Les femmes algériennes, soixante ans après l’indépendance, où en sont-elles ?

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Myassa Messaoudi

Ecrivaine et militante féministe


L’Algérie compte actuellement beaucoup de femmes diplômées. C’est le résultat d’une scolarisation massive, entreprise au lendemain de l’indépendance. Elles représentent soixante pour cent de l’ensemble des diplômés. Mais en même temps, elles chutent à un taux de moins de dix-sept pour cent de la population active. D’autres formes de gênes et d’obstacles viennent s’ajouter sur leur chemin vers l’émancipation. Entre autres, le harcèlement de rue qui rend leur présence dans l’espace public difficile, le harcèlement au travail qui reste pratiquement innommé et impuni. Et aussi, les violences domestiques légitimées par la religiosité et l’absence de lois strictes pour les endiguer. Très peu de mesures sont prises pour protéger les femmes, d’où cette explosion des féminicides que les chiffres recensés par le seul effort des féministes, restent largement en deçà de la réalité.

Algeria currently has many graduated women. This is the result of a massive education, undertaken in the aftermath of independence. They represent sixty percent of all graduates. Paradoxically at a time, they represent less than seventeen per cent of the active population. Other forms of hindrances and obstacles are added to their path to emancipation. Among others, street harassment that makes their presence in the public space difficult, harassment in their workplace which remains practically unnoticed and unpunished; as well as, domestic violence legitimized by religiosity and the absence of strict laws to curb it. Very few measures are taken to protect women, hence the explosion of feminicides that the figures recorded by the feminists alone, remain largely below the reality.


On ne peut aborder la condition des femmes algériennes après l’indépendance sans rappeler ce qu’elle fut durant la colonisation, et ce, jusqu’aux dernières années de la présence française en Algérie.

Les chiffres que nous laisse la période coloniale en matière de scolarisation des femmes sont éloquents. Ils disent clairement l’absence totale d’une quelconque volonté d’émanciper les femmes algériennes. En effet, à la veille de l’indépendance, seulement 4% des filles scolarisables allaient à l’école. En 1962, c’est-à-dire à l’indépendance, le taux d’analphabétisme des femmes était de 90 %.

Dès le commencement, les femmes se sont retrouvées prises en étau entre le système colonial et les combattants algériens qui luttaient contre cette invasion. Les uns pour affirmer leur supériorité en abaissant le statut des femmes, et ainsi les faire paraître comme incultes et insolubles dans la civilisation. Les autres pour sauvegarder l’identité collective menacée d’atomisation. L’enfermement des femmes avait très tôt servi de lieu de cantonnement des algériens dans des limites religieuses et ethniques de survie. Il justifiait aussi, leur mise à l’écart de la pleine citoyenneté, ainsi que leur privation de leurs droits civils et politiques sous des prétextes culturelles et religieux.

En 1881, fut donc adopté le code de l’indigénat. Ce régime administratif qui ne visait, comme son nom l’indique, que les indigènes, consistait en un ensemble de lois et de mesures répressives qui limitaient la liberté de réunion et de circulation des algérien.ne.s. Il punissait aussi toute désobéissance aux représentants de l’autorité coloniale. Pour les femmes musulmanes, ce code, dans son volet traitant du statut personnel, signifiait leur abandon par la république française à l’arbitraire des lois coutumières archaïques ; le mariage forcé, la répudiation, l’inégalité successorale, et la polygamie. Même si les femmes françaises subissaient, de leur côté le code inique de Napoléon, elles profitèrent d’un accès à l’école que les lois de Jules Ferry rendaient obligatoires pour tous, mais pas pour les musulmanes.

Il en va de même pour le droit de vote, qui bien que son ordonnance fut signée à Alger en 1944, n’a jamais concerné les algériennes. Il a bien été stipulé dans l’article 4 de la loi du 20 septembre que les femmes d’origine musulmane jouissaient du droit de vote, mais les modalités de son application n’ont jamais été fixées. Des timides réformes ont vu le jour avec Nefissa Sid Cara en 1959. Mais, elles furent si timorées et en deçà des lois progressistes promulguées dans d’autres pays musulmans à la même période, qu’elles n’eurent aucune incidence sur la situation des femmes algériennes. Ceci, en plus de leur avènement tardif et donc inefficient.

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