La Russie et l’Afrique : coopération militaire

Général Mohamed Amiri SALIMOU
Ancien Chef d’Etat-Major de l’armée comorienne

Après s’en être retirée dans les années 90, la Russie est de retour sur la scène internationale et veut redevenir une grande puissance. Il ne s’agit bien sûr pas d’un retour à la puissance soviétique d’antan, les enjeux n’étant plus aujourd’hui idéologiques, mais d’une nouvelle forme de puissance économique et diplomatique qui correspond aux réalités du moment.

Dans ce contexte, la Russie est également de retour en Afrique : d’abord timidement au début des années 2000, date à laquelle ce pays a commencé à se réaffirmer, puis avec beaucoup de détermination aujourd’hui. En effet, les liens de ce grand pays eurasiatique avec l’Afrique se reconfigurent et trente après la guerre froide, la Russie est militairement de retour sur le continent noir.

Le cas de la république centrafricaine est le plus emblématique de ce retour; ici, les Russes ont sauté sur une opportunité rêvée ; on dit qu’ils ont rempli un vide face au départ des Français de Sangaris mais également face aux résultats jugés mitigés des 12 000 Casques bleus de la MINUSCA auxquels il est constamment fait le reproche de ne pouvoir protéger la population centrafricaine comme il faut ; voilà pourquoi beaucoup de Centrafricains voient les militaires et techniciens russes d’un bon œil, certains les prenant même  pour des « sauveurs ».

Des observateurs et spécialistes avancent que l’Afrique n’intéresse pas vraiment la Russie. Dès lors, faut-il voir dans ce retour en Afrique une ambition durable et d’ensemble ou plutôt une simple opportunité qu’à travers le cas centrafricain, la Russie a saisie sans pour autant être sûre d’aller plus loin ?

Les faits nous permettent d’y répondre par l’affirmative, tant aujourd’hui la Russie est présente au Nord comme au Sud de l’Afrique, à l’Est comme à l’Ouest, et même au Centre. Mieux, la vitesse à laquelle elle s’y implante en Afrique en dit long sur la volonté et la détermination russes aujourd’hui. Il s’agit donc d’un objectif progressivement affirmé et qui va crescendo, même si la Russie n’a pas encore très clairement, à l’instar de la Chine, énoncé sa stratégie à ce sujet.

Cet objectif s’inscrit dans le cadre d’une ambition plus large de renouer avec la puissance perdue par la Russie à la chute du mur de Berlin et à la disparition de l’URSS ; une volonté pour être, sinon une puissance, du moins un acteur majeur diplomatiquement, économiquement, militairement, le tout dans un monde multipolaire, ou, pour reprendre les termes utilisés à l’ouverture de cette conférence par le Premier conseiller de l’ambassade de Russie, dans un monde polycentrique ; nous ne pouvons, à ce stade, parler d’une vision stratégique africaine de la Russie , mais plutôt d’une volonté politique de reconquête géopolitique et économique sur le continent noir.

La Russie regorge, certes, de matières premières, mais l’Afrique a d’autres ressources naturelles qui l’intéressent : les diamants, l’or, l’uranium, etc. Au surplus, pour la Russie, la richesse passe par le contrôle des ressources minérales et énergétiques, raison pour laquelle de grands hommes d’affaires russes y ont largement investi depuis les années 2000.

En fait, on ne peut ici séparer la  diplomatie russe de l’outil militaire et sécuritaire qui la renforce ou la concrétise et de la démarche commerciale et économique qui la complète.

Pour ce faire, à côté de ses grandes compagnies d’Etat, le domaine militaire en général, les ventes d’armes, en particulier, constituent pour la Russie un levier très important. La Russie, sixième économie du monde aujourd’hui, reste (selon Jane’s Defense) le deuxième exportateur mondial d’armements.

Les ventes d’armes, naturellement, sont à inscrire au registre du renouveau de la Russie. Au cœur de l’industrie de défense, l’agence publique Rosoboronexport a le monopole de la négociation des contrats d’armement. Dans l’industrie de l’armement, on dit que la Russie représente le meilleur rapport qualité/prix.

J’ai parlé d’une volonté de reconquête géopolitique africaine. Comment ?

Ce retour en Afrique, nous semble-t-il, s’inscrit dans une approche géopolitique, une réévaluation de l’Afrique sur la carte géostratégique russe, où la dimension militaire a une place éminente à jouer.

