepter de mettre ses sys­tèmes et technologies nucléaires sous la sauvegarde de l’AIEA – si toutefois les Etats Unis apportaient des garanties de sécurité suffisantes. De telles garanties de sécurité pour Israël et la Palestine, pourraient être accordées à travers le déploiement des soldats de la force de paix multinationale de l’OTAN-UE-Russie et le partenariat pour la Paix (incluant les troupes turques, par exemple) sous un mandat général de l’ONU, a Gaza après le retrait israé­lien et finalement dans une Palestine nouvellement indépendante avec la for­mation des « communautés régionales de sécurité. »

Mais un scénario si optimiste n’a pas été encore accompli. Après la vic­toire aux élections du conservateur islamiste, Mahmoud Ahmadinejad, Washington a déjà laissé entendre qu’il aurait pu avoir un rôle important dans la prise d’otages américains de 1979. Ce qui est nié par Téhéran. De plus, depuis août 2005, Téhéran joue à nouveau la carte de l’enrichissement nucléaire comme facteur de pouvoir politique, risquant des sanctions de l’ONU, combinée avec la menace de l’augmentation du prix du pétrole, pour faire pression sur les Etats-Unis et l’Europe, et dans un effort de diviser les deux3. Il faudra alors encore un certain temps avant que les Etats-Unis et l’Iran puisse résoudre leurs différences ; il semble clair que les intérêts des intransi­geants des deux côtés s’opposent à toute réconciliation dans un avenir immé­diat.

Néanmoins, si les néo-conservateurs de l’ère de Ronald Reagan avaient pu secrètement ouvrir la porte à Téhéran en 1979 au milieu de la prise d’otages, il ne devrait pas être totalement exclu que certaines des ces mêmes néoconservateurs sous George Bush, Jr., aient avec l’accord des néoréalistes de l’administration Bush, la possibilité de faire la même chose. C’est-à-dire, une vraie révolution dans la pensée de politique étrangère américaine sera nécessaire pour trouver une sortie de crise.

Sans une véritable stratégie de la part de Washington, et avec la stabi­lité de l’économie mondiale en jeu, on peut seulement espérer que les impré­cations mutuelles d’aujourd’hui ne dégénèrent pas et ne deviennent pas des hostilités ouvertes.

* Hall GARDNER est Professeur de Relations Internationales et Directeur des Etudes Internationales à l’Université américaine de Paris. Auteur de plusieurs ouvrages et publications sur la politique internationale américaine dont le dernier intitulé, American Global Strategy and « War on Terrorism », Burlington, Ashgate, 2005.

Note

  1. Benjamin K. Sovacool, « Think Again: Nuclear Energy » Foreign Policy (September 2005).http://www.foreignpolicy.com/story/cms.
  2. Voir, « Iranian president: No ‘nuclear apartheid' » CNN Access (September 17, 2005).http://www.cnn.com/2005/WORLD/meast/09/17/ahmadi-nejad/index.html
  1. Les efforts iraniens de diviser les Américains et les Européens jusqu’ici n’ont pas réussi : la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont demandé à l’Agence internationale de l’énergie atomique de déférer l’Iran au Conseil de sécurité de l’Onu, mais à une date non spécifiée. Voir, « Implementation of the NPT Safeguards Agreement in the Islamic Republic of Iran. Resolution adopted on 24 September 2005. »

http://www.iaea.org/Publications/Documents/Board/2005/gov2005-

77.pdf La Russie a déclaré qu’elle ne veut pas que l’Iran possède les armes nucléaires, mais a réclamé des efforts diplomatiques continus avant de présenter le dossier devant le Conseil de sécurité de l’Onu.

 

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