Les composants de la politique étrangère d’Iran

Ahmed NAGHIBZADEH

Octobre 2005

Tout d’abord, il faut voir comment s’est formé le discours qui domine depuis 27 ans la politique étrangère de la République islamique. Car ce genre de régimes plus ou moins idéologiques sont toujours prisonniers de leur idéologie et le discours qui en dérive. Etant réalisée au milieu de la guerre froide, la révolution islamique était visiblement imprégnée par l’ambiance générale de cette époque bipolaire. La dichotomie, symbole de cette période allait en paire avec une vision manichéenne (Mani était un prophète iranien au 3e siècle) qui domine depuis des millénaire la pensée iranienne : ténèbres-lumière, mal-bien, paradis-enfer. Cette vision de monde se renforçait par une notion islamique : musulman et non- musulman. Musulman, considéré comme la créature préférée de Dieu et qui a tous les droits vis-à-vis de non-musulman réduit à néant. Si bien que l’impérialisme (terme communiste) et Mostakber-oppresseur (terme islamique), non-musulman, non-iranien et tous les autres concepts d’un coté et exploité, opprimé, musulman, iranien, les bons êtres d’un autre coté, sont les composants de la dichotomie qui règne l’esprit des dirigeants de la République islamique d’Iran.

Cela suffit pour diviser le monde en deux parties diamétralement opposés bien qu’ils reniaient dès la début la structure Est-Ouest. Le slogan le plus célèbre était ni l’Est ni l’Ouest, mais la République islamique. Par contre, selon la constitution iranienne, il faut se rallier avec tous les peuples musulmans et tous les autres déshérités du monde pour constituer un front mondial des déshérités contre les impérialistes (Mostakberin)1. Cette même vision est le critère qui divise la société interne en deux groupes : les pro­occidentaux, les petits impérialistes, les nationalistes non fidèles à l’islam d’un coté et les musulmans traditionalistes renonçant à l’Occident et au nationalisme d’un autre, tout en négligeant complètement la notion de classes sociales ou d’une autres catégorisation des couches sociales. Dans ce monde divisé il faut se renforcer pour garder notre indépendance qui nous est si chère en se munissant de toutes les armes et se mobilisant contre tous les complots. Si nous sommes forts nous imitons notre premier Imam Ali (4ème Khalife après le prophète) et si nous sommes faibles nous agissons à l’instar de notre 3e Imam qui s’est fait martyrisé avec 72 de ses compagnons (le chiffre 72 comme 3, 7, 12, est aussi un chiffre saint dans le Manichéisme et ne croyez pas que ces choses sont des aspects mythologiques. absolument pas). L’attachement à ces mêmes mythes et croyances mythiques constitue un des éléments le plus important dans la surenchère de l’indépendance chez les Iranien. Quoi qu’il en soit, il faut avouer que pour le régime aussi bien que pour le peuple l’indépendance soit l’élément le plus important en ce qui concerne les relations extérieures, mais à quel prix ?

Bien que tous les aspects sociopolitiques aient changé depuis 27 ans et que le monde bipolaire ait pris fin et que les opprimés dans la société iranienne aient pris la place des couches bien aisées. Et que beaucoup de radicaux musulmans soient devenus modérés et les fils des mollahs continuèrent leurs études en Occident, la vision des dirigeants islamistes n’a pas changé et encore une poignée de vieillard qui ne savent pas comment accéder à l’internet décident tout seul pour une jeune génération ravagée par la mondialisation. A cela s’ajoute le fait que ces dirigeants, bien qu’une grande partie d’entre eux vivait bel et bien tranquilles à l’époque du Chah, tout en ayant leur formation politico-militaire en Palestine

Considérée comme le Coeur brisé de l’islam vis-à-vis de l’ennemi le plus farouche des musulmans. Voilà les deux éléments qui peuvent expliquer à eux-mêmes la politique internationale et régionale du sacré système. Le reste ne sont que des aspects tactiques : Collaborer avec la Russie contre l’Occident, négocier avec l’Europe contre les Etats-Unis, un coup de main aux Américains contre les Talibans bornés et dangereux en Afghanistan etc. Son stade ultime de réforme et de flexibilité était le gouvernement de Khatami qui peut être à la limite considéré comme le Khrouchtchev du régime islamique et non le Gorbatchev et sa doctrine (société civile, tolérance, et démocratie religieuse…) peut être considérée comme la déclaration du 20ème congé du