Je serais tenté de parler ici d’un « syndrome Fachoda » : en effet, que les grandes puissances se disputent cette région n’est pas un hasard : la Centrafrique est frontalière avec le Soudan ; et le Soudan nous renvoie à Fachoda, ce fameux lieu (partie méridionale du Soudan égyptien) où se retrouvèrent le 25 septembre 1898, les troupes anglaises de Kitchener et celle du capitaine Marchand, avant que ce dernier n’en retire les siennes pour éviter une confrontation ; ici bien sûr, je n’évoque pas Fachoda sous l’angle d’une simple compétition, mais plutôt dans le contexte général des rivalités entre puissances (à l’époque européennes) qui se disputent des territoires importants. Cette région, on le voit encore aujourd’hui, demeure stratégique pour les puissances, y compris la Chine; elle regorge de ressources qui suscitent leurs convoitises ; comme nous l’a souligné Artem STUDENNIKOV, Ministre-conseiller de l’ambassade de Russie à Paris, à ce même colloque, «l’Afrique est un continent d’avenir qui émerge ; la Russie a vu la France, les Etats-Unis, la Chine, entre autres, s’y ruer. Elle ne peut pas y être absente ».

La géopolitique et la géostratégie expliquent donc volonté, cette politique africaine de Moscou. D’autant qu’on le voit, cette montée en puissance russe en Afrique se fait au moment où des pays occidentaux comme la France semblent s’en retirer. C’est le moment pour la Russie d’influer de nouveau sur l’évolution politique du continent africain et c’est, pour l’Afrique, l’occasion de diversifier ses partenaires.

Le besoin de retour de la Russie en Afrique peut également s’expliquer à travers ce qu’on appelle aujourd’hui une « nouvelle guerre froide », une détérioration des relations de la Russie avec l’Occident. La Russie est à nouveau considérée comme une menace existentielle contre les démocraties occidentales. Des tensions diplomatiques fortes s’observent entre la Russie et le monde occidental qui voit en elle des velléités, voire une volonté de redessiner les frontières européennes.

La Russie, ciblée par des sanctions internationales, et de plus, se sentant attaquée par l’OTAN (pensons à l’Ukraine, à la Crimée, à la Syrie,…),  voire encerclée, cherche donc à casser cet isolement, cet encerclement, ces attaques ; la Russie fait tout bien sûr pour « se désencercler », et on le voit déjà avec l’Iran, la Turquie, l’Inde et la Chine. De là à croire, comme d’aucuns l’avancent, qu’elle adopte exactement la même stratégie à l’égard de l’adversaire en essayant également de l’encercler, il n ya qu’un pas. La Russie cherche donc de nouveaux débouchés en Afrique, de nouveaux soutiens, des zones d’influence.

Si la Chine a choisi les échanges commerciaux comme porte d’entrée (le volume des échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique est 40 fois inférieur à celui de la Chine avec l’Afrique, laquelle reçoit moins de 5% des exportations mondiales de la Russie), la Russie a ciblé le secteur de la défense et de la sécurité ; ceci bien sûr, à côté d’autres secteurs stratégiques comme les mines, l’énergie, le nucléaire.

Sur le plan sécuritaire, la menace terroriste est apparue comme l’une de ses priorités, notamment en Afrique du Nord et du Centre.

Avec quels pays, en Afrique ?

La Centrafrique entre dans le cadre récent de la coopération Russie-Afrique ; rappelons que des militaires Russes ( qu’on estime entre 200 et 300) sont déployés dans ce pays dans le cadre d’un accord et pour une « mission de formation et de sécurisation » et surtout pour la livraison d’armes pour rééquiper les FACA (janvier 2018) ; des conseillers militaires y sont déployés, ainsi que des encadreurs et/ou formateurs de la garde présidentielle (une quarantaine d’éléments des forces spéciales russes assurant la « première ceinture »), mais aussi des éléments de sécurité privée de la fameuse société Wagner. Les militaires centrafricains pourront également être formés en Russie.

Pour armer l’armée centrafricaine, la Russie a en effet profité d’une occasion dans laquelle elle a bien manœuvré : la France avait proposé en septembre 2017 de fournir aux FACA des armes récupérées au large de la Somalie ; la Russie a réussi à obtenir une exemption du Conseil de sécurité (par rapport à l’embargo sur les armes imposé au pays en 2013) et en a profité pour signer avec la RCA un accord militaire prévoyant un don en équipements militaires et un programme pour l’entraînement des FACA.

