L’EUROPE ET L’AVENIR DU MOYEN-ORIENT

Son Excellence Yves GAZZO

LA POLITIQUE DE l’uNION EUROPÉENNE au Moyen-Orient est depuis long­temps définie (Déclaration de Venise, 13 juin 1980) et reflète les liens historiques et les intérêts communs entre les deux régions.

Sur la base des deux principes adoptés par la communauté internationale, à savoir le droit à l’existence et à la sécurité pour tous les États de la région, ainsi que la justice pour tous les peuples, l’UE a assumé au fil des années un rôle actif de médiateur et a apporté son soutien politique et financier au processus de paix au Moyen-Orient. L’UE considère que tous les pays de la région ont le droit de vivre en paix, à l’intérieur de frontières sûres, reconnues et garanties et que, pour atteindre cet objectif, un véritable règlement global et pacifique est indispensable.

L’UE a toujours soutenu sans réserve le dialogue politique entre toutes les parties qui participent au processus de paix israélo-arabe. Que ce soit par le biais de négocia­tions bilatérales ou au sein d’instances européennes et internationales (entre autres, l’ONU, le Quartet, la coopération euro-méditerranéenne, la charte euro-méditer­ranéenne pour la paix et la stabilité), la politique européenne a toujours cherché favoriser et à faciliter le dialogue et les réformes politiques dans la région, dans le souci de promouvoir la compréhension mutuelle entre les dirigeants et les peuples.

La politique européenne relative au processus de paix au Moyen-Orient est con­séquente et se traduit diversement par le biais, entre autres, des visites régulières de dirigeants européens au Moyen-Orient (troïkas), des activités et des initiatives de M. Solana, et de la coopération et du dialogue avec les États-Unis et d’autres ins­tances internationales dans la région. Le dialogue régional est également encouragé par le processus de Barcelone, distinct mais complémentaire à celui de la paix au Moyen-Orient, et seul forum multilatéral, à l’exception de l’ONU où les parties se rencontrent et échangent leurs vues sur des questions politiques, économiques et culturelles.

L’action de l’Union européenne au Moyen-Orient

  • L’Union européenne a depuis longtemps l’ambition d’être un acteur de gran­de envergure au Moyen Orient

La région formée par le Sud et l’Est de la Méditerranée et le Moyen-Orient revêt une importance stratégique vitale pour l’Union européenne. Elle est consi­dérée d’ailleurs comme une priorité essentielle des relations extérieures de l’Union européenne.

Le partenariat euro-méditerranéen a pour vocation de faire du bassin médi­terranéen un espace de dialogue, d’échanges et de coopération qui garantisse la paix, la stabilité et la prospérité, de renforcer le dialogue politique, de développer la coopération économique et sociale ; de valoriser davantage la dimension sociale, culturelle et humaine et d’instaurer une zone de libre-échange d’ici 2010. Il place la transition économique et le libre-échange au cœur de la coopération financière entre l’Union et la région.

La politique de proximité de l’Union européenne à l’égard de la région médi­terranéenne est régie par le Partenariat euro-méditerranéen, action de grande en­vergure lancée lors de la Conférence de Barcelone en 1995 (appelée processus de Barcelone), qui réunit l’Union européenne et ses dix partenaires méditerranéens que sont le Maroc, l’Algérie et la Tunisie (Maghreb), l’Egypte, Israël, la Jordanie, l’Autorité palestinienne, le Liban et la Syrie (Maschrek) ainsi que la Turquie.

  • Le programme MEDA aujourd’hui

Le programme MEDA est le principal instrument financier de l’union euro­péenne au service du partenariat euro-méditerranéen. Il prévoit des mesures d’ac­compagnement financières et techniques pour la réforme des structures économi­ques et sociales des partenaires méditerranéens. Le programme s’adresse aux États, à leurs autorités régionales et locales, ainsi qu’aux acteurs de leur société civile.

Le programme MEDA a eu pour première base juridique le règlement MEDA de 1996 (règlement (CE) n°1488/96 du Conseil) qui couvrait la période de 1995 à 1999 et était doté d’un budget de 3 435 millions d’euros. Un nouveau règlement (règlement (CE) n°2698/2000), version améliorée du précédent, instituant le pro­gramme MEDA II pour la période 2000-2006 a été adopté en novembre 2000. Le nouveau programme est doté d’une enveloppe de 5 350 millions d’euros. Les principaux objectifs et domaines d’intervention s’inspirent directement de ceux de la Déclaration de Barcelone de 1995.

Le programme MEDA a une vocation à la fois bilatérale et régionale.