parti communiste soviétique. Cependant, en ce qui concerne la prise de décision ce n’est pas un système institutionnellement et anthropologiquement homogène. Il y a de toutes les tendances socio idéologiques parmi les gouvernants qui instinctivement cherchent leur propre intérêt. Il est également vrai que certains d’entre eux ont ouvert dernièrement leur coeur au son nationaliste et parlent souvent des intérêts nationaux au lieu de l’islam. Ce qui présente un aspect typique dans la politique étrangère iranienne. C’est que pour chaque courant et chaque affaire comme par exemple la question palestinienne s’est formée en un groupement qui non seulement dirige cette affaire mais aussi se fait des fortunes soigneusement définies dans le budget légal que dans le budget secret, si bien qu’ils n’acceptent aucun changement dans la direction de la politique étrangère.

Plus intéressant c’est que certains d’entre eux justifient la tendance islamiste de régime comme la voie juste de l’intérêt national. Car l’Iran à la tête de monde musulman et en prenant entre ses mains tous les mouvements islamistes peut se renforcer en mobilisant les masses immense du monde musulman contre les ennemis qui ne voient que leurs propres intérêts. Mais l’aspect fictif de cette doctrine bien préparée c’est que les Iraniens sont chiites et que le chiisme ne signifie pour les Sunnites qu’une sorte d’hérésie (Rafezi). N’oublions pas qu’il y avait toujours un antagonisme arabo-iranien voire une hostilité nationale. Ce paradoxe de mettre l’Iran chiite à la tête du monde musulman majoritairement Sunnite et Arabe n’est la seule ironie de l’histoire de la poste-modernité, mais on ne sais pas à qui appartient la souveraineté et quel rôle joue le people si selon l’article 5 de la constitution de la République islamique, où tous les pouvoirs sont entre les mains de guide suprême élu indirectement par le conseil des experts. Cependant il faut être juste et dire que ce système est mieux démocratisé (de point de vue de soutenance populaire et le taux de participation électorale) que tous les autres régimes du Moyen-Orient.

Les effets de la structure et les évolutions sociales

Dans cette démocratie limitée toutes les tendances sociopolitiques font leurs efforts dans le processus de prise de décision mais ceux qui décident ultimement sont finalement les religieux conservateurs traditionalistes, la bourgeoisie du Bazar et les radicaux héritiers de l’époque de la guerre Iran-Irak comme la base sociale, le guide suprême comme l’autorité légale et les gardiens de la révolution comme la soutenance logistique et garants de toutes les décisions. Le conseil de la sécurité nationale, le ministère des affaires étrangères et les autres organisations n’ont qu’un rôle consultatif ou préparatif dont leur compétence n’est que pour les affaires d’ordre secondaire. Il y a peu de cas où on est témoin d’un consensus entre tous les organes et les institutions ou plus important entre les dirigeants de haut niveau.

