ONG DE DROITS HUMAINS ACTIVANT DANS LES PAYS DU SUD : UNE AUTRE PERSPECTIVE

Ibrahim TAOUTI

Mai 2006

DE NOMBREUX PAYS DE l’hÉMISPHÈRE SUD de la planète sont le point de mire des accusations d’organisations internationales1 non gouvernementales (ONG2) de droits de l’homme3. Nous proposons de débattre de la nature juridique4 hybride (organisation à statut national5 et à vocation internationale6) et du rôle de ces ONG dans les pays du Sud, notamment en Algérie, en tenant compte tant des besoins in­ternes de ces pays que de la dynamique et de l’impact de la globalisation. Il s’agit de répondre à la question de savoir si ces ONG sont désintéressées et neutres comme elles l’affirment, si elles sont un facteur de conquête et de consolidation des libertés et droits humains ou le simple faire valoir d’un programme conçu et financé par d’autres qu’elles-mêmes.

Ce texte révèle le double paradoxe des ONG internationales: d’une part acteurs politiques déguisés et entreprises rentables contre la doxa dominante de leur en­censement médiatique (organisations neutres et désintéressées) et, d’autre part, les différences de cultures et les luttes d’intérêts justifiant leur critique. Leurs dysfonc­tionnements font qu’elles focalisent sur les seuls droits civils et politiques – ignorant les droits économiques, sociaux et culturels – alors que tous les droits de l’homme sont sensés être universels et indivisibles. Ce double paradoxe reste globalement inaperçu par les ONG du Sud, lesquelles sont souvent des affaires familiales, triba­les ou partisanes. Leur rôle est moins national que celui de porte-voix du discours de leurs grandes sœurs du Nord, alors même qu’elles ont intérêt à définir une vision authentique et des stratégies adaptées aux besoins des populations dont elles sont issues afin d’obtenir la légitimité et le permis d’agir en leurs noms.

Définition impossible des ONG

Très diverses, multiples et variées, les ONG se définissent négativement : n’ap­partiennent pas à l’Etat, n’ont pas de but lucratif…, usant parfois d’affirmations: apolitiques, areligieuses… Les intentions qu’elles proclament volontairement à tra­vers leurs statuts ne sont pas suffisantes pour les définir, même si elles ont en com­mun la même culture dont elles affirment l’universalité, une culture sensée justifier et expliquer leurs activités (conception de la démocratie, du développement, du contenu des droits de l’homme, du rôle de la femme, de la place de la religion…). Ce mode de définition ne renseigne ni sur leur organisation ni sur leurs fonctions. De fait, leur définition serait une tâche impossible7 en raison de leur disparité8, dont la seule constante est leur internationalité9.

Dans les faits, elles ont un statut contradictoire: acteur privilégié de la société civile et, successivement, partenaire de l’Etat, des organisations intergouvernemen­tales du Nord et des multinationales et substitut à l’Etat du Sud ou organe de recours contre ce dernier.

Une neutralité douteuse

L’index accusateur des ONG du Nord se tourne naturellement plus souvent vers le Sud que vers le Nord. Sans doute dira-t-on que les violations des droits humains sont massives au Sud et plus rares au Nord. Oui, sans doute, mais seulement pour les droits civils et politiques. Or, cette sélection parmi les droits humains sensés être indivisibles et universels est révélatrice d’un choix partisan et davantage d’une lo­gique d’intérêt, laquelle détermine leur position coopérative ou hostile par rapport au monde des affaires (mécénat contre lobbying, boycott, etc.) et à celui des Etats (partenariats institutionnels). Elles défendent sensiblement les mêmes programmes définis au Nord, et plaqués tels quels au Sud, sans que des acteurs locaux aient leur mot à dire. Pourtant, l’effet structurel de la globalisation touche directement tous les droits humains et non seulement les droits civils et politiques sur lesquels les ONG continuent, vis-à-vis des pays du Sud, de concentrer leurs activités de lobbying/dénonciation, tout en gardant un silence lourd de significations sur la violation et menaces de violations sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Posons une question gênante: Quels sont les résultats politiques et économiques pour les populations du Sud de la politique méditerranéenne des droits de l’homme de l’Union Européenne ? Qu’a donné le processus de Barcelone sur ce double plan ? Les pays du Sud n’exportent toujours pas davantage en termes de valeur qu’ils ne le faisaient avant, et les investissements directs du Nord vers le Sud sont décevants en volume et en qualité. Par contre, ce processus a été du pain béni pour les ONG

financées par les pays du Nord pour soutenir les seuls droits civils et politiques, sous prétexte d’approfondir les relations avec les sociétés civiles et d’accroître leurs activités communes. Elles bénéficient d’avantages fiscaux (y compris la TVA et les droits de douane sur les biens et services utilisés dans le cadre de leurs activités) et les donations qu’elles reçoivent sont déductibles des impôts ou compensées par des crédits fiscaux.

