La mer de Chine du Sud – Bïendong : La mère des conflits du futur ou des opportunités de coopération dans la paix ?

Jacques NGUYEN THAÏ SON

Diplomate et Président d’Interface Francophone.

4eme semestre 2011

  • Depuis quelques années, surtout depuis 2008, la mer de chine du sud, en Vietnamien Biendong (MCS-BD) connaît des troubles sérieux, opposant la RPC montante et plutôt agressive d’un côté et les pays membres de l’ASEAN- Association des Nations de l’Asie du Sud-est et les États-Unis, l’Inde, Le Japon et l’Australie entre autres. D’aucuns prédisent un affrontement inéluctable entre ces deux blocs avec la MCS — BD transformée en mère des conflits du futur (cf Robert.D Kaplan, Foreign Policy, Oct 2011 et Hillary Clinton : Asia-Pacific : America’s Pacific Century, op cit Nov 2011).

Apparemment ; les risques sont réels et la tension palpable. Cependant, je persiste à penser que la Pax Americana, bien que quelque peu malmenée, durera et sera ajustée au rapport des forces sur place pour y englober la Chine, devenue entre-temps un partenaire plus mature, confiant, sage et responsable d’un système de sécurité collective encore manquant à ce jour mais dont les bases ont été jetées par les pays membres de l’ASEAN. Ainsi, les riverains de la MCS-BD et même de l’espace indo-pacifique pourraient s’épanouir sous la haute protection d’une sorte de Pax Indo-Pacifica et la MCS—BD pourrait devenir la Mère de toutes les opportunités de coopé­ration fructueuse.

  • Since some years but especially since 2008, the South China Sea — Biendong ( SCS — BD) in Viet language, has been troubled by serious conflicts opposing a rising and rather aggressive People’s Republic of China (PRC) on one side against ASEAN (Association of South East Asian Nations) and the USA, India, Japan and Australia inter alia. Many specialists venture that these two blocks would become unavoidably confronted, with MCS-BD becoming the Mother of future conflicts (cf Robert D. Kaplan: The South China Sea is the future of Conflicts, Foreign Policy N° Oct 2011 and Hillary Clinton: Asia-Pacific: America’s Pacific Century, op cit Nov 2011).

Apparently the risk is real and the tension is tangible. However, I persist in thinking that the Pax Americana, although somewhat poorly hampered, shall last and be adjusted to, aiming to include China who has become in the meantime a more mature, confident, wise and responsible partner towards a collective security system that to this day is being missed but whose bases have already been set by the countries who are ASEAN members. Thus, the MCS-BD neighbors and even those of the Indo-Pacific region could then become the Mother of fruiful cooperation opportunities.

Mer de Chine du Sud-Biendong : importance stratégique majeure

TouT LE MONDE s’ACCORDE À RECONNAÎTRE l’intérêt géostratégique primor­dial de cette mer non seulement pour l’Asie du Sud Est mais pour tout le Pacifique occidental et partant, pour le monde..

D’abord c’est est une mer semi close, presque le pendant asiatique de la Méditerranée que bordent Taiwan, la Chine au Nord (Ile de Hainan) et les pays membres de l’ASEAN au sud jusqu’à l’océan Indien. C’est la plus grande artère maritime du monde par laquelle transitent plus de 70 % des échanges, (dont 80 % de l’énergie) de l’Afrique et l’Europe avec l’Asie du Sud Est et de l’Est.

Certains stratèges avancent l’idée que le pays qui maîtriserait cette mer contrô­lerait le Pacifique occidental et l’Asie et partant le monde ! Un exemple récent semble confirmer l’importance de cette mer : en 1940, pour maîtriser l’Asie et en interdire l’accès à la marine américaine, le Japon a occupé Taiwan, l’Indochine, les Philippines et Singapour et l’Indonésie, pays bordant la MCS-BD pour contrôler celle-ci et ses matières premières abondantes.