De même et malgré le changement profond que connaît la société iranienne pendant ces quinze dernières années la structure de pouvoir et la direction de la politique étrangère reste à peu près la même. Les couches moyennes ont progressivement élargi par trois voies : éducation, rentes pétrolière de l’Etat, ouverture des postes gouvernementaux aux gens de la rue; tous, conséquence de hausse du prix du pétrole. Cet élargissement des couches moyennes avait pour conséquence politique la vague de réformisme et l’arrivée au pouvoir de Khatami dont les réformes sont l’ultime grade de possibilité de changement dans la République islamique. Ce courant réformiste est plutôt favorable aux slogans nationalistes que islamistes, mais son marge de manoeuvre dans la structure actuelle de pouvoir reste très mince. Cela est dû peut-être qu’en même temps que les couches urbaines s’agrandissent les marginaux et les bidonne-villiers aussi s’élargissent. Cette couche de sous-prolétariat a constitué depuis deux siècles une armée dévastatrice entre les mains des couches capitalistes traditionalistes (bourgeoisie du Bazar) et certains chefs religieux qui en ont profité pour écraser leurs adversaires. Leur trace se voit dans tous les événements sociopolitiques du XIXe et XXe siècle en Iran : l’assassinat de diplomate russe Greibaidove en 1834, la révolte contre la monopolisation de tabac en 1872, la révolution constitutionnelle en 1905-06, la nationalisation des installations pétrolières en 1950-53, et la révolution islamique en1979. Leur rôle pouvait se considérer positif ou négatif selon le cas et la direction. Par exemple pendant la révolution constitutionnelle les marginaux appelés les Loitis, ont pris pour la plupart le coté du peuple et dans la nationalisation du pétrole les uns ont choisi le coté du Chah et les autres le coté de Mossadegh, le premier ministre populaire. Mais ce qui s’est passé pendant la révolution islamique c’est qu’ils sont devenus une couche déterminante, plus ou moins indépendante et agissante selon leur propre goût ou leur propre interprétation de l’islam. Cependant, comme leurs ancêtres ils ne peuvent pas vivre sans un chef ou dirigeant par crainte de se perdre rapidement. Si bien qu’ils gardent leur lien avec les marchands ou chefs religieux traditionalistes. Si les couches moyennes et réformatrices sont pour une ouverture à l’étranger avec une diplomatie normale, les traditionalistes sont pour la fermeture et le système économique monopoliste. Voilà nous sommes au milieu de cette guerre bien balancée entre ces deux forces. Si le gouvernement islamique tient ses paroles : l’élargissement de l’éducation et promouvoir le niveau de la vie, cela veut dire qu’il prépare le chemin pour la démocratie et la réforme et pour tout ce qui est les buts ambitieux des couches moyennes, d’où nous nous attachons aux fonctions latentes de la république islamique. L’avenir de régime dépend aussi de son dynamisme d’adaptation aux changements que lui même est à l’origine. Mais nous savons bien que ce régime est inflexible en ce qui concerne l’ordre religieux, les relations avec Israël, bref avec certains aspects de la modernité. Si bien que le décalage entre le système et la société est inévitable, car les jeunes sont en relation directe avec l’extérieur, les universitaires se sont multipliées et le niveau de vie s’est considérablement amélioré et les gens sont très exigeants pour les loisirs, liberté et d’autres que ce système ne peut pas répondre, car s’il répond positivement il ne sera plus islamique.

Un regard renversé : Les effets de la diplomatie sur les relations sociales

La diplomatie iranienne était toujours au service de la légitimation du régime en même temps qu’elle était un instrument pour régler les comptes entre les différents groups et tendances politiques. En ce qui concerne la légitimation de régime c’est plutôt sur le plan discursif que les dirigeant manoeuvrent, comme insulte à l’impérialisme ou la nécessité de se mobiliser contre les complots et les intrigues étrangères ou faire une propagande autour de l’énergie nucléaire comme prestige national. En même temps les uns accusent les autres d’être indulgents ou intimidés par des occidentaux. Chaque fois que Khatami voyageait à l’étranger où il connaissait un succès dans le domaine de la politique étrangère, tout de suite ses adversaires perturbaient la situation à l’intérieur par un assassinat, prise en otage des étrangers ou captiver quelques citoyens juifs etc. Or à vrai dire, il n’y pas de politique étrangère en Iran actuel mais la continuation des querelles internes au delà des frontières, sauf où il y’a un danger réel pour l’existence de régime. Mais les effets ultimes de l’échec ou succès dans une affaire étrangère a pour conséquence, le renforcement ou l’affaiblissement d’une aile ou parti politique, si bien que le système ne marche pas harmonieusement mais que chacun des groupes politiques crache dans la boule de l’autre. Ainsi les diplomates sont souvent disqualifiés et mis au rang inférieur de leurs fonctions (sauf ces dernières années où s’est formée une catégorie assez élevée de diplomates) et s’occupent plutôt de leur propre vie que de la diplomatie : gagner quelques sous, ou pour les plus éduqués, apprendre une langue étrangère. Tant qu’il y a de pétrodollars on n’a pas besoin ni de touristes ni des jeux diplomatiques.

Sur le plan régional

Géopolitiquement l’Iran est lié aux quatre sous-systèmes régionaux à savoir l’Asie centrale et sud-est, Caucase, Golf persique et le Proche-Orient. Que l’on veuille ou non on a affaires à ce qui se passait aux alentours d’Iran. Mais ivres de succès que connut la révolution en 1979, les dirigeants de la révolution se croyaient capables d’exporter au moins les messages de leur révolution partout dans les pays musulmans, bouleverser la région du Proche-Orient, écraser Israël.Voilà une diplomatie active. Les réseaux islamistes se sont formés partout où il y avait des musulmans opprimés, même s’ils étaient Sunnites farouchement opposes au chiisme. Le plus important était et est le Hezbollah de Liban. Mais hélas, la guerre Iran-Irak a mit fin a cette ivresse. Ce n’est pas Israël qui attaque l’Iran, mais le pays musulman d’Irak. Cette guerre avait un grand effet sur le retour au réalisme en Iran révolutionnaire.

