Maître Elie Hatem
Avocat au Barreau de Paris
Enseignant à la Faculté Libre de Droit, d’Économie et de Gestion de Paris Docteur en Droit
3eme trimestre 2013
Le terme de « la souveraineté » est l’expression juridique de l’indépendance des États. Elle s’exprime par leur droit inaliénable de s’organiser au niveau interne et d’adopter ainsi leur réglementation librement, par la voie de leurs appareils législatifs ou gouvernementaux (s’agissant des règlements, par exemple, en France). Les sanctions extra-territoriales sont des mesures prises par un ou plusieurs États, applicables aux acteurs publics ou privés des pays tiers, portant atteinte à leur souveraineté et au principe de la non intervention dans les affaires internes des pays. Ces mesures sont non seulement illicites car portant atteinte au jus cogens, mais elles traduisent le désordre qui règne dans la société internationale.
The notion of « sovereignty » is the legalexpression of a state’s independence. It expresses itself through the inaliénable right to organize internally and freely adopt regulations through its judicial or governmen-tal systems (e.g. regulations in France). Extraterritorial sanctions are measures taken by one or several states enforceable on public or private factors in third countries that are in violation of their sovereignty and of the principe of non-interference in the home affairs of a country. Not only these measures are illicit because they violate jus cogens (i.e. peremptory norm), but they are also illustrative of the disorder that reigns in the international community.
Le droit est un ensemble de règles qui régissent la société. Ces règles sont édictées par des organes qui représentent la collectivité, selon les modalités par lesquelles cette dernière entend s’organiser et adopter ses institutions. En France, par exemple, ces règles proviennent tant du Parlement (l’Assemblée nationale et le Sénat) que du Gouvernement (les règlements), selon les domaines qui sont confiés à ces deux organes par la Constitution, notamment les articles 34, 37 et 38. Elles émanent donc des institutions qui représentent la souveraineté nationale. Par conséquent, elles sont obligatoires à l’égard de la collectivité qui a choisi et mis en place ces institutions. La violation de ces règles est sanctionnée, en application du principe de la souveraineté, par les institutions qui garantissent le caractère obligatoire de ces règles : les différentes juridictions tant de l’ordre privé que public.
La participation des Etats à la « communauté internationale », qui est un ensemble d’entités dotées de la personnalité juridique internationale, entraîne leur soumission aux règles de droit édictées librement par eux et par leurs partenaires mais aussi aux principes généraux du droit international public notamment le jus cogens. L’ensemble de ces règles qui régissent cette matière – celle du droit international public- provient des traités aussi bien bilatéraux que multilatéraux auxquels participent les Etats ou y adhèrent selon les modalités prévues à cet effet par ces textes. La ratification des traités par les Etats les intègre dans leur ordre juridique interne et les rende obligatoires à l’égard de la collectivité. Ainsi, l’article 55 de la Constitution française de 1958 donne aux « traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés (…), dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Le droit positif français a élargi l’application de cette disposition de la Constitution au droit dérivé, en admettant que l’adhésion de la France à certains traités, à l’instar de ceux de l’Union européenne, a pour conséquence de se soumettre aux règles édictées par les instances mises en place par ces traités et ayant une fonction de légiférer (la Commission ou le Parlement européen en ce qui concerne les organes de l’Union européenne et le Conseil de sécurité en ce qui concerne ceux des Nations unies).
La construction du droit international public se résume ainsi, dans le respect de la souveraineté nationale des Etats selon la formule du Pacta sunt servanda. Cela est consacré par les dispositions de l’article 26 de la Convention de Vienne de 1969 : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». A l’instar du droit interne, la société internationale s’est dotée de règles obligatoires, à partir du moment où les Etats participent à leur mise en place ou y adhèrent.
Par conséquent, il est normal de prévoir des mécanismes de sanction à toute atteinte portée aux règles de droit international public, de la même manière par laquelle les juridictions sanctionnent les atteintes aux règles élaborées par les organes législatifs ou réglementaires internes. Ces organes de contrôle doivent, de ce fait, être libres, objectifs et équitables dans la prise de ces mesures, leur assurant une crédibilité. Ils doivent également avoir la possibilité d’invalider certaines dispositions juridiques internationales (des traités, des règles dérivées) si elles ne sont pas en conformité avec les normes et les principes obligatoires du droit international public (le jus cogens).