Sa surface totale se chiffre à 3 500 000 km2 de Taiwan au nord jusqu’à Singapore au sud. De surcroît, elle est très poissonneuse et riche en ressources minérales et surtout de pétrole dont les réserves prouvées sont évaluées à 7 milliards de barils (réserves estimées : 28 milliards de barils) et de gaz naturel dont les réserves sont estimées à 266 milliards de m3.

L’origine de la tension et des hostilites en MCS-BD : la montée de la chine et son expansionnisme

La MCS-BD était relativement calme jusqu’en 2008 quand la Pax Americana semblait suffire à en assurer la sécurité, la stabilité et la paix, bénéfique au dévelop­pement de toute la région y compris la RPC et l’Asean.

La Chine semblait s’en accommoder plutôt bien. Par le passé, les dynasties chinoises y attachaient peu d’importance et encore moins aux 2 archipels des Paracels au large de Danang (ex Tourane) et des Spratlys, à l’est du centre Vietnam, au large de Qui Nhon ; Nha Trang et Vung Tau (Cap Saint Jacques) à plus de 1200 kms au sud de la RPC. Aucune carte officielle chinoise de cette époque ne les mentionnait ni les portait sur le territoire de l’Empire du Milieu. A partir de 1949, Mao Tze Toung commençait à en saisir leur grand intérêt stratégique mais n’en faisait pas grand cas sur le plan diplomatique international faute de moyens. Néanmoins, en 1956, profitant du retrait de la France de l’Indochine ; Pékin occupa militairement quelques îlots des Paracels orientaux et fit de même en Février 1974 pour occuper les îlots des Paracels occidentaux suite à une bataille navale sanglante contre la marine sud vietnamienne, profitant du désengagement américain du Viêtnam à partir de 1973. En 1988, profitant de l’isolement diplomatique du Vietnam et de la faiblesse de sa marine, la Chine fit usage de la force brutale pour chasser les forces vietna­miennes de quelques îlots de l’archipel des Spratlys dont Hanoi réclame depuis le xvie siècle la souveraineté, fort de ses droits historiques et de l’exploitation continue.

Or à partir de 2008, surtout en 2009 et jusqu’à présent la RPC varie, selon sa technique « Da da, dam dam » bien connue (combat et pourparlers en alternance), entre l’intimidation, voire la provocation et la menace et l’apaisement à l’encontre de l’Asean, plus particulièrement des Philippines et du Vietnam, les 2 pays les plus concernés et résistants.

La RPC, de son côté a réclamé en 2009 la souveraineté sur 80 % de la MCS-BD en se prévalant des « droits historiques de découverte » remontant aux empires centraux des Han (iie siècle avant J.C), Ming et Qing (du XVe – xixe siècles) sans aucun respect pour le droit international en la matière, notamment la Convention de l’ONU UNCLOS de 1982 que Pékin lui même avait ratifié et la preuve de l’oc­cupation et de l’exploitation continues. Elle cherche depuis à imposer son ambition territoriale par la force de sa flotte grandissante et par des pratiques peu orthodoxes telles la publicité tous azimuts donnée à la fameuse « langue de bœuf cartogra­phique « composée de 9 neuf lignes discontinues formant un U descendant de l’île Hainan jusqu’en Indonésie et occupant pratiquement 80% de la surface de la MCS-BD !? C’est comme si un jour l’Italie (Rome) déciderait que la Méditerranée redevienne sa Mare Nostrum -un lac italien- sous prétexte qu’il y a plus de 2000 ans les Romains contrôlaient cette mer !

La tension monta crescendo en 2010 lorsque Pékin chercha à intimer aux na­tions de l’ASEAN et à la communauté internationale, en particulier les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie que la MCS-BD et les 2 archipels qu’elle renferme relèvent de son intérêt national (core interest) au même titre que le Tibet et Taiwan ?