Si les ONG tirent leur légitimité des libertés d’expression, de réunion et d’as­sociation universellement reconnues et méritant le respect, ainsi que sur les valeurs qu’elles disent promouvoir, les conséquences pratiques de leurs initiatives, apparem­ment bien intentionnées, ne coïncident nécessairement pas aux buts auto-proclamés. Leur fonction réelle ne correspond pas toujours aux intentions et aboutit, d’une part, à reproduire les systèmes critiqués, sinon à les renforcer sur certains points, et, d’autre part, à affaiblir l’Etat du Sud conformément aux vœux de la doctrine néo-libérale. En effet, la réponse aux violations est seulement médiatique et se conjugue aux pressions occidentale pour fragiliser l’Etat en le conduisant à délaisser un pan entier de droits de l’homme (dépenses sociales), ouvrir ses frontières aux marchandises du Nord et au transfert vers l’extérieur des bénéfices ; remettre en cause des acquis sociaux, etc. L’on sait que la globalisation amoindrit le rôle des Etats du Sud (déréglementation, austérité des dépenses sociales et culturelles). Sa dynamique a des effets sur la cohé­sion sociale (marginalisation, chômage, inégalités, pauvreté), sur l’environnement (fragilisation) et sur la vie économique interne traditionnelle (règles du travail, du commerce, des privatisations). La remise en cause des acquis sociaux et culturels nécessitée par le libéralisme crée de nouveaux besoins par leur nature et par leur am­pleur. Or, les ONG continuent d’agir selon les modes traditionnels sur les seuls droits civils et politiques, avec l’alternative respect/violation de ces droits, laquelle diffère en matière des autres droits, notamment les droits économiques, sociaux et culturels (droits à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, au logement, à l’eau potable, etc.) qui ne sont pas seulement des droits à ne pas violer mais des droits qu’il faut surtout sauvegarder sinon réaliser, concrétiser ou promouvoir. Certes, les facteurs de la glo­balisation/ouverture ont compliqué le théâtre d’opération des ONG, ce qui aurait du les amener à élargir et enrichir les domaines de leurs activités. L’interdépendance des populations, des économies, (libéralisation de l’investissement, du commerce des biens, des services et du capital) et des idées (information transnationale) auraient du les amener à changer de stratégie, d’autant plus que de nouveaux et puissants acteurs internationaux sont apparus, les multinationales, reléguant les Etats du Sud à l’adaptation, au suivisme, sinon à la réaction en perdant l’initiative.

Ce n’est pas par méconnaissance des nouveaux enjeux et par ignorance des nouveaux acteurs que les ONG des droits humains sont sélectives dans leurs pro­grammes et dans leurs cibles. Elles invoquent un partage des tâches avec les ONG de développement. Or, pourquoi dans leurs activités au Nord surveillent-elles et stimulent-elles la responsabilité sociale des entreprises dans les pays industrialisés et sont moins regardantes lorsqu’il s’agit des entreprises du Sud, généralement des entreprises d’Etat, et des activités des multinationales dans les pays émergeants du Sud. Pro-actives et universalistes au Nord, elles ne sont que réactives et sélectives au Sud. Ainsi, la stratégie d’investissement éthique au Nord reste inconnue au Sud où les Etats continuent de quémander l’investissement conventionnel, faute de mieux, en contrepartie d’une déréglementation rampante. Autre exemple tiré du droit à la vie: les ONG adoptent une politique de double standard. La stratégie est continue et à long terme pour dénoncer la peine de mort dans les pays du Sud, en focalisant sur l’Arabie Saoudite, et n’est que ponctuelle lorsqu’il s’agit d’un pays du Nord, notamment pour sauvegarder l’étiquette de neutralité10.

Vis-à-vis des multinationales, ces ONG collaborent pour, principalement, ini­tier des codes éthiques et n’exigent ou n’utilisent pas les dispositions juridiques dis­ponibles. Elles vendent des labels11 de commerce équitable, des codes de conduite, du sponsoring et marketing et de la certification sociale. Elles monnayent aussi leur expertise par des consultations lucratives. Ce faisant, elles participent à la substi­tution de la norme ‘morale’ ou éthique à la règle de droit, sous prétexte de ‘régu­lation ‘civile’ ou normes volontaire dite ‘soft’ opposée à celle de la règle de droit obligatoire ; des normes soft dont elles sont les émetteurs avec les gouvernements du Nord, les agences de l’ONU, les organismes économiques et financiers interna­tionaux (OCDE, BM, FSI, OMS), les universités du Nord et les multinationales. Sur ce point, les ONG sont donc co-législateurs, conseillers – experts et juges des performances. Elles invitent les multinationales, nouveaux et puissants acteurs in­ternationaux, à l’action volontaire qui n’est pas sanctionnée par le droit. Neutres les ONG ? Sûrement pas.