Moscou, entre janvier et février 2018, a équipé 2 bataillons (1300 hommes) des FACA avec des armes légères : 900 pistolets Makarov, 5200 fusils d’assaut AKM, 140 armes de précision, 840 kalachnikov, 270 lance-roquettes RPG7, 20 armes anti-aériennes.

Désormais les Russes ont leurs bases en Centrafrique, les plus marquantes étant celles de Bria et de Ouata dans le Nord Est, curieusement dans une zone diamantifère.

En fait Moscou a diversifié sa coopération en Afrique : il s’est appuyé sur les partenaires traditionnels, les amitiés idéologiques d’avant, qu’il a redynamisées sous d’autres formes, tels les cas de l’Algérie, de l’Ethiopie, du Soudan. Mais il s’est également ouvert à de nombreux autres pays africains, y compris et surtout l’Afrique du Sud avec laquelle il avait toujours eu maille à partir du temps de l’Apartheid.

– L’Algérie apparaît comme le porte-flambeau de cette coopération africaine avec la Russie. Celle-ci a une coopération solide et historique avec l’Algérie, un allié et partenaire traditionnel dans le Maghreb depuis des dizaines d’années ; cette coopération est renforcée aujourd’hui par un partenariat stratégique fort ; fin 2016, l’Algérie, (deuxième plus puissante armée africaine, derrière l’Egypte, et 26e au classement mondial selon le site américain Global Firepower) a occupé la 3e place au top de ses 3 principaux clients dans l’achat d’armements russes (924 millions de dollars); elle a également acquis, entre autres équipements, les systèmes S300 et deux corvettes Tigre. Confrontés à la menace djihadiste, les autres pays d’Afrique du Nord coopèrent à des degrés différents avec la Russie.

– Au Maroc, on parle aujourd’hui d’un nouveau niveau de partenariat avec Moscou ; notons que le montant des ventes russes en 2017 a dépassé les 6,34 milliards de dollars de 2016 ; et à en croire les spécialistes de Jane’s, les commandes marocaines à la Russie sont solides, s’étendant jusqu’en 2020.

– L’Egypte est un partenaire privilégié de la Russie, notamment depuis 2013 ; en plus du nucléaire civil et d’une « zone industrielle russe », la Russie a signé avec elle un nouvel accord en novembre 2017 ; les supputations vont déjà bon train sur la présence de bases russes dans ce pays et en Erythrée.

Quant à la Lybie, elle était une alliée importante de la Russie sous Kadhafi, et la chute de ce dernier a privé le complexe militaro-industriel russe de contrats extrêmement importants ; que ce soit pour la lutte anti-terroriste, pour retrouver des débouchés pour ses exportations, notamment d’armes, ou pour retrouver une de ses zones d’influence, la Russie s’est investie à maintes reprises dans le conflit libyen.

En dehors de l’Afrique du nord :

– Le Tchad n’a jusqu’ici qu’une simple coopération militaire portant sur la formation ; cela n’est tout de même pas rien quand on sait que dans ce pays se trouvent le QG de la force Barkhane, ainsi que des militaires Américains.

– L’Angola partage aussi un partenariat stratégique avec la Russie : en plus d’avions de combat multirôle Soukhoi Su-30, la coopération porte sur l’entretien d’équipements militaires et la formation des cadres.

– L’Ouganda a également, en plus du protocole avec Rosatom en juin 2017 sur le nucléaire civil, un partenariat stratégique avec la Russie ; l’Ouganda a déjà acquis des T-90 et des chasseurs Soukhoi Su-30.

– Le Zimbabwe a, outre un contrat de 3 milliards de dollars portant sur une mine de platine et dont sont attendus 8000 emplois locaux, renforcé ses liens militaires avec Moscou. Une aubaine pour ce pays auquel les Occidentaux, en guise de sanctions, ont cessé de fournir du matériel militaire depuis les années 2000.

– L’Afrique du Sud, membre comme la Russie, des BRICS, a avec celle-ci de sérieuses relations politiques, économiques, culturelles, ainsi que dans l’agro-alimentaire et dans l’énergie atomique avec Rosatom. La Russie, profitant du Xe sommet des BRICS à Johannesburg en juillet 2018, a signé un mémorandum portant sur la coopération technique et militaire avec la SADC, une des organisations les plus influentes en Afrique et qui regroupe 16 Etats ; notons que les armées de beaucoup de pays de la SADC sont équipées de matériels russes. On le voit, le forum des BRICS est en pour la Russie un levier en or pour son influence en Afrique.