Parmi ces principes, figure celui de la souveraineté inaliénable des États et la non-ingérence dans les affaires internes des pays, consacré par la Charte des Nations unies[1].
La société internationale devra ainsi être régie par le droit international, selon ces principes, pour éviter les dérives et veiller au maintien de l’ordre international.
Or, certains états, profitant de leur puissance politique, croient bon d’édicter des sanctions par leurs organes internes et chercher à les appliquer, en dehors de tout traité, à des personnes aussi bien physiques que morales situées dans d’autres pays. Il s’agit des « sanctions extra-territoriales » qui mettent en cause le fondement même du droit international public qui est de plus en plus marginalisé et dénaturé par l’hégémonie et l’arbitraire politico-médiatique qui règnent sur la société internationale.
Avant d’examiner d’une manière pratique ce sujet qui met en exergue cette dérive qui transforme l’ordre international en « désordre international », en empruntant l’expression de Monsieur Boutros Boutros-Ghali, il convient de rappeler les règles primordiales et fondamentales du droit international public qui doivent gérer la « communauté internationale ».
I – La souveraineté nationale : fondement inaliénable du respect du droit international public
L’état est l’acteur principal des relations internationales et donc l’élément fondateur du droit international public. Comme il a été souligné dans les développements précédents, cette matière est le produit de la volonté des Etats. Ces derniers se définissent comme étant des collectivités organisées et indépendantes. Il convient donc d’examiner la notion d’Etat en droit international public pour comprendre celle de la souveraineté qui est l’interprétation juridique de l’indépendance.
A- L’État, acteur principal des relations internationales
La société internationale est constituée d’entités dotées de la personnalité juridique : les Etats, les organisations internationales (organisations gouvernementales) et les organisations non-gouvernementales qui ont connu un grand essor ces dernières années.
Or, les organisations internationales sont le fruit de traités internationaux établis par les Etats. C’est la raison pour laquelle ces derniers demeurent au centre du droit international public car ils fondent, eux-mêmes, les autres acteurs auxquels ils s’associent dans ce qu’on appelle « la communauté internationale ».
L’élément principal d’un Etat, en droit international public, est la population (la collectivité) car l’espace territorial peut faire défaut d’une manière provisoire ou définitive. De même, il existe des espaces non occupés par les Hommes qui ne seront jamais qualifiés d’Etat tant qu’ils sont dépourvus d’une collectivité. Ainsi, il existe des Etats non-spaciaux tel que l’Eglise catholique ou certains ordres (comme l’Ordre de Malte qui est dépourvu d’espace territorial). Le territoire demeure néanmoins un élément capable de situer un Etat sans en être l’élément fondamental, dans la mesure où il permet l’attribution d’une population établie sur cette étendue.
La collectivité, quant à elle, est un groupe humain, quelque soit son nombre ou son homogénéité, doté d’une structure étatique. Autrement dit, ce groupe humain devra être soumis à un pouvoir politique et des institutions : un appareil gouvernemental qui maîtrise cette population. Cette organisation définit à elle seule l’Etat et se confond avec lui. Par conséquent, l’appareil gouvernemental devra exercer un pouvoir effectif sur cette population qui doit l’accepter et lui obéir. Ainsi donc, pour être effectif, ce pouvoir devra être librement choisi ou accepté par la population[2] et exercé par ses gouvernants, sans être soumis à une quelconque autorité étrangère à elle.
Cette indépendance, élément factuel, se traduit juridiquement par le concept de la « souveraineté » qui est un attribut reconnu par le droit international public à toute personne morale ayant la qualité d’Etat qui ne doit pas être soumis à une autorité supérieure. Ce qui implique qu’un Etat ne peut être lié par un acte ou une décision à laquelle il n’a pas consenti. Sinon, il mettra en cause sa souveraineté nationale qui deviendra fictive et, de ce fait, son existence même en tant qu’Etat. Parallèlement, la souveraineté des Etats leur permet de sauvegarder leur indépendance. Cela est consacré par le droit international public.