Une dépendance accrue

Les ONG du Nord collaborent – ne dénoncent pas – avec les gouvernements du Nord et obtiennent, en contrepartie, des subsides sous toutes les formes. La plupart des ONG participent de plus en plus, en effet, à des programmes gouver­nementaux et d’organismes politiques et financiers régionaux et internationaux, y compris la Banque Mondiale et l’ONU12, ce qui assure leur survie financière. On comprend que les ONG se doivent d’exister, de continuer d’activer, et donc d’avoir des moyens financiers pour payer leur personnel, leurs loyers, les voyages de leurs enquêteurs, etc. Cette collaboration sert, aux yeux des Etats du Nord pourvoyeurs de fonds et de programmes, des intérêts de puissance. Elle a, à son tour, nécessité la professionnalisation croissante des ONG, exigé un personnel permanent, le sa­lariat, le carriérisme et la bureaucratie. On est loin du bénévolat volontaire initial. Les finalités affichées dans les statuts sont donc forcément limitées, voire remises en cause, par le besoin vital de leur survie. C’est leur collaboration avec des Etats et des organismes officiels qui a renforcé la logique ‘entreprenariale’ au détriment du sentiment altruiste, du discours humanitaire et des bonnes intentions.

Ainsi, au rapport conflictuel avec les Etats du Sud, qu’elles fragilisent, elles ont un rapport paradoxal de partenariat avec les multinationales, les gouvernements du Nord et avec les organismes internationaux. Ces collaborations peuvent sans doute être précédées de pression, mais les ONG ‘partenaires’ ne sont souvent pas forcément celles qui animent les campagnes de pression. En tous les cas, les intérêts communs gouvernements du Nord/multinationales/ONG des droits de l’homme sont plus importants que les zones de divergence, contrairement aux rapports ONG/Etats du Sud vis-à-vis desquels elles continuent à ‘exiger’ le respect d’une liste définie de droits, au détriment du principe cardinal de l’universalité et de l’in­divisibilité des droits humains.

Il n’est pas de notre intention de nier l’effet souvent certain et immédiat de certaines de leurs actions dans les pays du Sud et la réalité de l’espoir que les victi­mes des violations des droits de l’homme ont à leur égard en les accueillant comme ‘amies’. L’entretien de la flamme initiale des ONG leur assure la proximité de la population victime des violations, ainsi que la fidélité de leurs nombreux militants et soutiens du Nord. Le problème de l’identité ou la contradiction entre intention et discours affichés et, successivement, ‘culture d’origine’, ‘conséquences pratiques’ de leurs activités et ‘logique de survie’ pose la question de l’éthique des ONG. Conscientes de ce besoin impérieux de légitimité, les plus grandes ONG interna-tionales13 se sont engagées très récemment sur une Charte pour s’empêcher toute discrimination et s’obliger à la franchise, à la transparence et à la bonne gouver­nance. Elles s’engagent aussi à maintenir leur indépendance financière. Tout cela est dans l’air du temps. Il est si facile d’exprimer sa bonne volonté. Mais les promesses sont ce qu’elles sont : sans garanties réelles. La Charte commune use d’ailleurs de vagues concepts. C’est ainsi que les ONG se réservent le droit de « choisir les faits et les conclusions » alimentant leurs campagnes. Et alors que la Charte établit un principe de recommandation responsable, ces ONG affirment : « Nous userons de procédés clairs afin d’adopter des positions d’ordre public, de politiques morales explicites qui guident nos choix de stratégie de recommandation ». Ceci n’inspire pas complètement confiance. Quels sont ces choix moraux et culturels sinon ce­lui de leur milieu d’origine ? Et de quel ordre public s’agit-il, sinon celui de leurs alliés naturels dont elles appliquent les programmes. Il faut savoir en effet que les organismes institutionnels du Nord ont de plus en plus recours aux ONG pour réaliser leurs propres programmes, enveloppés de ‘droits de l’homme’, en raison du moindre coût que cette voie de réalisation procure, ainsi que la flexibilité et l’agilité des ONG. Ce ne sont finalement pas les ONG qui ont des politiques de droits de l’homme mais ces institutions intergouvernementales dont les ONG appliquent les programmes moyennant financements et prestige. En contrepartie, les ONG doivent respecter les normes (surtout comptables) de vérification et de résultats concrets qui leurs sont imposés.

