Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de géopolitique de paris
Après 12 ans de négociations entre l’Iran et les six grandes puissances mondiales un accord a était conclu en 2015. Tous les États signataires de l’accord se sont engagés à préserver et maintenir des circuits financiers effectifs avec l’Iran et assurer la poursuite des exportations de pétrole et de gaz iraniens. Le Président des Etats-Unis a signé un décret le 7 aout dernier qui impose des sanctions économiques contre l’Iran et exige que les autres pays imposent ces sanctions illégales.
L’Agence internationale de l’énergie atomique a annoncé en 2016 que l’Iran avait coopéré de façon satisfaisante et que les sanctions pouvaient être levées. Le conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2231 qui lève les six résolutions votées entre 2006 et 2010 contre l’Iran.
L’accord nucléaire concerne exclusivement le nucléaire, mais les puissances américaines et européennes souhaitent négocier avec l’Iran sur des questions qui vont au-delà de son programme nucléaire. L’objectif majeur des Iraniens était d’obtenir la levée des multiples sanctions de l’ONU, des Etats-Unis et de l’Europe qui entravent le développement du pays.
Le président américain a clairement fait savoir que son opposition à l’accord nucléaire est principalement ancrée dans certaines clauses limitatives, ainsi le programme de missiles balistiques et la politique régionale de l’Iran.
Pourquoi les Etats-Unis s’opposent-ils à l’Iran ? L’Iran est la plus importante puissance dans la région, il joue un rôle déterminant en Syrie, au Liban, et en Irak sans oublier son influence au Yémen et en Afghanistan. En plus, l’Iran entretient de solides relations avec la Russie en ce qui concerne la Syrie, d’autant plus qu’il partage des intérêts communs avec la Turquie sur les questions relatives au refus de l’indépendance des Kurdes et au renforcement du gouvernement central d’Iraq et la guerre contre le terrorisme.
Par ailleurs, l’Iran et la Turquie soutiennent, tous les deux, le Qatar face à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Tout cela a fourni des opportunités à l’Iran pour se présenter comme une force stabilisatrice au Moyen-Orient, et aux autres puissances telles que la Chine et l’Inde.
Les efforts de Washington en vue d’isoler l’Iran s’opposent aux mesures des parties européennes, russes et chinoises qui souhaitent dialoguer avec Téhéran et encourager son rôle dans la région. L’Iran attache une importance particulière au développement des coopérations et des relations avec l’Europe en particulier avec la France. La politique iranienne est basée sur la contribution à la restauration de la paix et de la stabilité régionales ainsi qu’à la lutte contre le terrorisme. La Chine considère l’Iran comme un facteur important pour son projet géopolitique mondial « la nouvelle Route de la soie », qui est destiné à relier Pékin au Moyen-Orient et à l’Europe. De même, le Japon, la Corée du Sud et l’Inde jugent que l’Iran est un marché sûr et à fort potentiel.
Aujourd’hui, la Maison Blanche poursuit ouvertement une politique de changement de régime en Iran à travers l’augmentation des sanctions, cherchant à éliminer la profondeur stratégique régionale de l’Iran qui va du sous-continent indien à l’est, à la Méditerranée à l’ouest, à la mer Rouge au sud et au Caucase au nord. En outre, l’Iran est encerclé par les troupes américaines présentes, sur ses frontières orientales et occidentales, en Iraq et en Afghanistan, sur ses frontières méridionales via les Émirats Arabes Unis, le Qatar, le Bahrayn, le Kuweit et l’Arabie Saoudite, et sur ses frontières nordiques en Asie centrale.
Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont trois régimes hostiles à l’Iran dans la région, et Washington compte sur eux pour contenir l’Iran.
L’Oman, le Koweït et le Qatar sont d’autres pays qui ont une valeur stratégique, diplomatique et économique pour les États-Unis.
De plus, la présence de la Turquie dans l’OTAN ainsi qui les bombes nucléaires des Etats-Unis installées sur le sol turc sont d’autres sources d’insécurité pour l’Iran. Son encerclement par les États Unis et leurs alliés dans la région provoque des souci et soupçons sur les vraies intentions de Washington.
D’autre part l’Iran manque d’accès aux technologies d’armements avancées, et demeure largement dépendant des systèmes acquis avant 1980. Alors que les voisins de l’Iran, en particulier l’Arabie saoudite et les émirats arabes Unis sont à la pointe des achats d’arsenaux. On estime le budget militaire de l’Arabie saoudite à 76,7 milliards de dollars, ce qui met l’Arabie saoudite à la troisième place après les Etats-Unis et la Chine. En revanche, le budget militaire de l’Iran est de 14 milliards de dollars, or la vente massive de technologies avancées d’armements aux voisins de l’Iran ne fera qu’augmenter sa sensibilité et ses préoccupations sécuritaires.