Des réactions, plus ou moins violentes fusèrent de la part des pays membres de l’ASEAN mais la réplique cinglante arriva vite de la part des États-Unis dans la seconde moitié de 2010 par le truchement d’une déclaration claire et musclée de la Secrétaire d’État pour les Affaires étrangères Hillary Clinton à Hanoi au cours d’une conférence sur la sécurité régionale organisée par l’ASEAN à savoir que l’inté­rêt national des USA consiste à assurer la libre navigation et entreprise économiques en MCS-BD, dans le respect du droit international et à veiller à ce que les conflits y soient réglés par des négociations multilatérales, libres de toute utilisation et/ou menace d’utilisation de la force.

Le ministre des Affaires chinois en fut furieux, sortit de la salle et n’y revint qu’une heure après pour dénoncer l’attaque américaine contre son pays ! La RPC aura donc été prévenue ! Et l’année 2010 fut sans doute son « annus horribilis » sur le plan diplomatique. Tout le crédit soft power que Pékin avait réussi à engranger patiemment en 20 ans auprès de ses voisins asiatiques grâce à sa politique de profil bas « tao guang yang hui » s’envola en fumée, générant la suspicion et la méfiance non seulement de ses voisins de l’ASEAN mais aussi et surtout des grands états tels les États-Unis, le Japon, l’Inde, l’Australie voire la Russie, pourtant membre fonda­teur avec la RPC de l’alliance O.C.S (Organisation de Coopération de Shanghai, le « NATO de l’Orient » ?)

Certains spécialistes de la Chine avancent l’explication de ce dysfonctionne­ment de la diplomatie chinoise par l’existence de 2 écoles 4: celle de l’expansion vers l’ouest Sijin soutenue par le « prince rouge » le Général Liu Yazhou et celle de l’ouverture forcée vers l’est proposée principalement par les généraux de l’aviation et les amiraux et soutenue par les milieux d’affaires et ultra-nationalistes.

De surcroît, la diplomatie chinoise navigue péniblement parmi une multitude de décideurs allant des apparatchiki du PCC jusqu’aux dirigeants de provinces im­portantes sur la côte orientale et sud-orientale en passant par les titulaires de minis­tères stratégiques comme ceux de l’énergie et du commerce extérieur.

Or s’agirait il tout simplement de cette fameuse pratique des dirigeants de Pékin des règles plurimillénaires du Suntseu Bingfa (l’Art de la guerre, Ve siècle avant J.C : variations et camouflages pour semer la confusion et le trouble chez l’adversaire pour mieux le battre par surprise) et du jeu de Go (souplesse et rapidité dans le mouvement pour coller à l’adversaire) ?

En dernière analyse, je suis enclin à penser que les dirigeants de Pékin sont divi­sés entre 2 tendances : les durs, soutenus par les dogmatiques du PCC et les ultra­nationalistes ainsi que par le complexe militaro industriel (l’Aviation et la Marine) et les industries minières et pétrolières qui veulent profiter de l’avantage momen­tané de la RPC en MCS-BD pour tenter d’ en occuper le terrain avant que les Américains ne réussissent à y redéployer leurs forces et mettre en place leur système de défense et d’encerclement de concert avec leurs alliés (Japon, Australie, Corée, Australie, Thaïlande) et leurs partenaires plus ou moins stratégiques tels que l’Inde, l’Indonésie, Singapour et le Vietnam5.

L’instrument tactique de la stratégie chinoise est d’inventer de toutes pièces leur souveraineté « historique » sur 80% de la MCS-BD, y/c les 2 archipels Paracels et Spratleys sous la forme de cette « langue de bœuf » pour semer la confusion et le trouble dans l’opinion et espérer de la sorte d’arriver à obtenir in fine un gros mor­ceau du gâteau sous la menace de leur marine infiniment plus puissante que celles des pays membres de l’ASEAN. C’est aussi leur argument massue à l’égard de l’opi­nion chinoise et des responsables de l’économie chinoise dévoreuse d’énergie et de matières premières dont, proclament-ils, la MCS-BD recèle des quantités énormes.