Pendant cette période, le régime d’Arabie Saoudite était considéré comme pire qu’Israël, donc une cible à renverser. Mais la Mecque saignante où une vraie révolte qui s’est éclatée en 1982 au cours du pèlerinage à la Mecque, mais écrasée sous le sang et le feu a fait comprendre qu’il n’est pas facile à renverser un régime même si impopulaire qu’il soit.

Les autres tentatives ont échoué de même façon. Ainsi les rêves et la guerre (Iran-Irak) ont pris fin en même temps que le leader charismatique quittait ce monde vers le paradis promis. Depuis, les choses et les situations ont visiblement changé. En Asie centrale libérée de fardeau communiste, l’échange de Coran-vodka n’a pas marché et les partis islamistes encouragés par l’Iran ont été facilement supprimés du podium politique, tandis que la culture nationale non islamique avait beaucoup plus d’influence que la vision islamique chiite pour les Sunnites ou ismaïliens (une autre branche du chiisme avec 6 imams au lieu de 12) dans cette région. Par exemple, Ferdowsi le poète national d’Iran est aussi bien aimé au Tadjikistan et en Afghanistan. La politique menée au Caucase n’avait aussi pour résultat que l’animosité entre l’Iran et Azerbaïdjan tandis que la diplomatie laïque à savoir le renforcement de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan a apporté ses fruits et a empêcher cette dernière de poursuivre ses intrigues en Azarbaidgan d’Iran. La politique d’intervention aux problèmes de Proche-Orient a aussi suscité des dégâts politiques et économiques à savoir les accusations politiques comme protection des terroristes et les détournements des oléoducs de l’Asie centrale, l’élargissement des portes des Emirats arabes unis, la sanction économiques.

Ce qui reste pour l’Iran c’ est l’amitié de la Syrie et le Hezbollah de Liban et la calomnie d’être protecteur des terroristes, subvertir le processus de paix au Proche-Orient . Si bien qu’il faut revenir à la diplomatie normale. Depuis 27 ans, elle tourne au rond pour revenir sur les mêmes points où les autres pays basent leur diplomatie. Dans la politique rien n’est pire que le romantisme. Si, sur le plan idéologique et doctrinal la position de la république islamique reste assez utopique et mythique sur le plan pragmatique et tactique surtout avec l’expérience de la guerre Iran-Irak, la réalité peut s’imposer de temps à autre. Ils ont aidé les Américains en Afghanistan et en Irak pour se débarrasser de leurs ennemis les plus farouches. Mais de craindre qu’après l’Irak sera le tour de l’Iran d’être la cible d’une invasion tous azimut des Américains, les Iraniens jouent bien avec la carte chiite en Irak pour entraver le succès final de ces derniers; comme ils ont bien joué avec la carte de Hezbollah au Liban pour empêcher Israël d’une invasion éventuelle contre les installations nucléaire en Iran. Tout ce qui est bien pour le système islamique est moralement admissible. Certains croient que si l’Iran garde ses liens avec les groupes islamistes radicaux, cela ne vient pas actuellement de sa position idéologique mais d’un sentiment de l’insécurité dont les Américains et Israéliens sont à l’origine. Mais à notre avis

l’idéologie joue toujours un rôle prépondérant dans la politique étrangère d’Iran. Dans le golfe persique l’enjeu est d’une autre nature. L’Iran veut bien rester la puissance maritime du golfe et neutraliser l’animosité des Emirats arabes unis qui revendiquent les trois îlots iraniens à l’embouchure du golfe persique et qui essayent de changer le nom du golfe persique par le golfe arabe. En plus, la seule porte toujours ouverte pour la diplomatie iranienne est la porte du sud, tandis qu’avec les voisins du nord ou la Turquie et l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan il y a toujours quelques bavures. Or, afin de réaliser ses rêves et faire face à ces menaces, l’Iran renforce chaque année ses forces maritimes et munit progressivement la position militaire et économique de trois portes au long du golf, à savoir Bushir, Bandar Abbas et Tchabahar, il menace les pays côtiers de retirer leurs capitaux et de mettre fin aux investissements iraniens à Dubaï et Abu-dhabi et si nécessaire l’utilisation d’autres menaces. Il faut avouer que l’Iran fait face aux menaces des pays pro­occidentaux de la région, joue bien ses cartes et essaye avec plus ou moins de succès de neutraliser les embargos et les subversions de ses adversaires régionaux. Il ne faut pas oublier la haine nationale qui sépare les Iraniens et les Arabes aussi bien sur un échelon moins fort qu’entre les Iraniens et les Turcs. La rivalité entre les Iraniens et les Turcs remonte aux siècles précédents, enracinée dans les guerres Irano-Ottomanes. Aujourd’hui les patrimoines communs peuvent être à la foi la source d’animosité et d’amitié. La région où se déroule cette rivalité est l’Asie centrale et le Caucase turcophone qui autrefois faisait partie intégrale de la territorialité iranienne. Cela est un autre élément qui pousse l’Iran islamique vers le nationalisme et renforce la conception de l’intérêt national versus l’idéologie islamiste. Le problème arabo-israilien est un autre sujet de la diplomatie iranienne qui lie la politique régionale iranienne à sa politique internationale dont nous parlerons prochainement.