Formellement indépendantes des structures étatiques, les ONG sont en relation fonctionnelle constante avec elles. Elles sont financées par les instances publiques et privées du Nord au point où l’on doute qu’elles soient toujours non gouvernemen­tales et neutres, non seulement par leurs ressources mais aussi pour la définition de leurs ordres du jour. Elles sont partie prenantes des programmes officiels qu’elles se chargent d’exécuter. De plus, la plupart d’entre-elles s’engage dans l’activité de ‘consultation’ au profit de gouvernements et des multinationales, sans assumer le reproche qui fait d’elles de véritables entreprises lucratives.

L’utilité relative des ONG

Utiles les ONG ? Beaucoup pensent que les ONG sont utiles. Elles sont en rapport avec les sociétés civiles, tant au Nord, pour maintenir ou acquérir leur légitimité par des politiques d’information, de collecte de fonds et de soutiens de bénévoles, qu’au Sud, pour justifier tant de leur existence que de leur ‘permis d’opérer’ afin d’obtenir ‘l’information utilisable’. Les ONG seraient utiles pour qui? Pour les victimes au Sud des violations des droits civils et politiques de l’homme? Examinons l’hypothèse en 3 points.

D’abord, la manière d’opérer des ONG se fixe généralement sur l’urgence, et sur un choix arbitraire de droits à promouvoir, renvoyant donc la question des causes des violations et des menaces de disparition des droits et fermant la porte à celle de la transformation du réel. Elles participent donc à la reproduction du réel qui est leur raison d’être tant que l’agenda du donneur d’ordre réel n’est pas réalisé. La fixation de leurs objectifs, droits civils et politiques, renseigne amplement sur le choix irrationnel et arbitraire de délaisser les autres droits (économiques, sociaux et culturels) alors même que, théoriquement et sur leurs propres statuts et discours, tous les droits de l’homme sont universels, indivisibles et interdépendants.

Sans doute que la violation des droits économiques, sociaux et culturels est aussi le fait des multinationales et des structures du marché international qui imposent les prix des matières premières et du travail des paysans et ouvriers du Sud. Or, s’il faut admettre que le besoin de droits civils et politiques dans les pays du Sud est pressant, celui des autres droits l’est davantage sur le double plan de la culture et des réalités socio-économiques. En Algérie, après des décennies de socialisme, avec ce que cela comporte d’acquis sociaux et économiques, ces acquis sont directement menacés de remise en cause systématique par l’adoption de la politique libérale. Aucune ONG n’a pensé à adopter un programme pour faire face à ce danger im­minent. Il faut bien reconnaître que les restes du socialisme ne font pas leur soupe. Elles ont toujours défendu la libre entreprise et été les partenaires du libéralisme. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) créée en 1922 n’a ja­mais dénoncé, jusqu’en 1970, le colonialisme et ses crimes (massacres de Sétif et de Guelma de mai 1945, de Madagascar de 1947, des ouvriers algériens à Paris en 1961). Ceci s’explique par le fait que ces ONG prennent modèle sur leurs sociétés d’origine et leurs valeurs. Elles sont aujourd’hui l’un des instruments de néo-li­béralisme. Leurs ordres du jour le confirme de manière éclatante. Elles sont des partenaires privilégiés des gouvernements du Nord et des organisations financières internationales afin d’instaurer (restaurer dans les pays de l’Est) le capitalisme. Le reste du monde doit s’y refléter. L’idée générale qui sous-tend leur activisme est qu’il y a un retard de libertés (de circulation du capital et des idées dominantes) à combler, des réglementations restrictives à démanteler aux niveaux politique et économique, et donc un Etat à affaiblir. Peu importe si elles agissent consciemment ou non. Seul le résultat est parlant.

Ensuite, le choix et l’organisation des partenaires du Sud sont révélateurs. Les ONG entraînent dans leur sillage les seuls partenaires du Sud qui acceptent leurs conditions, avec de plus en plus d’exigences, y compris dans la définition des pro­grammes et le contrôle des ressources. Le partenariat Nord-Sud des ONG est de la pure rhétorique. Il est à sens unique. Les ONG du Sud devront ajuster leurs pro­grammes, projets et priorités sur les grandes soeurs, car l’évaluation de leur travail est externe et leur survie en dépend en raison de l’absence de ressources et de la stupidité des gouvernants du Sud. Toute ONG locale qui refuse de se plier aux normes nordis­tes est boycottée et, dans les coulisses, dénigrée. Devenues de véritables Etats et/ou entreprises commerciales déguisées, les ONG internationales exigent de leurs sous-traitants des rapports plus fréquents, plus détaillés et selon des canevas pré-établis. L’attitude condescendante et paternaliste est toujours de mise. La société du Sud ne sait pas ce qui lui convient dans une ambiance de cafouillage des idées, d’absence volontaire ou forcée de l’élite et des organisations politiques et syndicales locales. Il faut aussi dire que, parfois, l’interlocuteur du Sud est heureux de ce partenariat tant que son ou ses représentants sont invités à voyager gratuitement dans les capitales du Nord. L’autosatisfaction résultant d’un article de presse révèle aussi la culture bla­bla ; alors qu’un procès retentissant aurait pu faire bouger les choses. Mais l’usage des tribunaux pour faire respecter les droits humains n’est pas dans les cordes des ONG. Cela signifie travailler hors des plans des institutions gouvernementales et régionales dont les programmes destinés aux ONG prévoient bien autre chose.