La seconde tendance, composée grosso modo des modérés du PCC, des mi­lieux diplomatiques, intellectuels et des affaires liés à l’Occident est plus sensée car mieux informée soutient plutôt une politique de concertation et de coopération avec l’Occident dans l’attente de l’achèvement des 4 modernisations. Les partisans de la politique look west Sijin (la marche vers l’ouest) en font partie naturellement. Ces 2 tendances se sont livrées mi-octobre une lutte féroce dans les colonnes du Global Times, l’édition en anglais du Journal du peuple, organe du PCC. Pékin a laissé faire, soit par pure tactique soit par manque de leviers de contrôle contre les durs, soutenus par l’opinion que la propagande patriotique avait intoxiquée à un haut degré jugé dangereux pour la stabilité du pays et la paix.

Durant tout l’été de 2011, les durs ont mené en MCS-BD, surtout à l’encontre des Philippines et du Vietnam, des démonstrations provocatrices de force navale, des harcèlements répétés et planifiés contre les pêcheurs et les bateaux d’exploration sismique pétrolière à tel point que les philippins ont réagi avec vigueur et appelé aux secours leurs alliés américains tandis que les vietnamiens ont procédé à des manœuvres navales au large des côtes du centre Vietnam à munitions réelles, à quelques encablures des navires chinois et pas très loin des côtes chinoises !

S’ensuivirent des appels au calme de la part des États-Unis et toute une série de rencontres géostratégiques entre les Philippins et Vietnamiens d’un côté et les américains, australiens, indiens et japonais de l’autre soit bilatéralement soit multi-latéralement. Des rencontres de haut niveau ont eu lieu à une cadence peu connue avant entre les responsables diplomatiques et militaires américains, Japonais, aus­traliens et Indiens bilatéralement et multilatéralement, les uns et les autres déclarant leur intention de renforcer leur défense et leur engagement en MCS-BD, les indiens étant encouragés et soutenus publiquement par leurs partenaires à sortir de l’océan Indien pour renforcer r leur engagement en Asean et MCS-BD. Dès mi octobre 2011, les indiens ont passé à l’action en invitant en visites d’état les Présidents du Myanmar et du Vietnam au cour desquelles le premier Ministre Indien a confirmé solennellement la grande détermination de son gouvernement de mettre en œuvre avec vigueur sa politique Look East (Regarder à l’Est) publiquement encouragée et soutenue par les américains et leurs alliées australiens et japonais. Fait d’une importance majeure : L’inde soutient fermement l’engagement de la Société d’in­dustrie pétrolière d’état ONGC auprès de son partenaire Vietnamien PetroVietnam malgré les protestations et menaces officielles du gouvernement de Pékin, relayées largement par les organes de presse du PCC et du gouvernement (Le journal du peuple et Global Times entre autres). Le Japon avait soutenu en Septembre 2011 la décision indienne.

La marine Indienne avait auparavant ignoré avec le flegme britannique qu’on lui reconnaît l’avertissement radio émis par un navire de guerre chinois enjoignant à un de ses navires en visite dans les ports vietnamiens d’avoir à s’identifier et de quitter les « eaux chinoises » ? Alors que ce navire se trouvait en eaux territoriales vietnamiennes au retour du Vietnam !

Du côté birman, soutenu et encouragé par l’Inde, son partenaire traditionnel, le nouveau Président (ex général) Thein Sein s’est permis de prendre ses distances avec la RPC en arrêtant, sur recommandation des défenseurs de l’environnement mais défiant la menace chinoise, un méga projet de construction de centrale hydraulique de plusieurs USD milliards dont le contrat avait été remporté par une entreprise chinoise. Il a déclaré que pour son pays l’Inde compte autant que la Chine !