– Le Cameroun : la Russie a signé avec ce pays un accord de coopération militaire depuis le 15 avril 2015 ; des formations, notamment en sécurité incendie, sont dispensées par des experts venus de Russie et des officiers camerounais sont également formés en Russie.

– La  RDC a déjà avec la Russie une convention de coopération militaire datant de 1999 ; les deux pays entendent  la redynamiser aujourd’hui, face aux tensions entre la RDC et l’Occident; aujourd’hui, elles s’entendent aussi sur un partenariat dans le secteur de l’exploitation minière, de l’énergie et de l’agriculture.

– Le Burundi, qui, avant la chute de l’URSS, y formait l’essentiel de ses cadres militaires, renforce, en ces temps de tensions avec l’Occident surtout, ses liens avec la Russie ; il vient de signer, en marge du Forum militaire 2018 qui eut lieu en Russie, des contrats pour la livraison d’hélicoptères de combat.

– Le Soudan a, en plus d’accords dans le nucléaire civil, les secteurs minier et énergétique, signé avec Moscou un accord militaire en février pour renforcer ses capacités militaires, faisant même dire au président Béchir, suite à son voyage en Russie : « nous sommes prêts à faire face à toute menace contre notre pays »; la possibilité d’établir dans ce pays une base militaire permanente pour l’Afrique de l’Est a déjà été évoquée au sommet entre autorités des deux pays. Notons que le Soudan a une réserve d’uranium extrêmement importante, probablement la troisième mondiale.

– Le Mozambique a également un accord de coopération militaire et technique avec la Russie en date du 22 décembre 2015 ; il est facile de comprendre que cet accord fera l’objet de beaucoup d’attention au regard des récentes attaques attribuées à des islamistes radicaux au Nord de ce pays.

– Le Burkina Faso a, avec la Russie, signé en août 2017 un accord aux termes duquel la Russie va soutenir ce pays dans sa lutte contre le terrorisme islamique. La menace terroriste est en effet une priorité de Moscou dans sa coopération avec l’Afrique. La Russie se targue d’avoir une grande expérience en matière de lutte anti-terroriste, avec des armes et moyens de renseignements perfectionnés.

– La Guinée équatoriale a avec la Russie un accord dont les termes n’ont pas été divulgués, accordant des facilités pour l’entrée libre et le ravitaillement des navires de guerre russes dans ses ports.

– La Guinée Conakry a avec la Russie une commission intergouvernementale de coopération économique, scientifique, technique et commerciale ; suite à la visite du président Alpha Condé en Russie en septembre 2017, les deux pays ont signé 8 nouveaux accords de coopération dans plusieurs domaines, y compris la construction de garnisons militaires.

– Le Mali : pour revaloriser leur coopération, et du coup, s’impliquer dans la crise malienne, la Russie a offert à ce pays deux hélicoptères en 2017, ainsi que des armes et munitions, notamment dans le cadre de la lutte antiterroriste.

– Le Niger a relancé ses anciennes relations avec Moscou par un protocole datant de 2016, notamment en matière de sécurité et développement. Malgré la présence de l’armée française, mais également d’une base Allemande, de militaires italiens, et de la plus grande base Américaine de drones sur le continent, le président Mahamadou Issoufou aurait également fait appel aux Russes pour lutter contre le terrorisme.

– En Erythrée, la Russie entend investir sérieusement et faire de ce pays la passerelle vers l’Ethiopie, suite à ses retrouvailles avec celle-ci, voire  le « pivot vers l’Afrique »; la Russie tient à une solide présence dans la région de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge.

– Notons qu’à Djibouti, la Russie cherchait (selon le journal Jeune Afrique du 22 mai 2018), à l’instar de la Chine qui y a sa base depuis octobre 2017, à installer une base navale, mais a reçu une fin de non recevoir ; on dit maintenant que l’Egypte et le Soudan seraient des options.

– De même, à Madagascar, la Russie investit dans la santé mais on dit qu’elle souhaite s’implanter dans le port de Toamasina pour avoir un accès à l’océan Indien.

Aux Comores, les deux pays ont signé en février 2015 une convention de coopération portant sur la sécurité, notamment la lutte contre le terrorisme. Une convention relancée récemment par le gouvernement actuel.

Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive ; elle nous permet tout de même de constater comment et si rapidement, la Russie a vite repris pied en Afrique et a étendu sa percée hors de sa zone d’influence d’antan. On constate donc que depuis 2017, la politique russe a pris une  nouvelle dimension en Afrique Centrale et de l’Ouest où Moscou multiplie les coopérations.