Enfin, les ONG visent apparemment à faire pression sur les gouvernement afin que ceux-ci respectent davantage le droit et, en dernier recours, à les faire condamner moralement devant l’opinion publique internationale. Sans doute que le mandat des différentes ONG ne les prédispose pas à militer au-delà de la pression publique et de l’alerte des institutions des droits de l’homme de l’ONU. Or, elles ne le disent jamais clairement aux victimes, qui continuent de garder l’espoir entretenu de résultats palpables grâce à des chimères. De fait, le mode classique d’action des ONG laisse de très faibles probabilités d’un changement de conduite radical des gouvernants dénoncés. En réalité, ce sont les alertes, pressions et actions médiati­ques qui font tenir le fonds de commerce des ONG dans leur pays d’origine. Pour prospérer, elles doivent aussi maintenir des sources d’information locales, les plus variées si possible pour faciliter les recoupements et n’utiliser que les mécanismes de l’ONU des droits de l’homme. Or ces mécanismes ont, d’une part, gardé une approche sectorielle et, d’autre part, n’offrent que des résultats stériles au regard de leur fonctionnement bureaucratique coûteux. D’ailleurs, les ONG le savent bien. Ainsi, après plus de dix années de récolte d’informations sur les violations des droits de l’homme et sur les victimes, en Algérie, très peu de dossiers ont été présentés par ces ONG aux mécanismes de l’ONU. Prenons l’exemple du dossier des victimes de disparitions forcées. Les chiffres en Algérie tournent entre 7 et 12.000 victimes directes. Il s’est même trouvé des chiffres officiels qui les situent à un peu plus de 6.000. Malgré l’absorption par les ONG internationales des droits de l’homme d’un nombre considérable de dossiers de disparus, il n’a été formellement déposé auprès des instruments de l’ONU qu’un nombre infime de cas, pas plus d’un millier.

Culture de droits humains

Concernant les pays du Sud, un préjugé entretenu par les ONG domine pour donner à comprendre que les population de ces contrées auraient tout à apprendre sur les droits de l’homme, nés depuis la Magma Carta, la Charte royale des droits politiques concédés au 13ième siècle aux barons anglais en révolte par le Roi John de Grande Bretagne. Tout le patrimoine éthique des pays du Sud est franchement ignoré. L’évoquer provoque le sourire moqueur. Prenons l’exemple des populations musulmanes, qui représentent le cinquième de la population mondiale. Que sa­vent les ONG du Nord sur le Pacte des vertus (Hilf al-fudhul) conclu en 590, et précédant donc de sept siècles la Magma Carta? Rien. Ce Pacte avait été conclu par plusieurs clans de la tribu Quraych, dans l’Arabie de l’époque. Les congressistes s’étaient réunis et avaient prêté ce serment: « Par Dieu! Nous serons tous une seule main avec l’opprimé et contre l’oppresseur, jusqu’à ce que ce dernier lui rende son droit, et cela aussi longtemps que la mer restera capable de mouiller un poil et que les monts Hira et Thabir resteront sur place, et cela avec une parfaite égalité en ce qui concerne la situation économique de l’opprimé ». Le Prophète Mohammad (PSASL) en a dit : « J’ai assisté chez ‘Abd-Allah Ibn-Jud’an à un Pacte tel que je ne voudrais pas l’échanger contre les meilleurs chameaux, et si j’étais invité à m’y conformer, maintenant que nous sommes en Islam, j’accepterais volontiers. » Dans un Hadith célèbre, le Prophète a prescrit de porter secours tant à l’opprimé qu’à l’oppresseur. Quand l’une des personnes présentes demanda : « Messager d’Allah, s’il est opprimé je le secours, mais s’il est oppresseur comment pourrais-je le secou­rir ? » La Prophète a donc expliqué : « En l’empêchant d’opprimer », posant là la base moderne de toute la philosophie des ONG de droits humains. Principalement, tout musulman a l’obligation Qur’anique14 d’ordonner le convenable et d’empê­cher le blâmable, sans demander d’autorisation et sans violence. Dénoncer les vio­lations des droits humains et des libertés est bien inhérent à l’Islam ; et ce n’est pas l’attribut d’une élite mais le devoir de chaque musulman.