B- La consécration de l’indépendance des Etats par le droit international public
La Charte des Nations unies consacre l’indépendance et donc la souveraineté des Etats, en posant également le principe de l’égalité souveraine des Etats. L’article 2 de ladite Charte dispose : « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres »[3]. Ce principe de l’égalité souveraine des Etats est un corollaire de la souveraineté telle que définie dans les développements précédents.
En reconnaissant l’égalité juridique des Etats, la Charte des Nations Unies confirme la libre jouissance, par les Etats, des droits inhérents à leur pleine souveraineté, le devoir de respecter la personnalité juridique, l’indépendance et donc la souveraineté des autres Etats, en ne s’immisçant pas dans leur droit de choisir et de développer librement leurs systèmes politiques, juridiques, économiques, sociaux et culturels. Chaque Etat est ainsi libre et souverain de légiférer sur toute question qui s’inscrit dans son espace politique, économique et territorial. Il ne peut être soumis à la législation interne établie par un autre Etat sur les domaines qui sont les siens ou touchant directement son espace.
Cela découle aussi d’un autre principe reconnu aussi bien par la Société des Nations[4] que par la Charte des Nations Unies : celui de l’auto-détermination et de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. En énumérant les objectifs des Nations Unies, le premier paragraphe, alinéa 2 de la Charte dispose à cet effet : « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ». De même, l’article 55 inséré dans le Chapitre IX relatif à la coopération économique et sociale internationale ajoute : « En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront :
- Le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social;
- La solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l’éducation;
- Le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. »
En conséquence voire en corollaire, la non-intervention ou « non-ingérence » dans les affaires internes des Etats constitue un principe fondamental du droit international public, lui aussi consacré par la Charte des Nations Unies[5], en vertu duquel il est reconnu à chaque Etat le droit d’exercer exclusivement ses compétences relevant de son domaine national sans contrainte extérieure. En vertu de ce principe, chaque Etat doit respecter la souveraineté interne des autres Etats.
Dans quelle mesure une règle édictée par un organe interne d’un Etat peut-elle être applicable à une collectivité voire à des acteurs privés situés dans un autre Etat dont les organes gouvernementaux n’ont pas participé à son élaboration ?
L’adoption d’une telle mesure est-elle licite eut égard au droit international public compte tenu de ces principes édictés et consacrés par lui ?
Constitue-t-elle un acte manifestement illicite susceptible d’être sanctionné par la communauté internationale car constituant une atteinte flagrante au jus cogens ?
II – Les sanctions extra-territoriales : une atteinte flagrante à la souveraineté des Etats tiers
Comme il a été souligné dans les développements précédents, le droit international public prévoit des moyens de sanction à l’encontre des Etats qui commettent des actes considérés comme internationalement illicites, portant atteinte à l’ordre public international.
En vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité de l’Organisation mondiale est doté de la faculté de prononcer ces mesures. Néanmoins et malgré le cadre juridique précis de la prise et de l’application de ces sanctions, ce mécanisme suscite des critiques. D’une part, en raison de l’hégémonie politique qui règne au sein du Conseil de sécurité et, d’autre part, de l’imprécision relative à la définition et au contrôle de ces mesures notamment lorsque l’acte considéré comme étant « internationalement illicite » cesse de l’être.
En effet, le Conseil de sécurité des Nations Unies est dominé par les cinq membres permanents qui disposent d’un droit de veto au sein de cette institution. Ainsi, l’adoption de résolutions par le Conseil est, dans la plupart du temps, assujettie à des tractations politiques entre ces cinq membres permanents.
Durant la bi-polarisation, ces négociations engageaient les deux blocs de l’est et de l’ouest dirigés respectivement par l’Union soviétique et les Etats-Unis d’Amérique. Au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, les Etats-Unis devinrent tout puissants au sein du Conseil de sécurité. Dépourvus d’adversaire traditionnel, ils exercèrent par l’intermédiaire du Conseil leur puissance et seront qualifiés de ce fait de « gendarme du monde »[6]. Cette situation a progressivement évolué compte tenu de l’émergence de l’Union européenne, de la montée de la puissance chinoise et du regain du poids politique de la Russie. Mais il n’en demeure pas moins que le Conseil reste dominé par des enjeux politiques entre ces puissances qui prennent en otage ces décisions. Par conséquent, les sanctions prononcées par cet organe onusien sont le fruit de décisions et d’enjeux politiques.
