La Palestine et l’Accord du Siècle

S.E.M Salman ELHERFI, Ambassadeur, Chef de la Mission de Palestine en France

Comme vous le savez sans doute, les négociations de l’OLP avec les administrations américaines ont commencé en 1976. Ces négociations ont connu des hauts et des bas et se sont déroulées en plusieurs étapes, passant par les négociations de Beyrouth jusqu’au 1982, de Tunisie entre 1985 et 1988 et à la suite de l’accord jordano-palestinien et la déclaration d’indépendance en 1988. Les années 90 ont été marquées par les accords d’Oslo sous l’égide des Etats-Unis d’Amérique (1993).

Un changement radical et tragique a eu lieu, en 2017, avec l’arrivée de Donald Trump a la tête de la Maison blanche. Son administration a adopté une série de décisions contre notre Peuple, à commencer par le transfert de son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem et la fermeture de son consulat à Jérusalem (une mission américaine auprès des Palestiniens depuis 1844). Trump a décidé en effet de considérer Jérusalem comme la capitale unifiée de l’Etat d’Israël, de fermer le bureau de l’OLP à Washington DC, retirant sa reconnaissance du Peuple palestinien et de son représentant légitime, comme s’il s’agissait d’un peuple inexistant.

L’administration Trump signe et persiste. Elle déclare légitimes les colonies de peuplement israéliennes placées sous souveraineté israélienne. Autrement dit, elle accepte et légitime l’annexion des territoires palestiniens occupés par Israël, en flagrante violation des principes fondamentaux du droit international et de toutes les résolutions pertinentes de l’ONU, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies en tête.

L’administration américaine a effacé d’un trait de plume la question des réfugiés en redéfinissant qui est le réfugié palestinien en fonction de ses propres intérêts, mettant en doutant leur nombre (considérant qu’il n’y en avait pas plus de 200 000 en 1947, décédés aujourd’hui et ne pouvant hériter de ce statut). Parallèlement, cette administration exerce d’énormes pressions et de chantages sur les pays qui accueillent ces réfugiés pour qu’ils s’y installent de façon permanant et définitive et devenir citoyens. L’administration américaine ne s’est pas arrêtée là, mais a appelé les Nations-Unies à supprimer l’UNRWA et à réduire sa contribution à son budget.

Dans sa guerre visant à affamer le peuple palestinien, le gouvernement Trump a coupé toutes ses contributions financières (840 millions de dollars par an) au budget de l’Autorité nationale palestinienne. Ces contributions constituent un engagement juridique des États-Unis au titre des accords conclus et non une aide ou un don, car elles correspondent au coût de l’occupation, payé par les pays donateurs à la place d’Israël, la puissance occupante chargée des besoins et bien être de la population sous sa domination et ce en vertu des Conventions de Genève et des normes internationales. Cette administration partiale a coupé également l’aide aux institutions éducatives et médicales palestiniennes, visant plus particulièrement les hôpitaux de Jérusalem Est et les bourses octroyées aux étudiants palestiniens dans les universités américaines aux États-Unis et à l’étranger.

Ne trouvant devant elle aucune pression internationale, l’administration Trump poursuit son plan et bénit l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain et des hauteurs de la Cisjordanie pour des raisons dites sécuritaires, ce qui signifie que in fine Israël contrôlera pleinement près de 85% de la Cisjordanie. Ce qui signifie la mise à mort de la solution de deux Etats. Car, il n’y aura plus que quelques ghettos palestiniens isolées en Cisjordanie à côté du grand ghetto de Gaza. En fin de compte, Israël contrôlera effectivement 85% des territoires palestiniens occupés, contrairement à ce qui a été convenu au niveau international, à savoir la création d’un État palestinien aux côtés de l’État d’Israël sur tous les territoires occupés le 4 juin 1967, soit 22% de la Palestine historique. Rappelons que le plan de partage de l’ONU (résolution 181) de 1947, donnait à l’État de Palestine environ 45% du territoire de la Palestine et 55% à l’État d’Israël et, aujourd’hui, les Palestiniens ne possèdent plus que 15% de leur terre.

Aujourd’hui, et après toutes ces actions unilatérales et illégales, Trump affirme vouloir résoudre la question palestinienne par un formule magique « la Paix économique ». Ceux qui veulent résoudre le problème détruisent-ils la solution des deux États et légitiment-ils le vol et l’occupation du territoire d’autrui par la force ? Si l’Amérique est sérieuse dans ses propos, où sera appliquée son plan du siècle et sa paix économique ? Sur quelle terre ? Sans doute sur la planète Mars ! Nous ne le savons pas encore car le contenu de l’affaire du siècle n’a pas été dévoilé officiellement. Ce que nous savons par contre, c’est que ceux qui veulent aider les Palestiniens sur le plan économique ne les affament pas, et ne soutiennent pas Israël dans le vol de leur argent en saisissant les taxes de l’Autorité palestinienne. Ceux qui prétendent aider le peuple palestinien ne financent pas les crimes quotidiens d’Israël contre notre Peuple qui lutte pour sa liberté devant le regard parfois complice d’un monde qui semblent avoir oublié qu’il est fait avant tout de chair et de sang avant de devenir un monde multi-identitaire, multiculturel et multi religieux.

Par conséquent, nous appelons ce monde à ne pas suivre aveuglement la politique coloniale et raciale d’Israël et des USA et de rejeter les tentatives de ces derniers en vue d’affamer notre peuple afin qu’il capitule devant leur crime du siècle. La stratégie israélo américaine vise à rayer le Palestinien de la carte des nations, nier son existence et mettre fin à sa juste cause et à ses droits nationaux légitimes, y compris son droit à l’autodétermination. Israël et son allié américain, impose à notre peuple une nouvelle politique d’Apartheid pour éliminer à jamais la cause palestinienne.

Mais la volonté et la fermeté de notre peuple et sa lutte pacifique constituent notre force et notre seule arme face à l’impérialisme et à l’Apartheid. Et nous restons convaincus qu’il existe dans ce monde, parmi votre assemblée, des personnes libres qui partagent nos valeurs et notre volonté de préserver la crédibilité du droit international, seul garant de la paix et de la stabilité dans un monde menacé par la monté de l’extrémisme et du populisme.

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