Sont ainsi dénombrés une quinzaine d’accords de coopération militaire et technique avec l’Afrique ; l’accélération du retour militaire de la Russie en Afrique est bien frappante, avec pas moins de 6 accords militaires récents en moins d’une année (d’Aout 2017 à Mai 2018) avec la RD Congo, le Soudan, la Centrafrique, l’Egypte, la Guinée, le Burkina. La Russie, qui avait, il ya quarante ans, accompagné les indépendances de beaucoup de pays africains, connaît trop l’importance de l’Afrique pour s’en désintéresser aujourd’hui; au contraire, elle a senti que le monde change et, championne de la multipolarité, elle veut être sur le continent africain, un partenaire qui compte.

La Russie avance donc très vite en Afrique et ici comme ailleurs, elle surfe sur les erreurs des occidentaux et les désordres qu’elles ont pu causer: on pourrait en Afrique, sans toutefois s’y limiter, parler des cas libyen et centrafricain. Elle saisit l’occasion pour jouer un rôle pour le retour de la paix dans ces pays, pour leur stabilisation. Et il faut l’avouer, pour profiter, elle aussi, des ressources immenses de ces pays.

Conclusion

Dans le discours d’Alexandre Mechkov, ambassadeur de Russie à Paris, lu à l’occasion de ce colloque par le Ministre-conseiller Artem STUDENNIKOV qui le représentait, il a été souligné : « Le retour de la Russie sur la scène internationale s’est opéré dans un contexte historique particulier de la formation d’un monde polycentrique. Nous voyons les nouveaux centres d’influence globaux et régionaux en train de s’affirmer en Asie, en Amérique Latine. Des processus dynamiques se déroulent en Afrique. L’ordre occidentalo-centrique qui a duré 500 ans est en passe de rejoindre le passé ».

La Russie raisonne rarement sans tenir compte des sphères d’influence et de domination. Elle a certainement compris que pour sa nouvelle émergence, elle ne peut pas négliger l’Afrique, laquelle représente pratiquement le tiers des voix aux Nations Unies. Elle a réussi aujourd’hui, au travers de cette étape centrafricaine (car ça n’est qu’une étape à notre avis) son implantation dans une région où la géopolitique s’exprime sous divers aspects : géopolitique des ressources et matières premières, géopolitique des religions, de la violence religieuse, voire du terrorisme.

Outre la prospérité du pays, Moscou se donne pour autre priorité  la création d’une machine de projection de puissance. Son retour en Afrique fait partie intégrante de sa stratégie pour son influence mondiale ; le président Poutine, qui veut faire de son pays le plus influent d’Europe, ne peut pas ne pas s’intéresser sérieusement à l’Afrique ; les échanges commerciaux de la Russie avec l’Afrique ne cessent de progresser.

La vitesse à laquelle ces partenariats sont conclus est parlante : la plus grande partie entre 2017 et le 1er semestre 2018.

Il ne faut pas non négliger le fait que le charisme du président Poutine inspire en Afrique ; la Russie séduit les Africains par son efficacité, sa constance, sa fidélité envers la Syrie. Les Africains, qui plus est, la trouvent plus soucieuse, plus respectueuse de la souveraineté de leurs Etats. Ils comprennent également que le soutien de la Russie, membre du Conseil de sécurité, peut bien leur être utile notamment en faisant contrepoids au Conseil de sécurité.

Reste à voir la stratégie des Occidentaux en réaction à cette percée en Afrique, au détriment de leurs intérêts, de la Russie, mais aussi de la Chine ; ces dernières, déjà bonnes alliées, ont intérêt à également se comporter en bons partenaires sur le continent africain si elles veulent pouvoir affronter cette réaction. Les rivalités Russie-Chine contre l’Occident en Afrique nous rappellent donc qu’il y a des enjeux importants de puissance sur ce continent, source de conflits; pour le moment, a commencé une guerre de l’information pour laquelle on dit que la Russie a déjà donné le la ; on parle à cet effet d’une offensive médiatique, de la propagation de contenus anti-Occident sur le web africain francophone ; on parle d’une propagande russe destinée à nourrir un sentiment anti-français en Centrafrique aux fins d’ affaiblir l’influence française dans ce pays, voire en Afrique et sur la scène internationale. Le même modus operandi s’apparentant à la propagande soviétique de la Guerre froide pour discréditer, affaiblir ses ennemis ?

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