Les Philippins sont les plus résistants face aux menaces chinoises, allant jusqu’à appeler au secours l’allié américain tout en achetant des navires et armes de celui-ci et d’ailleurs pour renforcer leur capacité de défense.

Une vraie course à l’armement avait été d’ailleurs déclenchée en Asie en général et plus spécialement dans les pays de l’ASEAN face à la menace militaire chinoise de plus en plus réelle et précise. Le Vietnam est devenu le plus gros client de l’industrie russe des armements en 209-2011, avec des livraisons accélérées de navires de guerre, de sous-marins de la classe kilo, des chasseurs Su 27 et Su30, des systèmes de missiles de défense côtière Bastion du dernier cri…L’Indonésie, la Malaisie et Singapour ont fait pareil pour moderniser leurs forces armées.

La RPC, depuis l’été 2011 se trouve isolée et fortement fragilisée diplomatique­ment en Asie du Sud Est face à une alliance de fait fondée à l’initiative des améri­cains pour la contenir. Son agressivité et son ambition gourmande et injustifiée en MSC-BD a poussé les pays de l’ASEAN dans les bras de l’oncle Sam, qui à grands coups de proclamations et de visites de toutes sortes et tous azimuts réitère sa ferme détermination de se réengager pour longtemps en Asie Pacifique devenue la priorité des États-Unis. Ceux-ci y ont dépêché déjà 60 % de ses forces navales et y enverront davantage de GI’s et de marines dans un proche avenir car le Président Obama va retirer les troupes américaine d’Irak d’ici fin 2011 et d’Afghanistan un peu plus tard selon ses promesses électorales sages et bien tenues.

Pour en convaincre l’opinion publique américaine les gros moyens sont utilisés depuis le New York Times au Washington Post6. Dès le mois d’octobre la grande et très influente Revue Foreign Policy sortit ses canons avec un long article spectacu­laire : Mer de Chine Méridionale : le futur des conflits livré par un grand spécialiste M. Robert D Kaplan. Le numéro de Novembre 2011 en est encore plus sensation­nel avec un long article testament écrit par une grande Dame : Hillary Clinton, Secrétaire d’État des États-Unis. Titre : Asia Pacific : America’s Pacific Century7. Mme Clinton y va de sa belle et patriotique plume : Les États-Unis ne sont nulle­ment en déclin, au contraire ils ont toujours su rebondir plus haut et plus fort après une crise car ils sont la plus grande démocratie au monde. L’Asie pacifique est le centre de gravité de l’économie mondiale et l’Amérique y revient plus forte et plus déterminée que jamais, grâce à sa volonté, son hard power doublé d’un formidable soft power et grâce aussi à ses nombreux alliés, partenaires et amis asiatiques.

En un seul mot : L’Amérique est de retour en Asie, gare à ceux qui ont misé sur le déclin des États-Unis ! La Chine est donc prévenue en clair contrairement aux déclarations chinoises souvent sibyllines et confuses, permettant souvent le double langage connu par les Aseaniens ! En ce moment même, 22 Octobre 2011 le nou­veau Ministre de la défense américain Panetta discute avec ses collègues japonais, coréen, indien, australien et aseanien des plans pour mieux coordonner leurs ac­tions et moderniser leurs équipements afin d’assurer la sécurité, la stabilité et la paix en Asie pour garantir le progrès dans la sphère indo pacifique où vivent plus de 3 milliards d’habitants !

Que fera la Chine ?

Son premier réflexe a été de faire venir à Pékin mi-octobre 2011 son voisin idéo­logique, le Parti communiste Vietnamien, jusqu’alors un allié faible et apparem­ment docile voire servile. Seulement, cette fois le parti frère est venu ; représenté par un secrétaire général vieillissant et diminué, sans pouvoir réel car encadré par une multitude de membres du Bureau politique, du Comité Central et de ministres.

