Rigoulet-Roze
Colloque; La géopolitique de l’islam
Académie de Géopolitique de Paris
Actes du colloque
Conference proceedings
Lundi 09 février 2015
Assemblée Nationale
Rigoulet-Roze, Enseignant et chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) , à l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) ainsi qu’à l’Institut européen de recherche sur la coopération méditerranéenne et euro-arabe (MEDEA) de Bruxelles. Il est consultant en relations internationales, spécialisé sur la région du Moyen-Orient. Il a publié lz Géopolitique de l’Arabie saoudite : des Ikhwans à Al-Qaïda (Armand Colin, 2005) et L’Iran pluriel : regards géopolitiques (l’Harmattan en 2011).
« Islamo-Frerisme » versus « Islamo-Salafisme » : Les attendus géopolitiques contradictoires de l’Islamisme dans la dynamique du « Printemps Arabe » et son devenir ».
L’année 2013 peut, avec le recul, apparaître à de nombreux égards comme une année tournant pour la problématique théologico-politique de l’islam politique en général, et de l’islamisme en particulier, et plus spécialement celui incarné par la mouvance des « Frères musulmans » qui semble en plein reflux après avoir connu un inédit, mais éphémère succès dans le prolongement des « printemps arabes » de 2011. En effet, la dynamique révolutionnaire née de ces « printemps arabes » avait offert une opportunité politique inespérée à cette mouvance des « Frères musulmans », longtemps réprimée par les régimes en place. Ce fut d’abord la victoire de l’ « islamo-frérisme » en Tunisie, puis en Egypte – matrice de la Confrérie des « Frères musulmans ». On peut considérer que l’année 2013 constitue néanmoins d’une certaine manière le solde de l’impéritie, non seulement économique mais aussi sécuritaire, d’un « islamo-frérisme » au pouvoir qui s’est trouvé de plus en plus remis en cause, au niveau interne qui a étrangement coïncidé, au niveau externe, avec une défiance accrue notamment de la part de certains pays arabo-musulmans supposés « frères ». Ces pays, rassemblant les principales pétro-monarchies du Golfe – à l’exception notable du Qatar qui les a soutenus depuis le début du « printemps arabe » -, au premier rang desquelles l’Arabie saoudite, se trouvent certes relever également de l’obédience sunnite sur le plan religieux, mais d’un sunnisme s’exprimant plutôt dans sa variable « islamo-salafiste » – produit d’exportation du wahhabisme saoudien -, depuis toujours très réticente, sinon résolument opposée à s’inscrire dans une logique « électorale » en ce qu’elle est susceptible de favoriser la fitna (« division », « conflit », « sédition »). Et ce sont surtout des pays ultra-conservateurs sur le plan politique qui se sont retrouvés entraînés par l’Arabie saoudite, fer de lance d’une sorte de « contre-révolution ». Cette dernière comportait notamment la mise en oeuvre d’une stratégie résolument « anti-frériste » dans la mesure où les attendus politiques des « printemps arabes » de 2011 s’étaient électoralement exprimés sous une forme « islamo-frériste » dont le potentiel révolutionnaire ne pouvait qu’inquiéter fortement ces pétro-monarchies du Golfe et dont il s’agissait par conséquent d’hypothéquer la réussite politique pour faire en sorte que les « Frères musulmans » finissent stigmatisés comme Ikhwan muflisin (« Frères faillis »). Last but not least, on peut considérer que la « contre-révolution », engagée à l’initiative de l’Arabie saoudite avec la plupart des autres pétro-monarchies du Golfe – à l’exception notable du Qatar pro-« frériste » – sur le plan interne au monde arabe ne serait pas dissociable d’une politique de containement anti-iranienne sur le plan externe. Cela peut s’entendre dans la mesure où les velléités « révolutionnaires » issues des « Printemps arabes » pourraient offrir une opportunité à l’Iran pour développer une stratégie de déstabilisation des régimes arabo-sunnites à l’échelle de la région en prenant indirectement appui sur la dynamique stricto sensu « révolutionnaire » de la mouvance « islamo-républicaine » des « Frères musulmans ».
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