Sur le plan international

Etant donné que l’Iran n’est pas une puissance mondiale, il n’a pas non plus une politique internationale au sens strict du terme. Sa position vis-à-vis de la société mondiale est plutôt une position défensive axée sur trois problèmes que l’on lui pose: Droits de l’homme, la paix au Proche-Orient et l’énergie nucléaire. Mais tous ces problèmes viennent de fait que l’Iran ne s’est pas arrangé au coté américain comme c’était le cas à l’époque du Chah. L’interprétation est diverse. Pour certains c’est justement la politique américaine qui a voulu ainsi pour faire peur aux mesquines monarchies arabes et leur infliger l’achat inutile d’une quantité d’armes et des arsenaux au profit des usines américaines en banqueroute. L’Iran radical servait ainsi aux Américains, comme le méchant loup face aux gibiers qui avaient besoin d’un protecteur. Pour d’autres, l’humiliation infligée aux Américains arrogants par la prise en otages des diplomates américains en 1980 a laissé une cicatrice inoubliable qui ne s’effacera que par la chute du régime islamique en Iran. Mais à vrai dire tous les deux c’est à dire les dirigeants iraniens comme les dirigeants Américains en ont bien profité pour se donner une légitimité aussi bien qu’une mobilisation vis-à-vis d’un ennemi plutôt fictif que réel. Mais jusqu’où ce jeu peut continuer ? Les dirigeants iraniens sont bien conscients de leur état fragile et d’éventuel consensus mondial qui peut se réaliser contre eux. Or, il faut se renforcer par toutes les armes y compris une soutenance et solidarité populaires à l’intérieur qui est de plus en plus difficile à obtenir. Et les américains savent bien que tôt ou tard doivent finir avec un Iran insoumis situé dans une région riche du gaz et du pétrole qui mérite d’être appelée le  » Heartlande  » d’aujourd’hui. Mais ils savent également que ce n’est qu’un régime comme celui de Saddam ou du Koweït. C’est un régime encore pour une partie considérable populaire, assez compliqué avec ses réseaux souterrains ici et là, récalcitrant et opiniâtre. Or il les faut une stratégie de moyen terme. Pour arriver à ces buts il leur faut une nouvelle stratégie. Les Talibans qui leur servaient autrefois pour lutter contre les Russes et pour certain moment pour mettre le régime iranien au deuxième rang du radicalisme sont en état de désuétude et il faut les enlever. Le régime de Saddam une fois rendu ses services, doit partir. Mais on peut donner un nom acceptable à de telles opérations, voilà le projet de démocratisation du Proche-Orient. Pour l’instant l’Irak donne une mauvaise impression de ce projet, tant mieux pour le régime iranien et tant pis pour les intellectuels et les attendants de la démocratie en Iran. Un tel projet pouvait même aller à l’encontre des ses buts. Car tous les pays du Proche-Orient à l’exception de l’Iran sont à la proie d’une vague d’islamisation fascinante qui peut arriver au pouvoir via des élections légales. Si les Américains avaient des conseillers sages ou moins rusés que les anglais ils pouvaient mieux réaliser leur programme fascinant pour une vague des opposants aussi bien que des jeunes assoiffés du changement. Maintenant les Américains n’ont pas autre choix que de patienter pour donner un meilleur image de leur politique. Un faux calcul peut allumer le feu d’une guerre sans fin dans cette région. Concernant l’Iran il ne reste que les trois cartes classiques à jouer : Concernant les droits de l’homme, bien que l’Iran soit dans un meilleur état que tous les autres régimes de la région est encore loin d’être irréprochable et à notre avis c’est son point le plus faible. Sur le plan de la paix au Proche-Orient, à la rigueur il cédera on abandonnant le Hezbollah de Liban et Hamas et les autres mouvements radicaux. Mais bien sûr d’ici là il en profite pour retarder le plan final des ennemis. Et finalement en ce qui concerne l’énergie nucléaire, pour un délai considérable les dirigeants iraniens ont joué de la carte européenne contre les Etats-Unis et pour l’instant ils sont conscients que les occidentaux n’arrivent pas à une unanimité et que les veto de la Chine et de la Russie les rassurent. Nous ne parlerons pas des autres stratégies iraniennes comme le triangle Iran Russie Chine, ou de l’alliance entre Iran, Syrie, Libye ou de l’alliance Iran, Arménie, Grèce, car à notre avis ce ne sont que des chimères politico-utopiques. Le nouveau ministre iranien des Affaires étrangère parle d’une ostpolitik, à savoir remplacer les occidentaux pas les asiatiques comme l’Inde et le Japon, mais le seul aspect sérieux c’est le cas russe mais à sens unique c’est à dire c’est bien la Russie qui joue avec la carte iranienne et non le contraire.