Le vent a tourné ! De nombreuses manifestations patriotiques anti expansion­nistes chinois avaient eu lieu à Hanoi et Saigon-Hô Chi Minh-ville tous les di­manches pendant les trois mois d’été 2011. Le parti frère vietnamien s’est vu obligé de résister au grand frère chinois qui n’a réussi qu’à lui arracher une déclaration de fidélité idéologique entre les 2 partis et pays plus un protocole d’accords de principes et de discussions bilatérales pour régler les différends en MSC-BD dont la RPC pense pouvoir se servir aux fins de diviser l’alliance naissante d’en face. Or Hanoi a envoyé, le même jour le chef d’Etat du pays en Inde pour y sceller une alliance débutante avec un pays qui a été son partenaire traditionnel et loyal depuis 1947 et qui, de surcroît est le rival de la Chine !

Après des fautes et échecs aussi graves, la diplomatie chinoise dispose de peu de marge de manœuvre : pourrait-elle tenter de pousser la Corée du Nord à semer le trouble en Asie du Nord Est ? Ses chances sont minces car la Corée du Sud et Le Japon sont solidement soudés à côté des Etats Unis lesquels ont réussi, en plus, à parler directement aux dirigeants coréens dont le pays souffre de la famine. La RPC pourrait elle inciter l’Iran à perturber le Moyen Orient ? Peut être non car la Syrie, son allié est dans une situation précaire et peu être pas très loin de l’effondrement, la libération de la Libye et la mort du Colonel Mouammar Kadhafi aidant !

De surcroît, la RPC connait de très sérieux problèmes qui risquent de fragiliser ce régime autoritaire dur à un moment délicat et dangereux de la passation de témoins de l’équipe actuelle à la nouvelle d’ici 2013 : la baisse de la croissance,, synonyme de l’augmentation du chômage , le risque d’une bulle immobilière qui mettra à bas un secteur fort mal géré depuis toujours, le danger d’une forte crise bancaire à cause de l’accumulation des créances douteuses, souvent des provinces, municipalités et d’entreprises d’état mal gérées, la vive tension au Tibet et les pro­vinces stratégiques de Gansu, Qinghai et Sichuan du Sud Ouest, habitées par de fortes colonies tibétaines irrédentistes ; suite à une série d’immolations par le feu des moines tibétains ; des troubles chroniques violents au Sinjiang et des émeutes probables, non moins violentes en Mongolie intérieure.

La RPC devra donc changer de politique et faire le gros dos pour laisser passer les temps difficiles comme elle a en l’habitude depuis 1949. Pour mieux rebondir, espère-t-elle ! Mais cette fois ci, les États-Unis, superpuissance résiliente car dé­mocratique, sont de retour pour rester, avec de surcroît le soutien chaleureux de ses alliés, partenaires, amis et clients ! Alors que la RPC n’est encore qu’une puis­sance régionale, jeune, peu expérimentée, maladroite et malhabile, encore instable et contestée et rivalisée par ses voisins tels que le japon et l’Inde et probablement la Russie qui attend son heure. Ses forces armées sont faibles et techniquement loin derrière l’armée américaine, de l’aveu même de ses chefs militaires tels que l’amiral Yang Yi8.

La Chine fera donc très vraisemblablement amende honorable en recherchant l’apaisement avec notamment ses voisins aseaniens, ne serait ce que pour réduire la tension en MCS-BD et éviter que l’Amérique ne profite des conflits pour revenir vite et en force en Asie. Ce n’est donc que pure tactique comme le veulent le jeu de Go chinois et la règle de la patience et du camouflage enseignée par le Général suntseu il y a plus de 2500 ans !