Quant à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (ci-après DU), elle avait été adoptée par les représentants de 48 pays sur un total de 58, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies durant l’ère colonialiste: deux Etats n’avaient pas voté et 8 s’en étaient abstenus. La position des six Etats arabes mem­bres révélait leur diversité : le Yémen s’était abstenu de voter, quatre pays (Egypte, Irak, Liban et Syrie) ont voté pour. L’opposition de l’Arabie Saoudite avait pour cause les articles 16 et 18 de la DU15. Aujourd’hui, la majorité au sein des organes de l’ONU est formée par de nouveaux Etats d’Asie et d’Afrique possédant un riche héritage philosophique, idéologique et culturel. Si le dialogue est consubstantiel aux droits humains, il est légitime de relativiser l’universalité proclamée dans l’ab­solu de la DU. La table ronde convoquée à Oxford à l’initiative de l’UNESCO du 11 au 19 novembre 1965, à laquelle avaient participé des personnalités appartenant aux traditions les plus différentes (occidentales, marxistes, bouddhistes, hindouis-tes, confucianistes, islamiques, africaines etc.), était arrivée à la conclusion que «la Déclaration universelle a été fortement influencée par la tradition occidentale des droits de l’Homme». Sa forme et sa terminologie, ainsi que « la place accordée en son sein aux droits civils et politiques (…) témoignent de cette influence. » Même sur ces seuls droits, on n’avait pas pu introduire dans la Charte des Nations Unies de mécanisme efficace de protection de ces droits en raison du fait que les puissan­ces coloniales maintenaient leur politique de domination, que l’URSS gardait son goulag et que les USA avaient un système légal interne raciste. Charles O’Connor, candidat à la présidence des USA en 1859, pouvait très sérieusement proclamer : « L’institution de l’esclavage est juste, bienveillante, licite et convenable ». Que conclure après ce rapide tour d’horizon certes schématique mais révélateur des grands traits de la réalité ?

Il est vital nous semble-t-il que l’élite des pays du Sud s’attache à revitaliser le patrimoine intellectuel et idéel dormant des droits humains. Il est tout aussi vital de revoir les collaborations horizontales et verticales locales pour un meilleur partage des rôles et des ressources. En matière de droits de l’homme, plusieurs associations et comités de victimes, ainsi que de nombreux avocats et défenseurs des droits de l’homme travaillent de façon isolée et sans coordination, et restent sous l’influence familiale, tribale ou partisane inconsciente. Ils ne doivent pas s’attendre à ce que les ONG internationales les aident à changer de perspective et de mode d’actions, car ce qui intéresse ces dernières est la récolte de témoignages locaux et l’usage d’une main d’oeuvre gratuite. Ce n’est pas l’organisation des victimes et des ONG locales et leur promotion qui les intéresse, elles peuvent bien continuer à être éparpillées

et parfois à se faire une guerre de renommée, de représentation ou seulement de prestige personnel des leaders.

Les victimes directes des violations des droits de l’homme, elles, n’y peuvent malheureusement rien à cette situation. Elles n’ont jamais la faculté d’agir en tant que sujets de droit ; ce sont des objets passifs figurant sur des fiches transmises aux ONG du Nord. En Algérie, elles savent plus que quiconque, qu’après douze années de sang et de larmes, jamais leurs droits n’ont été rétablis ni aucun dédommage­ment ne s’est matérialisé par ce biais. Elles ont certes eu la satisfaction momentanée d’avoir été indirectement écoutées par des témoins « prestigieux ». Cela peut être une consolation précieuse pour la victime isolée faisant face au mur du silence et à la douleur du dédain. Les ONG auront alerté l’opinion publique internationale de cas concrets, mais seulement avec l’effet éphémère d’un fait divers. Si la victime éprouve une certaine satisfaction morale lorsqu’elle entend parler de son cas, et d’une condamnation symbolique de l’Etat qui a attenté à ses droits, elle reste, tout comme les défenseurs locaux intègres des droits de l’homme, insatisfaite car la dure réalité va encore perdurer.

Pour recentrer les choses, les victimes et ONG locales ont sans doute l’obstacle étatique à franchir. Alors qu’au Nord, les ONG sont les partenaires des gouverne­ments, au Sud elles sont sinon interdites, du moins combattues. Les gouvernements du Sud devraient plutôt faciliter cette prise de conscience et aider les ONG locales à sortir du rôle de porte-voix des ONG du Nord et de leur tête-à-tête abrutissant. Un nouveau pacte gouvernement/ONG locales est donc vital pour tous. En Algérie, le législateur avait affirmé, onze années après l’indépendance du pays, la nécessité de mettre fin à l’application de la législation d’origine coloniale et avait promulgué une législation conforme à ses options, socialistes à l’époque16. Avant même d’exprimer formellement cette volonté, il avait promulgué une ordonnance venant remplacer la loi française du 1er juillet 190117. A la liberté et à l’autonomie de l’association classique sont opposés la non-liberté (ou la règle de l’agrément et/ou de l’autorisa­tion)18 et la non-autonomie; le statut-type uniforme obligatoire est extrêmement détaillé19. Depuis la Constitution de 1989 modifiée en 1996, les principes de liberté et de défense individuelle et collective des droits de l’homme est affirmée sans qu’au niveau de la pratique administrative la mentalité socialiste n’ait été totalement éva­cuée. Or, étant donné que le plus important objectif à réaliser ensemble est un ‘plus jamais de violations’, l’Etat devrait favoriser la liberté d’association et donner aux citoyens le sentiment que leur voix peut être entendue. L’ONG locale peut être, en tant que facteur de pluralisme et de stabilité sociale, un acteur authentique et solide fondé tant sur la Constitution que sur le Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ratifié en 1989.