Bien que les Etats-Unis se trouvent dans une mauvaise posture, ils ne doivent pas perdre la patience et ne pas mettre le feu à la poudrière du Proche-Orient déjà en guerre. L’arrivée au pouvoir de Ahmadinejad en Iran sûrement ne sera pas le commencement d’une nouvelle ère décisive en ce qui concerne l’Iran et la société internationale. Mais la république islamique est un régime unique sinon spécifique qui doit être dirigé par ses propres hommes. Depuis la mort d’Imam Khomeiny c’est la première foi que le régime islamique se retrouve entre les mains des gens qui l’appartiennent. Rafsandjani ou Khatami voulaient associer l’Islam et la démocratie ou société civile avec qui n’avait rien à voir. Les vrais dirigeants de la république islamique dont Ahmadinejad fait partie, sont ceux qui parlent du gouvernement islamique et non de la république islamique et se débarrassent ainsi du fardeau de la démocratie certainement incompatible avec l’islam. L’harmonisation relative du régime lui permettra de mettre tout ses pouvoir et possibilités au service de sa volonté et de son idéologie. Même pour les radicaux non-décisifs, Ahmadinejad sera comme Eisenhawer pour les maccartistes. Si bien que tout sera en ordre dans le cadre des intérêts du régime islamique. Cela veut dire que tout est possible, même un accord de type Ribentroph-Molotoph et donc entamer une négociation avec les Etats-Unis. Mais cela ne veut pas dire que la république islamique oublie ses principes, et bien cela veut dire qu’une guerre est aussi possible. Tant mieux pour certains qui comme un proverbe iranien disent : « la mort une fois et le deuil une fois » que tout se termine en gagnant ou perdant, on en a assez. Une solution optimiste basée sur l’ouverture des négociations entre l’Iran et les Etats-Unis, surtout que les conservateurs en Iran poursuivent la même politique que les néoconservateurs aux Etats-Unis, même leur façon d’arrivée au pouvoir et leur stratégie se ressemblent beaucoup. Dans ce cas il nécessite des concessions bilatérales, à savoir que les Etats-Unis acceptent l’Iran comme une puissance régionale ayant droit à ses richesses nationales, le respect de son indépendance et la non-ingérence étrangère etc. Et l’Iran mette fin à ses interventions aux affaires arabo-palestiniennes, l’enrichissement d’uranium, l’exportation de la révolution etc. Deuxième option peut être l’invasion de l’Iran avec plusieurs scénarios possibles. Et troisièmement relâcher l’Iran avec ses problèmes et attendre que les couches moyennes urbaines s’élargissent et prennent conscience, en même temps que l’entropie de la révolution facilite les choses avec d’autres éléments dévastateurs comme l’expansion de corruption, la multiplication des querelles et de dissidence entre les différentes personnalités et couches des dirigeants. La distinction nette entre les gouvernants et les gouvernés, l’approfondissement de la démocratie et plus de respects pour les droits de l’homme, etc. In chaa Allah (si Dieu le veut) mais le paradoxe essentielle qui reste est que ce système est incapable de se modifier pour être en accord avec les changements socio-économiques dont il est lui même à l’origine.

* Ahmad NAGHIBZADEH est professeur de science politique à l ‘Université de Téhéran

Note

  1. Article 3 de la constitution

 

 

Article précédentLa politique palestinienne des États-Unis
Article suivantLe Mercenariat moderne et la privatisation de la guerre

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.