Il n’y aura donc à mon avis pas de risque de conflits majeurs en Asie dans les années à venir et la MSCS-BD redeviendra relativement calme. D’autant plus que l’Amérique a déclaré ne pas revenir en Asie Pacifique pour dominer en seul maître à bord car ses moyens sont momentanément plutôt limités avec la crise actuelle et son fort endettement et en plus ses alliés, partenaires et amis asiatiques le verraient d’un très mauvais œil.

En réalité les dirigeants américains ont dit à maintes reprises aux dirigeants chinois leur désir de partager les responsabilités des affaires du monde avec la RPC en tant que partenaire fiable, responsable et respectueux des normes et droits in­ternationaux reconnus9.Or les dirigeants chinois sont membres d’un parti com­muniste aux dogmes anachroniques et pratiquent souvent une politique trop sino-centrique, confuse et irresponsable et souvent illisible pour leurs amis et adver­saires. Les américains essaieront donc, à la faveur de leur retour en force en Asie, de convaincre les chinois d’accepter des règles du jeu claires et responsables et loyales de l’organisation de la sécurité collective

Les États-Unis sont friands des systèmes collectifs de sécurité et cela depuis longtemps, d’abord pour les Amériques, pour l’Europe et le Proche-Moyen Orient (NATO, CENTO.) pour le monde (La Société des Nations après la 1ère Guerre mondiale, et l’ONU après 1945). Pour L’Asie du Sud-est, les Américains ont guidé pendant la guerre froide leurs alliés dans la création de l’OTASE (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-est), lointain pendant aseanien de l’OTAN et qui regroupe en 1967 La Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et les Philippines). Ils ont armé cette alliance anti communiste et l’ont aidé sur tous les plans y/c économique, culturel et diplomatique.

Cette alliance a bien rempli son rôle et a grandi en cohésion démocratique et maturité diplomatique pour faire à Bangkok en 1971 une déclaration pour la paix, la zone non nucléaire et la neutralité !

Depuis cette date, a elle accepté l’adhésion de 5 autres membres moins dé­mocratiques et développés excepté le Brunei à savoir Le Brunei, Le Vietnam, Le Laos, le Cambodge et le Myanmar (ex Birmanie). Avec la fin de la guerre froide, cette Association d’abord fragile car hétérogène s’est transformée en une collectivité viable et assez dynamique et elle ambitionne de devenir une vraie Communauté (visa commun ; marché commun, économie intégrée) d’ici 2015 ! et ensuite d’évoluer vers le modèle de l’Union Européenne. Malgré ses lacunes et faiblesses ; l’ASEAN a su développer lentement un système collectif de sécurité appréciable entre ses membres.

Depuis plus de 10 ans, l’Organisation a réussi à élargir son système de sécurité collective pour essayer d’impliquer la RPC, source de prospérité en même temps que de troubles, de tension et de conflits en MCS-BD à cause de l’expansionnisme chinois : Il s’agit de la DOC (Declaration of conduct of parties) signée en 2002 entre l’ASEAN d’un côté et la Chine de l’autre.

Depuis l’ASEAN tente difficilement de s’entendre avec la Chine montante sur l’élaboration d’un COC (Code of Conduct) plus contraignant afin d’éviter les conflits armés et de les résoudre le cas échéant avec la RPC menaçante en MCS-BD. La Chine pour des raisons de tactique à courte vue traîne le pas et a accepté seulement de signer l’été dernier à Bali après mult pressions de la part des améri­cains inter alia, un texte contenant les directives pour l’application de la DOC ! On espère à l’ASEAN que les chinois, à la faveur de la nouvelle situation consécutive au retour en force des Etats Unis, acceptent d’avancer plus rapidement sur le COC. Parallèlement, depuis quelques années, l’Association a mis en place d’autres struc­tures collectives élargies telles que l’ARF (Asean Regional Forum initié en 1993 comprenant les 10 pays de l’Asean plus 16 autres pays dont la Chine, les États-Unis, le Japon, la Russie), ASEAN + 3 (ASEAN + RPC, Japon, Corée du sud), EAS (East Asia Summit (initié en 2005 et comprenant ASEAN+ 5 pays de l’Asie de l’Est + Australie + USA +Russie = 18 pays).