* Juriste de formation, licencié en droit de l’université d’Alger et d’un Magister en droit privé, il a exercé durant plus de 28 ans la profession d’avocat. Il est inscrit au Barreau d’Alger et est agréé à la Cour suprême et au Conseil d’Etat. Auparavant, il avait exercé comme directeur d’administra­tion, de chef de service et de formateur dans des entreprises publiques et des banques algériennes après une courte expérience dans l’administration publique. A collaboré au Département juridi­que de Novo Nordisk pour l’implémentation durant 18 mois du programme de l’égalité de chan­ces dans douze pays. S’intéresse depuis 1988 aux droits de l’homme sur lesquels il a écrit et tenu des conférences dans de nombreux pays, en focalisant sur la perspective musulmane des droits humains. Actuellement, il collabore au cabinet Lawhouse.dk, il s’intéresse tout particulièrement à la responsabilité sociétale des entreprises et à la bonne gouvernance. Il a participé à des études des droits de l’homme au profit aussi bien d’organisations internationales inter-gouvernementa-les comme la Banque mondiale (‘Research on Free, Prior and Informed Consent of Indigenous Peoples’, World Bank, June 2005), que de multinationales. Auteur d’une centaine d’articles et quelques livres en français et en arabe, notamment «The Taysir Alony’ case in Madrid (Spanish Cell of Al Qaeda)», Eurabe Editions, Paris, April 2006 et en collectif, «A Short Encyclopaedia on Human Rights : Fundamental Texts & Reflections, Al Ahali Publishers, Damascus, and Arab Commission of Human Rights, Paris, 2002, Vol. II.».