Coopération bilatérale Coopération régionale
Au niveau bilatéral, le programme MEDA a pour priorités :

•     l’appui à la transition économique : l’objectif est de préparer le libre-échan­ge en améliorant la compétitivité dans l’optique d’une croissance économique durable grâce, notamment, au dévelop­pement du secteur privé

•     le renforcement de l’équilibre socio-économique : l’objectif est de pallier les effets négatifs à court terme de la transition économique par des mesures sociales adaptées

Le niveau de développement de la so­ciété et de l’économie de chacun des pays, ainsi que la capacité de leurs ins­titutions, permet de définir les priori­tés d’intervention. Il peut, ainsi, être décidé de promouvoir des programmes susceptibles de contribuer au dévelop­pement de la démocratie et au respect des droits de l’homme

La coopération régionale et multila­térale reflète les progrès réalisés dans le cadre du processus de Barcelone, en prévoyant des interventions au niveau multilatéral sur des questions d’intérêt commun, conformément à la Déclaration et en renforçant les activités en faveur d’une coopération décentralisée. Les programmes régio­naux couvrent les trois piliers de la Déclaration de Barcelone.

Afin d’atteindre ses objectifs, le programme MEDA s’est doté de 5 350 millions d’euros pour la période 2000-2006.

Les actions financées dans le cadre de MEDA peuvent prendre la forme d’assis­tance technique, de formation, de développement des institutions, d’information, de séminaires, d’études, de projets d’investissement ainsi que Les financements de MEDA prennent notamment la forme :

  • d’aides non remboursables gérées par la Commission européenne et uti­lisées pour financer ou cofinancer des activités, projets ou programmes contribuant aux objectifs du programme MEDA
  • de capitaux à risque accordés et gérés par la Banque européenne d’in­vestissement (BEI) pour renforcer le secteur privé notamment le secteur financier
  • de bonifications d’intérêt pour les prêts de la BEI dans le cadre de la coo­pération dans le domaine de l’environnement, le taux de bonification ne dépassant pas les 3% d’actions visant à mettre en évidence le caractère communautaire de l’aide.

Le financement communautaire peut couvrir les dépenses d’importation de marchandises et de services ainsi que les dépenses locales nécessaires pour mettre en œuvre les projets et programmes envisagés. Les taxes, droits et charges sont exclus de ce financement. Une aide budgétaire directe en faveur du partenaire bénéficiaire peut également être octroyée afin de soutenir des programmes de réforme économi­que dans le cadre des programmes d’ajustement structurel.

Le financement communautaire dans les secteurs productifs est combiné avec des ressources propres du bénéficiaire. A somme attribuée par l’UE ne devrait pas dépasser 80% du coût total de l’investissement. Les financements communautaires peuvent également prendre la forme de cofinancements avec d’autres organismes.

Peuvent bénéficier des financements du programme MEDA en plus des États et des régions, les autorités locales, les organisations régionales, les organismes publics, les communautés locales, les organisations de soutien aux entreprises, les opérateurs privés, les coopératives, les sociétés mutuelles, les associations, les fondations, les organisations non gouvernementales des pays de l’UE et des PTM.

Les événements récents montrent la nécessité de mener une politique volonta­riste dans le voisinage de l’Union européenne

1) L’Union européenne face à la crise libanaise : l’Union fait la force

Au Liban en particulier, pays auquel s’applique notre politique de voisinage, comme dans le reste du Moyen-Orient, l’Union européenne joue un rôle actif de médiation et d’honnête courtier. Notre crédibilité est acceptée par toutes les par­ties précisément parce que nous sommes impartiaux et que nous mettons partout l’être humain au premier plan de la politique. Les efforts ont porté essentiellement sur l’accès à l’aide humanitaire que nous apportons (au total près de 100 millions d’euros) et l’ouverture de corridors humanitaire, ainsi que sur l’évacuation de res­sortissants européens et non – européens. La participation de l’Union européenne sera conséquente dans les travaux de reconstruction les plus importants.

L’Europe a fourni la colonne vertébrale de la force actuellement mise sur pied par les Nations unies pour superviser le cessez-le-feu au Liban. 3.500 soldats devaient arriver au Liban mi-septembre. Au total, les pays de l’Union européenne ont accepté de fournir 7.000 soldats pour un déploiement terrestre, et 2.000 de plus pour un support maritime et aérien. C’est le plus grand déploiement militaire réalisé dans l’histoire de l’Union européenne.

Le plus gros contingent (3.000 soldats) provient de l’Italie, qui assumera le commandement de la force de l’ONU en février prochain. La France, qui com­mandait la mission d’observation de l’ONU dans la région, envoie 2.000 soldats et conservera le commandement. L’Espagne a accepté d’envoyer 1.200 soldats ; la Pologne, 500 ; la Belgique, 400 et la Finlande, 250.