L’ARF et surtout depuis l’année dernière EAS avec les États-Unis comme nou­veau membre semblent constituer les meilleurs forums pour que tous les pays de l’Asie de l’Est et de l’ASEAN puissent discuter et régler, entre autres, des problèmes de sécurité collective en concertation et avec la coopération et le soutien des grandes puissances telles que la RPC, Les États-Unis, le japon, la Russie et l’Inde peut être pour bientôt. Certes, ces structures, à peine rodées, ne peuvent pas encore produire des résultats satisfaisants mais ont le mérite d’exister et de fournir l’occasion pour apprendre à mieux s’occuper collectivement de, la sécurité commune.

On est en droit d’espérer que la présence forte et durable des États-Unis en Asie Pacifique fournira une impulsion forte et salutaire à ces structures pour qu’enfin avec une RPC mature, confiante, sage et donc plus responsable, un nouveau sys­tème collectif de sécurité régionale à la hauteur des enjeux soit crée avec les pays membres de l’Asean, les États-Unis, la Chine, le Japon, la Russie, l’Inde et l’Aus­tralie. Une telle organisation sera en mesure de garantir l’équilibre, la stabilité et la paix en MCS-BD, condition sine qua non de tout progrès. On pourrait appeler cette organisation la Pax Pacifica qui se substituera à la Pax Americana pour le bien des nations de l’ASEAN, de la Chine et du monde. La RPC serait rassuré d’avoir une grande place dans la région, de par sa masse et ses performances économiques. Cette vieille nation habituée à la centralité impériale et souvent impérialiste expan­sionniste devrait se contenter d’une place centrale parmi les autres nations de la région grâce à cette organisation de la sécurité collective.

Je dirais qu’il n’y a pas de fatalité que la MCS-BD soit la mère des conflits du futur entre la Chine et ses voisins au sud car le retour durable et en force des États-Unis en Asie Pacifique constituera un grand facteur équilibrant et donc stabilisateur face au déséquilibre actuel engendré par l’expansionnisme incontrôlé de la RPC grand état autoritaire montant.

A partir des structures actuelles de sécurité collective de l’ASEAN, certes encore imparfaites car jeunes et peu rodées, un nouveau système pourra être construit ensemble dans un contexte nouveau, plus équilibré et donc plus favorable et viable. Les pays riverains de la MCS-BD pourront s’y épanouir pour le bonheur des na­tions qui sauront ainsi prospérer dans un contexte stable et sain qu’elles ont appelé de leur vœux en 1971 à Bangkok, Thaïlande à savoir une région non nucléaire, stable, neutre et indépendante.

1.   ASEAN est composée actuellement de 10 pays (Thaïlande, Vietnam, Myanmar, Laos, Cambodge, Malaisie, Singapour, Indonésie, Brunei, Philippines) avec une population de plus de 600, millions d’habitants sur une superficie de 3.5 millions de Km2 et un PIB de USD

1 500 Milliards.

2.   wwww.foreignpolicy.com/articles/2011/08/15.

3.   Iris France.org

4.   Jacques NGUYEN Thai Son Geo N°31 La Stratégie chinoise appliquée dans les Balkans,

pp. 223-235.

5.   Richard N.Haas/WaPo Why Europe no longer matters. The Washiongton Post du 15/06/2011 www.washingtonpost.com/opinions/why-europe-no-longer-matters/2011/06/15/AG7e CCZH_print.html

6.   op. cit.

7.   www.foreignpolicy.com/articles/2011/09/15.

8.   Jacques NGUYEN Thai Son op.cit.

9.   Conférence de presse des Présidents B.Obama et Hu Jintao à Washington 19-1-2011 Jacques NGUYEN Thai Son, op.cit.

 

Notes

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