Notes

  1. L’article 2 du projet de convention de l’Institut de Droit international de 1950 énon­ce que ce sont: «des groupements de personnes ou de collectivités, librement créées par l’initiative privée qui exercent, sans esprit de lucre, une activité internationale d’intérêt général, en dehors de toute préoccupation d’ordre exclusivement national». Le Département de l’information des Nations unies qui assure la liaison entre l’ONU et les ONG les définit comme « un groupe de citoyens volontaires, sans but lucratif et organisé à l’échelon local, national ou international. Les ONG remplissent divers types de services et fonctions : humanitaires, d’information aux gouvernements sur les préoccupa­tions de leurs citoyens, de surveillance des politiques des gouvernements et de promotion de la participation politique au niveau communautaire. Elles fournissent des analyses et expertises, servent de mécanisme d’alerte avancée et aident à superviser et mettre en œuvre les accords internationaux. Certaines sont organisées autour de questions spécifiques telles que les Droits de l’homme, l’environnement ou la santé. Leurs relations avec les différents bureaux et agences du système des Nations unies diffèrent selon leur objectif, leur siège et leur mandat. » La Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité ju­ridique des ONG (no 124 du 24 avril 1986) s’applique aux associations, fondations et autres institutions privées qui ont : a) un but non lucratif d’utilité internationale ; b) été créées par un acte relevant du droit interne d’une Partie ; c) exercent une acti­vité effective dans au moins deux Etats et d) ont leur siège statutaire sur le territoire d’une partie et leur siège réel sur le territoire de cette Partie ou d’une autre Partie. Elles relèvent du droit national du pays où elles se sont constituées. La littérature anglo-saxonne différencie les « Mutual Benefit Organisation » (MBO) des « Public Benefit Organisation » (PBO). Les premières agissent au profit d’un groupe d’indivi­dus déterminés alors que les secondes agissent pour l’ensemble du public.
  1. ONG, ODB, OSI, ASI, OING, ONGI, PVO sont autant d’acronymes pour les désigner.
  2. Elles tirent leur légitimité de la Déclaration Universelle des droits de l’homme (arti­cles 19 et 20), du Pacte international portant sur les droits civils et politiques (articles 19 al. 2 et 22 al. 1) et du droit national où elles ont leur siège social.
  3. La résolution 288 B du 27 février 1950 du Conseil Economique et Social de l’ONU précise qu’une ONG est une « organisation qui n’est pas créée par voie d’accords inter­gouvernementaux ».
  4. CARREAU (D.), Droit international, collection Etudes internationales, 6ème édi­tion, Pédone, 1999, p. 415-416 : « une personnalité juridique de droit interne ».
  5. RANJEVA (R.), Les ONG et la mise en oeuvre du droit international, RCADI 1997, vol. 270, p. 30. AUDEOUD (O.), Le statut de la société civile internationale, un statut pour les ONG ?, in L émergence de la société civile internationale. Vers la privatisation du droit international ?, CEDIN Paris X, Cahiers internationaux n° 18, Pédone, 2003,
  6. 23-37.
  7. MARTENS (K.), Mission impossible ? Defining nongovernmental organizations, Voluntas : international journal of voluntary and nonprofit organizations, vol. 13, n° 3, September 2002, p. 271-285. VARELLA (M. D.), Le rôle des organisations non gouvernementales dans le développement du droit international de l’environnement, JDI 2005 (1), p. 41-76 et spécialement p. 42 : « l’action des ONG est difficilement syn-thétisable : il n’existe pas même de définition consensuelle de l’appellation « organisa­tion non gouvernementale » ».
  8. SLAUGHTER (A.-M.), International law and international relations, RCADI 2000, vol. 285, p. 9-250 et notamment le chapitre 3 intitulé « the role of NGOs in interna­tional law making », p. 96-151. A la page 97 de ce chapitre Mme. Slaughter écrit : « It is certainly impossible to craft a definition of NGOs that would satisfy the disparate organizations that consider themselves to be NGOs ».
  9. ALFANDARI (E.) (sous la direction de), avec la collaboration d’Amaury Nardone, Associations et fondations en Europe. Régime juridique et fiscal, éditions Juris servi­ce, 1994, p. 589-604 (« le statut européen des ONG et OING ») et spécialement p. 591 : « Les ONG se caractérisent par la nature internationale de leurs activités et de leurs objectifs ».
  1. Amnesty International’s Reaction to Benetton’s Ongoing Campaign against the Death Penalty, Press release, 28 January 2001.
  2. Par exemple, le label Tourism for Development lancé en 1998 depuis la France, sou­tenu par des compagnies d’aviation et des agences de voyages, demande aux voya­geurs de favoriser les hôteliers qui versent 1% des revenus des nuitées à des projets menés par des ONG. voir : tourismfordevelopment.com
  3. Par exemple, la Charte des Nations Unies leur reconnaît un rôle consultatif (article 71).
  1. Plusieurs ONG (Amnesty International, ActionAid, Greenpeace, Oxfam, Save the Children Alliance and Transparency International, notamment) ont adopté une Charte de Responsabilité Sociale (International NGO Accountability Charter).
  2. Qur’an: « Puissiez-vous former une Communauté qui appelle les gens au bien, leur enjoint à ce qui est convenable et les empêche de faire ce qui est blâmable: voilà ceux qui seront heureux » (3:104). Voir aussi 31:17; et encore ce verset qui précise que cette obligation repose sur les hommes et sur les femmes à égalité: 9:71; 3:110; 5:77-78 et 22:41. Dans son Ihya ‘Ulum Eddin, l’Imam Al-Ghazali écrit: « Ordonner le conve­nable et empêcher le blâmable est la pierre angulaire de la religion et le but pour lequel tous les prophètes ont été envoyés. Si ce devoir est écarté, que sa connaissance et sa mise en application sont négligées, la prophétie devient sans objet et la religion disparaît, le désordre s’étend et l’ignorance se généralise ».
  3. L’article 18 proclame le droit de changer de religion, droit qui heurte un principe de base de l’Islam. Cette disposition disparaîtra du Pacte International portant sur les Droits Civils et Politiques, dont l’article 18 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion ne fait plus mention du droit à changer de religion.
  4. Ordonnance 73-29 du 5 juillet 1973 abrogeant la loi du 31 décembre 1062 recon­duisant la législation antérieure sauf dans les dispositions contraires à la souverai­neté nationale, Journal officiel 1973, p. 678.
  5. Ordonnance 71-79 du 3 décembre 1971 relative à l’association, Journal officiel du 24 décembre 1971, p. 1410. Et aussi les ordonnances rectificatives du 7 juin 1972, alignant les associations algériennes à celles étrangères pour exiger l’avis favorable du ministre concerné en matière d’agrément/autorisation, et 73-13 du 3 avril 1973.
  6. Agrément et autorisation sont les termes cumulativement utilisés par le législateur: voir par ex. article 11.
  7. Le Décret 72-177 du 27 juillet 1972 porte sur les « dispositions statutaires commu­nes aux associations ».
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