Citation utile :

En réponse à la question : « Qu’est-ce qui est en jeu au Liban ? » le ministre italien des Affaires étrangères, Massimo d’Alema a dit au Frankfurt Rundsahau : « C’est une grande occasion pour l’Europe, qui n’a jamais eu une forte présence au Moyen Orient et a surtout payé pour tout, mais qui n’a jamais été reconnue comme un joueur de premier plan. »

2) L’action de l’Union pour l’aide aux palestiniens : tous les volets du Mécanisme international temporaire sont à présent opérationnels

La commission européenne a commencé à verser les allocations sociales aux per­sonnes des territoires palestiniens. Ainsi, l’ensemble des trois volets du Mécanisme

international temporaire (MIT) mis au point par la commission européenne à la demande du Conseil européen et du Quatuor (UE, États-Unis, Organisation des nations unies et Russie) pour le Moyen-Orient sont désormais opérationnels. Les trois volets approuvés en juin 2006 couvraient les Services de santé, les services collectifs de proximité et les allocations sociales. Les nouvelles allocations (environ 270 euros par famille) seront versées aux personnes ayant subi une perte de revenu importante à la suite de la crise financière, aux retraités et à d’autres personnes en proie à de graves difficultés sociales. Dans le cadre du MIT, du combustible a déjà été livré aux hôpitaux et aux stations de pompage d’eau, afin de protéger la santé publique, et des allocations sociales ont été versées aux médecins et aux infirmières palestiniens pour leur permettre de poursuivre leur tâche.

Grâce au MIT :

  • 413 centres de santé primaire et 22 hôpitaux ont reçu médicaments et équipe­ments essentiels et appui à leurs coûts de fonctionnement
  • 1,3 million de personnes dans la Bande de Gaza ont accès à l’eau, aux soins de santé et aux installations sanitaires
  • 625 000 personnes, dont 11 500 membres du personnel de santé, recevront des allocations sociales
  • d’autres allocations seront versées en fonction des promesses de contribution d’autres bailleurs de fonds
  • plus de 1,5 million de litres de combustible a été livré afin de garantir l’ap­provisionnement énergétique, en particulier en ce qui concerne les hôpitaux et les installations d’épuration d’eau dans la Bande de Gaza, à la suite de la destruction de la centrale électrique de Gaza en juillet

La Commission a affecté 105 millions d’euros au MIT, ce qui porte à 330 mil­lions d’euros le montant totale de l’aide allouée sur le budget de la Communauté à la population palestinienne depuis le début de cette année. Jusqu’à présent, les États membres de l’UE y ont contribué à hauteur de 60 millions d’euros.

À long terme cependant, il est nécessaire de parvenir à une solution politique, négociée au niveau international, au conflit du Proche-Orient, qui repose sur une solution commune à tous les États. Autrement, ce problème continuera à justifier le radicalisme, le ressentiment et le « retour du dogme religieux et politique », à l’exté­rieur de cette région également. Toutefois la crise actuelle offre peut-être à l’Union européenne la chance de parvenir à plus long terme à un déblocage de la situation dans ce conflit qui dure depuis si longtemps.

ANNEXES : DOCUMENTS UTILES

Principes fondamentaux de la Déclaration de Barcelone

  • Faire de la zone euro-méditerranéenne un espace de paix et de stabilité fondé sur le respect de principes essentiels dont les droits de l’homme et la démocratie (partenariat politique et de sécurité).
  • Construire une zone de prospérité partagée grâce à l’instauration progressive d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et ses partenaires méditerra­néens et entre ces mêmes partenaires, accompagnée d’un appui financier important de l’Union européenne destiné à faciliter la transition économique et à aider les pays partenaires à faire face aux conséquences économiques et sociales de ce proces­sus de réforme (partenariat économique et social).
  • Développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cul­tures et le rapprochement des peuples dans la région euro-méditerranéenne et déve­lopper des sociétés civiles libres et florissantes (partenariat dans les domaines social, culturel et humain).

Allocution de Mme Ferrero-Waldner sur le MIT

Le commissaire chargée des Relations extérieures et de la Politique européenne de voisinage, Madame Benita Ferrero-Waldner, s’est exprimée en ces termes : « Je me réjouis de pouvoir dire que nous sommes désormais opérationnels pour tous les volets du MIT : fourniture aux hôpitaux des approvisionnements essentiels, fourniture ininterrompue d’énergie et versement d’allocations sociales. Grâce à ce mécanisme, nous avons tenu notre promesse d’aider à soulager les souffrances de la population palestinienne au cours de la crise actuelle — et il est essentiel, à mon sens, que ce mécanisme se poursuive. J’espère qu’à l’issue de son évaluation en septembre, trois mois après sa mise en place, il sera dé­cidé de prolonger cette initiative qui profite de façon tout à fait tangible à la population palestinienne. »

« Le MIT, a-t-elle ajouté, illustre le rôle constructif que l’Union européenne peut jouer au Moyen-Orient. Ce projet a vu le jour grâce aux efforts de la Commission, et cette intervention, menée sous l’égide d’une équipe européenne chargée de gérer les con­tributions de la Commission européenne et des États membres, témoigne de la capacité de l’Union européenne à agir dans les circonstances les plus difficiles. »

* Chef de la Représentation permanente de la Commission européenne en France.

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