Contrairement à ses voisins, l’Iran n’est membre d’aucune alliance militaire-sécuritaire, il n’a pas le soutien des grandes puissances, et se situe également à proximité de trois pays nucléaires, l’Inde, le Pakistan et Israël. L’Iran adhère au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et il s’est engagé à ne jamais chercher d’armes nucléaires et à s’abstenir de toute activité connexe. Traditionnellement, l’Iran considère la présence de troupes étrangères dans le golfe Persique comme une menace grave et sérieuse contre sa sécurité et sa souveraineté nationale, ce qui affectera sa politique balistique.
Les États-Unis savent comment créer et sanctionner la guerre, mais ils ne savent pas comment élaborer la diplomatie pour résoudre la crise de manière pacifique. La voie de l’intimidation et des sanctions contre l’Iran par le passé n’a pas réussi et ne le fera pas dans le futur.
L’effet de certaines clauses dans l’accord nucléaire iranien est limité, le président américain voudrait que celles-ci deviennent définitives. Pourtant ‘Iran est signataire du Traité de non-prolifération (TNP) qui dispose qu’un État non doté de l’arme nucléaire a le droit d’accéder au nucléaire civil. L’Iran avait signé en considérant qu’il deviendrait ensuite un État comme un autre, ce que le président américain combat catégoriquement.
A présent la Maison Blanche exploite des sanctions ouvertement, pour maintenir et préserver son leadership, cherchant précisément à éliminer la profondeur stratégique de l’Iran.
Tandis que les sanctions et les pressions économiques peuvent à court terme influer sur les actions des hommes politiques des pays ciblés, elles peuvent également perturber la coopération internationale, mettre en question les intérêts communs des Etats et porter préjudice à la paix et la stabilité internationales.
Cette question constitue un défi important pour le droit international et contredit les buts recherchés par la création de l’Organisation des nations unies.
En même temps, du point de vue du droit international basé sur les principes économiques néoclassiques, il semble que les sanctions économiques sont en contradiction manifeste avec la liberté du commerce et la souveraineté des Etats.
Sur la base de ces fondements, les sanctions unilatérales américaines contre l’Iran sont obsolètes et contraires au droit international, contraires aux principes de l’Organisation des nations unies et des droits de l’homme et sont en conséquence, illégitimes.
L’action unilatérale des Etats-Unis à imposer des sanctions contre l’Iran est contraire à la paix, la sécurité mondiale, la solidarité sociale entre les peuples, la reconnaissance du droit des peuples à la libre détermination de leur destin et la non utilisation de la force dans les relations internationales proclamées par l’Organisation des nations unies.
Elle constitue un obstacle à l’établissement des relations internationales justes et équitables sur la base du pacte international relatif aux droits économiques, sociales et culturelles.
Elle transgresse le droit au développement des Etats, fondé sur la Charte des droits et des devoirs économiques des Etats et contredise les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce qui proclame le développement et l’extension du système de libre échange fondé sur le multilatéralisme au niveau mondial.
On peut affirmer également avec force que les sanctions économiques prônées unilatéralement par les Etats-Unis, ressemblent dans leur essence même à une forme d’« action terroriste » qui engage parallèlement la responsabilité de ce pays qui doit, par la suite, supporter les dommages provoqués par cette décision.
Hélas, les Etats visés sont généralement dépourvus d’un plan d’action dans le domaine du droit international, ne réussissent pas à faire prévaloir leurs droits indéniables face aux sanctions et aux pressions économiques illégitimes et illégales.
La priorité de l’Europe au processus de démocratisation qu’elle tente de développer à l’aide d’une revalorisation de la transition économique et d’une coopération économique et politique, demeure inévitablement la culture européenne de gestion des crises.
Devant la multiplication des acteurs stratégiques dans la région, et l’influence des puissances militaires et économiques, l’Europe poursuit le renforcement de ses capacités d’action et de son potentiel économique. Elle s’affirme comme un pourvoyeur majeur de la stabilité.
L’Europe aligne sa position sur celle des Etats Unis et échoue à respecter le fondement même de sa politique qui devrait s’axer sur le développement de la démocratie, la défense des valeurs universelles, des libertés individuelles et le maintien du dialogue nécessaire à la solidarité entre les peuples.
En conclusion, le renforcement du dialogue, l’accroissement d’échanges commerciaux et le développement d’une coopération, garantissent la paix et la stabilité sur le plan régional et international.