De ce fait, il est légitime de s’interroger sur l’étendue des sanctions, en général, notamment sur leur caractère objectif et juridique. Au lieu de sanctionner des actes internationalement illicites, les sanctions deviennent-elles une arme politique pour contraindre des adversaires par la voie du Conseil de sécurité ? Une série d’interrogation se dresse quant à l’objectif escompté des sanctions, des conditions de leur mise en place et de leur contrôle mais aussi de celles de leur cessation. La doctrine reste presque unanime relativement à ces aspects, compte tenu des dérives enregistrées ces dernières années avec les aspects néfastes que ces sanctions présentent à l’égard des populations civiles, des activités économiques et commerciales, de la souveraineté des Etats et des principes corollaires qui en seraient violés.
Que dire alors des sanctions unilatérales prises par des Etats, par la voie de leurs organes internes, tendant à s’appliquer dans les autres Etats ?
A — Les mécanismes de prise de sanctions extra-territoriales :
Les sanctions extra-territoriales sont des décisions prises, pour des raisons politiques ou d’intérêt national, par des instances internes de certains pays. Elles tendent à s’appliquer non seulement à l’intérieur du pays qui a pris ces mesures mais également à l’étranger dans la mesure où des entités établies à l’étranger (et donc assujetties au droit interne où elles se trouvent) ont des relations économiques ou commerciales avec ce pays, auteur de ces décisions.
Ces santions sont appelées « extra-territoriales » car elles s’appliquent à tous les « contrevenant » à ces mesures, peu importe qu’ils aient ou pas la nationalité du pays qui prend ces décision, qu’ils soient ou pas établis dans ce pays ou que leurs activités puissent ou pas être rattachées, d’une manière ou d’une autre à cet Etat. Les premières sanctions de ce genre ont été prises en 1996 : s’agissant de Cuba (les sanctions dites HELMS-BURTON) mais aussi de la Libye et de l’Iran (les sanctions prises par la décision ARMATO-KENEDY). Bien entendu et heureusement, les Etats tiers peuvent s’opposer à ces mesures et les refuser, en principe et en théorie, en se faisant prévaloir du principe de souveraineté et de ses corollaires : les principes de l’auto-détermination et de la non-ingérence dans leurs affaires internes[7]. Mais il n’en demeure pas moins que le mécanisme de la prise de ces décisions constitue une atteinte au droit international public en violation de ces principes jus cogens.
Par conséquent, l’Etat qui a pris ces mesures pour des raisons politiques voire d’intérêt interne (intérêt national) commettrait un acte « internationalement illicite », cherchant à s’imposer sur le système interne et à porter atteinte à l’indépendance des Etats tiers. Or, toute atteinte au principe de souveraineté est proscrit par le droit international public.
Ainsi et en vertu de ces mesures, une entreprise française qui aura des filiales ou des fournisseurs établis dans l’Etat qui a édicté ces sanctions et qui envisage d’entamer des activités économiques ou commerciales avec les pays ou les entités touchées par ces mesures se verra assujettie à ces mesures. De même, une succursale d’une entreprise qui a sa maison – mère dans le pays qui a élaboré ces décisions ou toute entreprise qui maintient une quelconque activité commerciale avec le pays qui a pris ces actes seront assujettis à la législation interne qui a pris ces décisions.
Dans le premier cas de figure, en cas de violation de ces mesures par la société française (par le siège social établi en France de cette entreprise qui dispose des filiales dans l’Etat qui a établi ces mesures ou qui a des fournisseurs dans ce pays), le juge français peut-il rendre une décision en application d’une réglementation élaborée par une institution étrangère ?
Une décision judiciaire sanctionnant cette violation de ces mesures rendue dans le pays où ces dernières sont établies peut-elle être opposable à cette entreprise, en France ?
De même, dans le deuxième cas de fugure, une entité immatriculée en France et assujettie ainsi au droit français peut-elle faire l’objet de poursuites par les juridictions françaises en application de textes élaborés par un organe législatif ou réglementaire étranger ? Peut-elle se voir opposée une décision judiciaire prise par une juridiction étrangère en application de cette réglementation ?
Cela revient à admettre l’application des réglementations étrangères à l’ordre juridique interne, ce qui constitue une hérésie juridique.
