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Fabrizio Donini Ferretti
Économiste, conseiller pour l’énergie
Résumé : L’énergie est une composante des stratégies indirectes du conflit en Ukraine, qui a été rendue plus efficace par les sanctions de l’UE et par la structure européenne de marché. Mais l’arme de l’énergie agit dans un contexte multi-dimensionnel, notamment la transition énergétique, qui en rend la portée très incertaine.
Mots clefs : Électricité, États-Unis, Gaz, Hydrocarbures, Idéalisme, Réalisme, Ressources, Sanctions, Terre rare, Transition énergétique, Union européenne.
Abstract: Energy is a component of multiple indirect strategies put at work in the Ukrainian conflict, made more effective by the EU sanctions and the structure of the European energy market. Energy as a weapon acts in a muti-dimensional context, in particular that of the energy transition, which makes its outcome uncertain.
Keywords: Electricity, United States, Gas, Hydrocarbons, Idealism, Realism, Resources, Sanctions, Rare earth, Energy transition, European Union.
Nous assistons depuis un balcon en léger retrait à une guerre d’apparence russo-ukrainienne dont l’enjeu est, du point de vue des États-Unis, la césure définitive entre l’Union Européenne et la Russie et l’amoindrissement de celle-ci afin d’éviter tout détachement de l’UE de la sphère de pouvoir américaine, et du point de vue de la Russie et des pays qui la soutienne in petto, la fissuration du bloc dit « occidental », en provoquant un affaiblissement tel de l’Europe que ses populations forceraient les gouvernements à un repli sur des intérêts nationaux ou régionaux. L’Occident est vu comme expression même de l’imperium américain, et l’Europe comme sa condition de possibilité, l’entité qui lui donne masse, et lui permet de parler au nom d’une « communauté internationale » qui n’a jamais existé.
Symétriquement, l’Ukraine est perçue en Russie comme la condition de possibilité de la puissance russe, pour des raisons tant historiques – voire légendaires – que réelles ; mais il est incontestable que l’Empire russe puis soviétique, dans sa phase de plus grande puissance entre la fin du XVIIe siècle et la fin du XXe siècle, a englobé ce territoire dans ses frontières. L’Europe est ainsi prise en étau entre ces deux failles, et ne pourra sans doute que se diviser contre elle-même avec le passage du temps. La victoire – ou la défaite – russe se joue aussi au sein de l’Europe, et non pas seulement dans les plaines au-delà du Dniepr.
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