À titre d’illustration, peut-on appliquer à une entreprise française qui dispose de filiale au Liban de commercialiser ou d’entretenir une quelconque activité économique avec Israël en application de la loi libanaise de 1955[8] ?
L’adoption des sanctions extra-territoriales constitue, de ce fait, une violation du droit international public. Aussi, faut-il souligner le fait que de permettre à certains Etats de prendre ces mesures et ne pas l’admettre aux autres mettra en cause l’existence même de ce droit.
B — La mise en cause du droit international public :
Dans sa résolution 67/170 du 20 mars 2013, l’Assemblée générale des Nations Unies a condamné ces mesures de prise de sanctions unilatérales, en considérant dans son préambule que ces « mesures et lois coercitives unilatérales sont contraires au droit international, au droit international humanitaire, à la Charte des Nations Unies et aux normes et principes régissant les relations pacifiques entre Etats ».
Dans son paragraphe 4, cette résolution indique que l’Assemblée s’élève «fermement contre le caractère extra – territorial des mesures coercitives unilatérales qui, de surcroît, menacent la souveraineté des Etats et, à cet effet, engage tous les Etats Membres à ne pas les reconnaître, à ne pas les appliquer et à prendre des mesures d’ordre administratif ou législatif, selon le cas, pour faire échec à leur application et à leurs incidences extraterritoriales ».
Après avoir rappelé et réaffirmé les principes en vertu desquels ces mesures sont illicites[9], cette résolution a condamné, dans son paragraphe 5, « le maintien en vigueur et l’exécution de mesures coercitives unilatérales par certaines puissances et dénonce ces mesures, ainsi que toutes leurs incidences extraterritoriales, comme étant des moyens d’exercer des pressions politiques ou économiques sur des pays, en particulier les pays en développement, dans le dessein de les empêcher d’exercer leur droit de choisir, en toute liberté, leurs propres systèmes politiques ou économiques et sociaux, et en raison de leurs incidences néfastes sur la réalisation de tous les droits de l’homme de groupes importants de leur population, en particulier les enfants, les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées ».
Enfin, cette résolution qui a mis en exergue le caractère illicite de ces mesures et la mise en cause par elles des principes du droit international public. L’Assemblée générale a ainsi demandé, dans cette résolution, aux Etats membres « qui ont pris de telles mesures de respecter les principes du droit international, la Charte, les déclarations issues des conférences des Nations Unies et des conférences mondiales ainsi que les résolutionspertinentes, et de s’acquitter des obligations et responsabilités que leur imposent les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels ils sont parties en abrogeant ces mesures le plus tôt possible »[10].
Le maintien de ces mesures par les Etats qui les édictent, en violation des principes rappelés notamment par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution précitée, constitue une atteinte flagrante au droit international public qui semble de plus en plus bafoué au profit des intérêts politiques hégémoniques.
Il ne suffit pas de condamner la prise de ces décisions mais de prendre des mesures afin de faire respecter les règles et les principes du droit international public. Sinon, l’existence même de cette matière risque d’être mise en cause. La communauté internationale devra, à cet effet, être consciente de ce déséquilibre et œuvrer en vue de la primauté du droit sur l’arbitraire politique.
[1]L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres.
- Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente Charte.
- Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.
- Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies.
- Les Membres de l’Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s’abstiennent de prêter assistance à un État contre lequel l’Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.
- L’Organisation fait en sorte que les États qui ne sont pas Membres des Nations unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
- Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII. »
[2]Non nécessairement par le biais d’élections.
[3]Ibid.
[4]Il a été proclamé par le Président américain Woodrow Wilson, à la fin de la Première guerre mondiale, dans ses fameux quatorze points.
[5]Voir article 2 alinéa 7, ibid. « Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».
[6]Cette situation a été particulièrement mise en exergue à l’occasion de la première guerre du Golfe et lors du conflit en ex-Yougoslavie.
[7] Voir à ce propos les développements précédents.
[8] Cette loi interdit toute relation avec Israël.
[9]Voir le Préambule de cette résolution mais aussi et surtout le paragraphe 8 dans lequel cette résolution réaffirme « le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes, en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et organisent librement leur développement économique, social et culturel ».
[10]Paragraphe 7 de ladite résolution A/RES/67/170 du 20 mars 2013.